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[RP] Nouvelle coupe pour une nouvelle vie !

Tiernvael.de.kerdren
Clic.


      [Salut toi l'étoile filante
      Ici-bas c'est le petit prince
      Entends-tu les sirènes chantent
      Le souffle de la fin qui vient

      Combien de nuits que je te suis
      Et les ailes n'ont pas poussé
      Puisque cette nuit c'est écrit
      Je m'en vais]
      Petit prince de Damien Saez



    Brigandage ? Troquer ses vices pour d’autres ? Ou plutôt chercher à en avoir des différents. Devenir plus sombre. Laisser la vie avoir de plus en plus d’emprise sur son sort. Il ne serait bientôt plus qu’un supplicié. Mais sur quel autel ? L’amour ? La justice ? La vertu ? Qui le jugera ? Qui pourra se sentir assez supérieur pour se croire impartial et lui donner la réponse sur ses actes. Qui pour résoudre l’équation complexe de ce tourmenté. Ce Sisyphe descendant les pans des enfers pour se découvrir une passion du mal. Cette fois, ô Camus, il ne pousse pas le rocher absurde, c’est lui qui l’attire désespérant ses regards frénétiques vers la Lumière qui s’éloigne après un éclat aveugle. Les ténèbres lèchent davantage cet éphèbe immaculé. Cet homme plus-pâle-tu-meurs, ce dernier élan vers un je-ne-sais-quoi tabou comme une expérience ultime ou peut-être la volonté de lutter contre l’oubli. En tout cas, tu l’auras bien cherchée celle-là avec tes lettres implorantes, la clarté perforante. Reportage sur le mal-être d’un collanté.


    Adieu belle et longue chevelure dorée volant au vent ivre des plaisirs angevins de la bataille, tendre tignasse diffusant les fragrances d’un prince charmant mais brigand. L’ambiance du risque dans une chambre feutrée dont l’arme la plus dangereuse reste les ongles de la belle du moment. Ah oui, graou. Pathétique ? Adieu tout cela. Bienvenue la coupe courte, à l’ancienne, qui fait profiter son regard noir, dénué de l’espoir qui l’habitait à l’époque. Non. Il revivait des instants bannis. Des émotions qu’on aurait cru enfouies sous une bonne couche de lubricité et de volupté. Combien étaient tombées dans ses rets pour satisfaire cet appétit ? La faim pour l’oubli. Sauf que Tinou, lorsqu’on est dyspeptique il faut s’attendre à ce que la consommation excessive ne soit pas la solution. Problèmes de mémoire. Grave selon Nietzsche.

    Deux heures. Voyez plutôt : sur son lit à regarder la lampe faire trembler les ombres sur son plafond, il se ressasse, attendant les bruits rassurants d’un fantôme pour égayer sa journée. Il se remémore alors qu’une ligne salée s’est dessinée sur sa joue et qu’une lance glaciale se glisse avec douceur dans son dos étirant ses chairs de la peine invincible. Il déglutit. Pour changer d’idée ? Non, de cela il a perdu l’espérance. Le souffle est long et pourtant à peine aspiré entre ses dents, voulant sans doute rejeter aussi vite que faire se peut cet air fétide. Lien de souffrance.
    Lucie Euridyce lui a laissé les clefs. Il est donc seul, chez elle à broyer du noir dans cette chambre trop bien rangée pour qu’elle soit la sienne. C’est qu’il prend soin de tout remettre en ordre à chaque fois comme s’il était sur le départ et que chaque soir pouvait annoncer d’un bruit de porte claquée cette fuite vers d’autres cieux. Elle n’avait pas dit grand-chose. Comme l’Autre d’ailleurs. Il restait. Il était laissé là. Las, à observer ses souvenirs …

      « Il était une fois, il y a vingt-et-un ans, un jeune homme qui naquit à l’aube d’un voyage vers l’Artois. Un ? Non. Il s’agissait de jumeaux. Inséparables ? Bof, à cet âge-là on ne saurait dire. Infatigables sans doute oui. Les premières marées. Petites mains sur le gouvernail. Il montre déjà son côté curieux sous les regards émerveillés du couple politain, soldats et meuniers de leurs états. Les Kerdren, des gens simples mais actifs. Ils voyagent pour les affaires du clan repris par l’aîné. Retour en Bretagne, Maeline paraît plutôt faible. Ou c’est son côté roux qui trompe ? Très vite on lui apprend le breton, le français et les histoires de ses terres sous ses invitations nombreuses à en apprendre plus. Saint Pol devient un bastion. On l’y apprécie son côté joueur et plein de joie. Le premier coup porté est la disparition de sa jumelle. Sa faiblesse anéantit la famille et crée une sorte d’isolement chez le garçon. Il restera le bonheur du monde en surface. Qui saura ce qui bouillonne à l’intérieur ? Il grandit. Douze ans. Les parents se font de plus en plus rares et prévoient un voyage jusqu’à Rome pour renouveler leurs serments de mariage. On pourrait le mettre en pension chez Clo mais il préfère se rendre chez Pelotine à Vannes car celle-ci n’est pas en plein chagrin d’amour. Et puis Tiernvael veut découvrir ! Une ville, beaucoup plus grande que Saint Pol dont il connaît déjà tous les recoins. On raconte qu’il y a plus de jeunes de son âge. Tualenn et Naoned Riec sont donc instantanément repérés et avec la première une petite idylle se forme. C’est l’été rêvé : après une régate mené seul avec le bateau du clan tout autour de sa péninsule bretonne, il se rapproche encore plus de Pelotine et de ses veillées lunaires. Les tavernes auprès du duc Grand Sage, père de Tualenn, et de cette mère des étoiles l’apaisent et le font grandir dans un milieu serein. Plein de rencontres le font s’épanouir dont Margot avec laquelle il aimait jouter verbalement et dauber avant un mariage. Mais les nuages arrivent : Pelotine aussi souhaite voyager avec son nouveau mari, Ladra, et l’ambiance se dégrade rapidement avec la politique et les suspicions d’adultères entre Pelotine et Grand Sage. Dernier rempart, sa rousse, Tualenn, devient moins présente. Pelote aussi, lorsqu’elle meurt aux côtés de son mari en voyage bourguignon. Une promesse et un enfant témoignent de son absence cruelle : il veillera sur la petite Dôn.
      Revirement de situation. Il fait la connaissance d’une princesse alors qu’il brigue la fonction de duc de Bretagne. Elle s’affiche comme un de ses profonds soutiens contre tous les cadors du pays et après un mandat moyen, il décide de jouter pour ses couleurs. Instinct de compétiteur, après la soule, le voilà vicomte-du-Vannetais-jouteur ! Un amour platonique qui attire les foudres de sa première conquête encornée par le désespoir de ne plus la voir, ce dernier nommé Juliette, et ce en Anjou, peu avant leur mariage raté. Jalousie. D’ailleurs l’Anjou, ses femmes et notamment Katina qui le réconfortera en après noce, lui ont directement tapé dans l’œil. Début de l’angevinisation. Exit les Kerdraon. Bonjour à Ida et Tiernvaël, les trémas étant une fioriture de petite princesse Brocéliande pour lui donner ce côté mystique. Une romance qui les mène jusqu’aux portes de l’Italie où ils rêvent de se marier pour braver les interdits de leurs temps et de leur société. C’est en piquant sa jalousie à l’aide de fiançailles avec Aliénor de Sabran, feue marquise des Alpes Occidentales, que le blond parvient à faire avouer à la princesse ses propres émois auxquels il répond de manière saisissante. De doux moments sont échangés en Camargue, peu avant le grand retour à bord de caraques de guerre. D’interminables discussions avec la famille de son Altesse finissent par dévoiler un aboutissement impossible : un matin, l’empressement politique la mène à diriger une caraque sur les flots et à couler sous le regard impuissant de son aimé, nouvellement chef de port. Encore un échec non pas rattrapé par les bras d’une Alix Ann abîmée par les canons bretons. Oui, c’était Bretagne contre Bretagne. Et on avait accepté leur mariage désormais naufragé. Une descente aux enfers terrible à peine rattrapée par le réconfort de son meilleur ami, Mumia, et sa copine de l’époque, Colombine qui y a mis plus de cœur à l’ouvrage. Horreur à la découverte des méfaits commis en période noire : il l’a cocufié. Il collectionne alors pour agrandir un tableau de chasse effroyable de la gente féminine. Néanmoins il tente toujours de conserver un certain lien avec ses amantes. Une sorte de réseau social ?
      Pour se venger de ces coups du sort, il ne devient alors plus qu’un pur produit de haine tel un Grannass des mauvais jours : complots, trahison et révoltes le pousseront à devenir un dissident d’un régime décadent. Vraiment, n’aspirait-il pas à une Bretagne plus grande en proposant une autre constitution qu’on refusera de suivre pour ne pas fâcher le Grand-Duc ? Fiasco. Non. D’ailleurs, l’amitié exacerbée par des rapprochements volontaires avec Dana lui font reprendre l’envie de continuer malgré un question permanent sur la suite. On se rappelle de la promesse. Un baiser, une gifle, un poème et des milliers de mots plus tard elle s’éloigne pour Equemont. Quatuor splendide lorsqu’en Bretagne, ils se retrouvent avec chacun celle que l’autre devrait avoir dans les bras. Lui tient donc Lanceline, l'épouse éplorée du Salar. Entre temps il est devenu Angevin, prenant les armes pour défendre son nouveau chez lui et n’hésitant pas à user de ses charmes pour espionner en début de guerre royaliste un Cerbère et une autre princesse, brune cette fois avec laquelle il se lie de complicité. Mélissandre. Fier de son exploit de table de la paix, il réunira dans sa couche une angevine, une royaliste et une bretonne mais pas en même temps car il faut l’avouer, c’était déjà suffisamment chaud. La guerre qui voit ployer l’Anjou lui donne tout de même le plaisir de rencontrer plein de gens de qualité. Mais le déçoit par les mentalités idiotes, les velléités sans aucun sens et le cruel manque de confiance.
      Et maintenant Limoges, qu’en penser ? » [Douce copie de fiche, sisi.]




    Il se retourne dans son lit. Le froid le mord. Il faut se lever. Ecrire peut-être. Il paraît que c’est encore ce qu’il fait de mieux …
    Cinq heures. La victime s'assied sur sa couche et s'étire longtemps. Une longue journée en prévision, et c’est certainement ce qui l’amène à se lever, ébouriffer ses cheveux tout en réprimant un bâillement mal contenu. Oui, dure étape. Une dizaine de minutes plus tard, il est en bas des escaliers qu'il vient de dévaler, la maison lui parait plus intemporelle et vide que d'habitude. Les marques de Lucie y sont presque effacées. La porte d'entrée s'ouvre et il s'extirpe de la pénombre suffocante de cette maison trop petite pour son âme en peine. Antre de cette solitude trop présente des derniers jours. Reflet de ses derniers mois – années ? Le départ avait été fatal. Forcément, depuis qu'il a sauté dans le vide, il tombe.
    Fraîcheur de printemps alors que le soleil est encore couché, c'est une bonne manière de vous réveiller. Malgré tout, ses yeux sont encore rougis d'une nuit un peu tourmentée : cauchemars. Heureusement rien ne laisse transparaître ce défaut – tout dans l’apparence ! – la nuit est noire et peut-être pleine de surprises. Pas un chat, un ou deux hululements mais c'est tout, un bruit métallique au loin ou un volet qui claque ... Et le vent comme compagnon d’insomnie.
    Le sentier un peu trop dur et caillouteux à son goût le mène vers la forêt où il a découvert un ruisseau, il y a quelques temps. Elle est loin, Titibô, la promenade aux bras de Dana et d’Alix Ann, toutes petites. Il a été émerveillé par la beauté de l'endroit, un instant. C'était sa perle dans son désert. Prends garde aux tempêtes de sable, mon petit. Peu à peu la lumière semble faire surface alors il reconnait certains signes imprimés dans sa mémoire lui indiquant que le havre est tout proche. Il trace sa route trébuchant sur une pierre le tirant de sa rêverie. Plus de peur que de mal.
    Sept heures. Il est couché sur le dos dans l'herbe grasse depuis quelques minutes déjà, profitant du clapotis de l'eau pour faire le vide dans son esprit, l’air pensif. Plus rien ne semble faire de lien avec ce qui l'entoure, son passé, son avenir : seul son présent importe. Il est là. Les arbres semblent lui chuchoter quelques mots doux, le rassurer et prodiguer quelques caresses réconfortantes pour lesquelles on la nomme Mère Nature. Sentant une désagréable sensation à la tête, il se tourne légèrement et, en ouvrant les yeux, profite d'une clarté nouvelle, celle de l'astre qui se lève. Cela n'était certes pas le rouge flamboyant des débuts d'été mais ce petit pointement de nez hors des couvertures lunaires avait un côté mignon. Charmant.
    Un quart d'heure après le début de cette contemplation, il rejoint les eaux glacées de la source en tenue d'Adam, fermant les yeux et plus durement encore sa mâchoire pour ne pas frissonner. Il expire et laisse son être balancer dans sa tête : faire le vide à nouveau. Il s'agenouille puis s'assied enfin alors que l'eau le purifie jusqu'au cou. Il parvient même à poser sa tête sur une pierre pas trop basse pour qu'il puisse respirer, il est presque complètement immergé. Il ne grelotte pas et ne se concentre que sur les effets de l'eau : quelle douce sensation se dit-il. Les langues viennent goûter son corps tranquille, s’alourdissant dans une profonde léthargie. Un craquement de bois ou le bruit d'un corbeau au loin ne le dérangent aucunement, il n'est déjà plus de ce monde. Puis, lorsque la froideur l'empêche de se livrer à ce plaisir de n'avoir aucune pensée, débauche du rêveur, il sort de ce lit gelé, légèrement engourdi. Les gouttes qui ruissellent sur ses muscles saillants et le vent léger le font grimacer le temps d'une seconde. Il se pose contre un arbre où dorment ses affaires. Mécontent du réveil, l'acier lui mord les poignets : une saveur sucrée plombe l'atmosphère ...




    A nouveau ce rêve étrange, cette énigme ; un long sentier où je suis seul. Il y fait nuit et froid : seul le sentier n'est pas recouvert de neige. La forêt est peuplée d'arbres morts qui psalmodient une chanson funèbre vieille comme le monde. On dirait qu'ils ont des visages, affreux, et cette mélopée m'est des plus insupportables. Des rires se meurent dans le lointain, ils ont l'air méchants ou était-ce des pleurs ? Une bourrasque soulève mon long manteau, soudain le vent s'arrête comme si de rien n'était. J'avance sans savoir où tout cela me mène, mais je sais que je dois fuir cette lumière derrière moi. D'ailleurs, je n'ai osé la regarder qu'une seconde car les larmes coulaient sur mon visage. J’ai dû me le promettre un jour.

    Je continue sans un bruit, de peur de réveiller ce cimetière endormi. Un hennissement d'un cheval que je ne vois pas parvient à mes oreilles et je redoute le fait que je ne sois pas seul. Surtout qu'il fait si sombre hormis ce que je sais derrière moi, ce dont je suis sûr. Soudain des bruits d'Hommes attirent mon attention, on dirait qu'ils font la guerre, ces bruits métalliques me glacent le sang et des hurlements résonnent encore dans ma tête lorsque le calme est revenu. Tout se passe en un éclair, à chaque fois. C'est comme si j'atteignais la folie tout en m'en détachant, et c'est la raison pour laquelle j'ai l'impression de m'y enfoncer, ravi par l’action qui rythme cette journée. Mais cette fois, il m’a semblé entendre un cri reconnaissable, la voix d’une connaissance considérée comme un rival. Es-tu témoin du triste sort qu’on m’a jeté ? Es-tu toi aussi, mon ami, perdu dans cette tempête qui n’a de cesse de vouloir m’abimer.
    Hé donc, je poursuis ce chemin sans but, cette cacophonie, ces sensations, ces images assaillent mon esprit et brûlent le peu de raison qui me faisait espérer. Le réveil me révèle le secret : j'étais dans l'oubli.

    Haletant et couvert de sueur, je me raidis aux sons du clocher de Saint Michel. Il doit encore faire nuit et je ne suis plus capable d'affronter mes démons. Alors, lâche, je rejette la couverture sur le côté et je pose mes pieds à terre. Le sol est glacé mais je n'en ai que faire, en fait, je prends la tête entre mes mains, mes coudes sur mes genoux et ainsi, je sanglote. Infiniment triste, je me souviens de tous les malheurs qui m'ont frappé sans n’en distinguer aucun : je sais qu'ils sont là, c'est tout. Je sais que je suis déjà mort dans l'âme comme si je l'avais dit dans un éclair de lucidité, dans un sursaut au sortir de cette nuit d'épouvante. J'ai des fourmis dans les pieds ce qui me force à me lever et marcher un peu dans ma chambre. A vrai dire, n'importe qui penserait que je fais les cent pas. En vérité j'en ai fait beaucoup plus, j'essaye de me rappeler quelques instants vierges de toutes peines. Rien ne me vient. Il y a toujours ce nuage de mauvais augure qui pointe à l'horizon et qui empoigne mon estomac d’une peur terrible. Sauf peut-être l'enfance, immaculée, dont les souvenirs sentent la sucette à la prune, les premières fois, les rires et les parfums de mères qu'on étreint longuement. Mais le soupir d'aise, trop fort pour être ignoré, me tire de cette douce irréalité. Le temps est passé. En fait non, il est resté dans mon être, mais moi, je suis parti.

    Ah ! Douce enfance, temps où je pouvais me complaindre dans des bras de fée, d’étoile ou encore d’amies pures avec qui j’échangeais, en même temps que des parcelles de mon cœur, des sucettes de bonheur. Tualenn, Ida et Dôn. Trois amours différents qui m’ont secouru maintes et maintes fois. J’ai toujours su que j’étais mélancolique dans le fond. Un saule pleureur. Après tout, comment ne peut-on pas pleurer lorsqu’on connait déjà tout ce qui fait rire le monde ? Cependant avant, les périodes de tristesse n’étaient pas vicieux comme ceux-ci où plus je m’enfonce, plus je suis seul. Avant je pouvais les partager, les commenter, les apprécier, les toucher du bout du doigt tout en serrant une main rassurante dans la mienne. Là cela n’est plus que solitude et égarements. Je me demande même si ce que je dis a un sens. Est-il vrai que mon enfance était ce qu’il y a de mieux ? Sans doute … En tout cas en ce moment, je le crois et la plupart des souvenirs qui me viennent ne me font pas dire le contraire.

    Mais, et ce mais est de taille : il y avait eu cet échec, cette brisure que je n’ai pu éviter. Dôn en est sans doute l’illustration la plus poignante et j’ai encore du mal à en penser quoi que ce soit. Elle avait été une des plus proches, au début, une complice, tout simplement parce qu’elle savait aussi chercher le sourire des gens au plus profond d’eux-mêmes. Cependant en grandissant les choses avaient peu à peu changé et j’avais de moins en moins de temps : le destin assiégeait cette amitié qui aurait pu me sauver. Alors, pour lutter, les sentiments devinrent plus forts, qu’importe si je la voyais moins, ça devrait être plus intense donc. L’Amour. Prêt à accepter tout et n’importe quoi. Et infiniment attentif et patient. Quelques déboires ou autres excès mais je restais, pour peur que la passion ne me consume, l’amoureux transi des contes qu’on me racontait. A l’heure actuelle, je déplore les regrets car tout ceci est mort : je le lis à chaque fois au fond de ses yeux. En fait, je crois avoir l’impression d’y lire la fin. Et dans l’ultime promesse – celle de ne plus jamais chercher à entendre parler de l’un ou de l’autre et de ne plus se revoir – il y avait un peu de ce souffle inhumain brisant les paupières par des larmes et vidant l’être des dernières braises qu’on aurait cru y apercevoir.

    Un trou dans mes volets me permet de vérifier mon hypothèse, et ma respiration sur la vitre m'indique qu'il fait froid, bien froid dehors à ces primes heures. Voire même à l'intérieur me dis-je en me retournant vers mon lit, il me semblait y voir de la chaleur, mais elle avait l'air vicieuse. Et pour cause : cela sentait le tourment qui me dégoûte. Je veux m'en libérer. Alors, songeur, j'élabore un plan tout en caressant une poutre de la bâtisse sans me préoccuper de l'écharde qui me guette, amusée par ma torture. Une baignade me semble opportune, surtout que l'odeur âcre de cette nuit me hante et m'entête. Cahin-caha je descends les escaliers comme un boiteux. Je manque une marche ce qui me les fait descendre plus rapidement que souhaité. Heureusement, une main sur la rampe m'évite une chute au prix d'une violente douleur à l'épaule. Je suis mal réveillé.
    L'escalier me remercie d'un craquement de bois. Je détourne le regard. Salaud. Il se pose sur le salon où commencent à s'accumuler les restes d'une longue agonie. Il y a peu, elle devait encore recevoir ses invités, ses amants sans aucun doute, ces hommes qui devaient me jalouser d’habiter chez elle à l’heure actuelle. A nouveau la sensation que tout avait changé m’était insupportable ; peu à peu je pensais que je le devenais. A vouloir insuffler la joie, j’étais devenu un miroir de malheur qu’on fuit ou qu’on casse comme pour conjurer un sort. Je pose ma main sur l'encadrement de la porte mais je n'ose pas franchir le seuil, l'odeur qui y règne est empli de solitude, cela me prend à la gorge. J'ai besoin d'air et me précipite vers la sortie.
    J'étouffais certes, mais je n'étais pas préparé à ce froid qui entre violemment dans mes poumons. Une quinte de toux me plie en deux et résonne dans ma tête. Je m'imagine relevant la tête, écarlate avec de gros yeux injectés de sang et une large veine au travers de mon front. La main posée sur la bâtisse, je me relève péniblement tout en essayant de reprendre mon souffle. A deux centimètres de la pierre froide de cette maison, il me semblait déjà avoir des millénaires, et être au bout du périple. Pourtant il me fallait encore vivre tout en sachant que ça n'était qu'un rêve.
    Me résignant à cette pensée, j'entamais mon calvaire insoupçonné. Ou presque. L'idée était peut-être bannie de mon esprit, pourtant battait contre ma cuisse ce fer de dernier recours. Un caillou dans ma botte rendait l'ascension plus difficile qu'à l'accoutumée et les racines noueuses retenaient ce désir de me rendre plus rapidement dans l'antichambre du monde, tout en l'exacerbant. Alors que je me réjouissais de laisser tous mes soucis derrière moi, ou plutôt que j'avais espoir – appelez ça foi en ce lieu – qu’ils me rappellent à eux.

    Je me souvenais des dernières soirées, épouvantables. Je me sentais à chaque fois plus reclus au fond de moi même comme après ces après-midis passés dans la fraîcheur humide d'un canapé un peu miteux dans une pièce sans intérêt d'une chambre de taverne. Ces temps perdus à ne rien faire sinon remuer la lame dans des plaies que vous connaissez déjà. Chassé, insulté, ayant déçu ou provoqué le désintérêt, l'ennui, ça n'était plus qu'un quotidien morne qui précédait la chute. Certes je nourris encore la croyance des quelques disciples de la dernière heure, ces derniers Angevins qui m’apprécient, mais mieux valait qu'ils oublient tout cela comme les autres. Alors que j'avais toujours souhaité rester comme un bon souvenir pour mes amis, je préfère maintenant m'y échapper et tomber dans l'oubli. Comme si mon cauchemar pouvait devenir le salut. Cela me fait penser que je n'ai pas accordé trop d'importance à ce qu'il s'est dit hier soir en taverne. D’ailleurs, était-ce réellement hier ? Cela fait quelques temps que je ne sais plus trop ce que ça veut dire … Il faut dire : je suis perdu.
    M’enfin reprenons :
    Sur le coup cela m'avait frappé comme un éclair : « et si je n'étais que dans un délire, forcé à vivre une réalité terrifiante. » Coincé dans un monde froid qui n'est pas le mien mais celui des spectres qui me manquent tant. Comment me réveiller ? Comment échapper à ce triste sort que de vivre ce qui ne mérite pas d'être vécu ? Un destin qui détruit tout sur son passage et laisse dans son sillage ruines et marées d'écumes à nos pupilles pour une simple promesse d’enfance. Je dois certainement ... Non !

    Anhélant, le pas pressé, je me cogne à un arbre pour échapper au croche-pied de sa racine. Il sait comment attirer les jeunes hommes contre lui, celui-là. Je chasse de ma tête toutes ces pensées taboues car de toute façon je suis presque arrivé. L'herbe semble me tendre les bras et une fragrance rassurante m'apaise. Je somnole quelques minutes, profitant de ce refuge pour récupérer de ce voyage éreintant. Je dépose mes affaires contre un chêne centenaire : mes habits, mes malheurs et ma croix. Il ne me reste plus qu'à me plonger dans cette eau revigorante. Le chant mélodieux de quelques oiseaux accompagne ce mariage avec la source, laquelle lèche tendrement chaque parcelle de mon corps. Je m'y couche et elle m'étreint, certes glacialement, mais on ne refuse pas ces bras qui vous acceptent tout entier.
    Le niveau monte et j'ai l'impression de flotter dans un océan immense et calme, parfumé de roses, de chants silencieux et d'amour. Les paupières sont fermées, chaque seconde de l'instant est goûtée avidement, savourée comme si c'était la dernière. Toutes les sensations connues m'habitent ensemble, autant la fraîcheur de l'hiver que le sable chaud sur ma peau, la joie ou le désespoir, la tendresse ou l'excitation ; j'ai le sentiment de ne plus être moi-même. Mais la fin approche, je le sens, je commence à glisser vers le fond, à m’abîmer.

    Alors je sais qu'il est temps, et je me défais de cette expérience, le menton droit, le buste relevé, fier. Qu'il fasse froid je m'en moque, mon corps le ressent mais pas mon âme gangrenée. Elle se rit de ce début de printemps comme du loup d'un conte d'enfant lorsqu'on ne l'est plus. Je m'allonge contre ce chêne et la prend dans ma main. Dans un profond soupir, je laisse mes collants verts m'échapper vers d'autres ciels plus heureux tandis que fuient ces gouttes écarlates. Qui a dit que le rouge ne se mariait pas au vert ? Visiblement ça ne s’est pas fait. Douceur vitale qui taquine mes narines. Je souris alors que je me sens de plus en plus partir.

    Mon souffle se calme.
    Mes yeux se ferment.
    Les bruits s’estompent.
    Je m’apaise et …

    Et ma dernière pensée part pour l’impossibilité. Crois-tu collant vert chéri que tu me sauveras de ce destin de mort ? Certes tu as vaincu bien plus : un ou deux amours impossibles, des princesses pour un amour transcendant, une ingénue qui vous dit exactement ce qu’elle ressent, des vieux cons qui s’accrochent à leurs parcelles de pouvoir, des volontés aussi tranchantes que des glaives et des épées plus acérées encore ... Mais la mort est piètre femme, plus froide encore que ces églises dont les clochers sont la faux de leur lucidité. Finalement, je me dis que j’aurais dû fuir il y a longtemps et qu’il y aurait eu un espoir. Que les voyages ne m’avaient donné que du sursis, de l’air pour le condamné que je suis. Le bonheur de voir qu’elles rient, ces personnes. Un long sourire s’étire grâce à cette pensée d’amour, il ne manque plus qu’elle atteigne les miens, car les Kerdren resteront avec moi pour toujours. En revanche, qu’adviendra-t-il de Monsieur, le petit chat de Tinou ?

    On trouve à ses côtés une lettre qu’il a cacheté dans la hâte. Une seule raison pour s’expliquer. En voici la teneur :

    Citation:

      Tiernvaël de Kerdren
      Limoges
      Comté du Limousin et de la Marche



    A l'attention de la belle Brune de Harscouët,



        Dana,


      Prenez cela comme une victoire. Et voyez ce qu’elle vous en coûte : votre meilleur ami. Car après la disparition que vous ne croyiez pas, voici ma mort.
      Et mon dernier poème. Regrettez-moi un peu lors de votre séparation avec votre homme du moment.
      Vous n'auriez qu'à vous dire que ce n'était pas le bon moment et que la distance n'aurait jamais été vaincue. Rassurez-vous de votre mieux.


          Prière pour un amour heureux.


        Par le cruel espace où git ce triste enfer
        Tandis que tant de gens s’aiment sur cette Terre
        Et par la sommation qu’on bafoue mais qu’on sent
        Lentement devenir bien plus vraie à présent
        Par l’attente et l’entrain et le béguin durant
        Je ne te saluerai jamais.

        Par les doutes installés, par mon cœur l’épicentre
        Par ta propre énergie pour scléroser mon antre
        Et par le sombre creux de mon âme brasier.
        Par le feu s’éteignant comme contre un glacier
        Par la cendre fumante aveuglant l’olivier
        Je ne te saluerai jamais.

        Par ta seule absence qui me rend lamentable
        Et par l’injustifié et l’injustifiable
        Par ce maudit silence et par ta froide gêne
        Me laissant interdit au milieu de la scène
        Ulcère ou calvaire, qui sanctifie ma peine
        Je ne te saluerai jamais.

        Par ma pauvre frayeur que tu sois furibonde
        Pour peu que ma pensée n’arrange pas ton monde
        Par ceux qui n’ont de cœur, par ceux qui n’ont de fin
        Par mon ignorance, par ce tout incertain
        Dans lequel tu me plonges et me noie là au loin
        Je ne te saluerai jamais.

        Il n’y a plus d’espoir sans dose de malheur
        Il n’y a plus de rêve où tu n’es cauchemar
        Il n’y a plus de toi qu’un trou pour perle rare
        Et pas plus que de toi l’espérance de se voir
        Mais de ton souvenir je garderai l’ardeur
        Je ne te saluerai jamais.


      A wir galon,
      Tiernvaël de Kerdren
      Betek pelec'h ne bigno ket ?*







    * Jusqu'où ne montera-t-il pas ?
    _________________





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