Magda.
Il est tôt. Assise à son bureau, sur lequel trône une tasse de tisane en train de refroidir, Magdalena traite son courrier avec efficacité, réglant quelques factures et répondant à des lettres de peu d'importance. Habituée à ce genre d'activité, elle travaille comme un automate, ses pensées tournées vers le jardin d'hiver qui est en train de se monter à côté de la charmante demeure de centre ville qu'elle vient d'acquérir pour une somme tout à fait modique. Bientôt, elle pourra replanter citronniers, jasmin et hibiscus et cette simple idée la fait sourire.
Une nouvelle lettre est décachetée et lue. Puis relue. Le temps de comprendre ce dont il s'agit, le Tournesol a perdu son air joyeux, mais dès lors qu'elle réalise ce que la note signifie la d'Acoma sent ses fossettes se creuser à nouveau alors qu'un sourire vient illuminer ses traits. Elle n'a plus eu cette expression radieuse depuis trois ans. Depuis Dunjia.
Dunjia. Son soleil piquant. Sa délicate épine.
Son sourire. Son amour. Son double. Son tout.
Sa sur jumelle.
Séparées trois ans plus tôt, à la mort de leurs parents, les deux jeunes filles ont dû devenir jeunes femmes séparément. Malgré tout, Magdalena n'a pas ressenti le manque. Cela peut sembler étrange et pourtant, c'est vrai. LOrtie ne lui a jamais manqué et pour cause : elle fait partie d'elle.
Physiquement, évidemment, car se voir c'est voir son double, mais mentalement surtout. Parce que plus qu'une simple copie, sa jumelle est une extension d'elle-même et de son âme. Parce que si elles sont aussi différentes que le soleil et la lune ou l'eau et le feu, c'est pour mieux se compléter. Parce qu'elle n'existe pas sans Dunjia et que Dunjia n'existe pas sans elle. Mais, malgré tout ça, elles ne peuvent se parler ou s'enlacer à distance et cette lettre, parce qu'elle en est le synonyme, est des plus heureuses.
La bonne du Tournesol, Suzette, est appelée. La situation expliquée. Le départ planifié.
Bientôt, elles seront ensemble.
- - Là où tout a commencé -
Le jour des retrouvailles est arrivé, brumeux, froid et absolument exquis. Pour une fois seule, Magdalena attend l'arrivée de sa sur sous le regard tranquille de son cheval. Vêtue d'une chaude robe de velours vert mousse, ses mains gantées de cuir brun, elle fait les cent pas à côté d'une cabane de chasseur abandonnée où, si elle a bien compris, leurs parents avaient l'habitude de se retrouver avant leur mariage.
Petite âme aussi impatiente que curieuse, elle regarde autour d'elle, sondant les frondaisons au moindre bruit, son cur gonflé de joie menaçant d'exploser à chaque fois qu'elle croit voir arriver sa sur. Se sentant idiote à attendre ainsi, la rousse se décide à pousser la porte de bois vermoulu de la cabane et y entre, se pinçant les narines pour échapper à l'infecte odeur de renfermée qui flotte dans l'air.
Vidée de ses meubles depuis longtemps, la pièce n'accueille plus qu'une solide cheminée de pierre sur le manteau duquel quelque chose semble être gravé. S'approchant pour lire, Magdalena lève une main jusqu'à son oreille pour effleurer le diamant qui y est accroché, émue, tandis que de l'autre elle caresse les mots inscrits là pour l'éternité :
- Arbert & Athéna
Iunctaque semper erunt nomina nostra tuis*
*Et toujours mon nom sera uni au tien
Citation d'Ovide
Citation d'Ovide
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