Ce mercredi, XIVème jour de janvier de l'an d'Horace MCDLVII, moi, Marguerite Charlotte Victorine Corteis de Volpilhat, dite la Fleur d'Oc, en pleine conscience de ma raison et de mon cur, quoiqu'affaiblie au lendemain de la naissance de ma fille Jehanne Elissa Raphaelle, née d'Appérault, et consciente de l'emprise du Très Haut sur mon âme et du droit qu'il aurait à la rappeler à lui à tout moment, teste en présence de mon frère, Reginhart Ferreol Raphaël de Volpilhat, ma sur, Catalina Constance Marianne de Volpilhat, et mes gens en l'Hostel des Malpertuis, sis en la bonne ville de Carcassonne, dite le Joyau du Languedoc.
Si je devais dans les jours, les mois ou les ans prochains, être rappelée auprès de Lui,
Que le Très Haut reçoive mon âme, car à celui que j'aime le plus, j'offre ce que j'ai de plus précieux ;
Que la Crypte des Illustres sous la Cathédrale de Narbonne reçoive mon cur embaumé, dans une urne, dans le tombeau de ma feue mère ;
Que la Vaunage reçoive mon corps, dans la chapelle du château qui reste encore à consacrer ;
Que soient dites trois messes pour mon âme, une en la Basilique Saint-Nazaire de Carcassonne, une en la Cathédrale de Narbonne, au jour de mes funérailles, et une nouvelle dans l'une ou l'autre des églises, à six mois de mon départ ;
Que la baronnie de Malpertuis, fief familial des Volpilhat, jadis seigneurie allodiale, désormais baronnie du Duché de Bourgogne, aille à ma fille Jehanne Elissa Raphaëlle, légitimement née de mon union avec Louis d'Appérault ; je lui lègue ce fief, et non à mon fils aîné, pour ce qu'il est déjà l'héritier de son père et du nom d'Appérault dans une branche où a cours la primogéniture masculine ; ainsi jamais ma fille Jehanne Elissa n'aura-t-elle plus que ce que je lui lègue par la présente, et j'y mets pour seul condition qu'elle porte sa vie durant le nom de Volpilhat qui est si étroitement lié à la baronnie de Malpertuis susdite ; que si ma fille n'atteignait pas sa majorité, date à laquelle elle testera selon son bon vouloir, qu'au jour où elle rejoindra le Très Haut la terre de Malpertuis aille en douaire à sa tante, Catalina Constance de Volpilhat, ma sur née item de l'union de Jehan de Volpilhat et Elissa Corteis, qui en jouira jusqu'au jour où, à son tour, elle rejoindra le paradis solaire ; alors la terre reviendra à la Bourgogne et, pour ce que ce fut un fief séculaire des Volpilhat n'ayant pas d'histoire en propre rattachée à la Bourgogne, et aucune raison pour que quiconque n'en voulût, je souhaite qu'il ne soit plus possible à l'avenir de l'octroyer en Bourgogne, sinon à un Volpilhat, comme il est possible au Duc de Bourgogne de le commander et d'y engager sa parole, s'il lui plaît, ce qui s'est déjà vu en Limousin pour certaine terre de nos cousins Ysengrin ;
Que la baronne de Malpertuis distribue, sur ses terres, une seigneurie à l'archevêché de Lyon, pour la consécration de la collégiale de Malpertuis, dès l'instant que l'édifice sera béni, et jusqu'au jour où les archevêques de Lyon cesseront d'y vouloir officier ou envoyer un chapelain ; que dans l'autel de ladite collégiale soit rivée ma médaille de diaconesse pour la mémoire des générations à venir, avec l'inscription SANCTAE RAPHAELI ; et y soit dites trois messes pour mon âme, au jour de la consécration, et aux deux premiers anniversaires de mon départ ;
Que la branche de la famille Corteis découlant du légitime mariage d'Elissa Corteis et Jehan de Volpilhat soit retirée des registres afin que les lourdeurs administratives liées à ce doublon, dont nous avons éprouvé l'ampleur, à l'avenir soient évitées ; cette branche subsistera dans le registre de la famille de Volpilhat, branche principale, où est sa place ;
Que des branches restantes, Kamhar Ley d'Avidson-Corteis devienne le chef pour ce qu'il est noble de mérite en Languedoc, et quoique son degré de parenté soit le plus éloigné ; car étant relaps, mon oncle Constant Corteis ne saurait perpétuer une lignée légitime, ni plus que l'honneur de ce lignage ; que Kamhar Ley Corteis devienne par le même fait le tuteur de ma sur Catalina Constance de Volpilhat, jusqu'à sa majorité ou que le Très Haut la rappelle auprès de Lui ;
Que la tutelle de Jehanne Elissa de Volpilhat, qui m'appartient autant qu'appartient à son père la tutelle de Jacques d'Appérault son frère, aille à Reginhart de Volpilhat, mon frère et son oncle, pour ce qu'elle sera comme susdit une Volpilhat avant d'être Appérault, et que mon frère, quoiqu'accablé du poids de la Royauté, saura mieux qu'un autre orienter la vie de ma fille ; que s'il ne pouvait assumer cette charge, que ladite tutelle aille à Cristòl de Sìarr, mon filleul et ami de longue date, dont j'ai éprouvé la confiance et la sagesse, pour ce que je sais qu'il aura prochainement des intérêts en Bourgogne, et pourra mieux qu'un Champenois s'y faire accepter et défendre les intérêts de la future baronne de Malpertuis ; qu'il sache avec raison s'entendre avec Louis Raphael d'Appérault, mon époux, sur le devenir de l'enfant que je lui confie avec le nom de Volpilhat, comme susdit ; s'il ne pouvait ou ne voulait assumer cette charge, que ladite tutelle aille à Paula-Estèva d'Alanha, mon amie de fort longue date, qui ne vient pas en premier dans l'ordre pour ce que je sais qu'elle a déjà la tutelle d'Eirwen de Vergèze, fille de ma défunte vassale à Cauvisson, et la charge de deux filles en bas âge, ce qui m'incline à ne pas l'accabler de cette charge supplémentaire si un autre accepte d'en endosser la responsabilité ;
Que l'Hostel des Malpertuis sis Rue du Cers à Carcassonne aille à Catalina de Volpilhat, ma soeur puînée, de même que l'atelier de tissage qui lui fait face ; de même que tous les meubles, tableaux et objets qu'il contient, sauf mention contraire spécifique dans le présent testament ; et de même que lui aille le mas de Bélinay, sis en Auvergne, à l'ouest de Saint-Flour et au sud de Murat, et tout ce qu'il contient ;
Que ma harpe double, tenue de ma feue mère, Elissa Corteis, aille à Catalina de Volpilhat, ma légitime soeur, et qu'elle en apprenne l'art par Constant Corteis, mon oncle, qui tint de nos ancêtres l'art de la harpe, qui se doit d'être transmis aux hommes et femmes du sang Corteis ; que si Catalina ne pouvait ou ne voulait la recevoir, que cette harpe aille à Jehanne Elissa de Volpilhat, avec la même mission pour mon oncle de lui en dispenser des leçons ; que si de même Jehanne Elissa ne pouvait la recevoir, qu'elle aille à Kamhar Ley Corteis, qui s'il a à cur de respecter mes volontés, trouvera Constant Corteis et apprendra de lui l'air d'Hermeline, pour le transmettre ensuite, selon la coutume familiale, à ses enfants ;
Que sur mes biens le Comté du Languedoc, auquel je dois voue un amour tenace, reçoive 1500 écus [déjà donnés IG], pour ce que je sais qu'il en aura l'usage ;
Que mon époux Louis d'Appérault reçoive l'excellent cheval que son père m'offrit à nos noces, et que je n'ai jamais monté, pour ce que je ne suis remontée à cheval après le décès de ma mère ; que mon époux ne reçoive rien d'autre, puisqu'il a déjà reçu ce qui m'est le plus cher après le Très Haut, la Vaunage ; qu'il en prenne soin, ou que le Languedoc le lui reprenne, et le délivre à un homme ou une femme de plus grand mérite ;
Que Jehanne Elissa de Volpilhat reçoive en sus le bracelet qui me fut offert par mon frère, Reginhart de Volpilhat, au jour de ma noce ; la bague des Malpertuis, héritage des sires de Malpertuis, par laquelle Jehan de Volpilhat mon père demanda Elissa Corteis ma mère en mariage ; le pendentif d'ambre, dans lequel se trouve enchâssée une mèche de cheveux d'Elissa Corteis, sa grand-mère ; le pendentif d'or pur, en forme de coeur, gravé des lettres E et J, qu'offrit la duchesse mère de Champagne Tsarine de la Francesca à ma feue mère Elissa au jour de ses noces ; ma médaille de baptême, longtemps attendue, ce qui la rend si chère à mon cur ;
Que Catalina Constance reçoive en sus tous mes bijoux, hormis ceux cités par ailleurs ; mes robes, pour ce que nos tailles sont semblables, et celles de notre feue sur Alionor Lhise Amédée, que je n'ai jamais osé toucher ; la médaille de citoyenneté d'honneur de Carcassonne de notre feue mère Elissa Corteis, comme vu que ma sur uvre, à son tour, pour le Joyau du Languedoc ; la croix civile du Languedoc de notre feue mère, formant le même vu, qu'elle sache s'illustrer en Languedoc ;
Que Paula-Estèva d'Alanha reçoive les émeraudes que m'offrit mon époux, qu'elle pourra faire sertir autrement que ce qu'elles sont actuellement ; que si elle refusait ces pierres, qu'elles aillent à ma fille Jehanne Elissa pour lorsqu'elle sera dans la fleur de son âge ; que mon amie reçoive aussi les robes de ma feue mère qui sont brodés ou cousues d'or ou d'argent, pour ce que c'est apanage de la noblesse, et quoiqu'elles soient surannées ; qu'elle reçoive mes gants de marte et ma cape pourpre fourrée de petit-gris ; qu'enfin elle reçoive ma croix civile du Languedoc, dont le ruban a été cousu sans attache et trop serré, de sorte que jamais je ne pus la porter en collier ; qu'elle laisse ainsi le ruban qui rappelle les circonstances de son octroi, et voie dans ce legs tout le mérite que je lui trouve au service du Languedoc ;
Que les autres vêtements de ma feue mère, n'ayant aucun insigne spécifique à la noblesse, aillent en partage à Adeline et Brilhèta, les domestiques qui me furent le plus fidèles et du plus grand soutien ; qu'elles restent, si tel est leur bon plaisir, au service de ma sur Catalina, ou qu'elles changent de vie ; mais j'émets le vu qu'elles ne se mettent pas au service du Vicomte de Cauvisson, comme elles l'étaient au service de la Vicomtesse ;
Que LeGueux d'Alanha reçoive mon missel plénier, qui n'a pas été ouvert depuis bien longtemps, pour ce que je le connais de tête ; ce legs marque pour moi combien je suis redevable au Très Haut d'avoir béni ma vie de la compagnie et de l'amitié de cet homme ; et pour qu'aucun doute ne subsiste sur la dette que je me sens envers lui, je lui lègue aussi, quoiqu'il n'en ait pas l'usage, la couronne vicomtale que j'ai portée par sa volonté ; s'il venait à refuser ce legs, ou ne pouvait le recevoir, que le missel échoie à notre filleul commun, Cristòl de Sìarr, et la couronne itou, pour qu'il en ceigne la future Vicomtesse de Fonollède ;
Que Cristòl de Sìarr, en sus de la tutelle de ma fille, hérite de mon alliance, qui n'a que peu de valeur mais qui fut la chaîne de ma vie ; que mon filleul se souvienne ce dernier conseil : le mariage est une bénédiction du Très Haut, et mieux vaut se marier tard que tôt, lorsque l'on est libre de choisir, que sceller pour la vie une erreur ; qu'il reçoive, enfin, mon Livre des Vertus, copié à la main et enluminé à l'abbaye Saint-Félix de Montceau, où nos deux mères ont choisi de se reclure sur la fin de leur vie ;
Qu'Actarius d'Euphor reçoive le poignard que me forgea Paula-Estèva d'Alanha, pour ce qu'il nous semble indiqué que son filleul le reçoive ; qu'il lui en demande le sens et le secret ; s'il devait le refuser, ou ne pouvait le recevoir, que ce poignard échoie à LeGueux d'Alanha, époux de ma chère amie ; qu'Actarius sache combien il me fut cher, et combien je compte sur lui et sa lignée pour prendre soin de ma chère Vaunage ;
Que Phelipe de Saunhac reçoive les fûts de Vieux L'Anglade qui restent en ma possession des crus ayant précédé mon mariage, pour ce que les crus postérieurs sont possession de mon époux le Vicomte de Cauvisson ; je lègue ce vin à Phelipe de Saunhac pour le respect et l'amitié que je lui voue, et parce que je sais qu'il appréciera à sa juste valeur la qualité de ce vin ;
Qu'Eirwen de Vergèze reçoive la robe que je portais à mes noces, ainsi que la broche d'or de la ceinture, pour ce que cette robe n'a pas rendu heureuse une Volpilhat, mais saura, je l'espère, faire le bonheur de l'union de la fille de Zagelle, lorsque l'occasion se présentera, et bien que je sache qu'il est encore loin d'en être question ;
Que SanAntonio d'Appérault, mon beau-père mais surtout parrain, reçoive mon livre d'heures, enluminé dans les ateliers de Guillaume Jouvenel des Ursins ;
Que Reginhart Ferreol Raphaël de Volpilhat, mon frère, garde pour lui ce qu'il me reste de richesse : mon amour ;
Que la matrice de mon scel, en vertu des coutumes, soit brisée ;
Que Reginhart de Volpilhat, Cristòl de Sìarr et Paula-Estèva d'Alanha soient les exécuteurs de mes dernières volontés.