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Les débuts entre une religieuse et une servante qui deviennent de presque-parfaites "sex friends".

[RP] Amicalement tienne

Eli_za_beth
De doux baisers se posèrent sur l’épaule nue d’une brune endormie. Les lèvres descendirent doucement vers le cou pour l’embrasser délicatement.
Les deux femmes ne se connaissaient que depuis très peu de temps et pourtant, elles partageaient déjà leur couche. Elizabeth se montrait très tendre, très douce et très avenante. Elle avait oublié à quel point l’amour au féminin pouvait être bon. Cette aventure lui faisait énormément de bien (dans les deux sens du terme, oui). Se retrouver dans les bras d’Auralie après les horreurs des champs de bataille lui permettait de respirer et de ne pas devenir complètement tarée, démoralisée et traumatisée.
En vrai, Elizabeth n’était pas violente et elle supportait assez mal de voir un corps humain se faire maltraiter. Le pire étant lorsque des membres pendouillaient joyeusement ou se faisaient carrément la malle. Et puis le sang qui giclait et qui coulait partout. Quelle horreur ! La petite nonne faisait la maligne et ne montrait rien de son dégoût mais en vrai, tout cela l’affligeait. Alors du coup, depuis qu’elle avait rencontré Auralie, elle profitait de ces quelques heures de répit avant le moment fatidique où elle devrait reprendre les armes.

Bonjour…

Les lèvres continuaient leur expédition sur la peau de la brune. Elizabeth semblait hésitante parfois parce qu’elle avait peur de se faire rembarrer comme Svan l’avait si souvent fait : « tu te prends pour ma mère pour m’embrasser sur le front ou quoi ? » ; « je te préviens Eli, si tu m’embrasses là où mon père le faisait, ça va pas le faire ! » (les tempes). Mais jusque-là, ça allait. Il n’y avait pas beaucoup de résistance. C’était tant mieux. La blonde était en manque de tendresse et de douceur. Et même si ce n’était qu’une aventure, même si ça n’irait pas plus loin, Elizabeth profitait de ces moments privilégiés. Elle ne s’engageait pas et ne promettait rien.
En vérité, elle n’était pas faite pour être en couple. A chaque fois qu’elle avait essayé, ça avait capoté. Elle aurait vraiment dû en rester à Carla et à leur relation amicalement très charnelle. Au moins, elle n’avait pas été emmerdée par une espèce de connasse misogyne qui se prenait pour un bonhomme et qui avait décidé que lui pourrir la vie et la faire renoncer à tous ses amis et à tous ses rêves, c’était vachement marrant.
D’ailleurs, en parlant d’elle, il y avait une poupée à son effigie qu’elle poignardait d’une aiguille dans le cœur tous les soirs en espérant le lui crever en vrai pour qu’elle comprenne sa douleur.
Entre la grognasse qui l’avait torturée physiquement et la connasse qui l’avait torturée mentalement, Elizabeth avait de quoi être amoureusement traumatisée. C’est pour cela qu’elle se protégeait et qu’elle mettrait des limites si ça venait à déborder. Il n’y aurait rien de plus qu’une profonde amitié et aucune exclusivité. Et comme ça, il n’y aurait jamais infidélité. Elles seraient totalement libres de ce côté-là.

Bien dormi ?

La blonde nicha sa tête au creux de son cou et huma l’odeur de sa peau. Elle ferma les yeux, essayant d’oublier la guerre et ses ravages. Ne penser qu’à la jolie brune qu’elle avait dans ses bras et qui partageaient sa couche depuis quelques nuits maintenant.
Laissant la jeune femme se réveiller tranquillement, Elizabeth priait pour qu’elle ne soit pas une tordue de plus que le Très-Haut mettait sur son chemin pour l’empêcher de délaisser la vertu au profit du péché. En même temps, se faire plaisir était tellement mieux que se priver. Non et puis à deux, c’était quand même vachement mieux qu’en solo, non ?

Tu as encore un peu de temps à m’accorder avant de partir pour tes cuisines ?

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Auralie


-Mhmmmm...

Il y a des réveils qui sont plus agréables que d'autres et pour Auralie, celui-ci rentrait dans la catégorie de ceux qu'on avait envie de vivre plus souvent. Depuis quelques nuits, cela la changeait grandement du vieux coq ou du cri strident de l'intendante qui cassait les oreilles des domestiques dès le matin. Paresseusement et sans ouvrir les yeux, elle offrit son cou à la blonde pour léguer plus de terrain à ses lèvres tendres, l'incitant ainsi à continuer des baisers qu'elle avait parfois d'hésitants et que Auralie mettait sur le compte de son statut de religieuse. A tâtons, elle prit un poignet d'Elizabeth pour s'entourer un peu plus de son bras et se recaler contre le corps qu'elle connaissait maintenant depuis quelques nuits, bien décidée à ne pas se lever tout de suite.
Si Elizabeth appréciait cette relation sans engagement ni amour véritable pour oublier les horreurs de la guerre, Auralie l'appréciait pour se rappeler que la vie n'était pas si laide et qu'il existait autre chose que la servitude, les réprimandes, les coups, la faim et la fatigue. Il existait aussi la douceur, la volupté, le plaisir.


-Mhm oui et toi.. ?

Auralie étira très brièvement son petit corps fluet et se décida à ouvrir les yeux qu'elle avait couleur noisette, un peu plus clairs cependant que ses cheveux de terres humides. Autour d'elle, elle reconnaissait le décor de sa petite chambre de servante aux cuisines; sobre, dénudé même, il n'y avait la place que pour un lit et une chaise dans un coin de la pièce dépourvue de cheminée, une horreur pour Auralie qui avait ainsi régulièrement froid et dormait en chien de fusil, souvent toute habillée, pour résister à l'assaut des températures d'automnes et bientôt d'hiver. Il existait une petite ouverture dans le haut du mur opposé à la porte, à peine qualifiable de fenêtre, et c'était ce que la jeune servante trouvait de plus vicieux au monde car la lumière lui arrivait en plein visage et si, après juin, cela allait en s'améliorant avec le règne de la nuit, c'était en été un coucher-tard-lever-matin. De loin, Auralie préférait une étreinte chaude plutôt qu'un injuste aveuglement comme début de journée.
S'accordant encore un peu de temps pour éveiller paisiblement son corps qui lui en serait reconnaissant, elle tourna la tête vers Elizabeth à sa question. Par chance, en plus de s'entendre bien avec, la petite blonde était tout à fait charmante avec ses yeux bleus-gris expressifs; Auralie trouvait que l'expression des gens donnait de la vie au monde et elle était persuadée qu'être domestique était une petite mort à chaque seconde car toute émotion était bannie. La brune était triste et effrayée de voir que certains de ses collègues mourraient ainsi jusque dans leur intimité, ils devenaient vides et insipides, une destinée à laquelle Auralie échappait dans les bras d'une femme de temps à autre et Elizabeth était de choix, quand bien même elle était religieuse. C'est elle qui avait prit des engagements et ce qu'elle en faisait la regardait, non ? Auralie était baptisée et croyante et si sa vie n'était pas aussi exemplaire que l'Église le voulait, elle se disait simplement qu'elle attendrait au Purgatoire et qu'on la jugerait bien sur le travail et les actions qu'elle faisait chaque jour.


-Tant qu'une voix de crécelle ne nous casse pas les oreilles, j'ai encore du temps.

Si Auralie était vive dans son travail, elle avait en réalité une nature plus tranquille, plus voluptueuse, qui donnait à ses gestes une fausse lenteur un peu maladroite. Son tempérament oscillait dans un étrange équilibre d'audace et de réserve qui ne laissait, aux premiers abords, voir que cette humble tenue. Elizabeth et Auralie avaient dépassé le stade rapidement et la religieuse pouvait dès lors commencer à cerner un peu plus la servante.
Les lèvres d'Auralie vinrent trouver celles d'Elizabeth pour leur accorder un baiser rapide qu'un sourire joueur et de plus en plus réveillé vint souligner. Ses bras enlacèrent le corps sans excès de chair et sa bouche commença à se gaver du goût chaud de la peau d'Elizabeth, l'entrainant lentement vers des limbes bien connues des deux. Tant pis pour le péché de luxure, elle se confesserait. Sur l'oreiller.

Une bonne journée commençait.


[La veille]


Auralie remonta sa manche de lin et montra à Elizabeth la cicatrice sur son avant-bras. Elle se dévouait souvent à aller faire le marché en ce moment, même si rapporter les denrées était lourd pour sa petite consistance. Elle avait ainsi un peu de temps libre et croisait parfois la religieuse avec qui elle prenait un peu de temps pour parler, de tout, de rien, d'elles parfois, de leur plan pour passer la nuit ensemble surtout. Elles constataient chacune que l'autre allait bien, qu'aucune n'était tombée sous les coups d'épées, de flèches ou de fouet. Et même si l'une avait succombé, l'autre aurait été triste un temps et puis serait passé à autre chose, à une autre aventure, chérissant pourtant le souvenir de l'être disparu avec tendresse et pointe de chagrin nostalgique.

-Ça c'est quand le seigneur des terres où travaille ma famille a vu qu'à quatre ans je ne savais toujours pas porter une assiette correctement dans ses cuisines. Il a dit que j'étais une bonne à rien et il a tenté de me planter avec son couteau, mais je me suis protégée ! Mon père m'a envoyé avec les lavandières après ça, je ne me plaignais pas de ne pas trop manger et je travaillais dur alors ça aurait été bête qu'il me perde. Après, il m'a envoyé là et je leur envoie tout ce que je reçois en paye, sauf un écu que je prends en secret.

Ceux qui allaient volontairement au marché avait le droit de garder une pomme parce que c'était difficile et qu'ils l'avaient fait de bonne foi, c'était pour encourager le comportement. Auralie mordit dans la sienne avec appétit et, lorsqu'elle en eut mangé la moitié, tendit le reste à Elizabeth. Dans sa famille, on avait toujours tout partagé et c'était donc là un geste naturel de la part de la servante qui essuya ensuite ses mains sur son tablier sale avant de reprendre à pleine main le lourd sac de pain, farine, légumes et viandes en tout genre. Cela semblait parfois être un miracle que le corps fluet d'une jeune femme de dix-neuf ans puisse porter autant, et pourtant.

-Les maîtres invitent aujourd'hui, ce sera une journée difficile. D'ailleurs ce ne sera pas difficile de venir, les maîtres et leurs invités seront occupés avec les troubadours et les serviteurs, les cuisines auront fini ! Est-ce que tu te lèves quand tu veux, toi ?

Chemin faisant et discutant comme ça leur venait, elles arrivèrent devant l'entrée du domaine de la famille employant Auralie et c'est derrière un repli de mur bien connu de la servante parce qu'on ne pouvait avoir aucune vu dessus depuis le manoir qu'elle donna à la religieuse un baiser affectueux qui trahissait pourtant la pointe d'impatience d'être au soir, au chaud, en voluptueuse luxure et en divin plaisir qui était d'autant plus réel qu'il ne comportait pas le risque d'avoir le coeur brisé puisqu'elles vivaient une aventure libre sans promesses ni engagements.


Eli_za_beth
Parfait… Souffla la jeune femme alors que son corps venait se coller à celui de son amante, rendant baiser pour baiser et caresse pour caresse.
S’il y a bien un péché auquel Elizabeth succombait presque à chaque fois, c’était bien celui de la chair. Elle avait énormément de mal à ne pas répondre aux avances d’une femme et encore moins lorsque la femme en question était aussi attirante et désirable. Dans toute sa vie, elle n’avait refoulé que deux femmes : celles du très célèbre trouple de Castillon et ce, sans aucun regret.
Les lèvres de la blonde picoraient la peau de la brune alors que les mains parcouraient et exploraient le corps dénudé d’Aura. Elizabeth soupirait d’aise à chaque assaut, quémandant toujours plus de caresses et de baisers.
Le problème avec la blonde, c’est qu’elle n’était jamais totalement repue et qu’elle en voulait encore et encore. Elle aurait pu faire cela jusqu’à arrêt total de son palpitant même.
Mourir sur un orgasme ne serait pas une fin si désagréable, n’est-ce pas ?

La température ambiante monta d’un cran et Elizabeth se fit plus audacieuse, un désir ardent la submergeant.
Et alors qu’elle s’apprêtait à y aller franchement, une voix insupportablement aigüe l’arrêta en plein élan. Elle retomba mollement sur le lit et regarda Aura en soupirant longuement et exagérément. Si la jeune femme avait travaillé pour une autre famille, elle aurait très certainement envoyé l’intendante se faire voir pour garder son amante un peu plus.

Noon…

La jolie blonde grimaça et se redressa quelques secondes pour voler un baiser à la brune. Elle n’avait vraiment pas envie de la voir partir mais elle n’avait pas le choix. Elizabeth ne voulait pas lui attirer des ennuis.

Quand j’aurai mon fief, je t’embaucherai. Et tu auras une chambre immense avec une cheminée !
Et tu pourras même venir me voir quand tu voudras…


Elizabeth lui sourit, la dévorant des yeux. Elle la regarderait ainsi jusqu’à ce que son amante sorte de la chambre. Elle voulait profiter. Un peu de douceur avant de voir des horreurs.

On se revoit quand… ?

La question posée fut timide, hésitante. Encore une fois, Elizabeth avait peur de se faire rembarrer avec une pique bien cinglante. Un petit traumatisme de sa dernière relation très certainement. Et elle regarda la brune, une petite lueur d’inquiétude au fond des yeux.


[L’avant-avant-avant-veille]


Elizabeth picolait en taverne avec Aura, sa cliente du jour. Les chopes de bière s’amoncelaient devant les deux jeunes femmes et la petite blonde, encore plus ronde que le plus rond des ronds, parlait de l’amour et de ses méfaits sur les pauvres âmes humaines.

Tu sais, je pense que l’amour, c’est pour les nuls.

La petite blonde reposa sur la table la chope qu’elle avait entre les mains avec fracas. Elle pensait sincèrement ce qu’elle disait.
A chaque fois qu’elle avait essayé, ça avait capoté. Alors soit elle n’était pas douée pour les histoires d’amour, soit c’était une punition divine pour avoir regardé un cardinal droit dans les yeux et lui avoir menti avec un aplomb déconcertant.


Mais genre, pour les GROS nuls. On peut pas être heureux dans un mariage d’amûûûr. Encore moins dans une relation amûûûreuse. Et tu veux savoir pourquoi ?

Même si Auralie n’avait pas voulu savoir, Elizabeth le lui aurait dit sans vraiment lui laisser le choix de l’écouter.

Parce que c’toutes des te-pu !

Notez bien qu’Elizabeth arrivait à pécho des nanas en balançant cette phrase très misogyne.

Nan mais pas toi, t’offusque pas !

Oui, oui, alors, toutes des te-pu SAUF la fille qu’elle avait devant elle et sa maman. C’était la base.

Tu vois, elles se plaignent parce que les hommes sont comme ça ou comme ça. Et puis quand elles tombent dans les bras d’une autre fille, elles regrettent les hommes et soufflent à l’oreille de la nana à qui elles ont promis monts et merveilles qu’elles iraient chopper un homme, viteuf’, dans les latrines, derrière la taverne de bas-étage où y a que les lépreux et les pestiférés qui vont.

Oui, d’accord, je vous l’accorde, c’est très caricatural…

Pis ça t’emmerde pour lâcher tes amis, tes rêves, tes amibitions parce qu’elle veut être l’homme de la maison donc toi, tu fermes juste ta gueule, tu fais la popote, tu décrottes ses culottes – parce que les culottes full-of-c*c*, c’est pas très glam’ – et BIM ! T’es devenue une vieille fille soumise qui porte un voile quand elle est sans l’aut’ boulet !

Je sais, ça sent le vécu et ça l’a été… Sauf pour les culottes.

Et finalement, tu t’retrouves seule parce qu’elle se barre, co’ça, sans rien dire et elle rôvient, fraîche comme un pissenlit sur lequel on viendrait d’uriner et elle fait sa chevalière servante-pas-si-servante-que-ça et elle te harcèle et tu abandonnes ta meilleure amie qui t’donnait des bisous et des câlins magiques ! Et pis t’es tellement con qu’tu t’rends compte trois mois plus tard qu’t’as pas b’soin d’elle et qu’t’as tout foutu en l’air pour rien ! Pour rien et pour personne.

Qu’est-ce que ça faisait du bien de tout lâcher et de dire ce que l’on pense ! Et maintenant qu’Elizabeth vidait son sac, elle aurait voulu le frapper. Mais son sac de frappe était très certainement loin à l’heure qu’il était et en plus, elle n’aurait même pas eu le temps de le toucher qu’il lui aurait fait ramasser ses dents à la balayette.

L’amitié, y a qu’ça d’vrai… L’amitié améliorée…
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Auralie


Quelle meilleure idée matinale que de prolonger une nuit de plaisir ? Aucune, ça dépassait même, et de loin, un petit-déjeuner au lit. Et quelle meilleure manière de commencer une journée que de la démarrer par un plaisir aussi unique que celui d'un orgasme ? Aucune également.
La religieuse étant la plus réveillée des deux, c'est naturellement qu'Auralie lui laissa la position dominante, s'accordant la paresse de se laisser faire sans pour autant être passive, loin s'en fallait, ses mains glissant sur le dos de la blonde avec pour but joueur de poursuivre les frissons qu'elles faisaient naître sur sa peau. Les lèvres de la brune dévoraient tout ce qui passait à leur portée, volaient la chaleur pour mieux la redistribuer, et c'est à la fin de ces ardents préliminaires que la voix de l'intendante se fit entendre, arrachant à Auralie une grimace tant elle était aigüe et cassée en même temps. Sa maîtresse retomba à son côté et le froid s'empara du corps nu de la servante qui n'eut pas le courage de remonter la couverture sous peine de craindre ne pas réussir à se lever. Elle tourna la tête, se laissant voler, et sourit aux paroles de la belle. Pour elle, tout ceci sonnait faux, c'était l'expression de rêves inatteignables, ce qu'on promet aux amants, ce qu'on oublie avec le temps qui passe, et Auralie n'y prêtait qu'une attention attendrie qui n'y croyait pas.
Passant par dessus son amante pour se lever car on l'attendait, elle accorda un baiser à la jeune poitrine au passage et commença à ramasser ses affaires pour se rhabiller. Si elle avait du retard, l'intendante la sanctionnerait et Auralie avait perçu au ton de la voix qu'elle était de mauvaise humeur; la sanction du jour, ce serait une retenue de salaire. Les très bons jours, c'était une remontrance acerbe et le reste du temps, c'était généralement des tâches supplémentaires ou des coups de fouets. Ou les deux.

Les vêtements rapiécés et tâchés habillèrent la servante et les cheveux bruns furent noués d'un geste rapide avant d'être dissimulés sous une simple coiffe de lin ocre. En moins de deux minutes, Auralie était prête et quittait déjà sa nature enjouée et voluptueuse pour se ternir l'expression et le regard, retrouvant cette attitude humble et neutre qu'on lui connaissait. Elle retourna près d'Elizabeth pour lui prendre la main et l'embrassa dans une parodie de baise-main qui transpirait cependant la douceur et la tendresse.


-Demain c'est mon jour de repos, je passerai à ton château ce soir ! Je déteste commencer quelque chose et ne pas le finir...
Je te laisse, tu connais le chemin ?


Question rhétorique, bien sûr qu'Elizabeth connaissait l'escalier de service qu'elle empruntait pour aller et venir discrètement dans ce qui était plus qualifiable de placard que de chambre attribuée à Auralie. L'intendante et les maîtres l'auraient renvoyée, tuée peut-être ! si jamais ils apprenaient que leur servante invitait sans autorisation, et une maîtresse qui plus est. Elle se pencha pour saisir la lèvre inférieure d'Elizabeth entre ses dents, promesse implicite de la prochaine nuit à venir, et ce fut là le dernier acte mué par l'émotion qu'elle fit de sa journée de travail. Elle était redevenue la servante effacée et sans sourire qui rejoignit ses cuisines.

Elle n'était pas en retard.


[Une semaine plus tôt]


Elle savait que c'était une mauvaise idée de suivre Elizabeth dans la réserve de vin de messe de l'église où elle passait son temps. Déjà parce que c'était la nuit alors ce n'était techniquement pas autorisé, mais en plus parce qu'elle ne tenait pas l'alcool. Pas du tout. Comment le pourrait-elle, elle qui ne boit jamais ? En ses dix-neuf ans d'existence elle ne devait compter à son actif qu'une choppe de bière de mauvaise qualité -donc coupée- qui l'avait rendu parfaitement soûle. Auralie, quand elle était soûle, n'avait plus aucune réflexion, son cerveau arrêtait de fonctionner et semblait distribuer au corps des ordres aléatoires, surtout pour les mots. Elle avait pourtant accepté parce que demain elle ne travaillait pas et que sa nouvelle amie blonde l'avait convaincue en lui expliquant qu'aucune âme n'avait jamais atteint le paradis en ayant été soûle moins de trois fois dans sa vie. Si Auralie avait eu une éducation, elle aurait trouvé ça logique parce que la bière était une boisson si commune et répandue que tout le monde était au moins bourré trois fois dans sa vie, c'était statistique et mathématique. Hélas, Auralie n'a pas cette pensée, elle ne sait pas lire, ni écrire, juste compter pour suivre les doses d'ingrédients des recettes de cuisine.
Assises par terre, une bouteille ouverte devant elles dont le contenu était déjà descendu de moitié, elles parlaient sans logique en tanguant légèrement par instant, les yeux mi-clos quand elles essayaient de se concentrer sur quelque chose, effort qui restait vain.


-Et donc là, l'intendante m'parle, soit disant que j'ai fait du mauvais travail t'sais ! Moi j'suis pas d'accord, j'ai bien réussi la recette ! Alors t'sais c'que j'lui dis, à l'intendante ?
-Nan mais j'suis sûre tu vas m'le dire !
-.... Bah rien ! J'voulais pas m'faire frapper !


Elizabeth éclate de rire, un bon rire de femme soûle qui dure une éternité comme s'il s'agissait là de la blague du siècle. Auralie aussi rit, c'est plus contagieux que compréhensible et elle prend la bouteille pour s'enfiler une gorgée comme si elle n'était pas déjà assez ivre.

-Nan mais fallait lui mettre un coup de tête tavu. Tu veux j'aille la brûler quand je serai inquiquineuse ?
-Ouais ! J't'allum'rai l'feu pis j'mettrais des herbes dedans pour masquer d'odeur. J'te jure, elle doit pas connaître les ablutions cette peau d'vache ! Si l'feu brûle bien et que l'odeur est bonne, j'deviendrai ton apprentie ?
-Han mais ouais ! Grave ! J'ai toujours voulu avoir un esc... aheum... apprentie !
Sinan, j'peux demander à ma femme à tout faire pour la défoncer. Bon, remarque, elle est un chouïa nulle dans le mercenariat. Bawé, sinan, l'évêque serait p... 'fin, elle est nulle quoi

-Mais j'veux être payée hein ! S'non ma famille elle va pas pouvoir manger
-Hanw... c'toi tu dois nourrir ta famille ? V'z'êtes combien ?
-Euh seize ! Nan cinq ! Euh...


Auralie fronce les sourcils, yeux mi-clos et front plissé. Sur ses doigts parfumés aux herbes utilisées en cuisine et aux ongles courts, elle tente de compter pour se souvenir combien ils sont dans sa famille. C'est finalement après un temps et plusieurs essais qu'elle finit par clamer la bonne réponse.

-Six !

Pas de quoi convaincre Elizabeth qui fronce les sourcils à son tour pour se concentrer. Que croire ? C'est là toute la question et tous ces chiffres n'aident pas à essayer d'y voir clair.

-Seize ? Cinq ? Ou six ? J'suis un peu beurrée alors du coup, s'tu sais pas trop, j'arriverai pas trop à comprendre non pu'.
-Six ! Y'a Mère, pis Père, pis Guilhem, pis Childeric, pis Cunégonde, pis moi !
-Ce sont tes frères et sœurs ?
-Ouais ! Tu m'paieras alors ?
-Bah... oui... j'te paierai ! J'suis pas malhonnête. Firmain, il avait une bonne paye.
-Toi t'es quelqu'un d'bien toi.
-Si j'suis quelqu'un d'bien... t'veux bien êt' mon amie ?
-Han, ouais !


Il n'y a pas qu'Elizabeth qui a l'air de se sentir seule, bien que pour Auralie, ce soit logique car les religieux vivaient reclus dans des cellules de pierre encore plus froides que sa chambre à elle. La jeune servante aussi est très seule, il y a bien Mathilde avec qui elle échange parfois quelques mots aux cuisines mais à part se rendre quelques services -"tu peux surveiller la cuisson pour moi s'il te plait ?", "tu viderais les lapins à ma place ? Je déteste ça"-, elles ne parlent pas plus; aucune ne veut se faire réprimander. Émue et ivre, sans plus de cerveau pour analyser les mots et décider d'une réaction appropriée à avoir, Auralie, poussée par un désir farouche résidant en son regard depuis quelques jours déjà quand elle regardait la blonde, s'empare de son visage entre ses mains pour l'embrasser. C'est un baiser non d'amour mais de passion qui les unit, un besoin charnel impitoyable que l'alcool est loin, très loin de pouvoir retenir. Rapidement, Auralie couche Elizabeth sur le dos, sur le sol dur et peu confortable, et les mains se font baladeuses, passent sous les tissus, les chassent, découvrent les formes féminines et s'y accrochent. Les lèvres se happent, s'attrapent, se mêlent comme les souffles et les corps ivres et quémandeurs d'assouvir un besoin presque animal qui sait pourtant se faire tendre quand le feu faiblit.

Demain, c'est gueule de bois.


Auralie arriva devant le château -et c'était le cas de le dire- où résidait Elizabeth. Elle avait beau le connaître pour l'avoir déjà vu en passant et y avoir déjà passé une nuit ou deux avec son amante, elle bénissait chaque fois le Très-Haut de ne pas avoir à y travailler tant il était immense. Elle n'avait jamais vu les cuisines mais elle sentait souvent les effluves qui promettaient des fourneaux gigantesques et une chaleur étouffante. N'ayant rien d'autre à se mettre, c'est donc toujours vêtue avec sa longue jupe, sa chemise, son tablier et sa coiffe couvrant ses cheveux bruns plus ou moins ordonnés selon si elle avait dormi avec la religieuse qu'Auralie se présenta devant les imposantes portes de la bâtisse pour signaler sa présence. Il faisait déjà nuit et les yeux noisettes, inquiets, furetaient à droite et à gauche, craignant une quelconque agression potentielle. Les traits de son visage étaient toujours mués par une impassibilité devenue plus que professionnelle, habituelle en dehors des instants de plaisirs et de menus bonheurs, quels qu'ils soient. Dans sa tête, si ce n'était pas Elizabeth qui lui ouvrait, elle prétexterait devoir la voir pour lui remettre une note du boucher. C'était bien ça, la note du boucher, ça inspirait la crainte et on ne lui poserait pas de question.


Flash-back écrit à 4 mains avec JD Eli


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Eli_za_beth
[Le lendemain de la première fois]


Les relents d’alcool étaient tellement violents qu’Elizabeth failli vomir. Elle se redressa et regarda le corps d’Aura à ses côtés. Elle se mordit la lèvre. Elle s’était juré de respecter ses vœux d’abstinence si la femme qui était devant elle n’était pas Carla.

Auralie ?

La petite blonde secoua doucement Aura pour la réveiller. L’une et l’autre devaient partir vaquer à leurs occupations et il valait mieux pour elles de filer avant que le prêtre n’arrive.
Elizabeth attendit que la brune se réveille avant de se lever, évitant tout contact trop proche pour ne pas lui faire subir son haleine fortement alcoolisée.


Stôplait, viens au lac ce soir… En fin de journée.

***


Elizabeth n’était pas morte. Pas encore. Elle désertait à chaque fois qu’on ne faisait plus trop attention à elle. Elle filait à travers bois et attendait gentiment que les troupes angevines rentrent au bercail pour s’immiscer une nouvelle fois parmi eux. Elle aidait avec les blessés et les morts, priant pour le salut de leurs âmes.
Et tout bas, Elizabeth priait pour Samsa. Parce que même si elles étaient ennemies sur ce champ de bataille, la blondinette la considérait comme une amie et l’aimait comme telle.

Une fois libre de ses obligations, la jeune femme ne passa pas par les tavernes pour montrer au monde entier qu’elle était toujours en vie, qu’elle était fière et qu’elle allait continuer à bien les emmerder. Non, non, là, elle s’en foutait complètement des autres. Elle devait rejoindre Auralie au lac pour lui parler.
Le soleil commençait à disparaître à l’horizon lorsque la blonde arriva. Elle s’empressa de rejoindre la brune qui était déjà là et la prit par la main pour l’emmener ailleurs, à l’abri des regards indiscrets et curieux.


Personne ne doit JAMAIS le savoir, Aura…
J’pourrais perdre ma place à l’Eglise. J’suis probablement pas la seule à m’adonner à ce genre de… plaisirs… mais la discrétion est de mise.
Tu sais, normalement, je devrais porter une ceinture de chasteté… Heureusement que j’connais les bonnes personnes… Sinon, ça n’aurait pas été aussi excitant pour moi hier soir, hein ?


La blonde la regarda un instant avant de lui voler un baiser. Maintenant qu’elle avait couché avec, ce n’était plus la peine de respecter ses vœux d’abstinence et comme il semblait n’avoir aucune résistance, Elizabeth continua…

J’ai envie de toi…

Ce doux souvenir exaltait la blondinette qui attendait l’arrivée de sa belle amante avec autant d’impatience qu’une gamine qui aurait attendu le matin de noël pour ouvrir ses cadeaux.
En attendant Auralie, Elizabeth avait sa « girly » encore plus qu’à l’accoutumée. Elle avait pris un bon bain, avait une jolie coiffure et une robe toute simple, toute propre et toute sobre. Ce soir, il n’y aurait ni soutane, ni rose, ni autres signes distinctiifs d’une quelconque appartenance religieuse ou poneyesque ; ce soir, elle serait juste Elizabeth. Ni plus, ni moins.
Maintenant qu’elle était prête et que tout était prêt, il n’y avait plus qu’à attendre. Et pour ne pas faire les cents pas tel un tigre en cage, la blondinette se mit à son secrétaire et commença à rédiger quelques lettres. Alors qu’elle entamait la troisième, elle soupira longuement. Etre procureur, ce n’était pas de tout repos. Ça faisait sacrément mal à la main en plus de fatiguer. Elle allait se donner le courage nécessaire pour continuer lorsqu’on frappa à la porte de sa chambre.

Une… Une note du... boucher ? Répéta-t-elle très dubitative lorsque le domestique vint lui faire savoir qu’une jeune femme était là pour lui donner une « note du boucher ».
Pendant un instant, la blondinette y crut puis elle secoua la tête comme pour se remettre les idées en place, remercia le domestique et disparut dans les couloirs de l’immense château. Elizabeth était tellement pressée qu’elle n’avait rien pris et le froid lui mordit la peau au moment où elle fut dehors. La jeune femme frissonna et se mit à trottiner jusqu’à la grille.
Foutu domaine qui était bien trop grand !

Aura ! S’écria-t-elle alors que les portes s’ouvraient sur une blonde plus que ravie. Elle glissa sa main dans celle de la brune et l’attira contre elle. Elle profita un instant de la chaleur de son corps avant de l’attirer avec elle.
Elles devaient se mettre au chaud !

Tu vas être ravie, jolie brune : un joli feu crépite dans ma jolie cheminée. Et demain, étant donné que tu ne travailles pas et que je ne me bats le dimanche parce que c’est le jour du Seigneur, j’propose qu’on fasse genre… absolument RIEN.

La proposition fut appuyée par un regard entendu et un sourire quelque peu aguicheur. Quiconque les aurait croisées, aurait deviné leurs intentions. En même temps, Elizabeth regardait son amante comme si elle s’apprêtait à lui sauter dessus pour la dévorer.
Notez que c’est ce qu’elle allait faire, hein ?

A peine avait-elle refermé la porte de sa chambre qu’Elizabeth plaqua son amante contre celle-ci. Ses lèvres vinrent chercher celles d’Auralie pour un langoureux baiser qu’elle prolongea encore et encore avant de rompre leur baiser, un mince sourire au coin des lèvres.

Que je suis malpolie… Veux-tu manger ou boire quelque chose ?

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Auralie


[Première nuit chez Auralie]


La nuit dans la réserve de l'église avait déterminé entre elles un contrat d'amante que leur discussion au lac avait précisé pour mener à ce qu'elles connaissaient aujourd'hui, une aventure sans promesses ni engagements, sans exclusivité ni jalousie, sans réels sentiments non plus autre que la complicité et l'amitié qui les unissait. Elles devenaient donc de parfaites 'sex friends' et c'est dans cette optique qu'Auralie avait invité Elizabeth dans sa chambre pour la nuit; elles pourraient ainsi refaire leur nuit aussi ardente qu'alcoolisée mais sans l'alcool ni la gueule de bois et donc de façon bien plus agréable.
Auralie lui avait indiqué d'attendre les complies avant d'emprunter l'escalier de service situé derrière le manoir. Elle devrait ensuite monter tout en haut, tourner à gauche pour suivre le long couloir étroit et gagner la porte du fond. Dans la théorie, c'était très simple mais dans les faits, elle s’aperçut rapidement qu'il allait falloir de l'entraînement. Peignant ses cheveux semi-longs après ses ablutions qu'elle faisait toujours le soir parce qu'elle avait plus de temps que le matin, la jeune servante guettait de l'oreille des bruits de pas qui n'auraient pu appartenir qu'à sa nouvelle conquête. Au lieu de quoi, c'est la voix de crécelle de l'intendante qu'elle avait entendu, s'insurgeant d'une présence étrangère. Vive, Auralie sortit de sa chambre-placard et descendit à l'étage inférieur où elle reconnut sans surprise la petite religieuse aux prises de l'intendante. Retrouvant son air humble et réservé, Auralie se tapota les joues pour les rougir et s'approcha rapidement.


-Madame, je vous présente mes excuses, j'ai omis de vous informer que Monseigneur Elizabeth passerait ce soir pour me confesser. Nous n'avions pas d'autres possibilités communes que ce soir, j'en suis confuse...
-AH ! Hé bien jeune fille, je suis ravie de voir votre assiduité aristotélicienne ! Enfin, je ne vous félicite pas de votre étourderie ! J'espère que vous serez plus attentive demain, je vous aurai à l'oeil !
-Oui Madame..
-Monseigneur... Je vous souhaite une agréable soirée et une bonne nuit, et que le Très-Haut vous ait en Sa Sainte garde.


Après quoi l'intendante se signa et repartit et Auralie releva ses yeux noisettes qu'elle avait gardé baissés tout du long comme à son habitude. Elle accrocha le regard d'Elizabeth et une brève étincelle adressée au regard gris-bleu remplaça une esquisse de sourire que la plupart des gens aurait eu en tel instant. La jeune servante garda son rôle jusqu'à avoir refermé la porte de sa chambre derrière Elizabeth. Elle laissa ensuite son masque tomber et sourit à la blonde.

-C'est un escalier de service, pas un escalier secret. Il faudra que tu sois plus prudente.


Et la voilà qui récidivait avec la note du boucher ! Elle ne prétextait jamais autant que quand elle avait une aventure, c'était flagrant pour Mathilde par exemple qui savait donc toujours quand Auralie voyait quelqu'un ou pas. Un homme lui avait ouvert et Auralie avait immédiatement baissé les yeux avant de révéler d'une voix presque faible le motif prétexté de sa venue. Il l'avait toisé un bref instant, elle l'avait senti, et lui avait demandé d'attendre avant de repartir. Auralie esquissa une grimace quand il eut le dos tourné, appréciant peu de poireauter dehors même si elle en avait l'habitude; comme tout un chacun, elle préférait attendre au chaud. Une éternité s'écoula mais la servante avait la patience en qualité et celle-ci fut récompensée quand les portes lui furent ouvertes par son amante à qui elle adressa un sourire involontaire. Elle profita sans excès ni démonstration de l'étreinte d'Elizabeth et la suivit dans les dédales du château sans presque mot dire, tenant pour dit qu'elle était juste une servante venue rendre service; elle s'occuperait après de répondre à la jolie blonde qui attirait -surtout son postérieur- l'oeil discrètement pétillant d'Auralie.

Ah, la porte de la chambre de la religieuse ! Allez, allez ! C'est dans la transition de pièces qu'Auralie abandonna son statut de servante et elle se sermonna mentalement pendant qu'Elizabeth refermait la porte; il fallait faire attention et être minutieuse, disciplinée. Cela fait, elle pouvait se pardonner et ses mains saisirent au vol le visage de son amante pour approfondir immédiatement leur baiser, à peine plaquée. La journée était finie, la religieuse -plutôt miel que chocolat- était sa récompense et Auralie comptait bien en profiter; demain, elle n'avait pas à travailler et Elizabeth avait vendu à la voluptueuse qu'elle était un programme tout à fait appréciable. Elle laissa la blonde rompre leur baiser et acquiesça; quand bien même elle avait très envie de profiter d'elles -son amante l'avait mise en bouche qui plus est-, la faim était quelque chose que la jeune femme ne pouvait ignorer. Toute nourriture était bonne à prendre.


-Je veux bien quelque chose à manger s'il te plait. Avec l'hiver qui approche, on trouve bon de nous nourrir moins et une pomme pour faire le marché dans le froid devient plutôt piètre.

C'était bien sûr sans compter le rationnement ayant lieu pour la guerre contre la Couronne et sans Elizabeth, le corps fluet de la brune se serait certainement transformé en squelette. La religieuse, elle, semblait ne manquer de rien et Auralie ne savait pas si elle devait l'envier ou pas, elle qui voyait sa vie rythmée par des besoins à combler sur le fil. Quelque part, ça faisait peur. Elle retira son tablier ainsi que sa coiffe de lin mais ne détacha pas ses cheveux, sachant que son amante finirait par le faire, et alla se poser près de la cheminée pour profiter de la chaleur du feu, retrouver des couleurs et une température corporelle plus acceptable en attendant d'avoir le ventre un peu rempli faute de plein.

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Eli_za_beth
Mange tout ce que tu voudras. Je ne voudrais pas que tu meures de faim…

Il n’y avait rien d’extraordinaire sur la petite table : des fruits, du pain et du fromage. En ce qui concernait la boisson, il n’y avait que du vin. Elizabeth préférait garder la bière pour la taverne.
Comme Auralie allait se poser devant la cheminée, la petite blonde fit le service, posant devant elle fromage, pain, fruit et une coupe de vin pour se désaltérer. Puis elle s’assit à côté d’elle. La petite blonde l’invita à manger tout ce qu’elle voulait étant donné qu’elle avait déjà mangé et qu’elle était pleine. Elle porta sa coupe de vin à ses lèvres et but une gorgée, la regardant manger du coin de l’œil.

Tu pourras toujours venir manger ici si tes patrons te laissent mourir de faim. Ou j’irai piquer d’la bouffe aux cuisines pour t’en donner. Tu les planqueras dans ton placard !

Le placard étant la « chambre » qu’Auralie occupait au château de ses patrons. En vrai, Elizabeth jouait la meuf détachée qui en riait mais intérieurement parlant, la pauvre blonde bouillait. Elle avait beau être hypocrite, vénale, ambitieuse et prête à toutes les arnaques possibles pour renflouer ses poches, elle n’aimait pas voir la misère des autres. Surtout quand elle aimait bien ces autres-là.
D’ailleurs, Elizabeth allait bientôt devoir partir et ça l’embêtait grandement. Ouais parce que voyez-vous, elle aimait bien Auralie. Elle s’était attachée à elle. Et oui… Coucher ensemble, ça tisse des liens, hein ?
Et en pensant à son départ prochain, la blondinette devint soucieuse. D’une, elle pourrait dire adieu à son anoblissement et de deux, elle n’avait aucune garantie de pouvoir revenir en Anjou. De toute façon, ici, la blonde avait l’impression de ne pas être à sa place. Il y avait chez les angevins quelque chose qui la dérangeait et sur lequel elle n’arrivait pas à mettre le doigt. Mais en même temps, il y avait Aura qu’elle ne voulait pas laisser et leur relation était tellement simple et tellement saine qu’elle ne voulait pas tout perdre.

Sinon, tu pourrais venir avec moi dans le Périgord…

La proposition était lâchée, mine de rien. C’était toujours délicat de demander à quelqu’un que l’on aimait bien de tout quitter pour aller avec lui. Oui parce qu’elle avait de la famille ici, une vie, un travail.

Je sais que je peux pas te demander de tout quitter pour venir avec moi mais je le fais quand même.

Elizabeth savait aussi qu’Auralie subvenait seule aux besoins de sa famille et qu’il lui faudrait un travail pour continuer à leur envoyer de l’argent. Et la blonde ne pouvait pas payer sa maîtresse pour coucher avec. C’était dégradant et Elizabeth se refusait à faire cela. Elle se rappelait à quel point Eudes l’avait énervée le jour où il avait dit à Carla qu’il « prendrait un ticket » pour « la voir ». La petite religieuse avait trouvé cela tellement dégradant et avait tellement eu l’impression qu’il parlait d’une putain de bas-étage qu’elle était devenue hystérique.
Alors vous comprenez bien qu’elle ne lui filerait pas du flouze comme ça, juste parce qu’elles couchent ensemble.

Tu pourras être mon apprentie ! Et j’te payerai… Ou tu pourras travailler pour le diocèse.
Bon, je pourrai rien te donner avant qu’on soit à Périgueux…


Et puis si on l’anoblissait réellement, elle pourrait lui offrir une place de premier choix sur ses terres. En y pensant, Elizabeth n’avait vraiment pas de bol avec ses éventuels suzerains puisqu’à chaque fois, y avait une couille dans le potage ! Prenons l’exemple de son altesse royal Franc envers qui elle avait été loyale et qui avait totalement disparu, lui laissant miroiter des terres. Là, elle était toute proche de l’anoblissement mais on l’appelait dans le PA pour affaires religieuses.

Mais tu auras à manger et à boire pendant tout l’chemin. Et tu mourras pas de froid non plus.

Elizabeth s’approcha d’Auralie et détacha ses cheveux qui retombèrent sur ses épaules. La blonde dénuda l’une des épaules pour y déposer quelques baisers.

Tu mangeras toujours à ta faim avec moi… Et tu auras assez d’argent pour toi et ta famille.

On ne croirait pas comme ça mais Elizabeth avait plein de thune à Périgueux et à Castillon. L’argent n’attendait plus que sa maman !

J’partirai probablement mardi ou mercredi prochain en espérant qu’on me laissera passer… Et j’espère que j’partirai avec toi…


[Entre la rencontre et la première fois]


Elizabeth avait de suite accroché avec Auralie. Elle avait ce petit truc qui faisait complètement craquer la petite blonde.
Ce fut donc le plus naturellement possible qu’après l’avoir rencontrée pour la première fois qu’elle avait demandé à la revoir, prétextant vouloir visiter les environs lorsqu’elle ne se battrait pas. Bien sûr, Elizabeth avait des contacts ici et à chaque passage en taverne, elle s’amusait plutôt bien mais l’humour angevin était parfois fatiguant et la blonde aimait se retrouver un peu en paix. Et la paix, elle l’aurait très certainement avec Aura qui n’avait pas l’air d’être comme les autres angevines.

Le premier rendez-vous se passa dans le domaine de Katina. Elle avait indiqué le chemin à Auralie et l’attendait impatiemment aux grilles, bouteille d’alcool à la main. Elle avait dit aux gardes qu’elle attendait une cliente pour une pastorale et que ça passait toujours mieux avec quelques grammes d’alcool dans le sang tellement c’était chiant.
Non, vraiment, les pastorales, c’était LE truc le plus chiant du monde et Elizabeth était pour les châtiments corporels de ceux qui imposaient cela aux fidèles. Certains clercs ne comprenaient pas qu’ils repoussaient les gens avec leurs devoirs à la con sur les animaux à qui on n’a pas donné la parole contrairement à l’humain mais qui a la même capacité à aimer les Hommes (ou un truc du genre). Et puis qu’est-ce qu’on s’en branlait de cette histoire de petit nouveau qui dit nawak aux gens de son village et avec qui on a eu un « happily ever after » parce que la lumière divine l’a frappé en pleine gueule un beau matin.
Franchement, faut arrêter les gars !

Bref. On s’en fout. Elizabeth était bien emmitouflée, attendant sa potentielle nouvelle amie qui ne tarda pas à arriver. Elle l’accueillit aussi chaleureusement que le froid de novembre le lui permettait et l’invita à la suivre.


- Dites ? Vous êtes vraiment angevine ?
- Non, je suis berrichonne.
- Han ! mais comment qu'vous avez réussi à rentrer ici ? Les angevins aiment pas trop... C'qui n'est pas angevin, nan ? Répondit Elizabeth, sincèrement impressionnée qu’une berrichonne soit toujours là pour parler de la vie en Anjou.
- Ils sont plus agréables avec les bretons et les berrichons, c'est historique mon père m'a dit.
- ça, 'voyez, j'suis pas sûre hein... quand j'suis allée chercher ma meilleure amie à Vannes, z'ont pas voulu que j'rentre en Anjou 'vec elle hein... J'ai dû m'barrer du coup.

C’est pour cela que la blondinette avait quitté l’Anjou. S’il n’y avait pas de place pour Elanorah, alors pour elle non plus !
‘Fin, ça, c’était ce qu’elle s’était dit à l’époque, trop heureuse d’avoir (re)trouvé Elah. Puis elle l’avait regretté lorsque sa meilleure amie avait disparu… ENCORE.
Se faire prendre pour une poire, c’était un peu l’histoire de sa vie !


- Ah ouais ? Mais moi je viens pour travailler c'est peut-être pas pareil...
- Mh... ouais p'têt'... mais pour pas prendre de risque, on va rien dire à Katina, d'accord ? Vous v'lez à boire ?
- D'accord, je ne dirai rien. Non, merci, je ne tiens pas l'alcool.
- Ouais, v'z'êtes VRAIMENT pas angevine... Mais l'alcool, à force d'entraînement, on l'tient. R'gardez, moi, y a cinq ans, j'y arrivais pas et maintenant... maint'nant ça fait peur.
Vous avez quel âge ? Et v'pouvez sourire hein...
Osa-t-elle lancer pour dérider la jeune femme.
Elizabeth s’attendit à se faire envoyer balader mais au lieu de cela, Auralie la regarda et lui sourit ; la blonde craqua.

- J'ai 19 printemps ; et vous ?
- Oh... Un sourire... Dis donc ! Je l'attendais plus celui-là ! Dit-elle sur un ton gentiment moqueur. 19 aussi... Bientôt... Dans quelques jours.

Mais quelle vieille peau, cette blonde !
La petite remarque sarcastique aurait dû vexer Auralie mais il n’en fut rien. Elle se renfrogna juste un peu, timidement.


- Pourquoi vous êtes rentrée dans les ordres ?
- Et pourquoi pas ?

Elizabeth esquissa un sourire avant d’ajouter plus sérieusement :

- J'aime bien le Très-Haut et comme je me suis dit que je me marierais jamais et que j'aurais jamais d'enfants, autant me faire ordonner. Pis j'veux êt' pape alors rentrer dans les ordres, ça aide...
- Pape... !
- Ouais... Pape... Et j'y arriverai hein ! Bon, faut juste que je devienne évêque, pis archevêque, pis cardinale et enfin pape mais ça va le faire, ça va le faire !
- Je vous crois.

Auralie avait hoché la tête, convaincue qu’Elizabeth y arriverait. Elle avait semblé impressionnée par les ambitions d’Eli qui étaient peu communes.
Et les filles arrivèrent enfin devant la chambre d’Eli. Elle ouvrit la porte et l’invita à entrer la première avant de la refermer sur elles pour une « pastorale ».


C’est après avoir repensé à ce premier sourire qu’Elizabeth sut qu’elle ne voulait pas laisser Auralie derrière elle.
Et pour lui montrer toute l’affection qu’elle lui portait, elle posa ses lèvres aux creux de son cou pour y déposer de langoureux baisers. Puis elle remonta le long de sa mâchoire jusqu’à son oreille où elle souffla un « viens avec moi » avant de reprendre ses assauts sur la peau de son amante.


Flash-back écrit à 4 mains !

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Auralie



Certains petits animaux pouvaient ingérer des quantités industrielles de nourriture et on se demandait où ils pouvaient bien stocker tout cela. Auralie était de ces petits animaux et elle commença à manger du pain avec du fromage tout en gardant un fruit sous la main. Avec Elizabeth, elle pouvait être elle-même, elle n'avait pas besoin de picorer, de faire bonne impression et de garder les carcans de sa vie de servante, alors pourquoi se priver ? Elle tâchait de se dépêcher, autant par habitude que par envie d'en finir rapidement car si manger dans le cadre de son travail lui permettait de souffler un peu, c'était une vraie perte de temps quand elle était avec son amante, forcément. La bouche pleine, elle secoua la tête au plan de la blonde concernant la nourriture à cacher dans sa chambre.

-Parfois, ils viennent fouiller nos chambres pour s'assurer qu'on ne vole rien. Un jour Louis a gardé quelques noisettes sous sa paillasse, il a été fouetté puis renvoyé.

Les domestiques n'avaient le droit que de garder leurs propres affaires, c'est pourquoi Auralie ne craignait rien en cachant ses écus sous une latte grinçante du plancher. Peut-être les avaient-ils trouvé mais ils étaient assez honnêtes pour n'avoir rien dit ni pris.

Sinon, elle pourrait aller avec Elizabeth.

La mastication de la brune s'interrompt en regardant sa voisine. Plaisantait-elle ? Quitter son emploi trouvé par son père pour aller avec son amante et vivre au jour le jour ? Et sa famille, qui la nourrirait ? Le Périgord était, qui plus est, bien plus loin du Berry que de l'Anjou. Et si elle avait besoin de rentrer ? Pourtant, il semble que la religieuse ait déjà tout pensé et comble un à un les besoins et inquiétudes de la servante. Il subsistait pourtant une question, cruciale celle-là : Auralie pouvait-elle croire Elizabeth ? Pouvait-elle lui faire confiance au point de quitter tout ce que son père avait construit pour elle ? Et si Elizabeth la lâchait en chemin, si elle ne la payait pas, que deviendrait-elle ?

Devait-elle lui faire confiance ?


[Le lendemain de leur première rencontre]


Elle était au travail depuis le matin, depuis que Germain le jardinier était pâle à en faire peur. On n'avait eu d'autres choix que de le laisser au repos et ce n'était pas forcément un cadeau car cela serait retenu sur sa paye. A la place, on avait envoyé Auralie parce qu'on savait que malgré son corps fluet, elle était résistante aux maladies et les maîtres se félicitaient de l'investissement porté en cette berrichonne qui leur faisait faire pas mal d'économie. Arrachant à la main les mauvaises herbes le long de l'allée centrale, elle releva la tête quand une silhouette s'arrêta devant elle, de l'autre côté du portail. Les yeux noisettes se posèrent sur le visage d'Elizabeth qu'elle avait rencontré la veille et l'esquisse d'un sourire timide lui fut adressée.

-Tiens, tiens, bonjour ! Comme on s'retrouve...
-Bonjour. Bin c'est à dire que vous passez là et que je travaille ici...
-Mais peut-être que vous travaillez ici juste parce que j'passe par là... ou le contraire ! Qui sait ?

Elizabeth aime faire son emmerdeuse avec des phrases compliquées qu'Auralie est loin de comprendre car elle n'a pas l'éducation pour. Elle regarde la religieuse avec un air perplexe que sa nature de servante ne peut lui éviter. Elle essaie de comprendre pourtant mais rien ne vient et il faut bien répondre quelque chose.

-... Je ne sais pas ?

Elizabeth rit doucement, les mains aux barreaux de la grille d'entrée qui demeure close, séparant les deux femmes.

-Comment allez-vous ? Heureuse d'avoir été pardonnée par Dieu ?
-Je vais bien, enfin, il fait froid. Je n'ai pas l'impression d'avoir été pardonnée du coup.
-Vous pensez que c'est une punition divine ? Demande Elizabeth en fronçant les sourcils.
-Bah il fait froid, Germain est malade et moi je suis dehors à le remplacer au lieu d'être au chaud dans les cuisines !
-S'il est malade, peut-être que c'est LUI qui a été puni.
-Oui mais c'est MOI qui suis dehors !
-Dieu vous aime, croyez-moi.
-Ah bon. Si vous le dites, alors je vous crois... Dites, vous n'allez vraiment pas répéter pour ce que je vous ai dit hier, n'est-ce pas ?
-Bien sûr que non... Je garderai votre secret - aussi terrible soit-il - jusqu'à ma mort... et au-delà même !
-Promis ? S'assure Auralie avec un petit air inquiet.
-Que Dieu me foudroie dans la seconde si je ne dis pas la vérité. Elle lève les yeux vers le ciel, attendant la foudre. Oh... Je suis toujours là !

La jeune servante la regarde, sans expression, et finit par lui accorder un sourire sincère avant de se détourner et de reprendre sa tâche sans un mot. Il n'y avait rien de plus à dire, tout était passé dans ce sourire lâché.


"Viens avec moi" lui souffle son amante et le coeur d'Auralie s'emballe autant sous ses baisers qu'à la réponse qu'elle va fournir, qu'elle doit fournir et qui pourrait être déterminante. Ses yeux se ferment, son cou s'offre aux lèvres quémandeuses et son épaule roule légèrement pour se dégager un peu plus du tissu. Elle avait fait confiance à Elizabeth ce jour-là, pourquoi pas recommencer ? Pourquoi ne pas suivre la seule amie qu'elle avait ? Croire en elle, peut-être devenir quelqu'un. Ou tout perdre et condamner sa famille. Non c'était insensé, il ne fallait pas partir, c'était risqué, il fallait être fou.
Auralie se détacha de son amante pour se lever et ramena sur la table les denrées alimentaires, tout ce qui trainait autour d'elles et dont elles n'avaient plus besoin. Elle reprit place sur les genoux de la blonde, à califourchon, et, fuyant son regard pour s'assurer de prendre la décision avec sa tête et juste elle, elle glissa son nez près de l'oreille d'Elizabeth. Son souffle caressait doucement sa peau et ses cheveux quand ses mains cherchaient à passer sous la robe qui n'avait rien d'une soutane cette fois.


-Je viendrai... lui murmura-t-elle.

Son visage quitta son oreille après l'avoir brièvement mordillée et les lèvres de la brune, en besoin d'être rassurée quant à cette aventure dans laquelle elle venait de se lancer, vinrent chercher leurs homologues. Auralie les pressait contre celles de son amante avec désir, désir de ne plus avoir peur, désir d'elle, aussi, et son corps se colla plus au sien.


Flash-back écrit à 4 mains avec JD Eli


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Eli_za_beth
Plus Auralie dévoilait les dessous de sa vie au château et plus Elizabeth souhait la sortir de là.
Si la jeune femme pouvait concevoir les châtiments corporels pour les hétérodoxes de tous genres, elle avait du mal à le concevoir pour de pauvres domestiques qui survivaient plus qu’ils ne vivaient. Et si l’on prenait en compte l’affection particulière qu’Elizabeth portait à Auralie, on imaginait sans peine la réaction de la blonde si l’on fouettait son amante. D’ailleurs, elle s’empressa de chasser ces mauvaises pensées pour ne se concentrer que sur l’instant présent.

Et l’instant présent ne fut pas des plus réjouissants pendant quelques secondes. La religieuse se mordit la lèvre inférieure, se maudissant d’avoir demandé à Auralie de la suivre. Elizabeth se disait qu’elle venait de gâcher les derniers jours avec son amie. Elle voyait déjà cette dernière quitter la chambre en claquant la porte, histoire de bien faire comprendre à la blonde que c’était mort et qu’elle pouvait aller se faire mettre avec ses promesses qui paraissaient trop belles pour être vraies.
Mais au lieu de cela, Auralie revint vers la blonde qui la serra tendrement contre elle alors que son cœur menaçait d’imploser dans sa poitrine en attendant la décision de la brune. Et la décision tomba. Elizabeth s’enivra de son parfum avant de la serrer un peu plus fort entre ses bras, prolongeant leur baiser. Un violent frisson lui parcourut l’échine lorsqu’elle sentit les mains de la jolie brune sur sa peau. Elle soupira d’aise, ses doigts se resserrant sur le tissu de sa robe, soulagée de savoir qu’Auralie viendrait avec elle.

Elizabeth aimait Auralie pour sa simplicité (pas d’esprit, hein ?) et sa gentillesse. Il n’y avait nulle trace de méchanceté en elle. Elle n’était pourrie ni par la politique, ni par la religion. Les gentils se faisaient rares dans un royaume où la méchanceté prévalait sur la gentillesse ; où le péché écrasait la vertu. La blondinette ne comprenait pas pourquoi bonté était synonyme de tare. Il fallait limite être méchant pour réussir sa vie et avoir les honneurs. Sauf qu’Elizabeth ne voulait pas de cela. Tous ses délits étaient mineurs – y compris tuer Lotx oui et n’entraînaient aucunement la mort d’une tierce personne. Non, non, même sur le champ de bataille, sa lame n’avait transpercé personne. Le sang n’avait jamais coulé par sa faute, toussa, toussa.
Et donc, nous disions qu’Elizabeth aimait Auralie parce qu’elle était simple, douce, tendre, gentille, etc. Il émanait d’elle une bienveillance rassurante et la blondinette n’avait qu’une envie : la prendre de ses bras et la protéger de tout ce qui pourrait la blesser.
Auralie était un trésor qu’il fallait préserver.

La blonde bascula en arrière, entraînant son amante avec elle. Elle ne voulait pas rompre le contact physique. Pas tout de suite du moins. Elle avait encore envie de ses lèvres contre les siennes et de ses mains sous sa robe. L’excitation se faisait de plus en plus forte et son bas ventre brûlait violemment. Son corps tout entier frémissait et son être réclamait caresses et baisers.

Et Elizabeth se donna et s’abandonna complètement à Auralie. Elle l’aima passionnément et tendrement. Elle l’aima aussi fort qu’elle le put et le lui montra encore et encore.

Aura… Souffla-t-elle du bout des lèvres alors qu’elles étaient plus proches que jamais…


[Entre la première rencontre et la première fois]


L’évidence s’imposait d’elle-même : Elizabeth avait eu un coup de foudre amical pour Auralie.
Le même qu’elle avait eu pour Carla un an plus tôt.
La blondinette marchait dans les rues de la capitale angevine en guettant tout autour d’elle, espérant croiser la jeune cuisinière ; elle traînait au lac ; squattait le marché où elle mettait – comme par hasard – beaucoup plus de temps que d’habitude à choisir et à acheter des denrées alimentaires.
Ce jour-là, ce n’est ni au lac, ni dans les jardins du château où elle travaillait qu’Elizabeth l’aperçut, mais bien au marché. Elle l’observa quelques instants avant de s’approcher d’elle, toute guillerette, un sourire aux lèvres pour se glisser derrière elle. Et allez savoir pourquoi mais la blondinette posa à Auralie une question complètement WTHeck.


- Si vous étiez un péché, vous seriez lequel ?

Auralie sursauta et lâcha un juron berrichon, ce qui fit rire Elizabeth.

- Enondu ! Vous m'avez fait peur. Un euh quoi ? Un péché ? Bin... Aucun ? ... Je dois vraiment en choisir un ?
- Mais oui, c'est le jeu. Et il faut me dire pourquoi aussi !

La brune fit la moue, un peu dépitée qu’il faille dire la raison de son choix et qu’il faille être honnête. Et après avoir détourné le regard, elle répondit timidement, non sans esquisser un sourire :

- La luxure. Parce que quitte à être quelque chose de mal, autant que ce soit un mal qui fait du bien, non ?
- Oh joli ! Je n'aurais pas mieux dit ! Et elle était sincère. Elle s’approcha en souriant de l’oreille de la jolie brune et murmura : et moi, je serais la gourmandise... Quitte à être quelque chose de mal, autant demander un mal qui fait du bien encore et encore, non ?
- Je suis d'accord. Et si vous étiez une vertu alors ? Demanda-t-elle en souriant à la blonde après avoir regardé tout autour d’elle.
- Mhmm... et bien, et bien, je dirais l'amitié... vous savez, pour le don de soi, l'altruisme... J'adore donner de ma personne. Et vous ? Quelle serait votre vertu ? Cette phrase était lourde de sens et Elizabeth n’aurait su dire si Auralie avait saisi le sous-entendu ou non.
- La prudence pour la conduite raisonnée.
- Intéressant... Et si vous deviez m’attribuer une couleur ?
- Le jaune. Comme l'or, la gloire... Je sais pas, ça vous va bien, peut-être parce que vous êtes blonde aussi; c'est joli.

Elizabeth sourit, se mordillant légèrement la lèvre inférieure. Et après avoir retrouvé un peu de contenance, elle s’approcha un peu plus de la jeune femme pour lui chuchoter à l’oreille qu’elle lui attribuerait le blanc pour la pureté, pour la gentillesse et pour tous les bons sentiments que cette couleur inspirait.
La brune s’arrêta à un étal pour acheter un peu de farine et sourit à la blondinette.


- Tant mieux alors, ce sont des choses biens. A mon tour. Si vous étiez un animal ?

Elizabeth rit, pensant que si on devait lui attribuer un seul animal, ce serait le blaireau. Ne disait-on pas « être con comme un blaireau », mh ?

- Mhmm... vous m'posez une colle là... J'pourrais y réfléchir pendant qu'vous m'dites quel animal vous seriez ?
- Ce serait avec plaisir mais je dois réfléchir aussi Répondit-elle avec un sourire amusé.
- Vous viendrez me le dire quand vous aurez trouvé ? Et je ferai pareil !
- J'accepte ce marché.

Et à ce moment-là, Auralie paya le marchand. Elizabeth lui sourit et hocha la tête. Sa main vint frôler sa hanche et elle s’approcha de nouveau pour murmurer un « à bientôt » avant de la quitter.

La blondinette reprenait son souffle dans les bras de son amante, comblée. Elle avait un sourire béat au coin des lèvres. Puis elle se redressa, s’appuyant sur un coude, sur le côté pour regarder Auralie.

Si j’étais un animal, je serais un wolverène parce que je suis insatiable…

Mais malgré tout comblée ! Elizabeth sourit à Aura et revint chercher ses lèvres pour un nouveau baiser, brûlant de nouveau pour le corps de son amante…


Flash-back écrit à 4 mains

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Auralie



Chaque personne ayant vu Auralie à l’œuvre quand elle travaillait pouvait témoigner de son endurance au travail et de sa résistance à la fatigue autant qu'aux maladies. Jamais elle ne se plaignait, jamais elle n'abandonnait sa tâche et tout était toujours fini dans les temps impartis. Elle était si assidue qu'on se demandait parfois si elle ne demandait simplement pas plus de travail. Plus plus toujours plus ? Oui, mais pas pour le domaine qu'ils pensaient.
Les lèvres d'Auralie, encore chaudes d'avoir tant embrassé et volé de chaleur, bécotaient légèrement la peau d'Elizabeth étendue à ses côtés. Après chaque ébat, il y avait ce temps de tendre latence, cet instant où profiter devenait la seule chose importante. Il suffisait de savourer doucement comme si ce moment fragile, éphémère, se devait d'être préservé avec toutes les précautions du monde. Entre les deux jeunes femmes, il n'existait pas ce rapport habituel de dominante et de dominée, de protectrice et de protégée car si dans la vie extérieure, Auralie se pliait devant la religieuse, avait une image fragile et devenait ainsi la protégée, il en était autrement dans leur intimité où elle avait un caractère plus affirmé et où elle pouvait ainsi devenir la protectrice. En l'instant, c'est ce qu'elle était en ayant Elizabeth dans ses bras, en la couvant de baisers tendres. Son regard noisette se déporta du corps aimé pour croiser le bleu-gris d'Elizabeth qui s'était redressée et donnait à la servante la réponse à une question qu'elle avait posé il y a plusieurs jours de cela. Auralie lui sourit et accueillit son baiser avec joie, retenant les lèvres de son amante un instant de plus avant de les libérer pour parler à son tour.


-Et moi je serais un chat... On les imagine indépendant et paresseux mais ils ne sont pas ce que l'on croit quand on a le dos tourné... Ils sont beaucoup plus... L'index droit d'Auralie venait de se poser sur la peau de la blonde, glissait dessus avec facilité, hypnotisant le regard de la brune qui ne releva ses yeux joueurs et doux que pour continuer la suite de sa phrase.... Lascifs et travailleurs qu'on le croit... Oui, ils doivent beaucoup travailler parce que les gens ne les imaginent pas avoir tant d'énergie, et pour autant en avoir, il faut se ressourcer... C'est pour cela qu'en réalité, comparé à la croyance populaire, ils sont beaucoup plus... Son doigt remonta sur le cou d'Elizabeth jusque sous son menton et Auralie lui sourit avant de lâcher le dernier adjectif.... Affamés...

L'index glissa sur le menton pour se retirer, rompre contact avec ce bout de peau que la main entière vint retrouver en se posant sur la taille de la blonde, prise s'affirmant au fur et à mesure que les doigts malaxaient doucement la chair si bien connue maintenant; c'était à croire que plus elles couchaient ensemble, plus elles s'attiraient car les lèvres de la servante vinrent retrouver celles de la religieuse, enflammant de nouveau leurs êtres.

[Entre leur première rencontre et leur première fois]


C'était un dimanche, jour de repos d'Auralie qu'Elizabeth avait convié à quelques heures en taverne pour parler. La brune l'aimait bien, elle était ce qui était le plus proche de la définition d'amie et Auralie, bien que réservée, appréciait de lui parler. Elle était en retard parce que le garde du domaine, Heimlich, avait refusé de la laisser sortir, persuadé qu'on était samedi et non dimanche puisqu'il n'avait pas entendu les cloches dominicales. La jeune servante se pressait dans les rues d'Angers et c'est avec ses vêtements du dimanche -comprendre ceux semblables à la semaine mais en plus propres et en meilleur état- qu'elle entra dans la taverne convenue. Avec une fausse timidité qui n'était que la modestie de sa condition, elle chercha la religieuse du regard et la trouva assise à une table qu'elle rejoignit jusqu'à s'assoir en se confondant d'excuses. Une tisane l'attendait déjà, encore chaude, et Auralie remercia Elizabeth par une rapide esquisse de sourire.

-Heimlich le garde ne voulait pas me laisser sortir, il ne me croyait pas quand je lui disais que nous étions dimanche. Il n'avait pas entendu les cloches.
-C'est pas grave, vous en faites pas. J'ai presque pas attendu.
Hiemlich ? C'est un teuton ? J'ai une théorie : tous les hommes qui ont un prénom teuton sont cons.

-Ah bon, pourquoi ? En même temps pour avoir un tel prénom...
-J'ai connu un Hienrich... Con comme un manche à balai ! Pis mon frère, qui était un teuton, con comme un manche à balai aussi.
-Ils prenaient leurs bas pour des gants ? Demande Auralie en prenant une gorgée de tisane, question qui fait rire la religieuse.
-Ils auraient pu, ils auraient pu... En fait, ce Hienrich, m'en veut à mort. Je crois qu'il m'en voudra toute sa vie... Le pauvre garçon, il arrive pas à passer à autre chose... Répondit Elizabeth qui se vantait clairement.
-Comment ça ?
-Et bien... Disons qu'avant de rentrer dans les ordres, j'ai rencontré cet homme qui est tombé fou amoureux de moi... Je me suis dit pourquoi pas et j'ai essayé mais ma nature m'a bien vite rattrapée.
-Nature de religieuse ?
-Pas exactement...

Elizabeth esquisse un sourire et Auralie penche la tête de côté pour montrer qu'elle ne comprend pas de quelle autre nature il peut s'agir. En réalité, elle s'en doute mais sa nature prudente l'enjoint à ne pas en faire montre. Elizabeth regarde autour d'elles, se penche en avant pour chuchoter à la servante et lui confier son secret.

-Disons que je n'aime pas vraiment les hommes et que je lui ai brisé le cœur en me tournant vers... une femme.
-OooooOOooohh... !

La blonde regrette immédiatement son aveu et baisse ses yeux bleu-gris qu'Auralie trouve pourtant jolis. C'est dommage d'abaisser de si beaux yeux. Elle a pitié d'Elizabeth et sa nature douce et compatissante prend le pas sur sa prudence. A son tour, la servante se penche en avant pour lui chuchoter son propre secret, semblable, et imite la religieuse afin d'avoir un air coupable si jamais cet aveu ne devait qu'être fictif et vicieux pour l'inciter à parler.

-M... Moi aussi...
-C'pas une blague de mauvais goût que vous m'faites, hein... ? Demande Elizabeth en relevant le regard, surprise d'un tel aveu.
-Oh non, vous êtes au service du Très-Haut... ! .... Justement je n'aurais pas dû vous le dire... Répond rapidement Auralie en reprenant sa parfaite apparence d'être servile, ne réalisant que trop tard cependant son erreur d'avoir parlé à une religieuse.
-Non mais... Bien sûr que si... Vous avez eu raison de me le dire. Désolée ! C'est marrant ça, on dirait qu'elles sont toutes venues en Anjou, les femmes qui aiment les femmes... parait-il que les mœurs sont libres ici.
-Ce n'est pas bien. Ce n'est pas aristotélicien. C'est de la provocation que de ne même pas le cacher ! Réplique Auralie en haussant les épaules, ne se sentant pas concernée alors qu'Elizabeth la fixe.
-Vous savez, je n'ai jamais lu que c'était mal dans le livre des vertus... La seule fois où ils en font mention, c'est dans les logions d'Aristote... Me semble-t-il qu'il est dans les derniers.. Ce logion dit "au cœur du refoulé gît notre propre cohérence"... et ça me semble pas être une phrase pour dire que c'est le mal absolu et qu'on sera violé par le prince-démon de la luxure sur l'enfer lunaire.

Par réflexe, la servante se signe et commence à regretter d'avoir quitté son Berry natal pour cette terre de débauche. Que dirait sa mère si elle savait qu'ici, on étale ses péchés comme le prix de la farine, qu'on n'en craint même plus les conséquences !

-Moi je crois qu'il ne faut pas provoquer, ce n'est pas bien. Vous voyez, quand je mourrais, mon âme ira au purgatoire et sera jugée en fonction de mon travail quotidien, et le Très-Haut verra que je ne l'ai pas provoqué alors, dans Sa Grande Clémence, Il me fera accéder au Paradis Solaire parce qu'Il aura vu que j'ai bien agi en cela, comme vous ! Parce que vous, vous ne provoquez pas non plus et vous Le servez.
-Moi, je crois que le Très-Haut nous a donné la capacité d'aimer et qu'on ne devrait pas s'en priver. Je pense que tant que l'on n'est pas dans l'excès, Il ne nous punira pas. Moi je crois que je suis déjà damnée alors ça n'a plus d'importance.
-Pourquoi déjà damnée ?
-Parce que je l'ai provoqué.

Auralie sourit doucement et ose avancer sa main qu'elle a de fine car agile vers celle de son amie en devenir. Elle la pose gentiment dessus comme marque de soutien et d'amitié et lui adresse des mots gentils qui n'en sont pas moins sincères.

-Mais vous ne le faites plus aujourd'hui, alors vous serez pardonnée parce que vous avez compris vos erreurs.
-Qu'est-ce qui vous fait penser que je ne le fais plus ?
-Parce que vous me l'avez dit tout bas et que vous avez détourné les yeux après, répond la brune après s'être penchée en avant pour chuchoter.
-Parce que j'ai eu peur que vous me jugiez.
-Je ne suis pas différente des autres gens.

Auralie reprend sa main pour boire une gorgée de tisane. Elle est plus semblable aux autres encore qu'Elizabeth ne le sera jamais parce qu'elle est du bas-peuple, elle est la main-d’œuvre qu'on exploite et qu'on ne respecte pas quand Elizabeth est dans l'ordre religieux, elle est au moins respectée de ses pairs et de ses ouailles, son statut est plus élevé que celui de la jeune brune qui, bien rangée et discrète, se fond parfaitement dans la masse du monde ambiant.

-Détrompez-vous avait alors répondu la religieuse sans pouvoir détacher son regard d'Auralie qui n'y avait apporté qu'une importance mineure.


Elles étaient donc deux femmes à L'appétit aiguisé, deux femmes qui étaient toujours partantes pour une seconde fois, une troisième, quatrième et ainsi de suite. Blottie contre le corps toujours chaud de son amante, Auralie ressemblait cette fois véritablement à un chat, un chat aux cheveux bruns soyeux retombant sur sa peau et sur celle d'Elizabeth. Ses doigts jouaient encore machinalement sur le ventre souple et frémissant de la blonde alors qu'elle repensait à cette conversation qu'elles avaient eu et qui, finalement, avait tout annoncé. D'un sensible mais habile mouvement de tête, la servante repoussa un peu sa chevelure en arrière pour regarder son amante; elle était belle après l'amour, elle avait un charme touchant et pour autant innocent qui plaisait -bien évidemment- à Auralie.

-Tu sais Eli, tu es la personne qui m'est la plus proche. Et je ne parle pas que du sens propre, hein... ! Je... Je suis contente que tu... M'ais demandé de venir avec toi. Ton absence m'aurait rendu triste. Toi non plus, tu n'es pas comme les autres.

Les maîtresses qu'Auralie avaient pu avoir n'aimaient pas comme Elizabeth, il n'y avait pas eu cette passion chez elles et leurs ébats n'avaient été qu'un échange qui permettait de combler leurs besoins à chacune. Avec cette blonde amante, la brune n'échangeait pas, ce n'était pas un don pour un renvoi, elle partageait quelque chose, recevait sans demander et donnait sans retour. Pour la première fois de sa vie, la servante se sentait considérée non pas comme quelque chose mais comme quelqu'un, quelqu'un qui avait faculté de plaire autrement que pour des instincts primaires. Elle étira lascivement son corps et se colla plus encore dans les bras d'Elizabeth en souriant, fermant les yeux pour profiter de ce temps qui n'appartenait qu'à elles et que rien ni personne ne pourrait leur retirer.

-Je ferai la cuisine, c'est ce que je fais de mieux. Ça ne me changera pas de mon travail actuel mais il sera nouveau quand même.

Elizabeth avait dit qu'elle la paierait et c'est naturellement qu'Auralie avait trouvé une place à occuper dans cette nouvelle vie qui l'attendait. Peut-être que la religieuse la paierait un écu ou deux de plus que la famille pour laquelle elle travaillait actuellement et alors son père ne pourrait rien lui reprocher, d'autant qu'Elizabeth était la future Papesse et on ne crachait pas sur être maître-queue -un jour, peut-être !- de la Papesse, Émissaire du Très-Haut sur Terre.
Auralie vint cacher son nez dans le cou de son amante. Bien calée, elle profitait de sa chaleur, de son odeur, du confort tendre et rassurant de son corps contre le sien et Elizabeth pouvait également y trouver son compte. La voix traînante et voluptueuse en de tels instants de la brune se fit entendre avant qu'un baiser sage ne fut déposé sur la fine peau.


-Parle-moi de là où tu vis et de ce que tu y fais. Ta vie de tous les jours, pas celle de la guerre d'ici.

En Périgord, Elizabeth devait bien avoir des activités moins traumatisantes que donner l'extrême onction à des mourants, semer la mort et la terreur -ou pas puisqu'elle désertait- et recoudre des plaies sales et sanguinolentes, non ?

Flash-back écrit à 4 mains avec JD Eli


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Eli_za_beth
L’une des mains de la blonde caressait la chevelure brune alors que l’autre effleurait son épaule nue pour ensuite redescendre vers sa poitrine dont elle redessinait les courbes du bout des doigts.
Aux caresses se mêlaient quelques tendres et chastes baisers sur le font. En touchant sans cesse Auralie, Elizabeth profitait au maximum de la présence de son amante à ses côtés. Elle ne voulait pas gaspiller le temps qu’elles partageaient en gestes futiles. Alors elle la touchait, l’embrassait et s’imprégnait de son odeur. Elle n’aurait su dire si elle tombait amoureuse mais il était sûr que ses sentiments grandissaient un peu plus chaque jour et qu’ils étaient sincères.
La blondinette continuait à occuper ses mains et ses lèvres et ronronnait aux caresses de son amante lorsqu’elle releva la tête pour la regarder. Elle lui sourit tendrement, béatement et les yeux pétillants.
Et son cœur s’emballa…

Dans la vraie vie, Elizabeth n’était pas si différente des autres. Elle n’était qu’une opportuniste dont la loyauté allait vers le plus offrant. Elle était beaucoup trop ambitieuse pour son propre bien et elle convoitait toujours les postes des autres. La preuve en était avec ses multiples tentatives d’assassinat pour prendre le diocèse de Périgueux à Lotx.
Mais en amour, il était vrai qu’elle différait des autres. Lorsqu’elle aimait, elle aimait pleinement et sincèrement ; passionnément et tendrement. Elle ne comprenait pas que l’on puisse être tenté d’aller voir ailleurs lorsque l’on se disait amoureux d’une personne en particulier. Même lorsqu’elle n’était pas vraiment amoureuse et qu’aucune promesse n’avait été faite, elle avait du mal.

J’aurais pas pu partir sans te demander de me suivre.

Les doigts descendirent le long de la mâchoire jusqu’au menton pour relever encore un peu le visage. Elizabeth scella tendrement ses lèvres aux siennes avant de rompre le baiser doucement.

Et si tu avais refusé, j’aurais retardé mon départ autant que possible.
Je te laisserai le temps qu’il faudra pour organiser ton départ, d’accord ?


Elizabeth esquissa un sourire à sa remarque suivante. Auralie pouvait faire la cuisine si elle voulait faire la cuisine ou elle pourrait coordonner les domestiques, histoire que ce ne soit pas le bordel dans les couloirs.

Tu seras pas obligée d’être en cuisine… Tu pourras être intendante… Un truc un peu mieux quoi et qui justifiera ton salaire.
Nan parce que sinon, on va dire y a du favoritisme, toussa, toussa.


Un petit sourire naquit sur le joli minois blond et ses lèvres se posèrent sur le front de la jeune femme.

Là où je vis… Dit-elle tout bas dans un soupir. Le Périgord-Angoumois n’était pas la meilleure des régions et si Elizabeth y était toujours, c’était bien grâce à Lotx et aux poneys qui l’avait sauvée d’une grosse dépression.
La blondinette resta silencieuse quelques secondes, continuant ses caresses avant d’ouvrir la bouche pour répondre à sa douce amante.

Dans le Périgord, je fais un peu la guerre aussi. C’est juste une guerre un peu différente de celle-ci…


[La première soirée au château de Katina]


Les portes de la chambre d’Elizabeth se refermèrent sur les deux jeunes femmes.
La « pastorale » pouvait commencer.

Elizabeth se débarrassa de sa cape et invita Auralie à faire de même avant de se poser devant la cheminée, profitant de la chaleur des flammes et du crépitement de celles-ci qui avaient tendance à calmer la blondinette. Elle regarda le feu un instant avant de tourner la tête vers son invitée. Elle tapota la pierre pour qu’Auralie vienne s’asseoir à côté d’elle.


Auralie vint s'asseoir sur l'endroit tapoté par la religieuse et l'observait de ses yeux noisette d'un air discrètement curieux. La blonde commença son récit et la servante l'écoutait avec attention. Elle avait toujours aimé les histoires, les légendes, elle écoutait volontiers les conteurs et les troubadours quand ses maîtres en invitaient; elle était prête à remplacer certains serveurs pour cela. Enfin, celui d'hier soir, il bégayait et Auralie n'avait rien compris; elle était partie se coucher avec un profond sentiment de déception. Elle l'avait raconté à Elizabeth pour expliquer sa morosité du jour et la religieuse s'était donnée en devoir de la remonter en lui racontant une légende gratuitement.

Il fallait dire que la blondinette adorait conter des histoires et qu’elle avait passé des heures à en conter à Opaline et à Carla.
Et un sourire plus tard, Elizabeth commença son récit.


On dit qu’autrefois, sur les rives d’un lac périgourdin, se trouvait un petit village qui est aujourd’hui englouti sous les eaux.
Un soir automnale, alors qu’il y avait un vent mordant et une épaisse brume, une mendiante transi de froid et grelottante implora les villageois de lui offrir le gîte et le couvert pour la nuit. Mais en vain. Ils refusèrent tous… Tous, sauf un homme – le plus pauvre du village – dont la maison se trouvait un peu à l’écart des autres. Il fit preuve de générosité envers la mendiante et lui offrit tout ce dont elle avait besoin.


La servante buvait ses paroles et ses émotions, faute de se lire sur son visage encore réservé, étaient visibles dans ses yeux..

Au matin, lorsqu’il se réveilla, la vieille était partie. Il sortit dehors et, à la place de son village, il vit une grande étendue d’eau.

La mendiante qu’il avait aidée la veille était en fait une fée qui vivait dans une roche sacrée et secrète et qui n’en sortait que la nuit pour profiter de la sérénité nocturne. Sauf que ce soir-là, elle fut surprise par la tempête qui venait de s’abattre et n’avait pu regagner son habitat. Et de colère, elle avait puni tous ceux qui lui avaient refusé leur aide…


Auralie eut un battement de paupière interloqué et se redressa avec un rictus indigné.

- Mais c'est triste ! Ces gens avaient peut-être peur d'elle et ils ont été punis de mort pour cela ! Et le vieil homme ? Il avait peut-être des amis villageois ! Et les enfants ? Ils n'avaient rien demandé eux. Non décidément, cette fée n'était ou pas très gentille, ou pas très intelligente.

Et elle fit la moue, bien décidée à montrer son désaccord avec le fond de cette histoire.

La blonde esquissa un sourire et hocha doucement la tête. Auralie avait probablement raison…

Le Périgord : quelle plaie !
Elizabeth regretterait probablement d’avoir quitté l’Anjou à la seconde où elle aurait posé le pied dans ce foutu comté. Elle était limite désolée de faire subir cela à Auralie. Elle aurait préféré lui raconter une autre légende pour embellir la réalité.

J’suis là-bas depuis un moment. J’ai été diacre de Castillon, puis curé de Castillon, puis vicaire paroissiale de Castillon.
Castillon, c’est un peu la ville maudite du PA. C’est un peu la rébellion là-bas. Ils veulent être indépendants, toussa, toussa. Sauf que la plupart des castillonnais sont cons comme des malles sans poignées. On avait un trouple – un ménage à trois… – qui couchait avec à peu près tout ce qui avait des seins et qui ressemblait plus ou moins à une femme.
Au début, je leur avais demandé d’être discrètes comme elles étaient dans un ménage à trois et l’une d’elles – pas la plus conne des trois – est allée le hurler sur la place publique.


La blondinette grimaça de dégoût en repensant à Ulrica qui la révulsait.

Quand notre actuel évêque est arrivé, c’était mieux. Et il a ramené les « poneys » avec lui.
On se marre bien du coup. Mais niveau politique, c’est une horreur… Et ils sont un peu omniscients tu sais. Ils savent tout, tout le temps, même quand ils n’ont rien vu et rien entendu.


Elizabeth avait conscience qu’elle ne vendait pas très bien son comté. Elle caressait toujours les cheveux de son amante.

Mais tant qu’on s’mélange pas avec eux, tout ira bien. Pis j’te protégerai ! Tavu ! Sinan, j’étudie beaucoup, j’lis le livre des vertus, j’fais des messes, toussa, toussa. Rien d’bien intéressant quoi ! ‘Fin, j’vais postuler au poste d’évêque d’Angoulême. Dans l’Angoumois, on sera bien… Personne en veut !

La blondinette regretta tout ce qu’elle venait de dire. Peut-être qu’elle aurait dû embellir la vérité mais elle ne pouvait pas mentir à sa jolie brune. A la limite, omettre certaines choses mais pas de mensonges…

Tu viens quand même, hein ?

La prochaine fois, elle se boufferait la langue avant de parler.

Me laisse pas Aura… S’il te plait…

Et elle la regarda avec ses petits yeux qui faisaient trop de la peine. Ouais, parce que de la peine, elle en aurait si Auralie revenait sur sa décision.


Flash-back écrit à 4 mains avec ljd Auralie. Les paragraphes en rouge foncé ont été écrits par ljd Aura donc.
La légende est normalement une légende du jura (la fée du lac de Narlay) mais j'ai un petit modifié en disant que c'était du Périgord. Walà, walà.

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Auralie



Auralie acquiesça lorsqu'Elizabeth lui avait dit qu'elle pouvait prendre son temps pour préparer son départ. Le plus difficile, selon la brune, serait de signifier son départ à ses maîtres. Elle craignait qu'ils ne la punissent pour cela, qu'ils l'empêchent de partir peut-être, qu'ils cherchent à la retenir. Elle-même avait peur de revenir sur sa décision, qu'une peur soudaine lui coince les mots dans la gorge face à l'intendante et qu'elle ne décide finalement de rester dans cette routine rodée, pas dépaysante, sans risques, quand bien même la religieuse lui proposait le poste de gestionnaire du personnel. Ses promesses de la veille lui revinrent en tête et après avoir fait confiance à Elizabeth, Auralie commença à la croire. Elle réfléchit dès lors comme cela et esquissa un sourire à l'intention de son amante dont elle savourait les caresses.

-On verra, d'accord ?

Gérer et diriger des gens nécessitait un charisme, ou au moins de l'autorité, et Auralie n'avait ni le charme d'une cheffe ni l'autorité d'une intendante comme celle qui la supervisait actuellement. Elle ne se sentait pas d'avoir les épaules pour cela, elle se sentait mieux en cuisine où elle exerçait ses compétences. Peut-être que devenir la cheffe de ces lieux lui conviendrait mieux, mais elle n'en parlerait pas à Elizabeth maintenant. Les choses se feraient comme elles devraient se faire. Pour l'instant, la servante se sentait redevable et le sentiment était assez désagréable comme ça.


[Deux jours après leur première rencontre]


Il n'était pas tard mais le soleil avait déjà décliné. Auralie rentrait du marché avec le sac et les écus bien cachés afin de ne pas attirer la convoitise des voleurs. C'est dans une rue menant au domaine de ses maîtres que deux hommes surgirent devant elle et la servante pâlit en les reconnaissant : il s'agissait de Goddefroy et Philippe, deux employés récemment renvoyés à cause de leur paresse mais qui avaient trouvé le bon prétexte d'accuser la brune de ne leur laisser aucun travail à faire. Qu'importe; mis à la porte, ils lui en voulaient. Ils la firent reculer jusqu'à un mur et Goddefroy, le plus véhément, se fit menaçant.

-Alors fayotte, fière de toi ? Si on te coupait la main on pourrait revenir je pense.
-Je... J'ai rien fait... !


Disons-le clairement, c'est la merde. Elle va se faire agresser là, dans cette rue, revenir dans on-ne-sait-quel état -si jamais elle revient- et sans doute sans plus un écu ni vivres, autant dire que quoiqu'il arrive, elle est morte. Tremblante contre le mur, Auralie n'a aucun échappatoire, aucune chance de s'en sortir. Un espoir soudain surgit, arrive tranquillement pour s'interposer et la servante se cache un peu plus derrière la blonde silhouette.

-Et moi, si j'vous fous en procès et que j'demande à c'qu'on vou coupe la main, vous rôviendrez ?
-T'es qui toi ? Dédage avant qu'on s'occupe aussi de ton cas !
-Oh pardon ! J'me suis pas présentée... Quelle malpolie ! Alors moi, j'suis Monseigneur Ichweissnicht, procureur inquisitorial étou, étou... 'voyez ?


Les deux hommes se redressent et perdent leur animosité, au moins pour Philippe qui a très bien compris qu'ils pouvaient finir sur un bûcher en moins de deux. Goddefroy, lui, a beau tenter de botter en touche, le regard jeté à Auralie reste mauvais et Elizabeth réplique par le mode "je vais te sauter dessus et t'arracher les yeux".

-Mais moi je rigolais pas.
-Ça va ça va, aucun humour quoi...


Philippe tire discrètement la manche de Goddefroy pour lui signifier qu'ils feraient mieux de se tirer; la servante les connait, elle pourrait parler et les dénoncer. Le plus véhément, avec un sourire hypocrite, crache aux pieds d'Auralie qui sursaute légèrement et lance un regard noir à Elizabeth avant de tourner les talons. Celle-ci les regarde s'éloigner et se retourne vers la brune recroquevillée de peur.

-Ils vous voulaient quoi ?
-Ils sont pas contents parce qu'ils ont été renvoyé à cause de leur manque de travail. Ils m'accusent d'avoir travaillé à leur place.
-Ils sont partis maintenant. J'vous raccompagne ?
demande Elizabeth avec un sourire.

Auralie hésite, elle veut pas déranger la religieuse qui vient déjà de l'aider mais elle a si peur qu'ils ne l'attendent à un coin de ruelle qu'elle hoche la tête et refoule sa politesse.

- Si... Seulement si ça ne vous dérange pas... Mais je veux bien.. S'il vous plait...
-Mais non ça m'dérange pas.. bien au contraire ! C'sympa en fait d'être procureur inquisitorial, on vous tient vachement plus en respect.
-Oui, ça en impose
admet Auralie en commençant à marcher aux côtés de la blonde.
- Si vous avez besoin d'un garde du corps... J'suis assez douée pour protéger l'intégrité physique d'une personne.
-Je ne vous imagine pas frapper répond Auralie après avoir timidement regarder sa voisine.
-Vous avez raison.. J'crois qu'j'ai jamais frappé personne.. 'fin, je crois... J'me rappelle plus.
-On ne s'en souvient pas ?
-On ?
Interroge Elizabeth en regardant la servante.
-Les gens en général.
- y a des choses qu'il vaut mieux oublier parfois. Et si j'ai frappé quelqu'un, ça fait partie des choses que je veux oublier répond Elizabeth en haussant les épaules, ce qui fait sourire un peu Auralie qui acquiesce en arrivant devant le domaine.
-Merci pour m'avoir raccompagné... J'avais peur qu'ils m'attendent.
-Ce fut un plaisir !
-Bonne soirée à vous, rentrez bien
salut Auralie en faisant une courbette polie et respectueuse.
-Bonne soirée répond la religieuse qui attend qu'elle soit rentrée avant de s'en aller à son tour.

Les yeux fermés, Auralie écoutait Elizabeth raconter sa vie dans le Périgord, combattre les sorciers qui n'avaient étonnamment toujours pas brûlés, le trouple idiot, les postes qui lui semblaient importants parce qu'au troisième, elle ne savait plus trop où c'était dans la hiérarchie ecclésiastique. Pourquoi un évêque viendrait avec des poneys ? Et en quoi cela serait-il drôle ? Ce sont des poneys dressés à faire des tours, comme ceux des troubadours ? La servante note mentalement de demander quand Elizabeth aura terminé de lui raconter. Elle n'en aura finalement pas l'occasion, pas plus que celle de répondre à ses inquiétudes car s'il est bien un point commun entre les chats, Auralie et la croyance populaire, c'est que le sommeil est chose importante, surtout après une journée de dure labeur, d'ébats passionnés et de caresses si tendres qui la bercent. La tête calée au creux de l'épaule d'Elizabeth, le visage dans son cou, Auralie a sombré dans le sommeil, le bras en travers de son amante et la retenant ainsi par la taille d'une façon étonnamment ferme pour une endormie.


Flash-back écrit à 4 mains avec JD Eli


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Eli_za_beth
Bercée par la respiration de son amante, Elizabeth finit par s’endormir sereinement. Rien ne vint entraver son sommeil.
Et pour la première fois depuis des mois, la petite blonde connaissait un sentiment de plénitude absolue.
Le lendemain, les filles ne firent absolument rien. Elles restèrent enfermées dans la chambre d’Elizabeth, à mille lieues de leur quotidien qui n’était pas toujours facile. Rien n’aurait pu gâcher ce moment mis à part peut-être un lundi matin qui arriva bien trop vite.


[La première rencontre]


Depuis que la religion s’était imposée à Elizabeth comme une évidence, elle avait pris la mauvaise habitude de squatter les églises des autres pour boire en paix, s’asseyant généralement dans le confessionnal.
Pour la religieuse, le confessionnal était LE moyen le plus sûr d’être tranquille. En effet, c’était le genre d’endroit que les gens désertaient. Ils ne cherchaient plus le pardon du Seigneur mais à s’attirer ses foudres. A croire que le provoquer les amusait…


Quelle bêtise des maîtres que d'envoyer les domestiques aller se faire confesser ! Non que ce soit incroyable en soi, Auralie était la première à trouver cela important, mais elle était présentement irréprochable, sans péché depuis sa dernière confession qui remontait au mois dernier, même pas une aventure à avouer, rien ! Et pourtant il faudrait bien inventer quelque chose sous peine que le Très-Haut la qualifie d'orgueilleuse.
Elle poussa les portes de l'église et s'avança jusqu'au confessionnal. Le rideau fut effleuré et, sans réponse en retour, elle entra dedans.


La porte de l’Eglise s’ouvrit et, toutes à ses pensées, Elizabeth sursauta, son cœur s’emballant violemment dans sa poitrine. Le temps de se calmer, « l’intrus » s’installait dans le confessionnal.
La nonne s’indigna intérieurement parlant. A Bergerac, il n’y avait personne. Elle pouvait rester des heures dans sa petite boîte, à attendre, en vain ! Et là, alors qu’elle n’est même pas dans sa paroisse, quelqu’un vient. A croire que Dieu aimait l’emmerder en lui envoyant des gens lorsqu’elle décidait de se cacher de la populace dans un endroit où ils allaient très peu.
Après quelques secondes de silence, Elizabeth fit glisser la petite plaque en bois sur le côté et regarda la « pécheresse ».


- Aheum... Je vous écoute.
- Bonjour ma Mère... Je viens pour le pardon du Très-Haut, qu'Il pardonne mes péchés et m'aide à avancer dans Sa Lumière...

Au « ma mère », Elizabeth grimaça. Elle avait l’impression d’avoir l’âge de la plus bonne des baronnes (au moins cent ans !) et ce n’était pas vraiment flatteur. Du coup, elle se sentait vieille et ratatinée. Peut-être aurait-elle dû la corriger et lui demander – gentiment – de l’appeler « Monseigneur » qui était vachement plus classe que « ma mère », vous en conviendrez.

- Très bien… Je vous écoute. Dit-elle après quelques secondes de silence.
- Hé bien... Il y a trois jours, alors que je travaillais dans les cuisines de mes maîtres, j'ai... j'ai goûté deux louches de soupe au lieu d'une...

Visiblement, chez la jeune femme, prendre deux louches de soupe au lieu d’une méritait des coups de badine.
Elizabeth esquissa un sourire. Ce péché n’en était pas vraiment un.


- Je ne pense pas que le Très-Haut vous en tienne rigueur, ne vous en faites pas.
- Mais... Mais si... Je ne l'ai pas dit à l'intendante parce que sinon j'aurais été battue, j'ai eu peur, je ne voulais pas être punie... Alors si le Très-Haut ne me pardonne pas, je pourrais aller en Enfers ! ... Non ?
- Si votre intendante vous bat, c'est à elle de venir se confesser. La violence est un péché très grave et de vous deux, ce ne sera pas vous qui irez sur l'enfer lunaire, croyez-moi.
- On ne me l'a jamais dit avant. La jeune femme approcha son visage de la grille pour vérifier qu’il s’agissait bien d’une religieuse.
- Ah ? Et que vous a-t-on dit ? Que votre intendante avait raison de vous battre ? Ce que vous faite, ce n'est ni du vol, ni de la gourmandise... Pour que ce soit un péché, il faudrait que ce soit dans l'excès et ça ne l'est pas... En revanche, ce qui est excessif, c'est de se faire battre pour si peu.
- C'est pour que les domestiques ne le fassent pas tous, pour protéger la nourriture des maîtres. C'est pour dissuader les autres en fait. Auralie se recala correctement à sa place.
- Et bien, je ne suis pas trop pour les châtiments corporels mais je pense que c'est à elle de venir se confesser... Il y a autre chose ?
- Beuh hein euh... N... Non ? Bafouilla-t-elle, surprise par la question.
- Sûre ? Vous n'auriez pas pris quelques miettes qui traînaient sur une table ?

La blondinette avait demandé cela avec un ton légèrement moqueur, le sourire allant avec.
Auralie, elle, rougit et se tassa dans son siège.


- Ce n'était pas du vol, c'était des restes...
- Non, ce n'est pas du vol... Et vous n'irez pas en enfer pour ça. Croyez-moi... On ne peut pas être parfaitement vertueux. Même les saints ne peuvent pas. Disons que ce que le Très-Haut attend de nous, c'est que nous tendions plus vers la vertu que vers le péché. Ce serait orgueilleux que de penser que nous pourrions vivre parfaitement vertueux, sans jamais pécher alors ne vous en faites pas, vous n'avez rien à vous faire pardonner.
- Vous ne voulez pas m'accorder l'absolution quand même ? Ce serait orgueilleux de n'avoir rien à se faire pardonner...
- Peut-être que vous avez autre chose à vous faire pardonner que cela ?
- Non. Vous savez je travaille très dur, plus que les autres souvent, je ne suis jamais en retard le matin, je suis souvent volontaire pour aller faire le marché, j'aide ma famille autant que je le peux, je connais les recettes par cœur et ne me trompe jamais dans les doses.
- Alors pourquoi vous êtes ici ? Demanda-t-elle d’un ton très calme.
- Les maîtres nous obligent à nous faire confesser tous les mois.
- Très bien... Et eux, ils vous battent ?
- Non, que les contres-maîtres.
- Ils savent que vous êtes battue, vos maîtres ?
- Bien sûr, ce sont eux qui en donnent l'autorisation.
- D'accord... Est-ce que vous avez besoin de quoi que ce soit ?

Si Elizabeth pouvait extorquer de l’argent ou des titres aux plus riches, elle avait du mal à la violence faite aux plus pauvres. Du coup, dans sa grande bonté d’âme – qui la perdrait un jour – elle avait demandé à la jeune femme si elle pouvait lui être d’une quelconque aide.
Vrai que cette confession prenait une drôle de tournure, comme le pensait déjà Auralie.


- Euh.. Bah... Euh... Je... Suppose que non ?
- Très bien… Et puisque vous y tenez vraiment, Dieu vous pardonne... Dites-vous qu'il vous pardonnera jusqu'à une vingtaine de louche mais ne vous faites pas prendre par votre intendante.

Auralie avait souri derrière la grille et Elizabeth avec.

- Merci ma Mère. Que le Très-Haut vous garde.

Auralie se leva pour partir avant de se raviser, le temps de donner son prénom à la religieuse. Et avant qu’Elizabeth ait pu répondre, elle s’en alla.


Ce fut le jour de son anniversaire qu’Elizabeth décida de s’en aller. Il était temps pour elle de rejoindre le PA et ses emmerdes. Elle avait fait le tour des tavernes, avait dit au revoir, avait picolé, s’était préparée et avait attendu Auralie devant les portes d’Angers.
Lorsque celle-ci arriva, la blonde lui lança son plus joli sourire et marcha à sa rencontre. Plus elle s’approchait de son amante et plus son cœur battait. Elle aurait voulu l’étreindre, là, devant les portes de la capitale angevine mais elle se retint. Même si l’Anjou était une terre aux « mœurs libres », Elizabeth n’en oubliait pas ses fonctions religieuses, gardant en tête qu’elle pourrait tout perdre à la moindre effusion publique.

Je suis contente que tu sois là.

Elizabeth avait dit cela comme si elle avait eu peur qu’Auralie ne vienne pas, la laissant seule, triste et désespérée sur les routes.
Ouais, parce que l’abandon, c’était un peu l’histoire de sa laïfe…


Flash-back écrit à 4 mains avec ljd Auralie

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