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[RP]- L'éphémère vit d'éclairs...

Ursula_
... et je ne demande pas au bonheur une rente.
Romain Gary, «Clair de femme» (1977)


Un paquet de banalités, une syntaxe simpliste et des idées au fil conducteur obscur. Voilà ce que renfermait, en apparence, la missive que l'Ozta avait écrite à celui qui l'avait aimée pendant un temps. L'essentiel du message était cependant facile à décoder pour celui qui y portait une attention particulière et tenait en une seule phrase: «Retrouvez-moi, vous me manquez».

Citation:
À Aimeryc de Courcy
D’Ursula de Ozta


Mon ami,

Voilà maintenant bien des mois que je me trouve sans nouvelle de vous. Être davantage capricieuse, je vous en ferais le reproche... J’ose espérer que ce n’est pas un mal honteux qui vous a empêché de vous manifester depuis votre départ d’Alençon, cet automne. Ici, dans le domfrontais, le quotidien est d’une monotonie atroce, entre intrigues politiques vénales et inertie crasse… L’hiver n’aide pas non plus : il rend monochrome le décor et les gens. Tout tourne au ralenti, à la manière des pales paresseuses des moulins. C’est pour contrer cet endormissement que je vous écris. Peut-être recevrez-vous ma lettre à temps, c’est en vos terres champenoises que je fais porter ce pli…

Lors de notre dernière entrevue, vous m’aviez confié n’être encore que séparé de corps avec votre épouse. Le schisme s’est-il confirmé? Vous ne vous Retrouvez pas blanchi et le cul dans la fange à la suite d’un partage de biens trop peu tourné à votre avantage, au moins? Les mariages brisés peuvent se révéler être de réels écueils.

Pour la première fois aujourd’hui, je me suis rendue sur les terres qui seront miennes à partir du quinzième jour de mars… C’est avec humilité que je reçois la récompense promise à la suite du don de soi que représente la gestion d’une province. D’aucun me qualifie de «parvenue», Moi je préfère voir la chose comme une réalisation de l’antique mythe de l’homme qui se fait lui-même, artisan de son propre destin. De quoi faire rager les Parques. Qu’en pensez-Vous, vous qui n’avez pas non plus hérité de par votre naissance de terres séculaires?

Me pardonnerez-vous cette intrusion impromptue dans votre existence? Je suis consciente que vous devez être un homme fort occupé. Aussi amorcerai-je rapidement ma conclusion : ne Manquez pas à vos devoirs de gentilhomme et répondez à mon hospitalité. Si vous avez été le bienvenu en Alençon pendant que j’y trônais, vous le serez sur mes terres.

Vous excuserez la pointe un peu trop appuyée de ma plume sur le vélin en traçant certaines lettres, je mets cet impair calligraphique sur l’engourdissement de mes jointures à cause de l’humidité frigorifiant de l’alcôve que j’occupe dans l’attente de pouvoir prendre possession d’Echauffour et de ses dépendances.

L’on parle de grabuge en Normandie. Je prie pour votre sœur et sa sécurité. J’espère que vous allez bien.

Dans l’attente de me réchauffer à la lecture de vos mots,

_________________
Aimeryc.
Normandie. Aucune terre n’était aussi belle que celle-ci aux yeux du brun qui avaient depuis longtemps cédé son cœur à ce paradis. Car oui, pour lui, il s’agissait d’un paradis. Les vents de l’océan, ainsi que la vue de ce dernier, avec le calva ou les diverses spécialités culinaires ou simplement les personnes rendaient cet endroit parfait. Aucun endroit ne pouvait être mieux que celui-ci pour aider l’homme à récupérer de cet amour perdu. En apprenant que la terre de ses ancêtres était menacée, il ne put rester impassible face à ce danger. Répondant à la demande de sa jumelle, il se décida à aider à la défense. C’est alors qu’il effectuait une de ces fameuses rondes en compagnie de son arc qu’un message qui se dirigeait à toute allure vers lui s’était retrouvé avec une flèche pointée à quelques centimètres de son visage. Par chance le brun l’avait reconnu et la flèche était retourné au carquois aussi rapidement. D’une main il s’empara alors de la missive tendue qui, selon le messager, arrivait directement de son intendant qui avait fait suivre une des missives reçus à la Chapelle qu’il avait jugé importante. D’un coup de poignard il fit sauter le sceau pour prendre connaissance des quelques mots couchés sur le parchemin. Aussitôt des souvenirs lui revinrent en mémoire. Des souvenirs de moment qu’il avait partagés avec une duchesse avant de rencontrer l’ébène qui avait dérobé son cœur pour le broyer par la suite. Fourrant le tout sous son armure de cuir, il continua sa ronde. C’est après celle-ci, de retour à Vire où il logeait grâce à sa sœur, que le brun prit la peine de répondre à la fameuse femme.

Citation:




À vous, Ursula de Otza,
De nous, Aimeryc de Courcy,

    Mon amie,

    Je ne pensais pas avoir de vos nouvelles un jour. J’étais persuadé que mon départ presque trop rapide vous avait laissé dubitative et déçue et que ce dernier vous empêchait de m’écrire. Cela dit je n’ai aucune raison de ne pas vous avoir écrit aussi et de cela je m’en excuse. Aucun mal ne m’a gardé cloué au lit. Enfin ce n’est pas totalement vrai. J’ai frôlé la mort il y a peu lors de l’attaque des angevins sur la Touraine et je m’en remets tout juste. J’ai donc rajouté une cicatrice à mon corps qui était si parfait. Il y a de cela un moment que je n’ai pas posé les pieds à la Chapelle mais je me suis assuré que le courrier important me seraient livrés grâce aux bons soins d’un intendant que j’ai embauché et qui loge tout à fait gratuitement dans le manoir que j’ai fait construire.

    Pour répondre à votre question, le schisme a eu lieu depuis notre dernière rencontre et je suis maintenant officiellement séparé de mon épouse depuis le jugement a été rendu au courant du mois de novembre. Je ne me retrouve pas sans rien même si ce n’est certainement pas grâce aux bons soins de mon épouse qui aurait certainement préférée me voir mort à la place.

    Je suis surpris d’apprendre que vos terres ne vous seront octroyées que dans une semaine. Je vous pensais déjà noble de titre comme moi et non plus noble de sang puisque votre mandat était au mois de septembre. J’aurais cru que l’hérauderie aurait été plus rapide à vous octroyer votre juste récompense. Pour ma part je préfère penser que chaque homme est maître de son destin et que chaque personne construit son avenir. Il y a des gens qui sont certes des parvenus qui ne pensent qu’aux titres et à comment en obtenir de la façon la plus malhonnête possible mais pourtant je ne pense pas cela de vous. Vous avez suivi les règles afin d’obtenir ce que vous désiriez. Là est l’important alors laissez donc les gens parler. Leur jugement et leurs mots n’ont aucun pouvoir sur vous j’en suis certain.

    Votre intrusion, comme vous la nommez, est tout à fait pardonnée. Elle me permet de me changer les pensées et d’éloigner la mélancolie qui m’animait depuis déjà de nombreuses semaines. Mais sachez qu’il me fera un plaisir de venir sur vos terres lorsque j’aurais la possibilité de me déplacer. Car comme vous l’avez dit, du grabuge est annoncé en Normandie et je me dois de défendre ma terre natale et ce de toutes les façons dont je suis capable.

    Au plaisir de vous revoir bientôt, ma douce amie. D’ici là, prenez soins de vous et de vos jointures.

    Amicalement,






_________________
Ursula_
Le gémissement des vieilles charnières d’un coffre se fit entendre, suivi du chuintement du couvercle. Une autre malle de prête. En deux ans de résidence à Domfront, la créature pathétique enduite d’eau bénite avait bien changé. Ursula l’avait d’ailleurs constaté en ouvrant le premier coffre pour y découvrir une tenue de mauvaise facture, tristement écrue. Elle avait croisé le chemin de la baronne de Domfront en 1463 qui lui avait aristotéliciennement offert le gîte, le couvert, les soins contre l’éducation de sa progéniture. Et Ursula s’était exécutée. Oh, pas toujours très bien, pas toujours de manière morale. Mais de toute ses petites forces, elle avait aimé les deux enfants qui grandissaient déjà trop vite. Arrivée craintive, amère et brisée, la Navarraise s’était peu à peu reconstruite. De cela, elle retirait beaucoup de fièrté, voire d’orgueil. Elle s’était faite elle-même. Malgré l’abandon des siens, malgré des vœux brisés, elle avait survécu. Elle n’était plus une novice contrite, mais bien une femme d’État, maîtresse de son avenir. C’en était fini des vieux fantômes.

Le vêtement fut néanmoins retiré de la malle avec délicatesse, roulé, puis confié à Eusébia qui devrait en disposer. Qu’on le donne à la charité. D’ici quelques jours, deux semaines au plus, on l’appellerait Madame la Vicomtesse. Et Madame la Vicomtesse ne portait pas de bure. Avec une efficacité propre à ceux qui ont beau jeu de fuir vers l’avant, l’Ibère avait rempli très exactement trois malles d’effets divers. Ne restait plus dans sa chambre que deux robes de jour et son nécessaire d’écriture. Sur l’ardoise du bureau, Eusébia avait déposé un pli scellé de cerfs. Ne reconnaissant ni le sceau, ni la calligraphie, elle fit sauter le cachet de cire et déplia la feuille. Un léger sourire éclaira à ce moment les traits de la blonde.

Un peu plus tard, après avoir assisté à l’office du soir et s’être glissée dans sa chainse, l’Ozta se mit en devoir de répondre. Le lendemain, le courrier était expédié.

Citation:
À Aimeryc de Courcy
D’Ursula de Ozta


Courcy,

C’est donc en la capitale normande que j’adresserai ce pli et ceux qui suivront. Il m’étonne, pour ne pas dire me fait sourire de vous savoir si proche et à la fois si inaccessible, ferraillement oblige.

Ensuite, il serait inapproprié de ma part de vous en vouloir d’avoir négligé de m’écrire… Des engeances telles que la vôtre ne peuvent se permettre que de penser à une seule idée à la fois. J’imagine que de correspondre avec la duchesse d’Alençon ne faisait pas partie des tâches prioritaires. Quoi qu’il en soit, vous me voyez contente d’apprendre que vous avez échappé à la mort sous les lames Angevines. Ainsi, n’avez-vous pas craint la morsure de l’acier ennemi? Je me trouvais aussi sur les remparts d’Alençon à l’hiver dernier lorsque ces chiens impies ont eu l’idée de faire tomber le duché J’ai bien cru que j’y resterais. Cette coupure au flanc, c’est là que je l’ai récoltée. Vous en souvenez-vous? Il y a des rumeurs comme quoi ce serait une de mes principales adversaires politiques actuelle qui aurait invité de sa parentèle à prendre les armes. Mais les bruits, les échos, il ne faut guère y prêter attention. Pour votre blessure, guérit-elle comme il se doit? Mangez-vous comme il faut?

Dans un autre ordre d’idées, je vous invite à ne pas garder d’amertume envers celle qui fut votre épouse; puisque l’on ne sait jamais ce que l’avenir peut vous réserver. Peut-être aurez-vous besoin de ses influences un de ces jours. Quant à son éventuel désir de vous voir mort… Eh bien le Très-Haut vous préserve d’un pareil destin pour le moment.

En ce qui concerne l’octroi de mon fief de retraite, cela a été retardé par des procédures judiciaires. Pendant mon mandat, une vieille bretonne duchesse autoproclamée de mes terres n’a cessé de s’opposer à mon autorité, d’empêcher le conseil de fonctionner normalement… Bref, une mauvaise femme. Lubrique. Et Bretonne. Contestant l’autorité ducale, et de ce fait celle de Sa Majesté et du Très-Haut, elle fut condamnée pour trahison. Bien entendu, elle alla glapir aux plus hautes instances qu’il s’agissait d’un abus de pouvoir d’une usurpatrice. L’on a mis entre parenthèses la possibilité que je reçoive mon dû. Plus je me frôle à la sphère politique, plus je me rends compte que l’individu moyen est un imbécile avide et foncièrement malfaisant. C’est assez décevant et il l’on perd bien vite sa candeur, je vous l’assure!

En terminant, j’aimerais continuer à vous lire. Entendre de vous me réchauffe…bien que je devrai me contenter d’ici à notre prochaine rencontre. Je prie d’ailleurs pour la levée de la menace qui pèse sur vos terres et vous voir vous profiler au détour d’une venelle d’Alençon. Je prie pour vous, aussi, un peu.

Prenez soin de vous, soyez prudent et rendez vos ancêtres fiers de vos prouesses militaires.
Vôtre,
Amicalement vôtre,


_________________
Aimeryc.
Décidé à prendre un jour de congé des fameuses rondes, tout en restant prêt à réagir si nécessaire, le brun s’était dirigé vers l’université de la capitale dans l’espoir de pouvoir y suivre un cours. Cela faisait plusieurs jours qu’il n’avait pas mis un pied à l’établissement et lorsqu’il s’y pointa il eut la surprise de tomber sur une porte close avec un mot affiché sur celle-ci. Curieux, il s’empara du bout de parchemin pour laisser son regard glisser sur les mots avant de grogner. Cette foutue alerte l’empêchait d’approfondir ses connaissances maintenant ! Secouant la tête, il grimpa sur sa monture à nouveau pour faire demi-tour. C’est de retour dans le centre de la ville qu’il aperçut le messager de la veille prendre la direction de Vire. Talonnant la monture, il chercha à le rejoindre sans succès. En fait, il ne faisait que le suivre. C’est aux portes de la demeure de sa sœur qu’il put le rejoindre alors que ce dernier se faisait intercepter par les gardes.

Après avoir récupéré la lettre, il laissa l’homme retourner à ses occupations pour se diriger vers ses appartements où il décacheta la missive pour laisser ses yeux parcourir ce nouveau parchemin. Un sourire étira ses lèvres alors qu’Il réalisait de qui venait celle-ci. Puisque sa soirée était gâchée, il se décida à répondre aussitôt.



Citation:




À vous Ursula de Ozta, mon amie,
De nous, Aimeryc de Courcy, votre amant

    Douce amie,

    Je vous confirme qu’il est plus juste d’envoyer vos plis à Rouen qu’en Champagne. Ils me parviendront bien plus rapidement de ce fait. La preuve en est que j’ai déjà reçu cette deuxième lettre. Nous sommes, effectivement, très proches mais pourtant très loin. Mais si je vous manque tant que cela, vous savez quoi faire. Cela dit je vous prierais de rester polie, Ozta. Vous n’êtes pas encore vicomtesse. « L’engeance » que je suis avait effectivement autres choses à penser. Mais si vous désiriez tant de mes nouvelles, vous auriez très bien pu m’écrire vous aussi. Bizarrement vous ne l’avez pas fait. Il est facile de jeter le blâme sur autrui en oubliant nos propres torts. Quoi qu’il en soit vous apprendrez que je ne crains rien et certainement pas la morsure de l’acier de ces chiens galeux d’angevin. S’ils ont pu me blesser c’est uniquement car ils ne savent pas se battre avec honneur et préfère attaquer par derrière et par traîtrise. Je me souviens parfaitement de tout votre corps et donc forcément de cette fameuse cicatrice. Ma blessure guérit comme il le faut. Après tout, je sais guérir ce genre de blessure grâce à mon expérience. Mais il m’est parfois difficile de manger puisque j’ai eu le ventre transpercé. Mais merci de votre considération.

    Je vous assure que si je venais demander un service à mon ex-épouse, elle me tuerait. Donc je peux complétement oublier cette simple idée. Surtout que je tiens à la vie voyez-vous. Je suis désolé d’apprendre que vous avez éprouvé quelques ennuis lors de votre règne et surtout que vous avez eu à faire avec une bretonne. Dieu que je déteste ces gens. Si je le pouvais, je brûlerais la Bretagne au grand complet. La politique est un refuge pour les rapaces sans vergogne et il faut être fait solide pour savoir tirer son épingle de ce monde. Vous avez réussi et la preuve en est votre fief que vous aurez bientôt.

    Ne cessez pas de m’écrire. J’aime vous lire je me dois de l’avouer. J’aime avoir de vos nouvelles. Je repense régulièrement à vous et à nos délicieux moments lors de votre règne. Peut-être aurais-je bientôt la chance de vous réchauffer à nouveau ? Cela ne dépend que de vous et d’à quel point je vous manque.

    Tendrement vôtre,






_________________
Ursula_
Un mot brûlant écrit rapidement et bien vite dissimulé dans la manche, ironique allégorie de ce qu’était sa situation avec le Normand : cachée, presque honteuse. Les doigts blancs serraient la feuille soigneusement pliée alors qu’Ursula cheminait dans les rues de la capitale alençonnaise. Elle confierait son pli à un voyageur allant vers le Nord, celui qu’elle avait croisé le matin-même. Cela fait, l’Ozta rabattit la capuche de sa cape fourrée sur ses yeux et pressa le pas pour se rendre à la basilique d’Alençon. Prêtre, je suis coupable, tellement coupable.

Citation:
À Aimeryc de Courcy, mufle devant l’Éternel
D’Ursula de Ozta

Courcy,

Il est bien présomptueux de votre part de postuler que je brûlais d’avoir de vos nouvelles. Si j’ai trouvé votre départ précipité tout sauf galant, je ne suis pas de celles qui se languissent dans l’attente du retour du héros de la bataille. En outre, je ne savais pas où vous trouver. Et j’ai été occupée, trop peut-être, pour rêver de vous.

Nous nous entendons sur un point, toutefois : l’Angevin est une peste qui doit être endiguée, puis éliminée. Est-ce d’ailleurs l’Anjou, ou bien Fatum qui menace la Normandie? Quant à la Bretagne, j’avais suggéré au conseil du domaine royal que nous annexions la Bretagne afin de la soumettre une fois pour toutes. Des sauvages, voilà ce que sont ces celtes dégénérés. Parfois ils sortent de leur fange et jouent au grand homme. Pathétique, je dis.

Vous connaissez mon attachement pour les terres de sa Majesté, sous le regard bienveillant de Notre Seigneur… Je connais les enjeux d’une capitale assaillie, ainsi si je puis être d’une quelque utilité militaire, diplomatique ou salvatrice, il serait de mon devoir de venir en aide au voisin du Nord avec qui mon foyer commerce le plus volontiers. Si vous ne vous faites pas abattre lâchement d’ici là, peut-être aurons-nous l’occasion de nous croiser.

Une connaissance à moi est actuellement à Rouen avec son époux. La baronne de Broadwater, Lady Avis Rondovall. La connaissez-vous? Elle a aidé à défendre l’Alençon l’an dernier. Créature exceptionnelle que cette Anglaise.

Je suis bien aise d’apprendre que vous vous remettez correctement de cette échauffourée automnale. Il serait malheureux que vous vous retrouviez diminué… Malgré votre silence, il me fait plaisir de savoir que vous pensiez à moi, parfois. J’ai souvent revécu en pensées, avant de m’endormir, notre très grande faute…que je n’ai d’ailleurs pas encore confessée. L’avez-vous fait? Je vous rassure d’ailleurs, si je vous écris ce n’est pas pour ensuite vous informer que vos œuvres croissent en mon sein. Vous me retrouverez comme au premier jour, puisque je crois comprendre que vous ne dédaigneriez pas des retrouvailles moins dérobées qui dépendront davantage de votre envie à vous plutôt que de la mienne. Néanmoins, j’arrive de plus en plus difficilement à me souvenir de la sensation de votre souffle dans mon cou. Il faudra y remédier.

Soyez assuré de la constance de ma tendresse à votre égard,

_________________
Aimeryc.
Citation:




À vous, Ursula de Ozta, femme du mufle
De nous, Aimeryc de Courcy, amant aux talents aiguisés

    Ozta,

    Je ne suis pas présomptueux, je ne dis que la vérité. Pensez-vous vraiment que j’allais croire votre excuse comme quoi vos jointures étaient fragiles et c’était pour cela que certains mots étaient un peu plus foncés que d’autres ? Drôle de coïncidence quand on remarque que ces derniers forment la phrase « Retrouvez-moi, vous me manquez ». Il semblerait qu’en fait vous vous languissiez en espérant que je reviendrais vers vous. Vous saurez que je déteste les mensonges.

    L
    ’Angevin est une peste. Une peste qui ne mérite que d’être brûlée afin d’être éradiquée. De ce que je sais, et selon l’annonce du duc, il s’agit possiblement d’aucun des deux mais plutôt d’une invasion d’une nation ennemie avec le support de la Bretagne. En effet, selon l’annonce, nos armées ont interceptées plusieurs groupes armés en provenance de celle-ci et l’amirauté royale a coulé un bateau en direction de nos terres. Le pire semble évité. Le Bretagne ne sera jamais annexé malheureusement puisque la monarchie reconnaît l’indépendance de cette terre. Il faudrait tout seulement brûler le tout. Ou faire de la Bretagne une île coupée de tout.

    Sachez que votre aide serait la bienvenue si nous devions avoir besoin de bras à nouveau. Tout comme soyez assurée que nous pourrons nous croiser si jamais vous venez par ici. Je ne serais pas abattu lâchement. Pas cette fois. Malheureusement je ne connais pas cette femme mais au vu du nom, elle doit certainement être en provenance de l’Angleterre. J’ignorais que l’angloys était connu de vous.

    Merci pour votre sollicitude chère amie. Cela me va droit au cœur. Sachez cela dit que je ne suis aucunement diminué. J’ai retrouvé en grande partie toutes mes capacités et le reste ne devrait certainement pas tarder. Je suis ravi de voir que vous avez revécu en pensées notre plus grand plaisir. Moi qui pensais que vous n’aviez jamais rêvez à moi… Quelle menteuse vous faite. Je n’ai rien avoué à quiconque pour ma part et certainement pas à un de ces… charlatans. Bientôt vous pourrez sentir à nouveau mon souffle contre votre cou alors que vos soupirs se feront entendre au même rythme que montera le plaisir que vous prendrez. Repensez à tout ce que nous avons fait… Je suis sûr que votre corps ne reste pas frigide à cette pensée.

    Je pense à vous,






_________________
Ursula_
Plusieurs jours en Normandie et aucune trace de l’Anglaise. À la place de la baronne de Broadwater, l’Ibère était tombée sur le grand brun à l’air sournois et à la réputation sulfureuse. Avait-il été à la hauteur de ce que l’on disait de lui? Tant et plus. Surtout plus. Une petite éclaircie dans le quotidien monotone de l’Espagnole dont l’être réclamait depuis longtemps la caresse. Faire Carême? C’était pour les autres, cette année. Ou alors, Ursula se priverait sur autre chose.

C’est peu après son départ de la capitale de Normandie que la voyageuse prit la plume et adressa quelques mots fatigués au Courcy qui venait volontiers réchauffer les draps rugueux d’une auberge anonyme. Avec le printemps revenaient les hirondelles sous les ciels normands. Présages heureux?


Citation:
À Aimeryc de Courcy
D’Ursula de Ozta


Je vous écris sur du mauvais vélin, à la lueur d’une bougie de suif qui sent le vieux gras de mouton. Pittoresque, parait-il. Ce pli est envoyé depuis une auberge entre Lisieux et Argentan. Cette Normandie que vous aimez tant est assez vide lorsque les Bretons ou les sauvages venus de loin ne viennent pas caresser ses frontières. Je n’ai fait jusqu’à ce jour aucune mauvaise rencontre, heureusement pour vous puisque je vous aurais très certainement blâmé de n’avoir pas galamment offert de m’escorter. Vous auriez pu. Auriez-vous pu?

Mes nuits sont en effet fort longues et je me rends compte que votre compagnie n’était pas déplaisante, elle était même en quelque sorte réconfortante. Cependant, dire que vous me manquez déjà serait exagéré. Je ne suis pas non plus férue de lettres enflammées et de grands élans du cœur. Ils sont souvent périssables et parfois ridicules. Néanmoins, j’aimerais que vous me rassuriez à nouveau. Je vous écris cela en toute humilité. Vous parliez à mots à peine couverts de mariage, d’une vie rangée, même de la conception d’un hypothétique héritier. Il serait facile de me répondre que vous étiez sérieux, n’est-ce pas? Ainsi, je ne vous demande pas si vous le pensiez vraiment, je vous demande plutôt de me décrire ce à quoi vous vous attendez, ce que vous attendez de moi et à quel moment. Vous qui avez connu une femme dans le mariage, vous savez que la sainteté de cette union est bien différente des étreintes sporadiques entre un homme et sa maîtresse. La passion meurt souvent de ce qui l’a fait naître, dit-on.

Dans un tout autre ordre d’idées, nous nous sommes laissés sur des mots que vous avez eus avec un de vos collègues politiques. Vous sembliez soucieux de l’image que vous projetiez et sur l’impact qu’avait une étrange réputation qui vous précédait sur la crédibilité de sa Magnificence la marquise votre sœur. Pour avoir entendu tant et plus d’absurdités, tant et plus de scabreux bruits qui se sont avérés vérité, je ne puis que vous conseiller une chose : demeurez intègre. Je doute que vous soyez doué de duplicité au point où vous sachiez vous faire passer pour quelqu’un de bon, de brillant et de motivé pour seulement servir des desseins plus… Sales. Les bruits courent, on ne peut les empêcher. Tout comme on ne peut empêcher les mauvaises langues de s’agiter. Faites vos preuves, montrez-leur que vous n’êtes pas ce que l’on dit de vous. Vous le savez, je le sais. Tout le reste n’est que rumeurs et calomnies.

J’espère que vous allez bien et avec toute ma tendresse,


P.S. Vous adoreriez me voir ce soir. Un baquet fumant et le bijou dont vous m’avez fait cadeau.

_________________
Aimeryc.
Citation:




À vous, Ursula de Ozta, la maîtresse voluptueuse
De nous, Aimeryc de Courcy, l’amant doué

    Je ne vous comprends pas. Et je ne vous comprendrais jamais je pense. Vous me disiez avoir une rente et donc avoir les moyens de maintenir un train de vie digne de la future vicomtesse que vous serez et pourtant vous continuez à vivre de façon très spartiate. Pourquoi vous contentez d’un vélin de mauvaise qualité ? Tant qu’à acheter un vélin, ce qui est déjà plus cher que le parchemin, vous auriez pu prendre quelque chose de qualité. Il en est de même pour les bougies. J’imagine que vous aviez pris pour la nuit une chambre miteuse dans une auberge tout aussi miteux. Je vais devoir vous apprendre à apprécier la richesse je pense. Pour répondre à votre question, je n’aurais pas pu vous savez bien. D’ici peu auront lieu les élections du conseil où je suis candidat et ma présence est requise sur les terres normandes comme la vôtre est requise en Alençon.

    Pour ce qui trouble votre esprit, je ne peux que dire que j’étais sérieux. Certes cela est facile mais la vérité est toujours plus facile à dire que les mensonges. Hors vous savez, et si non maintenant si, que je déteste ces derniers. Je reconnais que j’aspire à une vie rangée, une vie plus… acceptable aux yeux des autres je dois avouer. À votre question je ne saurais y répondre et encore moins donner un délai à mes aspirations que vous connaissez déjà. Les choses viendront en leur temps. Comme vous dites, j’ai déjà connu une femme dans le mariage et cela s’était fait rapidement. Je refuse de répéter cela surtout au vu de comment le tout a fini. Si je dois me marier à nouveau alors cela sera pour la vie. Vous voilà prévenue.

    Je ne suis pas forcément soucieux de l’image que je projette. Je suis qui je suis et je ne compte pas changer car cela ne plaît pas à des coincées du cul. Si cette femme ne peut me supporter, ce n’est pas mon problème. Cela dit je ferais tout ce qui est en mon pouvoir pour changer ce fait, pour ma sœur, sans toutefois sacrifier mon intégrité.

    Vous me manquez, je l’avoue et j’ai hâte de pouvoir vous retrouver afin de vous prendre dans mes bras à nouveau. N’oubliez pas notre dernière nuit avant votre départ. N’oubliez pas que vous êtes mienne et le serez toujours.

    Tendrement, amicalement et bien plus encore,




    PS : Je payerais cher pour vous voir entièrement nue en cet instant uniquement habillée de ces pierres.



_________________
Ursula_
Citation:
À Aimeryc de Courcy
D’Ursula de Ozta


Mon ami,

Dois-je prendre le prédicat dont vous m’avez affublée comme une sorte de compliment, puisqu’il semble s’accorder avec le vôtre propre? Je ne saurais vous dire si cela me fait sourire ou pas… Vous flattez -en quelque sorte- mon orgueil de femme. J’aime à plaire, vous l’avez remarqué.

Quant à mes choix que vous qualifiez de «spartiates», vous n’avez pas tort. La chambre était froide, les murs minces, le repas fort probablement un peu rassis. Peut-être suis-je pingre, après tout? Ou alors peut-être est-ce une relique de ma vie de moniale que je n’ai pas réussi à complètement rayer de mes habitudes? Je crois en fait que c’est plutôt la satisfaction de savoir que dans mes coffres dort de l’or et de l’argent. Cela a quelque chose d’assez satisfaisant et d’assez rassurant. Remarquez, j’ai en effet assez de ma rente pour pouvoir vivre confortablement, en plus de mes terres bien qu’elles soient petites. Je vous autorise néanmoins à me couvrir d’or, de pierreries, de fourrures et de brocart. Je suis beaucoup plus appréciable ainsi parée…

Plus sérieusement, je trouve dommage que vous n’ayez pas pu m’accompagner. Que vous soyez requis en Normandie est une raison justifiable. D’ailleurs, si vous avez besoin d’aide pour l’un de vos dossiers, j’ai un peu d’expérience, souvenez-vous-en.

Mon ami, Je me rends compte qu’en ce jour, j’aurais aimé vous avoir sous la main. Ou sous mes jupes, selon votre préférence et le moment de la journée. J’apporte seulement un bémol sur votre dernière affirmation : vous n’avez guère encore de droit de propriété sur ma personne. Vous jouissez de moi parce que j’y consens bien. Il doit pourtant être dit que vous me manquez également. Quant aux inquiétudes dont je vous ai fait part, ne les voyez pas comme un gouffre réclamant d’être rempli de vos mots tendres. Je n’exigerai jamais de vous un amour inconditionnel, une droiture chevaleresque ou une dévotion de saint. Vous êtes faillible, comme chaque créature. Ce que je retiens, toutefois, demeure que nous avons tout le temps du monde pour nous jauger et nous juger. Je n’ai jamais été mariée, mais j’ai été souvent promise. Vous savez également que j’ai un fils. Il va de soi que si un jour le Très-Haut envisage pour moi une union, elle ne durera pas le temps d’une saison. Pour le salut de notre âme à tous les deux.

En terminant, sachez que j’ai bien hâte de vous voir venir à Echauffour. Lorsque les chemins seront moins boueux, peut-être? En attendant ce jour, je reviendrai séjourner quelque temps en Normandie. Cette fois pour vous voir plus que pour voir l’Anglaise.

Avec mes sentiments les plus tendres,



_________________
Aimeryc.
Citation:




À toi, Ursula de Ozta, ma fiancée
De moi, Aimeryc de Courcy, en manque de toi

    Ursula,

    Comme tu peux le lire dans l’entête de cette lettre, tu me manque. Cela ne fait que deux jours que tu es partie et j’ai la sensation que ça fait une semaine. Que m’as-tu fait pour que je ne puisse pas cesse de penser à toi qui a pourtant tendance à me frustrer trop souvent ? J’espère cela dit que tu fais une bonne route et que tu es prudente. Je te souhaite d’arriver à temps en Alençon afin de pouvoir déposer tous les parchemins nécessaires ainsi que les écus pour l’inscription de ta liste qui te verra redevenir duchesse d’Alençon pour la deuxième fois.

    Pour ma part je suis bien pris par mes nouvelles fonctions. Je pensais qu’être maire allait être une partie de plaisir et que tout irait bien mais en réalité il y a beaucoup plus de travail que je ne pouvais le croire. J’ai, avec l’aide de ma fille, dû créer une grille des prix pour commencer pour la filière boulangerie puisque je n’ai pas pu trouver une trace d’un quelconque prix dans les parchemins de l’ancien maire. Je ne me demande plus pourquoi la mairie était en si piteux état depuis. J’ai commencé à résorber la pénurie des miches de pains mais je ne suis pas encore satisfait. J’espère à termine arriver à mettre une cinquantaine de miches de la mairie en vente tout en ayant un stock d’une centaine dans l’entrepôt. Je serais vraiment satisfait rendu là car je n’aurais plus à courir et je pourrais me concentrer à diversifier les investissements de la ville.

    Ma fonction de commissaire me demande du temps aussi mais le plus chronophage en réalité est la production de ces rapports que je ne maîtrise pas totalement et où je laisse passer quelques coquilles sans grande gravité mais coquille tout de même. Par chance personne n’a rien remarqué encore et j’ai toujours pu remplacer les rapports aux erreurs par ceux qui n’en avaient pas et ce discrètement. J’espère arriver à maîtriser les divers outils bientôt afin d’augmenter mon efficacité et surtout arrêter de courir partout ce qui me permettrait d’aller aux devant des difficultés à venir au lieu de les affronter quand elles se présentent.

    Je cesse de te parler de mes fonctions pour éviter de y’endormir et je te demande pardon si j’ai été barbant mais je dois t’avouer que pouvoir écrire cela à quelqu’un est vraiment relaxant et me permet de mieux réfléchir à l’avenir et puis peut-être auras-tu quelques conseils toi qui est férue de politique. Sache que je t’aime et qu’encore une fois tu me manques. Vivement la mi-mai.

    Tendrement tiens,





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Ursula_
Citation:
D’ Ursula de Ozta, vicomtesse d’Echauffour
À Aimeryc de Courcy


Mon tendre ami,

Ce serait mentir que de prétendre que votre ta présence ne me manque pas. Je commençais tout juste à m’y habituer que, déjà, je devais repartir. Et pour quelle raison? Mon duché se meurt, nous n’avons pas assez de braves pour constituer une liste alors que notre opposant en a à profusion. J’ai crainte, Aimeryc, d’avoir échoué avant même d’avoir tenté à nouveau et cela me laisse en bouche un goût amer. À moins d’un miracle, je ne serai pas duchesse d’Alençon. Tu devras te contenter d’une vicomté au blason douloureux.

Comme j’aimerais que tu sois là…

Je t’écris depuis un cimetière, depuis Verneuil, à la frontière de l’Alençon et de la Normandie. Le seul point qui a égayé mon retour est d’avoir eu la chance de revoir la duchesse. Je l’ai cependant trouvée usée et triste. À croire que l’Alençon, malgré les apparences, vous draine et vous recrache une fois toute force consommée. Mon cousin arrivera bientôt, de même que mon frère. Cela égaie un peu la perspective de mes jours prochains. Il me ferait plaisir que tu les rencontres bientôt. Tu déplairas probablement à Édouard, de par ta condition de fiancé, mais les Ozta sont facilement achetables. Ou du moins il est facile de les mettre en de bonnes dispositions.

Que tu te plaises dans tes nouvelles fonctions me réchauffe. Il est important que tu t’accomplisses. Plus tu réussis, mieux tu seras perçu tant en Normandie qu’ailleurs sur les terres de Sa Majesté. C’est également une chance impressionnante que Mary soit à tes côtés. D’un point de vue totalement mercantile, je puis faire acheminer à Rouen des ressources pour faciliter la gestion de la ville, que ce soit en maïs, en légumes ou en bois. N’oublie pas de rendre tes bilans chaque dimanche après la messe, habituellement c’est à ce moment que l’intendance fait la levée. Tu me vois plus au fait de la macrostructure qu’est la gestion d’un duché, mais n’hésite jamais à m’écrire pour quelque considération que ce soit.

Dans un autre ordre d’idées, je ne me doutais pas que tu puisses être un administrateur aussi efficace. Je n’ai entendu que de bons mots sur ton administration et tant mieux si cela t’occupe. Peut-être que la fatigue de cumuler à la fois un siège au conseil ducal et la possession des clés de la ville te fait-il déserter un peu la compagnie de Gysèle? À ce propos, sache que j’apprécie ta discrétion…
Revenons au fruit de tes entrailles. C’est une enfant fort agréable qui a pour toi énormément d’amour. Elle est brillante, dévouée, amusante… Prends-en soin, il me peinerait que tu l’éloignes pour la mettre dans une tour, un couvent ou un mausolée. Nous avons sensiblement le même âge, elle me divertira lorsque tu seras absent.

Te plais-tu au conseil ducal? Je sais qu’il s’agit parfois d’une charge pesante sous laquelle il est difficile de respirer. Laisse-toi une marge d’erreur, admets-les lorsqu’on se questionne, sois honnête et ne nuis à personne. Surtout pas aux imbéciles à moins d’y être forcé. Voilà les meilleurs conseils que je puis te donner.

Jamais tes mots ne m’ennuient. Je te l’ai promis : j’aurai toujours du temps pour répondre à tes missives. Je les attends toujours avec impatience. Avec un peu d’imagination, le vélin a ton odeur.

Tu excuseras la lettre trop courte à mon goût. Je suis fatiguée, le voyage m’a davantage éreintée que les derniers. Le printemps se fait encore trop attendre, probablement. D’ailleurs, que dirais-tu du vingt-cinquième jour de mai pour nos noces? Près de l’été, ton premier mandat terminé, ma parentèle installée…

Tu me manques. Il me tarde déjà de te sentir à nouveau contre moi.

Avec toute ma tendresse,



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Aimeryc.
Citation:




À toi, Ursula de Ozta
D’Aimeryc de Courcy, seigneur de la Chapelle-Vaupelteigne

    Ma douce amie,

    Quel plaisir que de lire une de tes lettres et d’avoir de tes nouvelles. J’espère que le coursier qui te délivrera cette lettre te trouvera en bonne santé et bien portante malgré ton état précaire des derniers jours avant ton départ. Je suis attristé de voir que tu ne sauras accomplir ton désir. Non pas parce que je devrais me contenter d’une vicomté uniquement puisque tu sais bien que les titres je m’en fous mais plutôt parce que tu semblais tenir beaucoup à cela. À l’heure qu’il est j’imagine que les élections ont eu lieu. Reviendras-tu bientôt auprès de moi ? Tu me manque sois en assurée et j’aimerais que tu sois à mes côtés ou pouvoir être à tes côtés.

    Verneuil est, effectivement, une de ces villes mortes qui vous font croire que vous êtes dans un cimetière. J’imagine que tu dois être en la capitale maintenant et que la ville doit être un peu plus animée. Je ne pense pas que l’Alençon draine la force des gens comme tu sembles le laisser croire. Je pense, pour ma part, qu’il ne s’agit là que d’une des nombreuses conséquences qu’à la fonction de régnant qui est des plus exigeantes et encore plus dans le domaine royal. N’étais-tu pas comme elle après ton mandat ? Car maintenant je te trouve en pleine forme ou presque ! Ne vous inquiétez pas pour cet Édouard, qui doit être votre frère j’imagine, je saurais, je l’espère, l’apaiser en lui démontrant mes bonnes intentions lorsque je le rencontrerais en venant en Alençon dès que je le pourrais. J’ai d’ailleurs la réponse à ma question posée plus haut.

    Je suis content d’avoir ma famille auprès de moi aussi. Ma fille et ma sœur sont d’un support important voir essentiel et les deux m’offrent beaucoup. Parfois il m’est difficile de prendre des conseils de ma fille alors que c’est moi qui devrait lui en prodiguer mais il faut aussi que je sache mettre de côté ma fierté ou mon égo pour accepter ce que d’autres peuvent m’offrir et que je n’ai pas. Jusqu’à maintenant je n’ai rendu qu’un seul bilan soit mardi dernier puisque le précédent avait été fait une semaine plus tôt. On ne m’a rien dit donc j’imagine que c’était une date qui convenait parfaitement à tous. Pour la proposition je suis, bien entendu, intéressé mais tu devras attendre un peu que j’ai réussis à stabiliser l’économie de Rouen afin de pouvoir libérer des écus pour l’achat de ce que tu me propose cela dit le bois me serait très utile car nous avons beau avoir une forêt personne ne va couper du bois. J’ignorais que tu avais entendu des bons mots à mon égard ou même sur ma gestion de la ville. Qu’est-ce qu’on raconte sur moi et sur celle-ci ? Mais la fatigue, je l’avoue, est énorme et pour tout te dire il m’arrive de déserter la compagnie de Gysele. Ma charge au conseil n’est pas la plus lourde sur mes épaules je dois l’avouer car je ne la trouve pas si difficile à l’exception des quelques heures où j’ai été procureur et que j’ai dû rédiger deux actes d’accusation. C’est ma charge comme maire qui est la plus chronophage car je me dois de corriger les erreurs de l’ancien maire et de stabiliser un marché libre avec des gens qui ne portent aucune attention aux efforts que je fais pour atteindre mon objectif. Je suis sans cesse à rédiger des mandats pour que les stocks de pain restent au même niveau.

    Merci pour tes conseils. Sache que je t’aime plus que tu peux le croire. Et que le 25 du mois de mai me convient parfaitement. J’ai hâte de pouvoir te considérer que mon épouse, ma délicieuse femme aux yeux de tous.

    Repose-toi, prend soins de toi et bientôt nous pourrons nous retrouver pour une étreinte des plus chaudes.

    Ton fiancé,





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Ursula_
Citation:

Au Courcy que nous avons étrangement choisi d'épouser,
D'Echauffour en mal de vous

Aimeryc,

D’entrée de jeu, parlons trivialité, fraises et pâtés. Tu me vois bien aise que la date proposée te convienne. Dois-je te laisser pouvroir aux arrangements préalables, comme l’achat d’une alliance, la location d’un prêtre et la publication des bans? Je ne suis ni férue, ni rompue à ces coutumes. D’où je viens, l’entente est conclue dans la journée et les vœux sont échangés avant que le soleil ne soit venu crever derrière le clocher romain d’une église austère. Je ne tiens d’ailleurs pas à une cérémonie grandiose. Le mariage demeure d’abord et avant tout un contrat. Que tu m’aimasses et que je te le rendisse bien tient davantage de la chance et du sens de l’humour douteux du Tout-Juste que d’un préalable. Ce sera tout.

Tes mots ont été, comme toujours, fort plaisants à l’œil. Tu sembles bien te porter, être de bonne humeur… Cela te va bien. De même, tu me vois contente d’apprendre que tu te plais de plus en plus dans le rôle de fonctionnaire, il s’agit là non seulement d’une certaine sécurité de charge, mais aussi de la possibilité de te mettre davantage en avant de manière positive et constructive. Le travail acharné finit souvent par être rémunérateur.

En Alençon, comme tu dois t’en douter, c’est toujours aussi morne. Cependant, je sens depuis quelques jours une sorte de nouveau souffle, une timide palpitation de vie. Faible, friable, mais bel et bien présente. Le scrutin n’a pas encore eu lieu. Il se tiendra dans un peu plus d’une semaine et j’aurai sans doute la chance -ou la contrainte, selon ton point de vue- d’occuper une place au conseil ducal auprès de la nouvelle duchesse avec qui j’ai toujours eu de bons rapports du temps de mon propre mandat. À charge de revanche, parait-il… La vénalité des lettres patente est peut-être bien en-dessous de ce que tu estimes important, mais pour ma part il s’agira d’une réussite inespérée, un revirement de situation épique. Et un leg parcellaire pour mon fils qui n’aura d’autre titre que celui de bâtard malgré la générosité dont tu m’as promis faire preuve.

Pour répondre à ta prime interrogation, je reviendrai bientôt en Normandie. Cependant, ce sera pour un bref séjour tout à fait dépassionné et teinté de la couleur verdâtre de l’argile. Eulalie me veut marchande pour le salut de sa fin de mandat. Elle l’aurait fait pour moi. Si tu reçois mon pli à temps, j’aimerais te revoir. Je me languis de toi, davantage qu’il serait permis de se languir.

Tu m’écris que les charges ducales et royales sont lourdes et usantes. Il est vrai que je me porte mieux depuis que le mal dans mes poumons semble se calmer. Je demeure cependant fatiguée et de plus méchante humeur qu’à l’accoutumée. Était-ce dû au poids de la couronne, puisque le phénomène semble s’étirer? Peut-être. Je postule pourtant plus volontiers que j’ai transféré dans mon corps les peines issues de mon âme. Et les douleurs causées par la fieffé garce qui m’a fait vieillir avant l’heure. Je l’ai d’ailleurs aperçue à Verneuil. Cette saleté druidique imbibée d’orgueil et de chouchen est décidément difficile à faire crever!

Dans un autre ordre d’idées, tu ne pourrais me faire davantage plaisir qu’en me promettant une visite en Alençon. Avec le printemps, j’ai l’occasion de visiter mes terres et, si elles ne sont pas aussi splendides que je l’aurais imaginé, souhaité, cherché, elles sont tout à fait convenables. Il serait possible d’y chasser sans craindre d’empaler un fils de métayer ou un serf trainant au mauvais endroit. Je n’y ai pas encore dormi, toute fois. Je partage mon temps entre la capitale et les bourgs à moitié morts. Cette terre que j’ai fait mienne, malgré le léger frisson de vie dont je t’ai parlé plus haut, demeure en décrépitude depuis le début de l’hiver et c’est d’une tristesse sans nom.

Je n’ai plus de nouvelles de Mary depuis mon départ. J’espère qu’elle n’est pas souffrante. Comment se porte-t-elle? Sa santé est-elle bonne? Continue-t-elle de sourire au jeune Tancarville qui te déplait tant? J’aimerais que tu lui promettes pour moi que je l’emmènerai à Paris bientôt, dès que les beaux jours nous permettront un voyage confortable et pas trop humide ni froid. Le beurre normand, le calva et les tourtes m’ont, je crois, un peu empâtée. Si bien que les lacets de mon corsage compriment de manière trop douloureuse ma gorge. J’ai besoin de nouvelles robes et l’œil de ta fille me sera grandement utile.

Afin de tenter de te convaincre de te faire porter malade au conseil dans le but de me rejoindre à Lisieux, je pourrais te décrire le galbe somme toute un peu douloureux d’un sein au travers de la mince étoffe de la chainse, la chaude douceur de mon ventre, le contraste attrayant des bijoux que tu m’as offert sur le rosé de mon cou dépourvu de son habituel carcan de tissu. Mais cela, j’en suis certaine, n’aurait qu’un effet minime sur ton ardeur que tu dépenses volontiers ailleurs.

Je t’attendrai néanmoins.

Toujours éprise,


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Aimeryc.
Citation:




À l’Ozta dont l’absence s’alourdit,
Du Courcy en manque de sa fiancée,

    Ursula,

    Tu me manques. Les quelques heures passées en ta compagnie il y a de cela quelques jours n’ont clairement pas été suffisants et ils ont, au contraire, aggravés le problème. J’ai hâte de pouvoir rassasier la gourmandise de mes yeux et la soif d’aventures de mes mains sur le satin de ta peau. Mais sois certaine que tu me manques dans ton entièreté et non uniquement une partie de ton être. J’ai été occupé dernièrement et je n’ai pas eu le temps de répondre à ta dernière lettre. Je vais m’occuper, avec plaisir, de la publication des bans mais aussi de trouver un officiant pour nos épousailles et un lieu. Ton alliance est déjà achetée alors pense à tes vœux alors que je ferais de même de mon côté. Sache que tu auras la cérémonie que tu auras et que le mariage n’est pas un contrat. Du moins pas cette fois-ci. Autrefois je pensais comme toi mais tu me fais changer d’avis tranquillement en éveillant ce que je pensais endormi après mes nombreux déboires.

    Sur un autre ton, qu’en est-il de l’Alençon alors et de ce souffle dont tu sentais poindre le bout de son nez ? Était-ce qu’une illusion pour donner espoir en quelque chose qui finalement ne se produit pas ou cela a-t-il eu des effets concrets ? Les suffrages ont-ils eu lieu depuis le temps ? Dis-moi tout.

    Il me semble t’avoir déjà fait la promesse de tenter de venir te voir en Alençon à la fin de mon mandat. Je ne peux faire mieux en l’instant et je suis sincèrement désolé si cela ne te convient pas mais j’ai d’autres obligations à tenir avant tout et je suis un homme d’honneur ainsi que de parole. Je n’ai jamais failli à ma parole jusqu’à maintenant et je compte continuer dans cette lignée. Bientôt nous pourrons choisir la décoration de ce qui sera notre demeure et je pourrais partir à la chasser sur ces vastes terres qui seront les tiennes et les miennes de par notre mariage.

    Sur un autre sujet, Mary se porte bien mais elle est fort occupée entre ses tâches ducales mais aussi, et malheureusement, à sourire au jeune duc fieffé. Que la peste l’emporte ce maudit Vadikra et je pisse sur la tombe de ses ancêtres. Je n’ai pas dit mon dernier mot. Je passerais le message à ma fille qui se fera un plaisir de dévaliser mes écus j’en suis certain.

    Amoureusement tiens,




    PS : Tu seras contente d’apprendre que Gygy a quittée Rouen pour descendre vers Montpellier.



_________________
Ursula_
Citation:

Au très désirable époux,
D'Echauffour toujours en mal de vous

Messire mon promis,


L’encre de la ligne du dessus a séché depuis longtemps au moment de t’écrire cette lettre. Je me suis interrompue, j’ai hésité. Tu comprends, je ne suis plus une jouvencelle tendrement éprise. Les mots que tu liras ne sont pas gorgés d’émois puérils; du moins j’essaie de ne pas donner ce ton à mes écrits. Revenons à cette accroche en apparence innocente. J’y ai réfléchi pendant plusieurs minutes avant de me résoudre à ne pas faire de rature et à poursuivre. Je ne rejoins pas encore ton point de vue en ce qui a trait aux épousailles. À mon sens, il ne s’agit que d’une alliance profitable pour deux parties, tant du point de vue pécunier que moral, religieux ou simplement pragmatique. Tu aurais pu n’être -que- mon amant. Tu deviendras mon mari. Curieux dénouement si l’on redescends jusqu’aux racines de notre amitié tout sauf aristotélicienne et sujette à la bonne morale. Ne comprends pas mal mes propos, la perspective de notre mariage prochain est grisante, rassurante et infiniment douce. C’est facile, t’aimer.

J’ai cependant envie de t’écrire ce qui a été afin de pouvoir nouer mes doigts aux tiens, mon âme à la tienne, et cela en toute tranquillité d’esprit. Ne t’en fais pas, il ne s’agira pas d’une confession douloureuse. C’est simple, facile. Tu n’es pas -encore- l’amour de ma vie. J’ai aimé avant toi. Peu, mais beaucoup à la fois. Mon fils et ma honte en sont nés. L’un ne fait pas haïr l’autre. C’est ce qui m’amène à l’énième répétition d’une question à laquelle tu as répondu au moins autant de fois : es-tu sérieux lorsque tu affirmes opiner à donner ton nom au bâtard d’un soldat? En ce qui concerne ce même soldat, tu le croiseras sûrement au détour d’une venelle. Après la messe. Aux cuisines. Au bordel. Son acte de contrition consiste à expier l’offense qu’il a commise à mon endroit en me prêtant parfois son bras. Je t’entends me demander, agacé, si je l’aime toujours ou si tu t’y heurteras lorsque tu viendras en Alençon. Les gens changent, les émois aussi. La réponse sera donc «non» par deux fois. Ce sera tout.

Au moment de mettre ce pli sous cire, les scrutins ont eu lieu. La nouvelle duchesse fera un aussi bon travail que ce que j’aurais fait, à n’en pas douter. Gehna de Lioncourt a tout mon respect et mon estime. La politique est une maitresse exigeante, je m’inquiète ainsi un peu des charges que je l’on déposera sur mes épaules. J’ai souvent la désagréable impression que l’on m’utilise pour mieux briller. J’espère que c’est simplement la fatigue qui s’exprime par ma plume… Avec l’été reviendra sûrement la paix. Naïveté? Avec l’été, revient aussi la vie. C’est le cas, timidement, sur mes terres. À l’instar de l’huile sur l’eau, cela s’étend, grandit. J’ai bon espoir que l’Alençon respire à nouveau. Je suis parfois optimiste, tu auras compris. Le mandat en Normandie se termine-t-il bientôt? Je conçois, bien évidemment, que tu es dans l’impossibilité de te déplacer actuellement. Mais j’espère que tu seras en mesure de le faire bientôt, car tu me manques aussi. Je me suis habituée à ta présence, il me semble te l’avoir déjà dit. Le manque de celle-ci se fait de plus en plus pesant. Il serait, à mon sens, très triste que nous ne nous revoyions que le jour de nos noces.

Dans un tout autre ordre d’idées, je trouve tes mots bien durs à l’encontre du jeune homme qui courtise ta fille. Il est d’une bonne famille et, bien qu’il soit moins riche en qualité que tu ne l’es, peut rappeler à qui de droit le jeune homme que tu étais. Son empressement, son caractère, sa conviction d’être dans le vrai me font penser un peu à toi… Apprends à le connaître. Peut-être n’est-il qu’un peu impétueux. Peut-être aussi est-ce un avorton, rebus de con de ribaude vieille et chauve. Peut-être. Mais donne-lui une chance, s’il peut rendre Mary heureuse.

Ensuite, tu t’inquiétais de ma santé. Elle est de mieux en mieux, même si elle a déjà été meilleure. Je dors mal, sans doute est-ce parce que tu n’es pas là. Mais mon appétit revient petit à petit, malgré quelques maux et inconforts. Je ne te paraîtrai pas amaigrie, ni maladive lorsque nous nous reverrons.

En terminant, la décoration de ma notre demeure me revient. Je n’en démordrai pas. Quant à la chasse, je saurai te suivre bien facilement.

J’espère que tu te portes bien et que tu sais ponctuer tes tâches de moments de repos. Je serais bien marrie de te savoir malade. De nous deux, tu te dois d’avoir la meilleure santé, en bon seigneur.

N’oublie jamais que je te suis dévouée,



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