Mars
L'époque des labours.Les labours se font en octobre et/ou en mars : les calendriers médiévaux les représentent sur ces deux mois. L'opération est importante : une terre bien retournée produira une récolte abondante.
Jusquau XII° siècle les paysans ne disposent que d'un araire sommaire à une lame verticale qui ouvre le sol en surface et l'ameublit mais ne le retourne pas. L'outil est relativement bien adapté aux zones méditerranéennes aux sols légers. Il en est autrement pour la terre grasse d' Île-de France, de Normandie ou de l' Est du pays. L'arrivée de la charrue est providentielle pour le nord du Royaume et plus largement de l'Europe.
A la différence de l'araire, la charrue dispose de deux lames. Le coutre qui retourne d'abord la terre verticalement et le soc qui coupe la terre horizontalement et en profondeur. Le versoir placé à l'arrière retourne la terre coupée sur le côté. Cependant cet instrument n'est pas à la portée de la première bourse venue et l'usage de l'araire persistera jusquà XV° siècle (Donc de nos jours RP si vous n'êtes pas un opulent paysan.) ainsi que les outils plus rudimentaires : bêche (notamment pour les vignerons), houe ou pic, sorte de pioche à une extrémité plate et coupante.
Semailles et labour à l'araire.
La préparation des vignes.La viticulture est une activité très développé au Moyen-Âge, y compris dans des région où l'activité a aujourd'hui (HRP) disparue. Le territoire est couvert de vignes, le vin étant préféré à l'eau vectrice de maladies... et peut-être aussi pour l'ivresse !
Produit jusqu'au XIII° siècle dans le nord : Flandres, Île de France, Champagne, Alsace et bien sûr Bourgogne ! , sa culture s'étend ensuite dans le Bordelais, le Sud-Ouest et jusqu'en Italie.
Les seigneurs laïcs et les Abbayes sont là aussi les principaux propriétaires des terres et en tirent de confortables revenus. Les pressoirs ajoutent encore des écus dans les coffres...
Quelques paysans peuvent devenir propriétaires de petites parcelles au bout de plusieurs années de travail.
La surveillance et la taille de la vigne a lieu toute l'année mais la plus importante est celle du mois de mars, après les gelées hivernales.
Taille de la vigne.
Il s'agit de supprimer les parties mortes de la vigne, de favoriser une bonne exposition du cep pour améliorer sa longévité et surtout sa productivité. Les ceps sont taillés à la serpe, les sols bien retournés pour les aérer.
Après la coupe, il convient de lier les sarments et d'épandre des engrais végétaux à base de raisins de l'année précédente ou de fumier.
Paysan et jardinier !L'arrivée imminente du printemps impose aussi des travaux de jardinage pour le compte du seigneur ou pour soi. L'entretien d'un potager ou d'un petit verger représente en effet un complément alimentaire non négligeable.
Cette importance peut se remarquer sur les gravures de l'époque : les jardins sont représentés clôturés de bois, de briques ou de pierre ce qui permet d'éviter les dégâts causés par les animaux... et les voleurs !
Le travail est tout aussi fastidieux que celui des champs. Il faut retourner la terre, enrichir le sol avec des engrais, semer, tailler, planter, ôter les mauvaises herbes.
Le jardin médiéval fait de plates bandes carrées, soigneusement séparées, est tardive, comme ici celui de plantes médicinales de la (magnifique !) Abbaye de Daoulas dans le Finistère :
Traditionnellement, le jardinier laissait pousser les différentes espèces côte à côte.
Le mois de mars n'est que la saison des préparatifs : il faudra ensuite surveiller et entretenir le jardin et procéder à la cueillette des fruits, fleurs, herbes aromatiques ou médicinales, tâche généralement confiée aux femmes si l'on en croit les représentations.
De l'importance du bon voisinage...Si les liens de parenté sont fondamentaux dans la cohésion sociale locale, les solidarités s'expriment aussi par les liens de voisinage. Au Moyen-Âge, ce terme est plus large qu'aujourd'hui et englobe tout habitant du village, régi par sa Loi. Le "voisin" n'est pas que l'habitant de la maison située à côté de la sienne comme de nos jours.
Chacun se connaît (les communautés villageoises sont petites et chacun est victime des même calamités, épidémies, guerres incessantes, brigandage...) et se côtoie en dépit des distinctions professionnelles, entre paysans et artisans par exemple. Des historiens comme Emmanuel Leroy-Ladurie ont bien montrés les solidarités existantes en Languedoc lors des procès de l'inquisition pour Catharisme par exemple.*
De même dans le nord, d'autres formes de solidarités existent et vont jusqu'à s'officialiser : les bourgeois se regroupent (souvent par corporations), on prête des serments, on établis des Chartes quand les villages sont affranchis.
Et l'étranger au village ?Les aubains, les "forains", les "romanichels" sont (déjà) mal perçus comme tous ceux qui ne participent pas à cette interconnaissance. Les "étrangers", dont le village peut être à 10 km, font parfois peur et sont très mal accueillis même si les préceptes chrétiens enjoignent à l'hospitalité.
Souvent les locaux les dénoncent et les accablent de délits parfois réels, souvent imaginaires.
Lesquels délits sont punis plus sévèrement que pour les villageois...
On leur fait payer des droits de couvert et de gîte, des tonlieux**, et droits d'usage dont sont exemptés les villageois. L'étranger paye quand il arrive mais aussi quand il repart. Il y a donc une volonté de protéger le groupe local et d'assurer sa stabilité, même au prix d'un repli frileux sur soi.
Dans les villages non-affranchis la volonté du seigneur prime et ils sont en général moins regardant sur les arrivés que sur les départs Mais dans les communautés affranchies les chartes encadrent très sévèrement les droits et devoirs auxquels sont soumis les étrangers.
Cependant la saignée de la population produite par la Guerre de Cent Ans laissa dans de nombreuses provinces de nombreux champs en jachère et des offres destinées à attirer les étrangers à la province furent massivement lancées provoquant un afflux de population nouvelle. Il n'était donc pas impossible de s'intégrer.
De même les serfs affranchis sont insérés à la communauté par le Droit.
En revanche une certaine exclusion sociale perdurera pour les chevaliers, même de basse extraction et ayant sensiblement le même mode de vie que les paysans, exclus sauf pour raison militaire des villages.
En contrepartie ils échappent aux charges communales et aux droits d'usage.
Au moyen-âge l'extérieur est l'inconnu et possiblement le danger. Mais si les communautés villageoises tendent à se protéger de l' « étranger » au sens large, elles ne l'excluent pas et transcendent les différences sociales quand elles ne sont pas trop extrêmes.
* Emmanuel Leroy-Ladurie est un des fondateurs de lAnthropologie Historique qui au delà des dates de batailles s'attache à comprendre la vie quotidienne des hommes et femmes du passé dans leur environnement historique.
Il est fait ici allusion à son ouvrage le plus connu : "Montaillou, village occitan de 1294 à 1324", Gallimard,1975.
** Tonlieu:du latin teloneum, du grec telônia, ferme des impôts. Impôt indirect d'origine romaine concernant le transit des marchandises (droit de péage).
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