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Essai sur la dialectique éristique Vol III

Francois_noel
Citation:



De l'art de la dialectique éristique

Ou

Douze stratagèmes pour en finir avec l'adversaire

Par Francois Noel de Voltaire

Volume III

Par Francois Noel de Voltaire
Imprimé aux despens de l'auteur et se vend

A PARIS
A l'Académie Royale de France, Au palais,
Vis à vis la porte de l'Eglise de la Ste Chapelle
à l'image S. Loiiis.

Avec le privilège du Roy

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Stratagème XXV - Convaincre le public et non l’adversaire

Il s’agit du genre de stratégie que l’on peut utiliser lors d’une discussion entre érudits en présence d’un public non instruit. Si vous n’avez pas d’argumentum ad rem, ni mesme d’ad hominem, vous pouvez en faire un ad auditores, une objection invalide, mais invalide seulement pour un expert. Vostre adversaire aura beau estre un expert, ceux qui composent le public n’en sont pas, et à leurs yeux, vous l’aurez battu, surtout si vostre objection le place sous un jour ridicule.
Les gens sont prests à rire et vous avez les rires à vos côtés.
Montrer que votre objection est invalide nécessitera une explication longue faisant référence à des branches de la science dont vous débattez et le public n’est pas spécialement disposé à l’écouter.

Exemple :

Stratagème XXVI - Faire diversion

Lorsque l’on se rend compte que l’on va estre battu, on peut faire une diversion.
Il s'agit de commencer à parler de quelque chose de complètement différent, comme si ça avait un rapport avec le débat et consistait un argument contre votre adversaire. Cela peut estre fait innocemment si cette diversion avait un lien avec le thema quæstionis, mais dans le cas où il n’y a pas innocence, c’est une stratégie effrontée pour attaquer votre adversaire.

Par exemple, j’ai loué le système chinois où la transmission des charges ne se faisoit pas entre nobles par hérédité, mais après un examen. Mon adversaire avoit soutenu que le droit de naissance plus que la capacité d’apprentissage rendait les gens capables d’occuper un poste. Nous avons débattu et il s’est trouvé dans une situation difficile. Il a fait diversion et déclaré que les Chinois de tout rang estoient punis par la bastonnade, et a fusionné ce fait avec leur habitude de boire du thé afin de s’en servir comme point de départ pour critiquer les Chinois. Le suivre dans cette voie aurait été se dépouiller d’une victoire déjà acquise.

Ce stratagème est inné et peut souvent se voir lors de disputes entre tout un chacun. Si l’une des parties fait un reproche personnel contre l’austre, cette dernière, au lieu de la réfuter, l’admet et reproche à son adversaire autre chose. Cependant, lors des débats, ce sont de pauvres expédients car le reproche demeure et ceux qui ont écouté le débat ne retiennent que le pire des deux camps. Ce stratagème ne devrait être utilisé que faute de mieux.

Stratagème XXVII - Argument d’autorité

L’argumentum ad verecundiam. Celuy-ci consiste à faire appel à une autorité plutost qu’à la raison, et d’utiliser une autorité approprié aux connaissances de l’adversaire.
Il est plus facile de débattre lorsqu’on a une autorité à ses costés que notre adversaire respecte. Plus ses capacités et connaissances sont limitées et plus le nombre d’autorités qui font impression sur luy est grand. Mais si ses capacités et connaissances sont d’un haut niveau, il y en aura peu, voire pratiquement pas. Peut-être reconnaîtra t-il l’autorité d’un professionnel versé dans une science, un art ou artisanat dont il ne connaît peu ou rien, mais il aura plus tendance à ne pas leur faire confiance. À l’inverse, les personnes ordinaires ont un profond respect pour les professionnels de tout bord.

Mais il y a beaucoup d’autorités qui ont le respect du vulgus sur tout type de sujet, donc si nous ne trouvons pas d’autorité appropriée, nous pouvons en utiliser une qui le paraist ou reprendre ce qu’à dit quelqu’un hors contexte. Les autorités que l’adversaire ne comprend pas sont généralement celles qui ont le plus d’impact. Les illettrés ont un certain respect pour les phrases grecques ou latines.

L'opinion générale peut également fait autorité. Ce que l’on appelle l’opinion générale est, somme toute, l’opinion de deux ou trois personnes et il est aisé de s’en convaincre lorsque l’on comprend comment l’opinion générale se développe.
C’est deux ou trois personnes qui formulent la première instance, l’acceptent et la développent ou la maintiennent et qui se sont persuadées de l’avoir suffisamment esprouvée. Puis quelques autres personnes, persuadées que ces premières personnes avaient les capacités nécessaires, ont également accepté ces opinions. Puis, là encore, acceptées par beaucoup d’autres dont la paresse a tost fait de convaincre qu’il valait mieux y croire plutôt que de fatiguer à éprouver eux-mêmes la théorie.
Et pourtant, on peut utiliser l’opinion générale dans un débat avec des personnes ordinaires.

Devant un tribunal, on ne débat qu’avec des autorités, celles de la loi, dont le jugement consiste à trouver quelle loi ou quelle autorité s’applique à l’affaire dont il est question. Il y a pourtant tout à fait place à user de la dialectique, car si l’affaire et la loi ne s’ajustent pas complètement, on peut les tordre jusqu’à ce qu’elles le paraissent, et vice versa.

Stratagème XXVIII - Je ne comprends rien de ce que vous me dites

Si on se retrouve dans une situation où on ne sait pas quoi rétorquer aux arguments de l’adversaire, on peut par une fine ironie, se déclarer incapable de porter un jugement : « Ce que vous me dites dépasse mes faibles capacités d’entendement : ça peut très bien estre correct, mais je ne comprends pas suffisamment et je m’abstiendrai donc de donner un avis. » En procédant ainsi, on insinue auprès de l’auditoire – auprès duquel votre réputation est établie – que votre adversaire dit des bestises.

On aura besoin d’avoir recours à cette tactique uniquement lorsqu’on est certain que l’audience est plus inclinée en notre faveur qu’envers l’adversaire. Un professeur pourroit par exemple s’en servir contre un élève. À proprement parler, ce stratagème appartient au stratagème précédent où l’on fait usage de sa propre autorité au lieu de chercher à raisonner, et d’une façon particulièrement malicieuse. La contre-attaque est de dire : « Toutes mes excuses, mais avec votre intelligence pénétrante il doit vous estre particulièrement aisé de pouvoir comprendre n’importe quoi, et c’est donc ma pauvre argumentation qui est en défaut. » et de continuer à lui graisser la patte jusqu’à ce qu’il nous comprenne nolens volens qu’il nous apparaist clair qu’il n’avait vraiment compris. Ainsi pare-t-on cette attaque : si l’adversaire insinue que nous disons des bestises, nous insinuons qu’il est un imbécile, le tout dans la politesse la plus exquise.

Stratagème XXIX - En théorie oui, en pratique non

« C’est peut-estre vrai en théorie, mais en pratique ça ne marche pas. »
Par ce sophisme, on admet les prémisses mais on nie les conséquences, et ce en contradiction avec la règle de logique a ratione ad rationatum valet consequentia. L’assertion est basée sur une impossibilité : ce qui est correct en théorie doit marcher en pratique, et si ça ne marche pas c’est qu’il a une erreur dans la théorie, quelque chose qui a été oublié, et que c’est donc la théorie qui est fausse.

Stratagème XXX - Accentuer la pression

Lorsque vous soulevez un point ou posez une question à laquelle l’adversaire ne donne pas de réponse directe, mais l’évite par une autre question, une réponse indirecte ou quelque chose qui n’a rien à voir, et de façon générale cherche à détourner le sujet, c’est un signe certain que vous avez touché un point faible, parfois sans mesme le savoir, et que vous l’avez en somme réduit au silence. Vous devez donc appuyer davantage sur ce point et ne pas laisser votre adversaire l’éviter, mesme si vous ne savez pas où réside exactement la faille.

Stratagème XXXI - Les intérests sont plus forts que la raison

Dès que ce stratagème peut estre utilisé, tous les autres perdent leur utilité : au lieu de tenter d’argumenter avec l’intellect de l’adversaire, nous pouvons appeler à ses intentions et ses motifs, et si lui et l’auditoire ont les mesmes intérests, ils se rallieront à notre opinion, quand bien mesme elle fut empruntée à un asile d’aliénés, car de manière générale, un poids d’intention pèse plus que cent de raison et d’intelligence. Ceci n’est bien entendu vrai que dans certaines circonstances. Si on arrive à faire sentir à l’adversaire que son opinion si elle s’avérait vraie porterait un préjudice notable à ses intérests, il la laisserait tomber comme une barre de fer chauffée prise par inadvertance.
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Et de mesme si l’auditoire appartient à la mesme guilde, corporation, groupe social, etc. que nous, et pas notre adversaire : sa thèse ne devient plus correcte dès lors qu’elle porte atteinte aux intérests communs de ladite guilde, etc. et les auditeurs trouveront les arguments de notre adversaire faibles et abominables, peu importe leur qualité, tandis que les nestres seront jugés corrects et appropriés mesme s’il ne s’agissait que de vagues conjectures. Nous nous ferons applaudir par la foule tandis que l’adversaire devra honteusement quitter les lieux.
Ce stratagème pourrait s’appeler « toucher l’arbre par la racine » et porte le nom plus courant d’argumentum ab utili.

Stratagème XXXII - La colère est une faiblesse

Si l’adversaire se met particulièrement en colère lorsqu’on utilise un certain argument, il faut l’utiliser avec d’autant plus de zèle. Non seulement parce qu’il est bon de le mettre en colère, mais parce qu’on peut présumer avoir mis le doigt sur le point faible de son argumentation et qu’il est d’autant plus exposé que maintenant qu’il s’est trahi.

Stratagème XXXIII - Principe de l’association dégradante

Lorsque l’on est confronté à une assertion de l’adversaire, il y a une façon de l’écarter rapidement, ou du moins de jeter l’opprobre dessus en la plaçant dans une catégorie péjorative, mesme si l’association n’est qu’apparente ou très ténue. Par exemple que c’est du manichéisme, de l’idéalisme, de l'averroïsme,.... Nous acceptons du coup deux choses :

1. que l’assertion en question est apparentée ou contenue dans la catégorie citée : « Oh, j’ai déjà entendu ça ! » ;
2. que le système auquel on se réfère a déjà été complètement réfuté et ne contient pas un seul mot de vrai.

Stratagème XXXIV - Déconcerter l’adversaire par des paroles insensées

Nous pouvons stupéfier l’adversaire en utilisant des paroles insensées.
S’il est secrètement conscient de sa propre faiblesse et est habitué à entendre de nombreuses choses qu’il ne comprend pas mais fait semblant de les avoir comprises, on peut aisément l’impressionner en sortant des tirades à la formulation érudites, mais ne voulant rien dire du tout, ce qui le prive de l’ouïe, de la vue et de la pensée, ce sous-entend qu’il s’agit d’une preuve indiscutable de la véracité de notre thèse.

Stratagème XXXV - Une fausse démonstration signe la défaite

Lorsque l’adversaire a raison, mais a, par bonheur, utilisé une fausse démonstration, nous pouvons facilement la réfuter et déclamer ensuite avoir réfuté en mesme temps toute la théorie. Ce stratagème devroit être l’un des premiers à estre exposés car il est, somme toute, un argumentum ad hominem présenté comme un argumentum ad rem. Si lui ou l’auditoire n’a plus aucune démonstration valable à soumettre, nous avons alors triomphé.

Stratagème XXXVI - Soyez personnel, insultant, malpoli

Lorsque l’on se rend compte que l’adversaire nous est supérieur et nous oste toute raison, il faut alors devenir personnel, insultant, malpoli. Cela consiste à passer du sujet de la dispute (que l’on a perdue), au débateur lui-mesme en attaquant sa personne : on pourrait appeler ça un argumentum ad personam pour le distinguer de l’argumentum ad hominem, ce dernier passant de la discussion objective du sujet à l’attaque de l’adversaire en le confrontant à ses admissions ou à ses paroles par rapport à ce sujet. En devenant personnel, on abandonne le sujet lui-mesme pour attaquer la personne elle-mesme. C’est un appel des forces de l’intelligence dirigée à l’animalisme. C’est une stratégie très appréciée car tout le monde peut l’appliquer, et elle est donc particulièrement utilisée. On peut maintenant se demander quelle est la contre-attaque, car si on a recours à la mesme stratégie, on risque une bataille, un duel, voire un procès pour diffamation.

Ce seroit une erreur que de croire qu’il suffit de ne pas devenir personnel soi-mesme. Car montrer calmement à quelqu’un qu’il a tort et que ce qu’il dit et pense est incorrect. Pourquoi donc ? Parce que pour l’homme, rien n’est plus grand que de satisfaire sa vanité, et aucune blessure n’est plus douloureuse que celle qui y est infligée.
La satisfaction de cette vanité se développe principalement en se comparant aux autres sous tous aspects, mais essentiellement en comparant la puissance des intellects. La manière la plus effective et la plus puissante de se satisfaire se trouve dans les débats. D’où l’aigreur de celui qui est battu et son recours à l’arme ultime. Garder son sang-froid peut cependant estre salutaire : dès que l’adversaire passe aux attaques personnelles, on répond calmement qu'elles n'ont rien à voir avec l’objet du débat, on y ramène immédiatement la conversation, et on continue de lui montrer à quel point il a tort.

Le seul comportement sûr est donc de ne pas débattre avec la première personne que l’on rencontre, mais seulement avec des connaissances que vous savez posséder suffisamment d’intelligence pour ne pas se déshonorer en disant des absurdités, qui appellent à la raison et pas à une autorité, qui écoutent la raison et s’y plient, et enfin qui écoutent la vérité, reconnaissent avoir tort, même de la bouche d’un adversaire, et suffisamment justes pour supporter avoir eu tort si la vérité était dans l’autre camp.

Conclusion
On peut laisser le reste parler autant qu’ils veulent car desipere est juris gentium,
il faut se souvenir de ce que disait : « la paix vaut encore mieux que la vérité », et de ce proverbe arabe : « Sur l’arbre du silence pendent les fruits de la paix. »
Le débat peut souvent estre mutuellement avantageux lorsqu’il est utilisé pour s’aiguiser l’esprit et corriger ses propres pensées pour éveiller de nouveaux points de vue. Mais les adversaires doivent alors être de force égales que ce soit en niveau d’éducation ou de force mentale : si l’un manque d’éducation, il ne comprendra pas ce que lui dit l’autre et ne sera pas au même niveau. S’il manque de force mentale, il s’aigrira et aura recours à des stratagèmes malhonnêtes, ou se montrera malpoli.
Entre le débat in colloquio privato sive familiari et le disputatio sollemnis publica, pro gradu, etc. il n’y a pas de différence significative sinon que le second requiert que le respondens ait toujours raison par rapport à l’opponens et qu’il est donc nécessaire qu’il saute les præses, ou qu’on argumente avec ce dernier de manière plus formelle et ses arguments seront plus volontiers parées de strictes conclusions.

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