Aimelin
[Sainte Ménéhould, fin janvier 1460]
"Là-bas, je vis loin d'eux mais je suis près quand même
Là-bas, de vagues vertes en vagues bleues
Là-bas, l'océan fait les gens heureux
Là-bas, le vent sur la dune a les larmes aux yeux"
(Lama - souvenirs attention danger)
Il y avait longtemps que sa plume navait pas crissée pour replonger dans ce passé qui lui avait sauté au visage ces premiers jours de janvier, en voyant la jeune Kawa. Ses yeux, les mêmes que Loïs, ce sourire quil connaissait sans pourtant lavoir jamais vu.
Il en avait parlé à Alienor, étrangement secoué par toutes ces images qui revenaient sans cesse depuis ce jour là.
Et puis la petite Marine avait occupé ses soirées à lui poser cent mille questions sur lui, sur les siens, sur comment devenir grand, et puis tous ces tracas, ces basses attaques de petites personnes, et il en avait oublié cette fameuse malle qui renfermait tant de secrets.
Profitant que sa blondinette était absente il avait pris le chemin du Domaine, avait ouvert cette malle qui dormait au grenier, et avait déposé avec précaution un coffret de bois gravé dune étoile dans les affaires qu'il voulait emporter pour Sainte. Le temps lui manquait pour rester au Domaine.
C'est au moulin qu'il avait déposé le petit coffret de bois sur la grande table de la pièce à vivre. Une appréhension avant de louvrir à nouveau, chose quil navait plus faite depuis son départ du Béarn en septembre 58.
Doigts fébriles qui farfouillent dans les missives pour en sortir une toute écornée, où était dessinée dune main malhabile une étoile, parchemin dansant doucement entre ses doigts, avant quil ne se décide à le poser de côté, et à écrire, laissant courir doucement sa plume sur le vélin.
"Champagne 1460
.... Comment suis je arrivé jusqu'ici ? Moi l'enfant du sud, né un beau jour de juillet 1438, qui ai grandi entouré de cet air que promène la mer qui vient battre doucement les plages de sable fin du côté de Montpellier. Le sud du royaume... le reverrai je un jour ?
Quand reverrai je cette bâtisse de pierres et de bois, dressée au milieu de terres où les oliviers propagent leurs ombres fluettes, et où les vignes donnent raisins à foison afin de fabriquer ce vin si doux au gosier. Cette bâtisse qui abrite le lieu de vie d'une famille, ainsi que des écuries et la forge de mon oncle. Oncle et tante qui m'ont élevé avec tout l'amour que l'on peut donner à un gosse que l'on considère comme le sien, avec tout ce que cela implique de joies et de peines.
Loïs ma complice des quatre cents coups, ma presque soeur, ma confidente.
La forge de mon oncle a vu les premiers fers que j'ai forgés. C'est sans nul doute lui qui m'a donné cet amour des chevaux, cette passion et ce besoin de leur compagnie qui sait si bien guérir certains maux de l'âme et du corps. Ma tante travaillait au mas et veillait sur les vignes et les oliviers.
L'atelier de menuiserie de mon grand père à quelques centaines de pas du mas, où je me rendais pour le voir donner vie au moindre morceau de bois. Lui avec sa barbe blanche et son air bourru sous un regard pétillant, gris comme le mien. La patience qu'il a mis à m'apprendre ce travail à mon tour et la fierté que j'ai pu lire dans ses yeux le jour où j'ai fabriqué mon premier petit bateau en écorce et ce coffret gravé d'une étoile qui ne me quitte plus et renferme mes trésors. Ma grand-mère m'a aussi appris quelques secrets de plantes. Je dois avouer que toutes ces connaissances m'ont servi le temps que j'étais chez eux, c'est à dire jusqu'au mois de février 1455 l'année de mes 17 ans.
Je n'ai gardé aujourd'hui de cette vie entre ces deux maisons que des regards parfois lointains, des gestes retenus et des non dits qui me faisaient mal.
Je n'ai pas souvenance de ma toute petite enfance avant que je ne tienne sur mes jambes. Ma tante m'a raconté qu'ils m'ont recueilli à la mort de mes parents tués par des brigands sur les chemins, chose courante, et que je n'ai dû la vie sauve que grâce à une femme qui m'a emmené avec elle et m'a déposé chez eux.
Elle n'a jamais voulu me raconter les détails, ni toutes ces petites choses qui me manquent, comme la couleur des yeux de ma mère, son visage, son sourire, ses mots. Elle m'a juste dit que je lui ressemblais et que j'avais ses yeux. Je l'ai souvent vu verser des larmes en parlant de cette soeur disparue trop tôt pour elle, et j'ai toujours respecté sa douleur qui venait s'ajouter à la mienne, à ce manque d'elle.
Ma mère... je ne la connais pas, mais comme elle me manque. Etrange sensation que d'être en manque d'une inconnue.
C'est à ce moment là que j'ai décidé qu'il me fallait aller découvrir le royaume de France et retrouver Loïs partie quelques mois plus tôt avec un galant.
Je me souviens de ce matin là, où je les ai quittés.
[Retour en février 1455, dans un petit village du sud du royaume]
C'était l'une de ces froides journées dhiver, où la neige crisse sous les pas, où le silence envahit la nature pour ne laisser filtrer que quelques faibles piaillements doiseaux. Je me tenais dehors, ma tante s'était avancée vers moi, le regard voilé de voir celui qu'elle considérait comme son fils quitter la maison. Mais elle s'y attendait, j'avais toujours été un rêveur avide de découvertes et souvent je parlais de découvrir ce royaume et ses terres que je ne connaissais pas.
- Melin je dois te donner ceci
Je l'avais regardé étonné avant de poser mes yeux sur cette missive qu'elle me tendait.
- pourquoi cette missive ma tante ?
- c'est ta mère qui l'avait sur elle. Elle me l'avait montré avant ce malheur et m'avait fait promettre de te la donner si un jour tu partais.
- que contient elle ?
- je ne sais pitchoun... Bien sûr qu'elle le savait, mais lui dire était un déchirement et la brave femme avait fui une fois de plus devant ce qui était. Un mensonge de plus pour le protéger.
- ouvres là lorsque tu seras prêt à en connaitre le contenu
- je la lirai
- n'oublies jamais que nous t'avons élevé comme notre propre fils et t'aimons tel quel.
Je n'ai pas compris pourquoi je ne lai pas lu de suite. La peur sans doute.
Mon oncle était alors arrivé peu apres, tenant par la bride, un superbe étalon Mérens à robe sombre.
- il est à toi. Je l'ai acheté il y a quelques semaines au père François qui m'a assuré que son cavalier aurait belle monture. Il est jeune, rapide, robuste et léger à la fois. Il est tien, comment le nommeras tu ?
Je n'arrivais pas à détacher mon regard du magnifique animal, et j'avais avancé ma main pour le caresser timidement. Un cheval, j'en rêvais depuis toujours, me contentant de m'occuper de ceux qui étaient confiés à mon oncle.
L'histoire de ce prince qui s'était battu pour libérer son peuple, et dont le char mené par quatre cheveaux blancs qui l'avaient conduit à la victoire revint en ma mémoire.
- Altaïr ... tu tappelleras Altaïr... tu n'es pas blanc, tu ne tireras jamais de char, mais tu m'aideras à gagner je le sais
- n'oublie jamais mon fils. Ne laisse jamais quiconque, même la personne la plus riche et la plus puissante, te prendre ce que tu as de plus cher : ton honneur et ta liberté
- je n'oublierai pas mon oncle. Comme je n'oublierai pas tes leçons pour me battre, et comme je saurai m'occuper de lui grâce à toutes ces choses que tu m'as apprises.
- n'oublies pas de nous écrire, nous attendrons tes lettres tout les jours que le Très Haut nous donnera avait ajouté ma tante.
Elle avait souri à travers ses larmes et je les avais serré l'un après l'autre dans mes bras, comme pour graver leur empreinte au plus profond de moi. J'ai espéré que cet adieu ne serait qu'un long au revoir, et j'ai quitté sans me retourner cette bâtisse et ces terres qui m'avaient vu grandir.
J'avais dix sept ans, je voulais découvrir le monde, j'en ai aujourd'hui vingt et un et je n'ai découvert que d'infimes parties. Depuis ce jour, la missive dort à labri dans ce petit coffret de bois sculpté d'une étoile. Je n'en parle jamais. "
Le jeune Connétable leva les yeux et se redressa pour s'appuyer contre le dossier du fauteuil, ses prunelles grises posées sur la missive. Il suffirait de presque rien pour que tant de choses s'éclairent.
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Titre : Tournent les violons* Goldman
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Merci aux merveilleuses rpistes avec qui je joue
"Là-bas, je vis loin d'eux mais je suis près quand même
Là-bas, de vagues vertes en vagues bleues
Là-bas, l'océan fait les gens heureux
Là-bas, le vent sur la dune a les larmes aux yeux"
(Lama - souvenirs attention danger)
Il y avait longtemps que sa plume navait pas crissée pour replonger dans ce passé qui lui avait sauté au visage ces premiers jours de janvier, en voyant la jeune Kawa. Ses yeux, les mêmes que Loïs, ce sourire quil connaissait sans pourtant lavoir jamais vu.
Il en avait parlé à Alienor, étrangement secoué par toutes ces images qui revenaient sans cesse depuis ce jour là.
Et puis la petite Marine avait occupé ses soirées à lui poser cent mille questions sur lui, sur les siens, sur comment devenir grand, et puis tous ces tracas, ces basses attaques de petites personnes, et il en avait oublié cette fameuse malle qui renfermait tant de secrets.
Profitant que sa blondinette était absente il avait pris le chemin du Domaine, avait ouvert cette malle qui dormait au grenier, et avait déposé avec précaution un coffret de bois gravé dune étoile dans les affaires qu'il voulait emporter pour Sainte. Le temps lui manquait pour rester au Domaine.
C'est au moulin qu'il avait déposé le petit coffret de bois sur la grande table de la pièce à vivre. Une appréhension avant de louvrir à nouveau, chose quil navait plus faite depuis son départ du Béarn en septembre 58.
Doigts fébriles qui farfouillent dans les missives pour en sortir une toute écornée, où était dessinée dune main malhabile une étoile, parchemin dansant doucement entre ses doigts, avant quil ne se décide à le poser de côté, et à écrire, laissant courir doucement sa plume sur le vélin.
"Champagne 1460
.... Comment suis je arrivé jusqu'ici ? Moi l'enfant du sud, né un beau jour de juillet 1438, qui ai grandi entouré de cet air que promène la mer qui vient battre doucement les plages de sable fin du côté de Montpellier. Le sud du royaume... le reverrai je un jour ?
Quand reverrai je cette bâtisse de pierres et de bois, dressée au milieu de terres où les oliviers propagent leurs ombres fluettes, et où les vignes donnent raisins à foison afin de fabriquer ce vin si doux au gosier. Cette bâtisse qui abrite le lieu de vie d'une famille, ainsi que des écuries et la forge de mon oncle. Oncle et tante qui m'ont élevé avec tout l'amour que l'on peut donner à un gosse que l'on considère comme le sien, avec tout ce que cela implique de joies et de peines.
Loïs ma complice des quatre cents coups, ma presque soeur, ma confidente.
La forge de mon oncle a vu les premiers fers que j'ai forgés. C'est sans nul doute lui qui m'a donné cet amour des chevaux, cette passion et ce besoin de leur compagnie qui sait si bien guérir certains maux de l'âme et du corps. Ma tante travaillait au mas et veillait sur les vignes et les oliviers.
L'atelier de menuiserie de mon grand père à quelques centaines de pas du mas, où je me rendais pour le voir donner vie au moindre morceau de bois. Lui avec sa barbe blanche et son air bourru sous un regard pétillant, gris comme le mien. La patience qu'il a mis à m'apprendre ce travail à mon tour et la fierté que j'ai pu lire dans ses yeux le jour où j'ai fabriqué mon premier petit bateau en écorce et ce coffret gravé d'une étoile qui ne me quitte plus et renferme mes trésors. Ma grand-mère m'a aussi appris quelques secrets de plantes. Je dois avouer que toutes ces connaissances m'ont servi le temps que j'étais chez eux, c'est à dire jusqu'au mois de février 1455 l'année de mes 17 ans.
Je n'ai gardé aujourd'hui de cette vie entre ces deux maisons que des regards parfois lointains, des gestes retenus et des non dits qui me faisaient mal.
Je n'ai pas souvenance de ma toute petite enfance avant que je ne tienne sur mes jambes. Ma tante m'a raconté qu'ils m'ont recueilli à la mort de mes parents tués par des brigands sur les chemins, chose courante, et que je n'ai dû la vie sauve que grâce à une femme qui m'a emmené avec elle et m'a déposé chez eux.
Elle n'a jamais voulu me raconter les détails, ni toutes ces petites choses qui me manquent, comme la couleur des yeux de ma mère, son visage, son sourire, ses mots. Elle m'a juste dit que je lui ressemblais et que j'avais ses yeux. Je l'ai souvent vu verser des larmes en parlant de cette soeur disparue trop tôt pour elle, et j'ai toujours respecté sa douleur qui venait s'ajouter à la mienne, à ce manque d'elle.
Ma mère... je ne la connais pas, mais comme elle me manque. Etrange sensation que d'être en manque d'une inconnue.
C'est à ce moment là que j'ai décidé qu'il me fallait aller découvrir le royaume de France et retrouver Loïs partie quelques mois plus tôt avec un galant.
Je me souviens de ce matin là, où je les ai quittés.
[Retour en février 1455, dans un petit village du sud du royaume]
C'était l'une de ces froides journées dhiver, où la neige crisse sous les pas, où le silence envahit la nature pour ne laisser filtrer que quelques faibles piaillements doiseaux. Je me tenais dehors, ma tante s'était avancée vers moi, le regard voilé de voir celui qu'elle considérait comme son fils quitter la maison. Mais elle s'y attendait, j'avais toujours été un rêveur avide de découvertes et souvent je parlais de découvrir ce royaume et ses terres que je ne connaissais pas.
- Melin je dois te donner ceci
Je l'avais regardé étonné avant de poser mes yeux sur cette missive qu'elle me tendait.
- pourquoi cette missive ma tante ?
- c'est ta mère qui l'avait sur elle. Elle me l'avait montré avant ce malheur et m'avait fait promettre de te la donner si un jour tu partais.
- que contient elle ?
- je ne sais pitchoun... Bien sûr qu'elle le savait, mais lui dire était un déchirement et la brave femme avait fui une fois de plus devant ce qui était. Un mensonge de plus pour le protéger.
- ouvres là lorsque tu seras prêt à en connaitre le contenu
- je la lirai
- n'oublies jamais que nous t'avons élevé comme notre propre fils et t'aimons tel quel.
Je n'ai pas compris pourquoi je ne lai pas lu de suite. La peur sans doute.
Mon oncle était alors arrivé peu apres, tenant par la bride, un superbe étalon Mérens à robe sombre.
- il est à toi. Je l'ai acheté il y a quelques semaines au père François qui m'a assuré que son cavalier aurait belle monture. Il est jeune, rapide, robuste et léger à la fois. Il est tien, comment le nommeras tu ?
Je n'arrivais pas à détacher mon regard du magnifique animal, et j'avais avancé ma main pour le caresser timidement. Un cheval, j'en rêvais depuis toujours, me contentant de m'occuper de ceux qui étaient confiés à mon oncle.
L'histoire de ce prince qui s'était battu pour libérer son peuple, et dont le char mené par quatre cheveaux blancs qui l'avaient conduit à la victoire revint en ma mémoire.
- Altaïr ... tu tappelleras Altaïr... tu n'es pas blanc, tu ne tireras jamais de char, mais tu m'aideras à gagner je le sais
- n'oublie jamais mon fils. Ne laisse jamais quiconque, même la personne la plus riche et la plus puissante, te prendre ce que tu as de plus cher : ton honneur et ta liberté
- je n'oublierai pas mon oncle. Comme je n'oublierai pas tes leçons pour me battre, et comme je saurai m'occuper de lui grâce à toutes ces choses que tu m'as apprises.
- n'oublies pas de nous écrire, nous attendrons tes lettres tout les jours que le Très Haut nous donnera avait ajouté ma tante.
Elle avait souri à travers ses larmes et je les avais serré l'un après l'autre dans mes bras, comme pour graver leur empreinte au plus profond de moi. J'ai espéré que cet adieu ne serait qu'un long au revoir, et j'ai quitté sans me retourner cette bâtisse et ces terres qui m'avaient vu grandir.
J'avais dix sept ans, je voulais découvrir le monde, j'en ai aujourd'hui vingt et un et je n'ai découvert que d'infimes parties. Depuis ce jour, la missive dort à labri dans ce petit coffret de bois sculpté d'une étoile. Je n'en parle jamais. "
Le jeune Connétable leva les yeux et se redressa pour s'appuyer contre le dossier du fauteuil, ses prunelles grises posées sur la missive. Il suffirait de presque rien pour que tant de choses s'éclairent.
______
Titre : Tournent les violons* Goldman
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Merci aux merveilleuses rpistes avec qui je joue