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[RP privé] Confession de Maud

Arnault_d_azayes


    « - Éminence ? »

    Le vieux scribe avait relevé la tête vers le cardinal. Si ce dernier n'était point aveugle, on aurait vu son regard perdu dans le vide devant lui. Habitué à dicter des dizaines de lettres par heure, l'Azayes était d'humeur particulièrement mélancolique ce matin-là.

    « - Pardon », répondit-il d'une voix un peu blanche. « - Où en étions-nous ? »

    Et il reprit sa dictée. Relisant la lettre terminée, le vieux scribe, sans en toucher un mot à son maître, la garda de côté au lieu de l'envoyer. Le niveau du texte était bien trop bas pour que le cardinal dans son état normal accepte qu'elle soit expédiée. Nulle doute que, sa mélancolie évaporée, il demandera de lui-même à la relire et qu'il recommencera de zéro. Arrivé en Bourgogne il y a quelques jours, l'aveugle était d'assez mauvaise humeur depuis le matin. Venait-il de réaliser le peu d'avenir qu'avait l'Église romaine dans le Grand-Duché d'Occident ? Toujours est-il que, quand on lui annonça que la personne qu'il attendait était là, il poussa un léger soupire avant d'ordonner qu'on la conduise dans la chapelle privée. Peu de temps après, il demanda à ce qu'on le conduise rejoindre l'impétrante. Le majordome de l'hôtel particulier d'Aaron de Nagan s'acquitta de sa tâche et, quelques instants plus tard, le volet en bois du confessionnal de la chapelle s'ouvrit.

    « - Bonjour mon enfant. Je suis bien heureux de pouvoir entendre votre voix de nouveau. N'oubliez pas que c'est à Dieu et non à moi que vous vous adressez. Dieu est omnipotent ; Il sait exactement tout ce que vous avez pensé, dit ou fait. Mais Il est bon et nous pardonne si notre repentir est sincère. Je vous écoute. »


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Maud
    Faut juste que je me confesse?

Eberluée, Maud avait bien lu la nouvelle annonce de Rome qui traitait de tous ceux et celles qui comme elle avaient défendu la Bourgogne en ces tristes jours de janvier 1461.
Elle prit ça comme une réponse à son courrier envoyé aux deux seuls cardinaux qu'elle connaissait. Le dernier surtout. Arnault "l'aveugle" qui avait officié en tant que procureur à son procès de dissolution de mariage et qu'elle avait rencontré ensuite lors d'une audience particulière, accompagnée de Donall. Une audience qui avait tourné court suite à un "malentendu" exprimé de la bouche même du prélat. Les pensées se bousculaient dans sa tête après avoir reçu le courrier de Aaron qu'elle relisait avant de se préparer à une nouvelle rencontre avec le Grand Inquisiteur.

Citation:
Madame,

Cette annonce que j'ai faite avec son éminence n'est que la réitération de ce que j'avais pu dire auparavant. Une simple confession auprès de son déversant suffit à se laver du pécher...

Évidemment, face à cette communication de l’Église, une propagande éhontée de certain cherchait à semer le trouble dans l’esprit du fidèle. C'est en partie pour cette raison que l’Église a réagit si tard : Elle ne mesurait pas l'ampleur de l’incompréhension !

Vous êtes donc libre de choisir votre confesseur,son éminence d'Azayes si vous vous sentez davantage en confiance avec lui. Et vous vous sentirez ainsi plus légère une fois lavée de vos péchés.

Bénédictions apostoliques.


Aaron de Nagan,
Cardinal.


Elle se présenta donc à l'hôtel particulier du légat et s'attendait à un face à face , droit dans les yeux .. Façon de parler.. Même si Maud se demandait si le Arnault ne voyait pas finalement au travers de son bandeau noir.. Il était trop clairvoyant cet homme là. Han! ça aussi, elle devrait le dire?

Euh.. dans une chapelle? Bon.. pas grande mais elle ne voyait pas le prélat.. C'est le bruit d'un glissement de bois qui lui fit tourner la tête vers le confessional. Elle n'avait jamais mis les pieds ni les mains dans ce qu'elle avait toujours appelé " la boîte à pechés".

La voix du prélat la fit sursauter. Mince! Il savait que c'était elle.. je vous le dis moi.. cet homme , il avait l'ouïe bien trop fine.... Rhaaaaaa! Elle devrait aussi lui confesser ça?

Elle s'approcha donc. Se mit à genoux. C'était le seul moyen pour lui parler dans l'entrebaîllement de ce volet de bois ouvert.. Et pencha la tête .
    Bonjour Eminence ...
et à la tirade du prélat, spontanée comme elle était.
    Mais Eminence, je parle tous les jours au Très Haut moi! Tenez.. pas plus tard qu'hier, je lui racontais que j'en avais assez qu'on s'en prenne à mes fesses lors des joutes. Non mais Eminenece, vous comprenez .. J'étais tombée dessus lors des joutes organisées par le Prince de Clichy. Un mal de gueux pendant des jours Eminence! Vous n'imaginez pas comme j'ai pu insulter ce vrai rapiat qui avait du compter les grains de sable de sa lice. Et ça, chaque fois que mon petit os si mal placé me lançait.
    Et voilà qu'à celles du Tournel, une jouteuse m'a mise par terre en traître en me tapant du plat de l'épée sur les fesses!

Bah oui quoi! Bon, elle n'avait pas que ça à raconter.. Bien sûr que non. C'est juste qu'elle se trouvait un peu désemparée face à cette mise en scène. Et dans ces cas-là, Maud meublait avec les premières pensées qui lui venaient à l'esprit. Et si elle devait narrer toute sa vie. Probable que le prélat demanderait grâce très vite. Hein oui?
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Arnault_d_azayes


    Alors qu'il aurait dû être enchanté à l'idée de confesser cette Maud avec laquelle il entretenait une relation assez particulière, c'est sans allant qu'il avait prononcé les paroles rituelles ouvrant la confession ; après quoi il s'affaissa légèrement sur son siège, écoutant d'une oreille distraite ce que Maud allait bien trouver à lui confesser. Étrange état d'apathie proche de l'acédie, d'autant plus étrange qu'il n'était pas coutumier à l'Azayes si critiqué pour son activisme et son intransigeance. Le cardinal trentenaire n'avait plus seulement la pitoyable santé d'un sexagénaire : il en avait aussi la lassitude.

    Fort heureusement pour lui, Maud était une espèce de jeune innocente qui disait tout ce qui lui passait par la tête. Ce qui eut le don d'agacer profondément l'Azayes qui crut que la vicomtesse se moquait de lui. Cet agacement tira l'aveugle de sa torpeur et c'est d'un ton pincé qu'il répondit :

    « - Voyons, Vicomtesse, est-ce bien là quelque chose d'important ? Je suis fort aise d'apprendre que vous parlez à Dieu mais dans le cadre d'une confession, qui est un sacrement aristotélicien, il importe de se concentrer… sur ce qui importe. Autrement dit réfléchissez aux péchés que vous auriez pu commettre depuis votre dernière confession et énoncez ceux qui vous semblent les plus graves. Pour vous aider, rappelez-vous que nous péchons par trois truchements : pensée, parole, action. »

    Après ce rappel à l'ordre presque fonctionnaire, l'Azayes s'était redressé et guettait la réponse d'une oreille attentive.


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Maud
Il était passé de "Mon enfant" et d'un ton doux.. C'est comme ça que Maud l'interpréta en tous les cas à "Vicomtesse". Ce qui eut le don de lui arracher un énorme soupir..

Pardonnez-moi Eminence, mais je ne me suis jamais confessée..
Et comme le Très Haut ne m'a jamais répondu ou ne s'est jamais manifesté d'aucune manière, je pensais donc que tout ce que je lui racontais par le menu était pardonné..

Fastoche non? C'était pas tout à fait vrai non plus.. Mais Maud y croyait dur comme fer quand elle savait au fond d'elle-même avoir commis des péchés graves.

Se dandinant sur ses genoux .. et croisant les mains devant elle, elle réfléchit.; Oh elle était spontanée ça oui.. mais aussi méfiante. Même si cet homme là dégageait quelque chose qu'elle n'avait jamais ressenti face à d'autres cardinaux ou evêques de Rome dépêchés en Bourgogne..

Eminence.. et elle laissa une pause.. Vous me promettez que ce que je vous dirai ici ne sera répété à personne? Parce que vous voyez.. Je sais bien que le Très Haut ne perdrait pas son temps à colporter mes paroles. Il est bon.. bienveillant .

Il m'a pardonné d'avoir pris un plaisir fou à tuer les croisés qui attaquaient Dijon.. et je suis sûre aussi qu'il m'a pardonné de les avoir traités de chiens galeux. La Godiche en tête.. Elle était lancée là.. Je n'y peux rien Eminence, je peux être la personne la plus douce et la plus patiente du monde.. Mais qu'on s'attaque à mon Duché en me traitant d'hérétique, eh bien.pas de quartier! Je ne suis pas hérétique Eminence. Et pour vous dire à quel point j'aime les bourguignons, j'ai retenu mon bras lors d'un assaut contre une joinvilloise.. Lewyne.. J'avoue que si j'avais eu Trixolas en face de moi, je me serai faite une joie de le couper en deux dans le sens de la longueur.

Me pardonnez-vous?

Et ce n'était qu'un amuse gueule qu'elle lui servait en premier. Quand même pas très à l'aise.. Elle se souvenait des insultes et invectives des autres clercs de Rome. Celui-ci serait-il différent?
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Arnault_d_azayes


    La suite acheva de tirer l'aveugle de sa léthargie. Juriste de formation, ancien procureur provincial et royal, Arnault était par l'inné et par l'acquis un être intellectuel et scrupuleux. Il ne put se retenir de tiquer et de froncer les sourcils à divers moments de la prise de parole de Maud.

    « - Mon enfant, je crois qu'il conviendrait avant tout de vous rappeler quelques notions fondamentales. »

    Le ton était redevenu doux : c'était de la pitié que l'Azayes ressentait pour cette femme intelligente mais à l'éducation religieuse déplorable — il se promit d'ailleurs d'enquêter discrètement sur ses parents.

    « - Tout d'abord, bien entendu que je ne répéterai à personne ce que vous me dites. La confession est un sacrement, quel prêtre serais-je en en brisant le secret ?

    Ensuite, Dieu n'intervient pas dans la vie de tous les jours. Ses interventions directes sont très rares. Car Dieu a créé à l'avance différents embranchements dans le chemin de votre vie, et Dieu Lui-même ne sait pas lequel vous allez emprunter : les choix que vous faites selon votre vertu sont inconnus même de Dieu… qui voit cependant tous les choix possibles, et qui évalue votre vertu à l'aune des choix commis. Il n'y a donc pas lieu d'interpréter l'absence d'intervention divine puisqu'elle n'a lieu que dans des cas rarissimes comme à la fin de la vie d'un saint.

    Enfin, quoi qu'il advienne au cours de cette confession, je ne vous pardonnerai pas : je vous absvolerai… vous absoudrai… vous donnerai l'absolution. Le pardon restant l'apanage du Très-Haut, dans le cas présent. »

    Selon l'intello Azayes, rien de tel qu'un préambule méthodologique et conceptuel pour débuter une dialectique efficace. Il se racla ensuite la gorge, espérant ne pas avoir assommé la vicomtesse.

    « - Bien. Ceci étant posé, venons-en à ce que vou s souhaitez me confesser. Prendre du plaisir à faire le mal est un péché fort grave. Je pense que vous avez en réalité pris du plaisir en pensant faire le bien, alors que ce n'était pas le cas. Concorderiez-vous pour affirmer que vous avez un temps été aveuglée par l'être que l'on ne nomme pas ? Vous vous êtes ainsi sentie investie d'une mission et c'est en la réalisant que vous avez pris du plaisir. Or il existait d'autres solutions, que votre aveuglement temporaire vous empêchait de voir. Regrettez-vous vos actes à présent ? Si oui je pense avoir raison avec mon diagnostic. »


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Maud
Oooh non;; il allait pas l'embrouiller avec du dogme, des textes et autres joyeusetés. Elle sauta sur ce qui lui parut nouveau

Mais c'est tout à fait ça Eminence, j'ai agi en pensant faire le bien.

Le-cri-du-coeur là!

Aaaah Eminence, si vous saviez comme je suis heureuse d'entendre ça.. Et si tous les fervents aristotéliciens et bourguignons pouvaient l'entendre de votre bouche, ils oublieraient bien vite les discours sans fin de Messeigneurs Aegon et Aristokoles quand ils nous noyaient sous le Droit Canon en nous disant tout et son contraire avec condescendance ou dureté de coeur. Je vois bien Eminence que l'Amitié Aristotélicienne n'est pas un vain mot dans votre bouche.

Ah mais, cet homme si grand inquisiteur soit-il lui semblait être un homme juste.

Je regrette d'avoir ressenti du plaisir en tuant ces croisés Eminence..Et là, elle se mordit la lèvre inférieure.. La.. enfin celle que l'on ne peut nommer a sans doute pris possession de mon âme .. Il faudra alors que vous m'aidiez à la repousser si j'en viens encore à devoir taillader dans du brigand et de la racaille...Je veux dire Eminence pour que je n'y prenne plus autant de plaisir, entendons-nous bien. Et là, c'était pas gagné avec maud
Parce que si je suis amenée à défendre et protéger mon Duché comme je l'ai toujours fait, je devrais encore tuer.
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Arnault_d_azayes


    Le soulagement que la réponse de Maud procura à l'Azayes ne peut être décrit par des mots. Sorti de sa paresse et de son acédie, il avait réalisé qu'il s'orientait vers une confession longue, pénible et moralisatrice, et avait tendu à Maud une perche qu'elle eut l'intelligence de saisir.

    « - Fort bien. Chaque fois que nous péchons, nous cédons à la tentation du Sans-Nom. Le Sans-Nom est partout : en-dehors de vous mais surtout en vous. En vous ou en moi. Il s'agit d'un malin génie* qui nous dicte de mauvaises décisions que nous regrettons lorsque nous retrouvons la pleine maîtrise de notre vertu. Dans votre cas, vous avez visiblement cédé peu de temps. Agir en suivant les préceptes de l'amitié aristotélicienne est l'apprentissage de toute une vie : petit à petit, grâce à l'expérience, nous résistons de mieux en mieux au Sans-Nom. La vertu se travaille et se doit d'être en constante progression. Voilà la clef de l'entrée au Paradis. Je pense que vous possédez de solides qualités qui vous permettront de progresser très rapidement si la page de votre excommunication est tournée. Il conviendra cependant de veiller à bien vous entourer.

    Souhaitez-vous me parler d'autre chose ? Ne vous étant jamais confessée, vous pourriez ressentir le besoin de me parler de choses fort anciennes. Dans tous les cas, je veux que pour la première fois que vous recevez ce sacrement vous soyez totalement libérée du poids du péché. Je souhaite vous en absoudre bien d'autres. »

    Avait-il réussi à masquer son envie, son avidité d'entendre d'autres aveux de Maud ? Sorti de son sommeil flegmatique, l'aveugle débordait d'énergie et goûtait à la sensation retrouvée de confesser les âmes. Pourvu que Maud soit d'humeur bavarde !


*Descartes

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Maud
Ca faisait combien de temps que Maud ne se sentait pas comme une enfant prise le doigt dans la confiture? Des siècles. Curieux quand même que cet homme là arrive à briser toutes ses barrières. Aegon n'y était pas arrivé, pourtant il n'avait pas hésité à taper dans sa faiblesse: les terrines de pâté au lièvre.. Aristokoles, n'en parlons pas. La haine l'animait tellement que Maud serait presque devenue réformée rien que pour l'embêter et pas qu'elle. Ambroise? Le frère Ambroise qui avait tant combattu Rome pour ces excommunications abracadabrantes à un moment et qui avait retourné sa veste en lui montrant son vrai visage lors du procès.

Renouant ses mains , elle chercha quand même la force de lui avouer la pensée la plus grave qu'elle ait jamais ressentie et ce qui suivrait ne serait que pecadille.

Oui oui... Eminence.. les vertus.. je les connais..Eh bien.. vous parliez de pécher en pensées Par saint Bynarr Eminence.. Ce cher Saint Bourguignon qui m'a tant guidée pour défendre la Bourgogne.

Et elle serrait ses phalanges. Oserait-elle?

J'avoue en avoir une très forte et dont j'avais parlé à plusieurs personnes. Pour vous dire à quel point elle avait franchi mon esprit toute seule ..

Et se penchant vers le volet en bois, elle lui murmura d'une petite voix comme si la pensée serait moins grave.

Il n'y a pas si longtemps, je voulais brûler Rome..
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Arnault_d_azayes


    Ouvrant la bouche pour exprimer ses hésitations, Maud fit un plaisir insoupçonné à l'Azayes qui se frotta les mains : chic, plus d'aveux, plus de remontrances, plus de pénitences ! L'enfant enfoui en Arnault s'était réveillé en même temps que le cardinal, assoupi jusqu'à ce que Maud le secoue. L'aveugle dut même retenir un gloussement en entendant à quel point la Bourguignonne était mal à l'aise. Voilà véritablement une confession qui comptait parmi les plus amusantes qu'il ait effectué.

    Maud avoua enfin, et les épaules de l'Azayes s'affaissèrent d'un coup d'un seul. Estomaqué, soufflé par cet aveu, l'aveugle resta sans voix, ouvrant la bouche puis la refermant sans qu'aucun mot n'ait pu s'en échapper, à peine quelques borborygmes. Il parvint enfin à articuler :

    « - Brûler Rome ? Vous êtes-vous prise pour Néron, ou était-ce un pur désir de vengeance pour le sang bourguignon versé ? À quelle fréquence y avez-vous pensé ? Avez-vous véritablement songé à mettre votre rêve à exécution, autrement dit avez-vous débuté une organisation en ce sens ? Quand y avez-vous pensé pour la dernière fois ? Il va falloir m'en dire plus ! »


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Maud
Elle avait bien entendu avant. Il l'absoudrait de tous ses péchés. Plus de péchés. Plus rien.. Toute neuve, toute légère comme avait écrit Aaron.
Bon d'accord, ça devait le choquer un peu ce qu'elle venait de dire. Tous les mêmes voilà tout.. Ils voulaient tout savoir. Vous faisaient leur petit numéro doux et paf! le masque tombait. La déferlante de questions du prélat en était le signe évident. Et elle se recula un peu en se mordillant la lèvre gauche

Eminence, ne vous mettez pas en émotions comme ça.. Vous allez vous faire du mal. Pas ma faute à moi si vous voulez connaitre toutes les pensées que j'ai eues à ce moment là.
Ce n'était qu'une pen-sée Eminence.
Comme de voir son Eminence Rehael, dict "le Rat" et son Eminence Vincent Diftain sur un grand bûcher au milieu de la Place de Rome hurler qu'ils avaient péché contre tous les bourguignons.. Qu'ils s'étaient vengés contre de fervents aristotéliciens en les excommuniant et demander pardon à la Bourgogne.

Et puis je ne l'ai pas fait.. Rome est bien trop loin. Mon Dieu, mais Maud, tu pourrais pas trouver une meilleure excuse quand même?.Et.. c'était y a longtemps Eminence. Je vous jure que cette pensée ne m'a plus traversé la tête depuis la dernière annonce de Son Eminence Aaron qui excommuniait tous ceux qui avaient prêté allégeances à Feu le Roy Eusaias.

Et presque les larmes aux yeux.;
Vous voyez .. vous vous énervez.. Alors que vous m'avez bien dit que vous alliez m'absoudre de tous mes péchés. C'est votre faute Eminence..C'est vous qui voulez raviver tous mes souvenirs. J'avais presqu'oublié moi!
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Arnault_d_azayes


    Mais vous n'allez pas vous mettre à pleurer comme un veau, ça n'arrange rien ! Le malaise était total. L'Azayes n'en était pas à son coup d'essai en entendant Maud : le nombre d'absolutions qu'il avait prononcées était un petit record et il en connaissait un rayon en Bourguignonne excommuniée grâce à la délicieuse Angelyque de la Mirandole, qu'il avait récemment giflée en plein Rome. S'il détestait les Bourguignonnes, c'est parce que qu'il haïssait la Bourgogne et les femmes en général. Inverti on ne peut plus refoulé, il n'avait rien compris à ces créatures dont la faiblesse le mettait mal à l'aise. C'est un aveugle désemparé qui tenta tant bien que mal de répondre aux larmes montantes :

    « - Voyons, Vicomtesse… Je ne vous morigène pas. Ce n'est nullement mon rôle. Pour bien vous absoudre, il faut que je comprenne tout. Je ne faisais que m'informer. Vous m'avez répondu, je vous en remercie. Avançons à présent. Vous semblez avoir de très nombreuses pensées… »

    Il se retint d'indiquer que cela était bien surprenant pour une femelle.

    « - Peut-être pourriez-vous éviter de pécher à nouveau en pensée en lisant. Cela vous occuperait l'esprit. Vous pourriez vous procurer de nombreuses lectures saines. Qu'en dites-vous ? »

    Même si ce qu'il allait ensuite dire était la dernière chose qu'il souhaitait avancer, il prit son ton le plus péremptoire et affirma :

    « - Je sais que vous vous sentez déjà plus légère d'avoir parlé de cela. Continuez si vous le voulez, confessez-vous de ce qui vous fait souffrir. »


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Maud
Bah voilà....C'était malin... elle n'avait pas de mouchoir sur elle.. et Maud de s'essuyer les larmes avant même qu'elles ne perlent sur la joue. Et il reprenait sa voix gentille le prélat.

Sauf que quand Maud était partie sur une émotion. Elle y allait jusqu'au bout. Et toujours agenouillée sur ce banc de bois..

Ce dont je souffre Eminence? C'est de n'est pas avoir un manuel qui me dise quoi penser juste en ce moment...Je suis perdue.. je vous livre mon âme en ayant en tête comme vous l'aviez dit avant que si j'ai péché, c'est qu'à un moment je pensais faire le bien mais ce n'était pas le bien..Mais je le pensais quand même.. faire le bien je veux dire..

Eh bien Eminence, je pensais agir bien en me mariant et c'était une erreur. Sauf que Rome dit quand même que se marier c'est bien, mais c'était quand même une erreur. Est-ce un péché si je dis maintenant que ce mariage était une erreur alors que le mariage est un sacrement à ne pas prendre à la légère?

Je pourrais vous dire aussi toutes les pensées qui m'ont traversé la tête le jour où j'ai rencontré un grand de ce royaume sans le savoir et qui en voulait à ma vertu alors que j'étais seule avec lui près d'une auberge perdue entre le Berry et le Sud.
Est-ce mal d'avoir voulu sauver ma vertu de pucelle d'alors en lui proposant de l'acheter 1000 écus? Et d'avoir bien pensé puisque ça l'a refroidi sur le champ?
Aurais-je du accepter les 1000 écus si il me les avait offerts?

Et cet homme qui m'a couverte de bijoux en espérant sans doute une issue plus charnelle. Aurais-je du refuser ses cadeaux, Alors qu'il les offrait avec amour et que cela me faisait plaisir?

J'avoue avoir eu d'horribles pensées même vis à vis du saint Père quand il se prélassait en croisière vers Alexandrie alors que nous étions au bord du gouffre et je pensais que je pensais bien en me disant que Rome était dirigée par un homme qui ne pensait qu'à son plaisir et qu'il oubliait tous les fidèles aristotéliciens.

Tout comme Eminence, j'ai cru à un moment donné que j'étais excommuniée.. Puis que je ne l'étais plus. Et finalement pour m'entendre dire que je l'étais encore et.. et.. et..

Ah ben là, les larmes sortaient.;

Et. ...et....Eminence, comment est-ce que je peux savoir si je fais une erreur que je dois confesser? On me dit oui un jour.. Puis non.. le lendemain.. pour me redire oui le surlendemain. Mon esprit souffre Eminence dans tous ces méandres. Est-ce un péché?

Je regrette sincèrement le mal que j'ai pu faire à qui que ce soit sans jamais le vouloir Eminence .. Je n'aspire qu'à la Paix.. Mais Eminence vous qui semblez tout savoir.. Comment dois-je agir quand on me fait du mal?

Et les livres auxquels vous pensez vont-ils m'aider?

Non parce quand même là d'un seul coup, les larmes qui venaient chez elle et c'était la débâcle..Maud si rationnelle la plupart du temps.. Nah! Fallait pas la laisser..

( edit: me suis trompée avec des balises)
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Arnault_d_azayes


    Et les larmes coulèrent. Impuissant, l'aveugle demeura coi. Qu'était-on censé faire dans ces cas-là ? Rien ne semblait possible à cet homme aveugle et séparé de Maud par un grillage. Seul le temps pouvait faire son œuvre. Le silence s'installa donc. Pesant pour l'Azayes, qui espérait qu'il permettrait à la Bourguignonne de retrouver ses esprits. Il procura au moins à l'aveugle l'audace pour dire :

    « - Votre âme est en pleine mutation et vous vous remémorez de lointains et pénibles souvenirs. Il est normal que votre corps soit mis à rude épreuve. C'est une bonne médecine que vous vous appliquez, même si le remède a un goût amer. »

    Il se tut encore. Le silence l'avait aidé une fois, et il lui permit à une seconde reprise de trouver les mots qu'il cherchait :

    « - La frontière entre le bien et le mal est aussi peu nette que la ligne d'horizon : de loin, toutes deux semblent bien tracées et définies mais, plus on s'en approche, plus on découvre qu'il n'y a que peu de différence entre Bien et Mal, entre Ciel et Terre. Les serviteurs de Dieu sont des hommes : ils ne savent pas tout. Voilà pourquoi vous avez entendu des discours contraires, et je gage que vous en entendrez d'autres. Cela ne doit que renforcer votre foi dans le Dieu parfait, omniscient et omnipotent.

    Concernant vos questionnements précis : vous n'avez pas péché en vous mariant puisque vous semblez croire en sa pérennité en convolant. Vous allez cependant devoir faire pénitence pour avoir demandé à ce qu'un sacrement soit dissous, même si cette pénitence sera légère. Vous n'avez pas péché en réclamant 1 000 écus puisque vous ne comptiez tout de même pas accepter de vendre votre virginité à ce prix. En revanche vous auriez péché en le faisant. Concernant le Saint-Père, c'est un souverain très particulier, fort proche de Levan III. Il ne faut pas interpréter ses faits et gestes, il a préféré laisser d'autres gouverner.

    Voici quelques réponses. J'imagine que des dizaines d'autres questions sommeillent ou bondissent encore dans votre esprit. Vous avez eu des périodes de vie assez dissolues, il faut le reconnaître, et ceci explique cela. Votre réintégration devrait vous permettre de retrouver la paix et la sérénité. Cela sera un travail de tous les jours mais vous y parviendrez. Souhaitez-vous me parler d'autre chose ? »


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Maud
Elle avait eu tout le temps de se sécher les yeux Maud. et le silence s'installa..un silence salvateur.. Maud avait vidé son coeur et ses larmes, et elle était en pleine forme. Toute légère comme avait dit Aaron. Tout juste si elle ne toqua pas contre le volet de bois pour savoir si le prélat ne piquait pas un petit roupillon. Juste au moment où elle allait le faire, le voilà qui reprenait..
    Ah Eminence! Je pensais que vous vous étiez endormi..
    Mon âme en pleine mutation ? Eminence, par pitié, je crois entendre ces charlatans qui passent de temps en temps en Bourgogne et qui parlent de réincarnation!
    Remarquez si je pouvais retrouver un corps sans cicatrices , je ne demanderai pas mieux moi..Mais je me sens déjà bien plus légère .

Mais c'est bien la suite qui la rendit perplexe et dans ces cas là. Maud fausse innocente devant l'éternel ne reprenait que ce qui l'arrangeait dans les paroles dites;
    C'est tout à fait ça Eminence, la frontière entre le Bien et le Mal est aussi ténue parfois que la ligne d'horizon entre la terre et la mer.
    Mais alors que fais-je ici?
Et décroisant les doigts des mains..
    Mais c'est magnifique Eminence, vous allez pouvoir pardonner à tous les bourguignons injustement excommuniés par son Eminence Vincent Diftain?

Maud.. mais enfin.. retiens-toi un peu.. sauf que pour son mariage, Maud fut sans détours.
    Non

Plus clair que ça, ça pouvait pas..
    Eminence, ce n'est pas moi qui ai demandé la dissolution du mariage..et je pense avoir assez souffert que pour en plus devoir faire pénitence..

Bah oui, fallait pas pousser..A force de tirer sur la corde, elle allait se casser.. c'était fini.. Oublié..; Pourquoi faire traîner encore? Non non et non! Mais sa bonne humeur reprit le dessus quand il lui parla d'une vie dissolue.. et elle rougit d'un seul coup..petit coquin..
    Et Eminence, je vais vous décevoir.. Même si je suis une femme et pas clerc d'église..je ne me suis faite trousser par personne depuis longtemps.. je dirai même bien trop longtemps! Oh! Des hommes m'ont fait des avances .. ça je dis pas..

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Arnault_d_azayes


    Dormir, l'Azayes, alors qu'il était en passe de battre le record e la plus longue et décousue confession de l'histoire de l'Église ? Que nenni ! Il était bien présent de corps et d'esprit, mais peinait à trouver les réponses aux questions de Maud. La vicomtesse semblait décidée à compenser en une seule fois le retard pris par des dizaines d'années de vie sans confession. Arnault n'était pas sorti de l'aubergine.

    « - J'absoudrai… j'absolverai… je donnerai l'absoluture à tous les Bourguignons excommuniés par mon prédécesseur et me demandant de les entendre en confession. Tous, sans exception. Je souhaite que vous soyez la première d'une liste longue comme le bras du cardinal Quarion. »

    Cardinal camerlingue le plus corrompu de l'histoire, NDLR.

    « - Pardonnez mon erreur concernant votre mariage. Vous avez bien raison de me le faire remarquer. Quant à votre chasteté que vous décrivez en de si plaisants termes… Je ne faisais pas référence à cela. Mais heureux d'apprendre que vous préservez votre vertu. Je souhaitais surtout évoquer vos implications politiques et vos associations avec diverses personnes. Sauf erreur de ma part, voilà plus d'un an que vous avez commis votre dernier péché mortel : cela est très encourageant pour la suite. Voici ce que j'entendais. Et je souhaite que ce jour soit le premier d'une ère nouvelle pour vous. Pour cela, il faut me dire les choses qui vous restent encore sur le cœur. »

    L'aveugle songea qu'il apparaissait sans doute comme extrêmement masochiste, réclamant encore des aveux et encore des discussions. Mais il était dans une grande forme, contrastant de manière extrême avec la léthargie qu'il venait de quitter, et ce trop-plein d'énergie avait besoin de trouver une finalité.


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