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[RP] Confiance et défiance sont la ruine des hommes*

Anthoyne
* Citation d'Hésiode, poète grec du VIIIème siècle avec J-C.

Sa main actionna la poignée et à l’aide d’un geste lent, il ouvrit la porte. Il ignore ce qu’il l’a marqué le plus en entrant dans cette taverne. Etait-ce cette odeur, savant mélange de senteurs d’alcool et de sueurs ou était-ce le brouhaha assourdissant dont on ne pouvait avoir qu’un faible aperçu depuis l’extérieur lorsque toute ouverture était close ? Il attendit quelques secondes dans l’ouverture de la porte jusqu’à que le tenancier de cette havre pour ivrogne lui ordonne d’un geste et d’un regard sévère de fermer la porte. Le nouvel arrivant ne voulant pas plus attirer les attentions sur lui s’exécuta sans broncher. Une fois le battant fermé, il sentit quelques regards se détourner de lui, le rassurant quelques peu. C’est à cet instant que le manque d’air et la chaleur provoqués par la masse des clients le frappa. Le contraste entre la fraicheur d’une nuit d’été particulièrement doux régnant à l’extérieur et la fournaise de la salle était grand. Il en venait presque à suffoquer. Il ne fit que quelques pas, sans avoir même eu le temps d’avoir pris place à une petite table vide qu’il sentait déjà la sueur couler le long de sa colonne vertébrale et quelques gouttes perler en haut de son front à la naissance de son cuir chevelu. A ce moment, il comprit d’où venait cette aigre odeur. Vêtu pour affronter la fraicheur de la nuit, il n’avait pas songé qu’il viendrait à transpirer à grosse goute dans un tel lieu. Quel sot il avait fait mais il était hors de question de retirer une couche. La cape et la capuche était un rempart pour protéger son identité. Paris était grand mais le monde était petit et cela sera toujours le cas. Sous cette cape, il s’était habillé sobrement. Il portait de simples braies, une chemise de moyenne facture surmontée d’un gilet des plus banals. La discrétion était de mise.

Une fois après avoir pris place à une petite table, une femme vint se présenter à lui. Longue chevelure noire ondulée, à peine la trentaine et un sourire aguicheur qui montrait qu’elle avait perdu son innocence depuis des lustres. Ses épaules dénudées et sa gorge pulpeuse dont la naissance était la vue de tous n’étaient que des preuves de plus sur cette perte maintenant lointaine. L’homme à la capuche ne put s’empêcher un regard sur le décolleté juste un instant. Le long habit camouflait la direction de son regard mais lorsque ses yeux vinrent se poser sur le visage de la serveuse, celle-ci accentua son sourire. Un instant, il se demanda si elle avait remarqué cette attention mysogine. Peut-être avait-elle l’habitude d’être épiée de la sorte et le moindre mouvement même peu perceptible de la tête était pour elle un signe d’un intérêt particulier pour sa poitrine. Le client plongea son regard un instant dans le sien et quelque chose l’interpela. La malice et l’espièglerie de son sourire n’était pas présents. Ses yeux dont la couleur était difficile à distinguer à cause de la faible luminosité jaunâtre que prodiguaient avec difficulté la multitude de bougies, étaient emplis de tristesse et de nostalgie. Etait-ce la nostalgie de son innocence ?

Elle brisa le silence qui s’était installé entre deux, d’un ton taquin :


« Dites-moi le Rêveur, vous commandez quoi ? »

Seulement quelques secondes s’étaient écoulés depuis l’arrivée de la brune mais il avait tant cogité qu’il avait oublié qu’elle était venue le voir pour une raison bien précise : que consommera-t-il ?

« Désolé. La bière la moins chère. S’il vous plaît. »

La serveuse ricana de tant de politesse et lui fit une maladroite révérence avant de s’en aller prendre commande. Niveau discrétion, il avait été nul.

Tandis qu’il attendait sagement sa bière, il observait plus attentivement les gens. Il semblait être le seul à faire cela. Tous étaient occupés que ce soit en messe basse, à rire à gorge déployée ou en tripotage des serveuses.


« Quatre-vingt deniers, mon Rêveur. »

La chope fit posée sur la table et la main tendue. Il leva la tête et reconnut la même serveuse.

« S’il vous plaît »

Elle ricana une nouvelle fois, contente de sa moquerie. Il lui tendit un écu qu’elle observa attentivement.

« J’ne rends pas la monnaie.
- Gardez-la alors. »


Elle lui sourit puis se pencha vers lui, portant ses lèvres à son oreille et son décolleté sous ses yeux avant de murmurer :

« Et pour un peu plus, je suis à vous ce soir, mon Rêveur. »

Elle se redressa et repartit vers le comptoir en roulant du postérieur. L’homme ne put s’empêcher de se retourner pour regarder. Il trouvait la situation fort triste et se demanda qu’il devrait peut-être la sortir de son marasme actuel. Il avait bien un poste ou deux à lui proposer. Mais ce n’était pas l’heure.

Il porta sa chope à ses lèvres et but une gorgée. Il devait se reconcentrer sur les raisons de sa venue. Une rencontre était prévue. Avec une femme,
a priori à ce que lui avait dit son contact. Au départ, ce dernier, un petit brun, s’était moqué de lui après que l’employeur lui ait avoué ce qu’il cherchait. Ce n’était pas une demande commune dans ce milieu car très facile à obtenir sans passer par des réseaux alternatifs. Peu confiant de ces énergumènes, il avait précisé qu’il préférerait tester « la marchandise » avant de signer un plus gros contrat. A vrai dire, il ne voulait pas qu’une énième personne soit informée de ces projets. Une, c’était bien assez. Lorsque le freluquet lui avait informé qu’il contacterait une femme, le héros protesta. Hors de question de confier cela à une femme ce à quoi, le gringalet répondit que c’était l’une des meilleurs dans ce qu’elle faisait et à tous les points de vue. Cette phrase, il l’agrémenta d’un sourire sadique pour évoquer son esprit mal tourné. Ne s’intéressant pas à la luxure dans laquelle pouvait se vautrer sa potentielle employée, le chaperon noir ne releva pas cette phrase qu’il pensait comme erronée, vu le ton peu naturel qui avait été employé. D’habitude, il ne prêtait déjà que peu d’attention à ce genre de rumeurs alors il n’allait sûrement pas s’intéresser au cas d’un vaurien. Il coupa court à cet aparté et lui demanda plus d’informations que le petit homme lui renseigna. Une entrevue fut convenue. Il avait précisé à son contact qu’il viendrait vêtu de la même façon et qu’il ne serait donc pas compliqué à reconnaître. C’est avec le même sourire malsain que l’intermédiaire arborait depuis le début qu’il précisa que l’encapuchonné la reconnaitrait tout de suite avec son sourire angélique. Ce dernier avait demandé plus de précisions mais le bougre resta muet à ce sujet, effaçant ensuite son sourire puis demandant sa part. C’est avec résignation que fut donné ce qui était promis. Il ne se contenterait que du « sourire angélique » pour reconnaître sa cliente.

Assis à sa table, il était à ce rendez-vous et attendait sagement l’entrée de l’« ange ». Le souvenir de son échange avec le malhonnête lui avait coûté la moitié de sa bière qu’il avait bue sans s’en rendre compte. Alors que ses lèvres trempaient à nouveau dans son breuvage, la porte d’entrée s’ouvrit. L’attention du brun était portée dans cette direction. A première vue, ce fut une femme qui pénétra dans le gourbi d’alcoolos. Tout d’un coup, les mots du vaurien étaient clairs. Il aperçut ce sourire. Le sang lui monta aux joues et sa poigne serra fermement sa choppe tandis que tous les muscles de sa mâchoire se contractèrent. Son regard toujours caché par la capuche s’assombrit. Sa colère envers elle était grande mais il réussit à retrouver son calme. Il devait rester maître de la situation mais le fait qu’elle soit celle qu’il attendait changeait totalement la donne sur ces projets. Il ne pouvait lui faire confiance sur ce sujet. Il devait trouver une solution alternative.

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Anaon


      Et la porte s'ouvre.

    Le chambranle voit passer la silhouette courbe d'une femme aux apparats d'homme. Une transgression à la morale, hantant pourtant bien des ruelles de France et reléguant les femelles de son espèce à la race des marginales. Nulle cape ne vient masquer ses traits. Elle affiche sans détour les bottes et les braies, les gilets et les cuirs, que l'on croirait bien mieux sertis sur un soldat que sur un corps aux hanches si larges. Paris. Elle n'a jamais éprouvé le besoin de se cacher dans Paris. Ses bas-fonds sont sa maison. Un domaine, où la mort peut sévir dans chaque pièce et où pourtant, elle semble ne jamais rien en craindre. Paris, genèse de la misère, ventre fécond de toutes les abominations. De ses cuisses bâties par le roc des hommes, elle a enfanté de bien des Faux et des aberrations rejetées de la face du monde. Des âmes damnées aux gueules vérolées. Des lépreux aux escamoteurs véreux. Lutèce est le berceau de toutes les tares du vivant, et la vermine semble proliférer sur ses dorures bien mieux que partout ailleurs en royaume de France. Il suffit de voir le Louvre avec ses pieds enlisés dans la fange. L'apogée de l'opulence régnant de sa couronne grise sur un parterre d'immondices où émergent parfois quelque boursouflures de richesse. C'est cela qui l'a toujours fasciné dans Paris. L’incroyable promiscuité du luxe le plus haut et de la plèbe la plus gangrenée. L'Improbable véridique.
    Paris en devient la ville de tous les possibles.

    Alors, dans cette ville à miracles, qui donc prêterait attention à une simple femme aux lubies d'homme ? Avec ses joues tranchées, elle n'est rien d'autre qu'un monstre de plus dans cette grande foire du grotesque. C'est grisant... cette sensation de n'être que fantôme. Et là même, dans cette gargote où elle a pénétré, bien peu prennent la peine de relever le nez.

    La chaleur moite qui émane de l'ambiance de la taverne ne l'indispose en rien. Et elle a l'impression qu'il n'y a que Paris qui soit capable de suinter comme cela. Ces atmosphères qu'elle exècre tant ailleurs lui sont banals décors une fois qu'elle a passé l'enceinte de la capitale. Étrange effet de la vieille Lutèce.

    Immobile devant la porte, la mercenaire couvre l'assemblée du regard profond de ceux qui ont tout vu, avec le calme des bêtes lasses et désabusées. Les prunelles survolent plus qu'elles n’accrochent, et dans cette œillade évanescente, rien ne semble attirer son intérêt. Une main libère avec lenteur ses doigts de leur gant de cuir, là où les rênes de sa monture se sont si souvent froissées. La balafrée prend le temps de goûter à nouveau à l'indescriptible saveur des débauches parisiennes. Leur odeur d'alcool et l'omniprésence de la chair. Elle se sait attendue... Et elle sait qu'Il ne s’enfuira pas.

    Il avait suffi qu'elle se languisse de la capitale pour que l'on fasse à nouveau appel à elle. Qui cette fois ? Elle ne sait pas. Et le fait de ne pas savoir a l'étrange bienfait de la satisfaire. Si la mercenaire n'apprécie guère le hasard, elle abhorre plus encore l'idée que les têtes nobiliaires puissent la trouver aisément et en personne pour lui proposer contrat. Passer par les crapules et les fouines des bas-fonds pour espérer la dégoter, c'est encore la preuve qu'elle peut fort bien se cacher pour peu qu'elle veuille s'en donner la peine. Reste à découvrir si l'intermédiaire est encore capable d'une relative parole. La sicaire n'est pas du genre à se déplacer par charité ou pour gober du vent.

    La seconde main sort de son carcan, et alors, la silhouette s'ébranle. A pas lent, elle traverse la salle, frôlant chaque table à sa portée, cheminant d'un regard sur les poignées de mains et les verres pleins, sans que son attention ne daigne s'arrêter pleinement sur un seul visage. Elle évite les serveuses, fuyant agilement le moindre effleurement humain. Et alors, elle stoppe nette sa progression près d'une table bien précise.

    _ Un verre en solitaire. Voilà bien triste image...

    Les azurites se figent sur l'encapuchonné. Ainsi voilé, elle ne peut le reconnaître, mais il ne peut être que son commanditaire. Le vil petit rat recruteur n'aurait pas menti.

    _ Sans doute pourrais-je au moins occuper cette chaise.

    Des gants, la-dite place est désignée. Et alors, première fois depuis son entrée, les prunelles semblent s'animer d'un réel éclat.

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         © Images : Eve Ventrue & Vincent Munier - Anaon se prononce "Anaonne"- Jeu au ralenti, je fais du mieux que je peux.
Anthoyne
Elle arrivait. Anthoyne avait baissé la tête et faisait semblant de ne pas l’avoir remarquée. Ce ne fut que lorsqu’elle s’arrêta face à lui qu’il leva les yeux et lui répondit d’un ton amusé.

« Voyez où j’en suis arrivé. »

Il lui adressa un sourire puis ôta sa capuche.

« Le bon soir Anaon. Comment vous portez-vous ? Allez-y, je vous en prie, asseyez-vous. Cette place vous est destinée. »

Maillé lui laissa le temps de s’asseoir et de commander si elle voulait commander. Une fois certain qu’elle était, si on peut dire ainsi, bien à son aise, il entama son petit monologue.

« N’y allons pas par quatre chemins. Nous ne sommes pas là pour boire des bières entre amis, n’est-ce pas ? Je vous propose de jouer franc jeu. Vous voir ici fait naître en moi des sentiments ambigus. D’un côté, je suis ravi de vous voir car cela répond à beaucoup de questions par rapport au ton menaçant que vous avez employé avec moi à Amboise. Je comprends mieux maintenant. Vous faites bonne figure auprès de jeunes nobles naïves et vous profitez de ce statut. Oh… Peut-être était-ce un contrat ? »

Il la regarda d’un air curieux. Il effaça vite cette mimique et reprit.

« Soit, cela ne me regarde pas. Donc… cela était mon côté enthousiaste. Malheureusement, ce qui gâche notre belle rencontre, c’est la partie contrariée. En effet, je reste en colère contre vous après les menaces que vous avez proférées à mon encontre ! Vous pouvez bien comprendre, j’imagine car il n’est pas très agréable d’être traité ainsi. De plus, comment pourrais-je vous faire confiance après cela ? Or dans ce genre de contrats, il faut qu’il y ait une confiance entre le client et…
Comment dire cela ? … »
Petit silence. « L’exécutrice de ses volontés ». Petit sourire pervers. « Je pourrais vous demander de partir et j’irais trouver quelqu’un d’autres mais le contact qui nous a prévu ce rendez-vous m’a assuré que vous étiez la meilleure. Or moi, je veux la meilleur, voyez-vous ? Pour être certain que toutes mes volontés soient exaucées. Comprenez-vous dans quel dilemme suis-je ? Je me triture l’esprit dès que je vous ai vue entrer ! Je vous assure ! Mais je parle beaucoup trop, je le sais. N’êtes-vous pas d’accord ? Non ?
Soit ! Tout cela pour dire : êtes-vous la meilleure ? Et pourrez-vous travailler pour moi ? »


Son visage affichait un rictus malsain. Il jouait et Dieu sait qu’il adorait joué à ce jeu. Une sorte de jeu du chat et de la souris. Durant tout son discours, il ne l’avait pas quitté du regard. Pas même une fois il avait cligné des yeux. Il traquait le moindre sourcillement, la moindre réaction. Il voulait une réponse à cette question qu’il venait juste de formuler différemment : Pouvait-il lui faire confiance ? Mais se contenter d’un « oui » ne lui suffisait pas. Il voulait lire dans son esprit. Ah il savait que cela n’allait pas être facile, elle semblait être plutôt du genre coquille d’huitre et ne rien laisser apercevoir de ce qu’elle pensait. Son regard restait fixé sur elle même lorsque la chope fut portée à ses lèvres. Il avait perdu une fois contre elle. Hors de question qu’il y en ait une seconde fois.
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Anaon


      Le pouce s'affaire tranquillement à faire plisser le cuir si tendre d'agneau tenu entre ses mains. Mais la mercenaire n'aura pas à patienter pour obtenir une réaction de son encapuchonné. Le chaperon se meut, et aux premières esquisses de traits, la mercenaire se laisse envahir d'un doute immédiatement chassé par la certitude quand les yeux se rivent dans les siens.

    « Voyez où j’en suis arrivé. »

    La sicaire ne réagit en rien, c'est pourtant sa fixité absolument qui trahit la surprise qui la transit. A l'invitation, elle contourne l'angle de la table, sans détourner les yeux, pour aller s'asseoir avec la lenteur et la méfiance de ceux sous la contrainte. Elle ne répond pas, alors qu'il s'est enquis d'une politesse de son état, question qu'elle juge plus rhétorique que sincère. Et à peine une femme au large plateau s'approche pour prendre commande qu'elle lui signifie d'un léger signe de main qu'elle ne voudra rien. Pas même lui offre-t-elle un regard. Rien ne saurait détourner l'attention de la sicaire de l'homme assis en face d'elle.

    Parce qu'il parle, elle écoute, sans rien afficher d'autre sur ses traits que l'impassibilité la plus totale, quelque peu démentie par des azurites des plus à l'affût quand ses vis-à-vis s'accrochent à leurs pupilles. Le premier souvenir évoqué ne pouvait être que celui d'un mariage avorté. Mais quand il ose associer le "jeunes nobles naïves" à l'idée de contrats, et s'imaginer, sans doute, que son affection pour Elendra a pu être tout intéressée, l'Anaon s'ébroue, d'un simple frémissement de narines, qui trahit pourtant toute l'indignation qu'elle contient.
    A son petit sourire glorieux, répond son traditionnel et subtile relevé de menton. A l'instant suivant, le regard se détache de son point d'intérêt pour suivre son auriculaire chassant quelques miettes disséminées sur la table. L'attention revient ensuite sur le noble auquel elle voue toute son écoute, bouche obstinément close, sans prétendre une seule fois vouloir le couper. Quand enfin sa parole semble se tarir, pour mieux attendre la sienne, l'Anaon garde le silence quelques secondes, laissant son regard sauter de l'une à l'autre des prunelles brunes, avant de se gorger d'une profonde inspiration pour mieux parler dans un soupire.

    _ Louveterie... Je crois que je suis ravie que la satisfaction de vos... "prédécesseurs" ait pu parvenir à vos oreilles.

    Redressée, l'Anaon se décolle de son dossier. La main tenant les gants, négligemment gardée sur sa cuisse - et proche de ses lames -, apparaît enfin sur la table pour déposer ses cuirs. D'un tour de bassin, elle prend correctement son assise, pour se carrer bien en face de son interlocuteur.

    _ Je constate cependant que vous n'avez pas été renseigné au point d'avoir été préparé à ma présence et j'en suis presque satisfaite. L'inverse est cependant vrai... J'avoue que je ne pensais pas avoir à vous revoir un jour. Et encore moins en pareilles circonstances.

    Ses azurites se sont relevées, après avoir fait preuve de perfectionnisme maniaque en superposant soigneusement ses gants sur le bois de la table.

    _ Mais je crois que pour... "espérer" pouvoir converser plus avant, il nous faut en premier lieu raccourcir quelques... menues épines.

    Quelques secondes de silence pèsent, pour s'assurer de la pleine prise de conscience des mots qui vont suivre.

    _ Vous jugerez ce que bon vous semblera, mais je ne vous laisserai pas m'insulter en osant prétendre que je suis suffisamment fausse pour pouvoir me jouer si vicieusement de la crédulité d'une "jeune noble". Je ne sais ce que vous pouvez imaginer, mais j'éprouve une affection particulière pour toutes les filles dont j'ai eu la garde au Gontier. Vous pourrez ainsi comprendre que si, vous, vous avez pu être froissé par quelques insinuations de ma part, j'ai pu être moi-même être quelque peu... "contrariée", d'imaginer la tête de ma très chère Elendra pendre aux créneaux d'Amboise pour le simple emportement d'une jeune femme, toute couronnée puisse-t-elle être...

    Se mettant au diapason de son ton, elle fait de sa voix une douceur fielleuse. Et si son visage ne se pare d'aucun sourire, son regard lui sert le mordant vicelard qu'il distille dans le narquois de ses lippes.
    Triturons-nous les nerfs, sous le mielleux de nos mots.
    Diplomatie assassine.

    _ Je vous annonce aussi, Loup, que vous pouvez d'or et déjà ranger les "hauteurs" dans vos discours, car à cet instant, vous n'êtes plus noble ni ne m'êtes supérieur. Vous avez autant besoin de moi que je le puis en avoir de votre rétribution. Mais je peux aussi moi-même décider que vous ne valez pas la peine de mes efforts et choisir de m'en aller. Cette idée va sans doute vous peiner, mais oui, nous sommes sur le même pied d'égalité et j'ai autant de pouvoir en cet instant que vous n'en avez.

    L'ombre d'un sourire se glisse au coin de ses lippes pour se faire mimétisme, et pour jouer encore les miroirs, elle se met à guetter la moindre réaction de son vis-à-vis.

    _ Je n'aurai la vantardise de m'autoproclamer "La Meilleure". Mais cependant, j'honore mes obligations dans les moindres termes et jusqu'à la plus petite parenthèse. Et jusqu'à présent, ni mes clients ni la justice n'ont eu à me reprocher quoi que soit.

    Discrètement, un regard se glisse sur l'animation de la taverne. Nulle oreille à porté de confidences. Pourtant, les plus proches auraient sans doute pu capter des bribes de leur échange, pour peu que le brouhaha ambiant se soit amenuisé. Ce qui, pour l'heure, ne promettait pas d'arriver.

    _ De plus, je comprends vos réticences à mon égard, j'avoue émettre moi aussi quelques réserves à votre encontre. Mais je prends toujours la méfiance de mes clients pour une preuve d'intelligence. Vous savez... la confiance est quelque chose de difficilement dosable. Car, oui, je peux m'engager auprès de vous... et une fois au chevet d'une prétendue victime, je peux lui soutirer deux fois plus pour lui laisser la vie sauve et me retourner contre mon commanditaire. Je pourrais aussi dénoncer vos intentions à qui de droit. Mais vous aussi, une fois l'accord scellé, vous pouvez fort bien me vendre aux autorités. Vous n'aurez matériellement rien ou bien peu contre moi, mais la parole d'une femme dévoyée contre celle d'un noble ne vaudra rien, j'en ai bien conscience. Pour peu que je ne puisse m'échapper je me ferais condamner. Mais cette même femme dévoyée a dans ses contacts nombre de premières lames qui n'hésiteraient pas une seconde à se dérouiller les membres pour venir assouvir la vengeance d'une consœur pendue...
    ...Voyez...La confiance dans ce genre d'entremise ne se résume ni plus ni moins qu'à un équilibre de la terreur.


    Alors que ses yeux ne l'ont pas quitté, un sourire, réel cette fois, vient orner ses lippes fissurées.

    _Vous noterez au moins mon absolue franchise.

    Silence. Et alors que la voix reprend, la dextre d'un geste large efface sur la table une poussière imaginaire.

    _ Maintenant que nous avons tout aplani et que vous êtes au fait de vos risques comme des miens, peut-être seriez vous plus prompt à me dire ce qui vous mène concrètement dans notre belle Paris ? A moins que vous ayez d'autres questions...

    Ne cherche donc pas à lire en moi. C'est un désir voué à l'échec. Il te faudrait une patience que tu ne voudras pas et un temps que je tâcherais de te retirer. Si ta famille est loup, la mienne est cerf. C'est là, dans nos gènes, la raison de nos inimités. Cherche à m'acculer, je ne combattrais pas, car de la fuite, je n'ai pas honte, tu vois. Mais donne-moi des crocs, je te donnerais du bois. Et nous verrons qui du loup ou de la proie sera le premier à se rompre aux abois.

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         © Images : Eve Ventrue & Vincent Munier - Anaon se prononce "Anaonne"- Jeu au ralenti, je fais du mieux que je peux.
Anthoyne
Il l’écoute attentivement. Ses yeux ne quittent pas ses lèvres. Au fur et à mesure que les mots quittent sa bouche, Anthoyne s’enfonce dans une angoisse dont il est rarement coutumier. A cet instant, il est comme un enfant. Un être naïf et ignorant. Un enfant perdu dans la cour des grands où la compassion n’existe pas. Au moindre faux pas, il risque de se faire bouffer en une bouchée. Elle a raison, il peut garder pour lui ces airs supérieurs. Ici, il n’est qu’un homme comme les autres. Voire peut-être même un homme plus détesté que les autres si les piliers de comptoir viennent à savoir son rang. Il s’aperçoit de son erreur. Peut-être aurait-il dû être moins bavard et rester à la place que lui désigne si bien Anaon ? Il n’est qu’un novice à ce jeu et il vient se frotter à plus fort que lui. Il vient d’en prendre conscience mais c’est un peu tard. Ce réel sourire qui s’affiche le visage de la balafrée ne fait que rendre Anthoyne plus mal à l’aise qu’il ne l’est déjà. Il pourrait partir mais il ne peut pas s’enfuir comme un lâche et puis il a besoin de ce service.

Le rictus sur son visage s’est effacé depuis bien longtemps. Ses yeux restent fixés sur elle mais toutes expressions de défi ont cessé. Son regard sévère détaille chaque mouvement de ces lèvres. Elle ne tremble pas. Oui, elle semble franche. Mais comment s’en assurer ? Son discours n’a en rien calmé ses angoisses. Alors que le ton de l’interrogation est lâché pour connaître si Anthoyne aurait d’autres questions à tout hasard, il inspire fortement, essayant de reprendre le contrôle de ses sentiments.


« Bien. Je vous remercie pour ce petit explicatif de la situation. Il me fut fort utile. Il m’a servi à recadrer mes pensées un peu flottantes. »

Il laisse un silence d’une ou deux secondes s’installer, ses yeux quittant la vision des cicatrices pour un regard lointain dans le vide.

« Vous souvenez-vous des propos que vous avez tenu concernant mon père ? »

Après cette phrase introductive, ses pupilles reviennent sur le visage de l’« Ange ».

« Il n’a pas été une figure paternelle très présente. Je vais vous passer les détails de ma vie mais c’est pour dire que je ne sais rien de lui. Il y a quelques mois, je lui ai découvert un bâtard. C’est une surprise dont je me serais bien passée. J’aimerais tout savoir sur lui. Où vit-il ? Que fait-il ? A-t-il des gens proches ? Quelles sont ces relations ? Possède-t-il toujours ses titres ? Est-il fortuné ? Et à tout hasard, passera-t-il bientôt l’arme à gauche ? Vous voyez, il serait bête qu’un fils ne puisse pas connaître réellement qui est son père, j’en aurais des regrets. Alors, effectuez-vous ce genre de tâches ? »

Dans son ton, il ne cache pas le mépris pour cet homme et l’ironie qu’il a employé sur sa volonté de réellement le connaître. Non, il ne veut pas le connaître. Ces mots-là ne sont que pour les formes. Tout au plus, il veut récupérer l’héritage, la part que son père lui doit pour l’avoir engendré puis abandonné. Mais Maillé est aussi intéressé de savoir où son paternel en est. A-t-il d’autres héritiers ? Est-il endetté ? Tout ce genre de questions utiles à savoir pour la réalisation des projets que le fils a prévu pour son père.
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Anaon


      Il a joué des dents pour lui mordiller le mollet. Elle a montré les crocs. Deux coq gonflants poitrails et aiguisant leur ergots, qui une fois démonstration faite se rangent sagement derrière une tempérance prudente. Anthoyne se ravise, Anaon ne s'acharne pas. Prunelles ne se délogent pourtant pas de leur vis-à-vis qu'elles voient douter. Si le noble veut encore lui servir des piques, elle ne manquera pas de lui servir des châtaignes, ou bien de lui heurter sa plus odieuse indifférence. C'est là ce que tous prennent pour de l'arrogance, sa propension à ne s'émouvoir de rien et à n'accorder de l'intérêt pour personne. Imperméable. Impassible. Là où l'Anaon ne voit tout simplement pas on y lit du mépris. Là où elle ne pense à rien on imagine le dédain. Un désintéressement désinvolte de tout ce qui l'entoure et qui a le don de vexer ceux pour qui la sicaire n'a aucun regard. C'est pourtant si rarement un mépris volontaire... Ça aurait pu être cependant un véritable but si le Loup s'était acharné à tenter de lui faire perdre pied. Mauvaise joueuse Anaon ce soir ? Possible. Quand on bosse... on bosse !

    Louveterie met habilement fin aux hostilités et l'Anaon de son côté ne peut que l'apprécier. Il est parfois bien sage de faire cesser le combat. Gardant alors de côté l'antipathie ressentie, la mercenaire se drape d'une attention toute professionnelle. Ce qu'elle a dit sur son père ? Les sourcils se plissent un peu, ne s'en souvenant pas. Ou bien... si... enfin, la seule chose qu'elle ait dit, c'est que si Anthoyne avait encore des parents, sans doute se seraient-ils déjà présentés à son mariage, ce qui n'avait pas été le cas. Et du reste, elle écoute.

    Son poing vient se fermer contre ses lèvres alors qu'elle enregistre le moindre mot livré par son hypothétique employeur. Un fils et un père absent. Une histoire que l'Histoire a jouée tellement de fois. Figure même de la force et du courage, personnification qui est bien souvent celle qui manque au tableau. Parfois c'est la vie qui s'acharne à emporter ceux-là en premier. Mais souvent...
    Faut-il en conclure que le mâle est un indécrottable lâche ?

    La balafrée médite, en n'émettant cependant aucun jugement sur le noble assis en face d'elle. Dans une réflexion réflexe, elle dont les rouages de l'esprit ne sauraient jamais s'arrêter, elle commence à imaginer les choses à faire et les contraintes qui pourraient la mener à la résolution de cette affaire... Alors même qu'elle n'a rien accepté. Quand Louveterie se tait, la sicaire reste figée dans ses prunelles sans s'ébouer du moindre mouvement de paupières. Secondes qui passent. Puis elle s'anime soudainement, quittant son immobilité pour à nouveau jouer de la main sur le bois de la table.

    _ Donc, vous voulez des renseignements sur votre géniteur ? Et non sur son bâtard...


    Une réflexion à voix haute plus qu'une réelle question. Inspiration se prend. La tête qui contemplait le plateau lardé d’éraflures et gorgé de taches inqualifiables revient sur le Louveterie.

    _ C'est effectivement là une chose qui pourrait être dans mes cordes, je suis du genre... polyvalente. Cependant - cela pourrait être surprenant – ce genre de travail peut se montrer plus ardu et parfois même plus « dangereux » qu'une mission d'un style plus radical. On est forcé de laisser des témoins pour le coup. Amasser des renseignements sur quelqu'un, s'immiscer dans sa vie... c'est un labeur de fourmi.

    Les azurites accrochent le passage de la serveuse, et sans gène, senestre subtilise un verre tenu en équilibre sur son plateau sans tenir compte de ses protestations médusées. Le nez hume le contenu de sa prise. Ça lui convient.

    _ Vous devez par contre savoir que j'adapte fortement mes honoraires à la hauteur de la demande, du temps prévu pour la contenter, de la charge du travail. Du risque... Et de la tête du client. Et je sais que la mienne vous revient aussi peu que la vôtre à mes yeux.

    Sourire en coin se suspend au-dessus du godet. L'Anaon se permet un brin d'humour nuancé de vérité. Et alors qu'elle allait boire elle s'arrête soudainement, comme semblant se rappeler brutalement de quelque chose.

    _ Est-il vrai que vous êtes un vrai guignard en matière de mariage ?

    Lâché sans détour. Curiosité instantanée. D'après ce que la sicaire savait, Anthoyne n'en était pas à sa première tentative... et encore moins à son premier loupé.

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         © Images : Eve Ventrue & Vincent Munier - Anaon se prononce "Anaonne"- Jeu au ralenti, je fais du mieux que je peux.
Anthoyne
Anthoyne observait cette femme qui l’intriguait tant. Très concentré sur ces paroles, son regard était rivé sur elle. Même le vol du verre ne le perturba pas, toujours attentif aux paroles de la mercenaire.

Elle semblait jouer avec lui. Oui elle était capable de faire ce qu’Anthoyne proposait, selon ses dires mais sans la moindre pause, elle enchaîna de suite avec des petits détails sous-entendant une rémunération importante. Et rajouta un petit commentaire piquant vu qu’il a une tête qu’il ne lui revient pas. Louveterie afficha un sourire crispé en guise de réponse.

Alors qu’il allait reprendre le fil de la conversation, il fut doublé par la balafrée. Ses yeux s’écarquillèrent à l’écoute de la question. Pourquoi cette interrogation ? Que voulait-elle savoir ? Il se racla la gorge, se redressa et fit semblant d’être outré.


« Je suis très surpris par votre question ! Que vient-elle faire dans cet entretien ...professionnel ? Je ne pense pas que cela soit utile pour votre mission. Je me doute qu'il est important de bien connaître son client mais je ne pense pas que ma proportion ne pas réussir à me marier soit une information importante pour vous. D'où ma question que je vous ai posée : Pourquoi ? Simple curiosité malsaine ou vous intéresserais-je ? J'aime bien la seconde idée. »

Il arbora un large sourire. Bête provocation, rien de plus. Mais à ce jeu, il se dit qu'elle avait commencé. Puérile réaction, il fallait bien l’admettre.

« La curiosité est un vilain défaut, vous savez. Quoiqu'il en soit, gentilhomme que je suis, je vais vous répondre. Quelle grandeur d'âme, n'est-ce pas ? »

Il lui sourit largement, ravi de s'autocongratuler. Il faut bien se jeter des fleurs de temps en temps car personne ne le fera à votre place.

« Suis-je un guignard concernant mon mariage ? C'est une façon de désigner le problème. Je dois être maudit. Elendra fut ma cinquième fiancée. Si peu après tout. Ca fait peur dit ainsi, je le reconnais. La mort en a emporté deux. La folie, une autre et la haute naissance, une autre. Alors oui je suis guignard. Votre terme est juste. »

Il sourit avant de se redresser.

« Ainsi va la vie. Ce n'était pas la volonté du Très-Haut que je sois marié à une de ses femmes. »

Il ne mentionna pas le fait que ce n'était peut-être pas sa volonté qu'il soit tout simplement marié. Car sa dernière fiancée en date était tombée gravement malade et sa vie était dans entre les mains du destin. Ah la poisse !
Ses yeux se fixèrent sur le regard d’Anaon. Il se rendit compte qu'il n'avait jamais pris le temps de contempler ses traits. La cicatrice était ce qui la caractérisait, à première vue, il n'y avait pas besoin d'aller plus loin dans le détail. Mais après tout, c'était un être humain aussi. Elle avait un visage, des traits. Sous cette cicatrice, se cachait peut-être une belle femme. Anthoyne vint à se demander si elle était seule dans sa vie. Il se peut que ses balafres en repoussent plus d’un. Mais sûrement pas tous. De son côté, elle semblait avoir au moins quelques onces de sentiment vu l'attachement qu'elle portait pour Elendra. Mais a-t-elle des sentiments positifs vis-à-vis des hommes ou du moins d'un homme ? Tout d'un coup, cette question le tarauda. Il y avait peu d'espoir qu'elle y réponde mais les chances n’étaient pas nulles non plus alors il fallait au moins y mettre les formes pour mettre tout de son côté et espérer avoir une réponse.
" Et vous ? L'amour vous a-t-il saisi ? Avec votre sourire, vous devez en faire craquer plus d'un" Hmm, non.
" Etes-vous mariée ? Votre petit air angélique doit tous les faire succomber. Moi-même, si je ne vous détestais pas, je vous sauterais dessus." Ridicule ! Il ne faut pas trop en faire non plus.


« Et vous alors ? Maintenant que je me suis un peu dévoilé, c'est à votre tour. Comme un échange de bon procédé, voyez-vous. Vous m'avez prouvé tout à l'heure que vous n'étiez pas une femme sans cœur. J'en étais pourtant persuadé au départ. Mais vous qui aviez un comportement si maternel avec Elendra et qui serait sincère selon vos dires. " et en y repensant avec l'autre folle aussi " « êtes-vous mariée ? Ou autre union dans le péché non reconnue par l'Eglise Aristotélicienne ? » Rajouta-t-il en ponctuant cette phrase d'une légère grimace. Même si lui-même était loin d'être un saint à ce niveau.

« Ou des enfants, peut-être ? Enfin, je me crée de faux espoir. Vous êtes bien prévisible à ce sujet, vous ne direz rien. Je suis certain que vous êtes du style à ne jamais sortir de votre coquille. »

Termina-t-il dans une moue (faussement ?) triste. Tant pis pour les conditions du contrat si du moins elle acceptait, cela attendra bien une minute.
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Anaon


      L'Anaon est une alouette. Capable de brosser dans le sens du poil le plus grand Roy et de se faire comprendre par le plus pégu des pochards. Femme de beau discours, amatrice de néologismes et de langages de soudards. On ne saurait dire si l'Anaon est une femme bien élevée ou la pire des raclures. Comment d'un côté a-t-elle basculé à l'autre ? On appellera cela « capacité d'adaptation ». Tellement malléable, oui, qu'elle en vient à ne plus savoir ce qu'elle est concrètement. C'est peut-être cela, sa quintessence. De n'être tout et rien à la fois.

    Son sens du respect de la hiérarchie sociale est une notion qui sait se faire tout aussi abstraite. Funambule, parfois jouant de l'étiquette, tantôt de la provocation, c'est décidément avec le second côté que la balafrée a décidé de flirter. Et voir Anthoyne afficher la mine des bigots, c'est définitivement un bien beau spectacle ! Infime crispation d'une narine. Un coin de lèvre se rehausse dans une courbe presque indiscernable. A contempler le Loup outré, la Biche complote déjà pour trouver de quoi galvaniser sa stupeur, mais...

    « Vous intéresserais-je ? J'aime bien la seconde idée . »

    La balafrée recule la tête comme si elle recevait une pichenette. Yeux écarquillés, mine stupéfaite. Attendez, il croirait que... Oh mais... non ! Soufflée, elle cesse soudainement ses pensées marioles, redressée sur son assise. Et alors qu'elle s'apprête à rétorquer, le Loup enchaîne. Lèvres pincées, la sicaire écoute les explications du Louveterie, sans même boire dans la timbale fraîchement dérobée. C'est toute soumise à cette contemplation qu'elle trouve brusquement au noble des airs quelques peu théâtraux, qui ne peuvent que lui rappeler certaines manières d'Alphonse Tabouret.

    Un silence. La sicaire se dérouille, plongeant enfin ses lippes dans la cervoise possédée. Et voilà qu'Athoyne reprend, plus surprenamment encore. Les paupières se plissent. L'homme joue à son tour. L'entendre glisser sur la pente des intrusifs suffit à nouveau à enhardir la mercenaire. On ne lui rive pas son clou à l'Anaon. Ou du moins, pas bien longtemps.

    Elle ? Avoir une coquille ? A cette réplique elle se farde d'un air supérieur, presque hautain, faisant tourner mollement la bière dans son gobelet, contemplant un point imaginaire et lointain.

    _ En effet.

    Azurites reviennent au faciès mâle.

    _ Mais dites-moi, vos questions sont encore plus curieuses et indiscrètes que la mienne... C'est à croire que c'est vous l'intéressé. Votre surprise première aura-t-elle été feinte ? L'on pourrait penser que c'était bel et bien moi que vous avez cherché à faire venir ici. Et nul autre mercenaire... Mais je suis infiniment désolée, Anthoyne, il semblerait que finir dans votre couche soit bien trop dangereux. Je n'oserai prendre ce risque.

    Et toc ! La voix est toujours égale à elle-même, d'un calme olympien. Sous cette placidité se cache pourtant l'amusement latent de celui ou celle qui se laisse aller aux piques de verbe.

    _ Encore que vous êtes moins guignard que je ne le pensais... Je croyais qu'Elendra était votre septième fiancée. Navrée pour les décédées.

    Les prunelles se moirent à nouveau dans le liquide ambré tournant dans sa main, avant qu'elle ne le laisse à nouveau envahir son palais. La question d'Anthoyne n'est pas si déplacée que cela. L'Anaon est-elle réellement accompagnée ? A l'heure de cette rencontre, Judas détestablement dépressif ne lui fait parvenir aucune nouvelle depuis des mois, un nain angevin vient de la demander en mariage, et un certain Veynel dont elle ne connait ni identité ni visage, et qu'elle doit rencontrer dans deux jours, prend grand soin de lui tourner autour. Alors oui, la question mérite d'être posée.

    L'Anaon inspire grandement. Gonfle les joues... Et pouffe.

    _ Si je suis seule ? Hum... Je ne sais pas... Je ne crois pas... en théorie non...

    A vrai dire, la sicaire n'en sait absolument rien.

    _ Néanmoins, si cela peut vous rassurer, je ne suis en rien mariée. J'ai eu une première expérience de fiançailles aussi désastreuse que les vôtres et pour les enfants... Je n'ai pas plus de chance. En résumé... Si acceptée je serai tout entière dévouée à votre tâche. Si ce sont là vos craintes... A moins que..?

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