Andrea.
- La vie est un éternel recommencement.
- Il y a des jours comme ça ou un homme n'a qu'une envie en tête, rejoindre l'ami Aristote et vivre -paradoxal quand on sait qu'on est finalement crevé lorsqu'on rejoint le soleil- sans entrave, loin des rumeurs et de la honte d'une séparation.
S'il avait décidé de quitter le Limousin plus tôt c'est qu'il envisageait encore de jouer les rôles de père et époux-modèle encore un long moment.
Finalement, ce moment aura été plus court qu'il le souhaitait, l'épouse arguant tantôt à qui voulait l'entendre qu'il s'était fait passer pour mort dans l'optique de trousser vierges et fiancées, épouses et veuves à la vitesse du cheval au galop.
On ne pouvait que croire ce genre d'absurdité quand on connaissait le passé sulfureux du Mortemart, l'homme à la liste comme certaines l'avaient surnommé.
Cette histoire de liste avait d'ailleurs refait surface à l'occasion d'une des nombreuses disputes du couple, entre cris et objets brisés, le langage fleuri d'une brune excédée par les ragots et un brun essayant tant bien que mal de se défendre de ces accusations.
Les rumeurs peuvent très souvent briser même le plus fort des liens, les Mortemart n'avaient pas fait exception. Une histoire qui resterait bien mystérieuse, les uns croiraient l'épouse éplorée, les autres ne prendraient pas parti, d'aucun ne prendrait la défense du désormais ex-sieur Shigella, et ce même s'il clamait avoir été fidèle dès le moment ou il avait accepté cet étrange pacte marital avec la Calabria.
Arrivé à Argonne et sans le sou, fait exceptionnel pour cet homme dont la richesse bien entamée par une femme dépensière et exigeante, lui aurait tout de même permis de subvenir aux besoins d'un village entier pour une année complète.
Ne connaissant que peu de monde, le jeune homme avait dû faire appel à ses vieux réflexes d'orphelins alors qu'il errait en Limousin près de dix ans plus tôt.
C'était d'ailleurs à cette époque qu'il avait appris qu'on pouvait tout obtenir par le charme, et comme la nature était généreuse, Andrea avait été fait aussi charmant qu'on pouvait l'imaginer. Même si dernièrement après deux agressions successives, -une première sur le marché Limougeaud où il avait découvert que son franc-parler et son dédain pouvaient lui couter cher, la seconde sur les routes d'Argonne- sa beauté s'était montrée entachée par quelques contusions au visage, cicatrices et hématomes en tous genres et une toute nouvelle démarche claudicante.
A peine arrivé à destination, il avait eu recours à ses atouts pour se loger, parcourant non sans flegme les rues à la recherche non pas d'une auberge mais d'une petite tenancière qu'il avait rencontré quelques années plus tôt alors qu'il était en quête de ses racines.
Le nom lui avait échappé, mais le Mortemart, homme organisé par essence, avait pu rafraichir ses vieux souvenirs à l'aide de sa vieille liste. LA liste, celle qu'il avait conservée précieusement depuis des années, et cela même après que la Calabria en est découvert l'existence.
C'est non sans nostalgie qu'il avait déplié les quelques pages de ses conquêtes passées pour retrouver à qui il devrait s'adresser : Eleonore...
Il n'avait pas fallu longtemps pour que la jeune femme accepte d'héberger son ancien amant, juste le temps de laisser miroiter une nuit d'amour que certainement elle n'avait plus connu depuis ce soir d'hiver passé en compagnie d'Andrea.
Malheureusement, de confort on ne pouvait pas espérer plus qu'une couche bien entamée par le temps, perdue au milieu d'une pièce aussi luxueuse qu'un taudis, la fraicheur des dernières nuits d'été s'infiltrait par le moindre espace qu'offrait une poutre descellée ou d'une toiture en ruine. Vilaine descente aux enfers pour l'homme qui avait gouté au luxe d'hôtels particuliers et appartements richement aménagés depuis sa plus tendre enfance. Beau privilège qu'il avait perdu une première fois et dont il supportait difficilement une seconde privation.
Au lendemain matin, le Mortemart en recherche de fraicheur avait fait exil au pied d'un petit étang aux abords bucoliques, -ne manquait qu'une petite cabane, un bucheron, sa femme, une grande blonde qu'on aurait pu appeler Mary et leurs deux ou trois gamines dont une pas douée qui boufferait l'herbe de la prairie environnante- l'heure du bain avait sonné !
L'air était chaud malgré l'heure matinale, et alors même que les derniers beaux jours faisaient don de quelques rayons de soleils puissants, on pouvait encore se contenter de tenues légères. Une tunique de lin naturel recouvrait la peau halée de l'homme ainsi que nombres de bandages enserrant son torse encore endolori, son séant moulé ostensiblement dans ses braies Diaizel taille XXXVI qui avait la fâcheuse habitude d'être le sujet de conversation de nombreuses dames.
Observant la surface miroitante qui s'offrait à lui, le brun osa un orteil avant de tomber la tunique et de se défaire de son carcan qu'il appelait aussi braies.
Fascinant comme l'homme peut se montrer si réticent à s'engouffrer dans une eau un peu trop fraiche et n'avoir aucune crainte à combattre en lice... Pour sûr le Mortemart allait prendre son temps avant de s'y jeter...
- * Ça doit être ça la belle vie
Ça doit être ça la belle vie
Ça pourrait vraiment être ça une belle vie
Good Life / One Républic
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