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[RP] Ah ! Tu croyais m'échapper !

Gysele
L'idée a germé à Alençon. Ruminant tes pensées dans une taverne de la ville, tu cherches une façon de garder Evroult près de toi, près de vous. Bien sûr, tu sais déjà que ton frère n'a aucune envie de rester, qu'il a hâte de s'éloigner de toi. Tu t'accroches à l'espoir de le voir changer d'avis, qu'il pose à nouveau ce regard tendre qu'il avait étant petit, mais tu sais pertinemment que ce temps est révolu, qu'il n'a pas plus envie de te serrer dans ses bras qu'il n'aurait envie de devenir curé. Cette pensée te blesse, là, dans ton petit coeur orgueilleux. Toi qui te pensais irrésistible, toi qui comptais là dessus pour séduire ton frère comme tu l'aurais fait avec un client, tu t'es complètement plantée. Oui. Tu es plus douée en amante qu'en soeur, c'est indéniable. Et même si Louis-Marie peut te laisser croire le contraire, tu sais que celui-ci est si imprégné par tes folies qu'il te pardonnerait tout et n'importe quoi. Ce n'est pas le cas d'Evroult. Lui, il te voit, il sait exactement qui tu es dans un sens et il peut voir la noirceur que tu t'évertues à cacher derrière des tonnes de sourires et de déhanchés exagérés. Lui il voit la crasse de tes origines qui te colle à la peau, il voit le rictus grivois qui pointe à tes lèvres, le même que celui de votre mère. Tu ne t'en défais pas, pire, tu t'y complais, te croyant protégée par ces masques maternels que tu te crois obligée de porter pour arriver à tes fins. Tu n'y vois pas de mal et tu ne comprends pas que ton benjamin te rejette, alors que lui-même pratique ce même métier, ces mêmes vices. Tu te persuades donc qu'il est juste obstiné, qu'il vous fait une crise de jeunesse et que ça lui passera. Il va bien finir par te trouver bien, n'est-ce pas ? Assez bien pour te considérer comme membre de sa famille. C'est ce que tu cherches, Gysèle : une famille. Un foyer qui ne soit pas éclaté en mille morceaux. Tu es prête à tout, même aux idées les plus folles.

Et tu en as une aujourd'hui. Tu n'es pas saine d'esprit Gygy, quelque chose ne tourne pas rond chez toi et c'est bien ça qui te pousse à mettre en application cette insensée idée. Jusqu'où irais-tu pour garder le contact avec ton frère ? Jusque loin.

Tu es restée longtemps immobile devant ton vélin vierge. La plume que Dôn t'a offerte suspendue au dessus, attendant de poser les fameux mots doux que cet outil est autorisé à écrire. Cette fois, tu n'as pas demandé l'aide de Pierre, tu sais qu'il aurait refusé. Même si il t'aide dans beaucoup de tes projets, cette fois, il trouverait que tu vas trop loin. Alors tu décides de le faire toi-même. De toute manière, tes progrès en écriture sont flagrants, tes entraînements payent, même si quelques fautes parsèment encore tes écrits. Ton écriture est plutôt jolie et pour cette lettre là tu t'appliques à ce qu'elle soit le plus élégante possible. Sur ce pli, Gysèle, tu couches par écrit tes mots fous.




Bel Inconnu,

Je vous ai aperçu, dans les rues d'Alençon et je n'ai pas pu m'empêché de vous suivre. Pardonnez mon audace, je n'ai pas l'habitude de prendre ce genre d'initiatives, mais quelque chose en vous m'a décidée. Je crois qu'en vous voyant, j'ai eu envie de vous connaîttre, de comprendre qui vous étiez et ce soir je vous pause tout ceci par écrit, trop lâche pour venir vous aborder.

J'ai aimé, votre démarche, vos yeux sombres qui semblent abriter tant de nuances, tant d'expressions. J'ai adoré votre sourire, souvent mutain, parfois séducteur, selon qui vous croisiez. J'ai pu apprécier les vibrations de votre voix, sa chaleur, son inssertitude quand quelque chose vous surprenait. Vous êtes fassinant. De ces hommes qu'on voudrait avoir dans notre vie.

Je ne suis qu'une ombre, qu'une femme à qui il manque un petit morceau et qui s'est acrochée à vous dans l'espoir maladroit de combler ce vide profond. Oh je vous rassure, j'ai aussi pu voir votre belle nordique. Je n'espaire rien. Rien de plus que le plaisir de vous avoir fait peut-être sourire à l'aide de ma lettre idiote.

Voilà, cher vous. J'espère ne pas vous avoir effrayé. Rassurez-vous, je ne vous ai pas suivi bien longtemps, vous marchez bien trop vite pour moi.

Je crois que vous ne restez pas, aussi je vous souhaite une belle route et un bon voyage.

Une jeune femme séduite et curieuse,

Jeanne.

_________________
Evroult
    - Jeanne… Jeanne, Jeanne, Jeanne… qui es-tu, ma tendre Jeanne ?

    Affaissé sur une paillasse de fortune, faite de paille entassée & de bottes de foin, Evroult relisait pour la cinquième fois ces jolis mots auquel il n’avait pas pris le temps de répondre. Plutôt, il n’avait pas trouvé le moment, l’endroit, & voilà qu’une écurie déserte semblait faire son affaire. Lui qui ne les fréquentait que pour trousser à l’aise, voilà qu’il trouvait désormais en ces lieux un repaire, un refuge, une bonne planque bien qu’odorante.

    C’est qu’il se faisait discret. Norvégienne avait été poussée trop loin, au point où la moindre incartade, suspicion d’incartade, incartade rêvée, devenait sujet aux hurlements, claquements de porte, chemises déchirées & flots de larmes. En attendant d’être en mesure de la mater tout à fait – car il ne faisait aucun doute qu’il allait régler ça – il se faisait, donc, discret. Il était hors de question que la Blanche blessée tombe sur une lettre enflammée.

    Citation:
    Jeanne,

    Il raya. Ce devait être la première fois qu’il avait une admiratrice, déclarée tout du moins, & il devait s’avouer que les mots ne sortaient pas aussi aisément qu’ils auraient dû. Comme une pointe d’appréhension, une excitation grisante, un trac de star, en somme, & puis ! & puis Joli Cœur bougea – il avait personnellement renommé sa jument –, il inspira comme pour se lancer, & reprit sa plume.

    Citation:
      Joli cœur,

    Imaginez seulement ma surprise, mon plaisir à l’idée d’avoir su toucher un cœur si délicat que le vôtre. Ma tendre mie, vos mots ont su réveiller en mon être un océan d’émotions, de sensations, de passions, disons-le. Je crois que je vous ai aimé aux courbes hésitantes de vos toutes premières lettres. Je crois que je vous ai cédé dès vos premiers aveux.

    Mais n’espérez rien, ma Jeanne. Vous qui m’avez suivi, vous devez savoir ce que je suis, comment je suis. Ma réputation ne peut se voir entachée par quelques amourettes qui mettraient en péril mes relations avec mes clientes. La nordique, que vous avez donc vu, ne peut être que la seule exception. Elle sait se tenir, ne rien divulguer, & ma stabilité repose sur ses silences.

    Sauriez-vous, vous, être aussi silencieuse ? n’espérez rien, ma Jeanne… mais tout de même, dites-moi. Vous avez su piquer ma curiosité, éveiller ma sympathie, titiller mon amour. Votre silhouette, quoi que vous en pensiez, n’est pas passée inaperçue. J’ai vu, moi, vos hésitations, vos tremblements, vos faiblesses, & les bords de vos lèvres, & la pointe de vos cils, & la courbe de vos hanches. J’ai vu les vaguelettes de vos cheveux défaits au moindre coup de vent, le léger de la pointe de vos pieds à peine posés au sol pour ne pas faire de bruit, la silhouette adorable renvoyée sur le mur par quelques flammes d’un âtre que vous aviez oublié. Je vous ai senti, plus que je vous ai vu, vous & votre entêtant parfum de douceur, de candeur, de bonté.

    Vous êtes belle, joli cœur, & je suis déjà tout à vous.
    Mais je ne peux… ah ! si seulement.
    Rejoignez-moi en Bourgogne. Venez seulement.
    Et venez vite, que je vous pardonne votre audace.

      Evroult.


    Pas une seule fois il ne douta.

    Pour quoi faire, d'ailleurs ?
    Il était fait pour avoir toutes les femmes à ses pieds.

_________________








Gysele
T'étais pas surprise quand Evroult t'a répondu... non, tu étais plus que ça Gysèle. Au début, tu as flippé, laissant la lettre fermée comme pour ne pas continuer cette folie plus que nécessaire. Et puis, à force de faire les cents pas devant, à lui jeter des œillades de plus en plus intenses, tu as fini par céder, te précipitant dessus pour la découvrir. A mesure que tu as lu ce courrier, tu t'es décomposée et tu t'es laissée retomber sur ta chaise avec une certaine contrariété logée au creux de ton ventre. Non, ce n'était pas du tout ce que tu espérais lire de lui. Mais à quoi pouvais-tu bien t'attendre après ce que tu lui avais écrit ? Qu'il saurait lire les interlignes, qu'il te connaîtrait assez pour savoir que c'était toi ? La vérité, Gysèle, c'est qu'Evroult ne te connaît pas. Il ignore quels sont tes goûts, tes couleurs préférées ou ton plat favoris. Il ne sait pas ce que tu fais quand tu es triste ou quand tu es heureuse. Il ne doit même pas réussir à percevoir les infimes rictus que ton visage laisse entrevoir pour les plus connaisseurs en matière gysélienne. Non, le benjamin ne sait rien de toi et la réciproque est vraie aussi. En parcourant le vélin, tu découvres une facette que tu ne connais pas de lui. Celle qu'il réserve à celles qu'il charme et tu sens à travers ses mots, tout le sens de la manipulation que tu maîtrises aussi pour laisser croire à tes clients qu'ils ne sont pas passés inaperçus, qu'ils ont été exceptionnels pour toi et qu'ils sont uniques. Là, dans la peau de Jeanne, tu as l'impression que ton frère te voit enfin. Si le sentiment est désagréable au début, tu finis par te prêter au jeu, amusée de voir les mensonges déployés sans aucune honte. Alors à ton tour tu attrapes ta plumes et tu réponds en minimisant tes fautes d'orthographe autant que possible.



Evroult,
Bel Evroult,

Je n'ai eu de cesse de lire et relire votre lettre, peinant à me raisonner quand vos mot me touchaient si profondément, si bas là, au creux de mon ventre. Je sais pourtant que je ne dois rien espérer de vous, que vous êtes pris, lié à vôtre Nordique qui ne mesure pas sa chance d'être une tel exception à vos yeux. Mais vous me donnez chaud,
chaud de vous, chaud de vos lèvres, de vos mains.

J'ai été si surprise que vous disiez me connaître, avoir remarqué ma présence. Mais alors, pourquoi ne pas être venu me voir ? Si vos mots sont sincaires et vos pensées tournées vers moi, pourquoi ne pas m'avoir envoyé un signe tandis que l'idiote que j'étais n'osais même pas vous adresser la parole.

Ah, que je m'en veux d'avoir été aussi timide ! Vous rejoindre ? Je le fait et de ce pas.
J'ai déjà pris la route pour vous retrouver. Me direz-vous à nouveau vos jolies mots ?
Puis-je espérer une petite place silencieuse auprès de vous ? Personne n'en saurait jamais rien, je vous le jure.

Vous m'avez tant troublée Evroult, j'en suis toute retournée et pourtant, je ne suis qu'une jeune femme modestement pusselle qui n'y entend rien à tout cela. Tout ce que je sais c'est qu'il me faut vous revoir et vite.

Attendez-moi bel Ami.

Vôtre dévouée,

Jeanne.


_________________
Evroult
    Un inconscient rictus s’était affiché sur le profil concentré, brillant de l’arrogance ressentie à la lecture de mots si niais & si faciles, relevant le sourcil dans une expression profondément supérieure & sans doute aucun condescendante. Il s’était souvent demandé, en attendant une réponse à ses quelques mots, si Jeanne se laisserait bercer à ce point-là ou envisagerait de remettre en question ses goûts & les inclinations de son cœur. Aussi, à l’instant, il était tout aussi satisfait que pompeux, & il se serait versé des tonneaux de pétales de fleurs s’il en avait les moyens. Qui pourrait encore douter de son génie ?

    - Ah !

    Canines furent rentrées, braies relacées, doigts essuyés au coin d’un drap déjà mille fois souillé &, une fois n’est pas coutume, il installa sa carcasse à l’écritoire plutôt que de se laisser prendre par un sommeil comateux.
    Il y avait quelque chose d’affreusement grisant dans les mots de Jeanne. Cette fausse pudeur si bien maniée par les prudes, doublée d’un soupçon d’inconscience, d’imprudence & d’idiotie peut-être, l’excitait tout à fait. S’il savait qu’elle ne le satisferait pas, la seule pensée d’avoir un tel pouvoir sur une pauvre brebis le mettait en émoi, & il imaginait déjà tous les vices qu’il prendrait le temps d’imprimer sur la peau délicate de cette irréfléchie petite Jeanne.

    N’était-ce pas le rêve de tout homme, en particulier peut-être de tout travailleur de la chair ? apposer sa marque, laisser son empreinte, graver les chairs jusqu’à s’en rendre indélébile & posséder sans en avoir l’air le corps, le cœur, le crâne. Avait-elle seulement compris qu’il était courtisan ? prenait-elle conscience des solides mâchoires de jeune loup dans lesquelles elle se jetait ? d’un court rire aigu il se frotta les mains, ne doutant toujours pas de la réalité de son nouveau jouet.

    Citation:
      Joli cœur,
      Mon joli cœur,


    Si je vous donne chaud, tentez seulement d’imaginer combien vous me faites brûler d’impatience & de désir. Rassurez-moi avant toute chose, & dites-moi que vous ne voyagez pas seule, sans protection, à la merci du moindre brigand ou rustre aux mains baladeuses. Vous savoir blessée d’une quelconque manière me rendrait fou & me fendrait le cœur. En quelques mots déjà, j’ai l’impression de vous connaître depuis toujours & les chaines qui nous lient ne sauraient se défaire de sitôt.

    Sachez, ma tendre, que je suis homme de discrétion. Si j’aime qu’on respecte la mienne, je sais, aussi, respecter celle des autres. Vous vous cachiez. Qu’aurais-je pu penser, sinon que vous ne vouliez pas être découverte ? vous vouliez m’observer, & qui suis-je, pauvre de moi, pour oser aller contre la volonté d’une femme ? ne vous blâmez pas. Ne vous blâmez plus. Ne sommes-nous pas bientôt en face l’un de l’autre ? nous aurons tout le temps, alors, de rattraper celui que nous avons perdu.

    Je ne vous promets rien, ma douce. Quand bien même le voudrais-je, je ne le peux pas. Vous avez vu, vous savez combien ma situation est délicate. Venez. Venez prendre place à mes côtés, & nous en parlerons. Venez vous asseoir sur mes genoux, laissez-moi vous sentir, un peu, vous lire, beaucoup, vous aimez, à la folie peut-être.

    Serez-vous femme, pour moi ?
    Soyez femme, pour moi.
    Je vous ferai femme, moi.

    Je ne vous promets rien, mais…

      Evroult.


    Bien. Désormais, il lui fallait trouver de quoi maquiller l’arrivée de Jeanne aux yeux suspicieux de la norvégienne. Trouver un coin discret, une excuse à ses absences, & puis... Il effleura de la pulpe du doigt la petite fiole encore cachetée. Il n'y avait aucune raison que ça foire.

_________________


Gysele
Tout ça va beaucoup trop loin. Tu lis et relis les mots de ton frère et, partagée entre hilarité et satisfaction, tu te complais dans cette situation ambiguë. Tu voulais te rapprocher d'Evroult ? Voilà une facette à laquelle tu ne pensais pas te heurter un jour ! Ce n'est pas dans le désir qu'une sœur et un frère sont censés échanger, bien qu'avec toi, les frontières sont minces avec tout le monde, incapable que tu es de différencier le bien du mal. Tu t'amuses des mots fraternels, tu les trouves creux, vides, mais joliment maniés. Tu sais qu'il n'y a derrière cette lettre, qu'un besoin de remporter un nouveau défi, une nouvelle proie et tu retrouves en ton demi-frère, un trait commun au tien : cette incapacité à se tenir fidèle, trop vite déconcentré par de nouveaux challenges et de nouvelles possibilités.

Pourtant, de ton côté, tu es plutôt sage ces derniers temps. Peut-être que les disparitions d'Ethel et de Louis-Marie t'aident un peu. Mais, tu te réserves corps et âme pour ta sorcière rousse et jusque là, tu n'as pas encore failli à ta promesse de fidélité. Bien sûr, personne n'est au courant de ta correspondance avec Evroult, pas même Pierre dont tu imagines très bien le regard qui vaut mille mots. Chaque lettre reçue pour Jeanne est gardée précieusement et tu les relis dès que tu le peux, te contentant, à défaut d'affection fraternelle, d'une bonne dose de séduction de bas étage. C'est tellement facile de jouer la jeune fille en fleur, tu les as tellement observées, ces demoiselles dont l'innocence te faisait envie quand toi, déjà, tu satisfaisais leurs pères, frères et oncles. Tu rêvais à ton tour de pouvoir avoir cette lueur pudique et sincère dans le regard, ce rosissement sur les joues et cette surprise quand quelques mots grivois atteignaient leurs oreilles. Tout ce contre quoi ta catin de mère n'a pas pu te préserver. Ni toi, ni tes frères d'ailleurs. Le seul qui s'en sort plutôt bien reste Louis-Marie, mais tu le corromps si facilement que bientôt, il sera aussi souillé que toi ou Evroult, aussi tourmenté sûrement. Elle n'est pas belle la famille ?

Tu abandonnes le lit que tu partages avec Merance et rejoint un petit bureau pour y rédiger ta réponse. Vous êtes en Bourgogne à présent et tu sais que peu de temps te sépare de ton frère. Tu n'as pas pensé à l'après, tu sais juste que tu tiens enfin quelque chose qui te rapproche d'Evroult et tu ne cherches pas à comprendre comment tout ça va se finir.



Bel Ami,
Mon Bel Ami,

Je lis vos mots, je les comprends et pourtant, je ne peux qu'entrevoir un léger espoir.
Vous me troublez, cher Evroult. Plus que vous ne pouvez l'imaginer. Je sens un lien ténu et pourtant très fort qui se tisse entre vous et moi. Mes mots doivent vous sembler sots, mais je ne peux m'empêcher de vous les dire.

Je suis arrivée en Bourgogne, je serai très vite près de vous. Rassurez-vous, je suis venue bien escortée et il ne m'est rien arrivée. Je ne voudrais pas être celle qui vous fend le cœur, je souhaite juste le réconforter.

Je viendrai, je prendrai cette place sur vos genoux si vous le permettez, car je suis votre dévouée. Je serai celle que vous voulez et femme, je serai pour vous.

Je vous propose de nous retrouver vendredi au coucher du soleil à la taverne municipale. J'espère que vous pourrez vous libérer.

Impatiemment vôtre...

Jeanne




_________________
Louis_marie
      [Bien avant qu'on se soit connu
      Bien avant qu'on se soit parlé
      Bien avant que je t'ai vu nue
      Je savais déjà que je t'en voudrais

      Bien avant qu'on se soit déçu
      Bien avant qu'on soit des déchets
      Bien avant ce goût de déjà vu
      Je savais déjà qu'on y resterait.*]


    L'adolescence a toujours été l'âge des drames. L'âge des hormones en ébullition, des nerfs à vif et des découvertes tantôt folles d'effervescence, tantôt douloureusement déchirantes. L'âge des premières et des dernières fois. L'âge des premières promesses et des dernières larmes, des premières trahisons et des dernières illusions. L'âge du sexe facile et des amours difficiles. L'âge de la recherche de soi, du jeu de rôles et du goût pour les scènes. L'âge des infimes déceptions qui, parce qu'elles étaient jusque là étrangères, donnent lieu à d'infinies colères.


Il est tard et, allongé sur un lit que tu quitteras dès l'aube pour reprendre la route, les mains bien installées dans ta nuque, tu attends une soeur qui ne vient pas. Tu n'as aucune idée de l'heure, mais tu perçois bien qu'elle devrait être là. Voilà maintenant plusieurs semaines que vous ne vous quittez plus. Et, que ce soit clair, il n'est plus ici question d'un lien seulement fraternel. Car, si tu partages les journées de Gysèle, tu partages aussi son lit et son bain. Mais la voilà qui manque à l'appel. Pour la première fois depuis ton retour dans sa vie, elle s'absente, trop longtemps. Et tu sens pourquoi. Tu sais pourquoi. Il n'y a qu'une raison plausible. Alors, pendant que la sueur perle à ton front, ton esprit angoissé s'imagine la rousse dans les plus indécentes positions, entourées d'hommes qui ne veulent que la baiser, encore et encore. La colère monte. Tu te sens minable, LM. Allongé là. Impuissant. Infoutu de faire autre chose que de l'attendre. Comme si tu étais patient. Prêt à lui offrir tes bras dès qu'elle fera un pas dans la chambre.

Se distraire. Arrêter d'y penser. Penser à autre chose. Ta proposition. Qui n'en était pas une, d'ailleurs. Il ne s'est jamais agi d'une question, ni même d'une demande, mais bien d'un ordre. Impérieux. Auquel elle ne répond pas. Frustrante. Sans doute parce qu'elle ne t'aime pas suffisamment et parce qu'elle sait qu'elle en aimera d'autres. Tu l'as toujours su. Tu le lui as même dit. Tu savais que vous alliez vous détruire. Qu'elle te tuerait et que tu finirais peut-être, toi aussi, par la tuer. Tu savais, bien avant de goûter à ses lèvres, que tu voudrais que cette bouche ne soit plus qu'à toi. Tu savais, bien avant de sentir sa main dans tes cheveux, que la flamboyance des siens te brûlerait. Tu savais, bien avant de le lui dire, que c'est épouse que tu la voudrais. Et tu sais, bien avant d'avoir imposé à son corps tes coups de reins triomphants, que ta passion te tuera, que la fièvre qui t'habite sera la dernière émotion à t'habiter, que l'ardeur de ton amour te fera fondre et disparaître tout entier.

Un instant, tu regardes la porte. Tu ne sais pas où elle est, et ça te ronge. Mais sans doute vaut-il mieux que tu ne le saches pas. Alors tes yeux assombris par l'alcool et la fatigue contemplent le vide. Abandonné comme un nouveau-né qu'on aurait arraché au sein de sa mère. Et, plus que de lui en vouloir, c'est à toi que tu en veux. Tu ne devrais pas souffrir à ce point de ne pas la voir rentrer ce soir. Gysèle est ta soeur. Le seul membre de ta famille que tu supportes. Il n'y aurait jamais dû y avoir quoi que ce soit entre vous. Et pourtant, tu es là, à l'attendre. Parce qu'elle est tout. Que tu savais qu'elle deviendrait tout. Que tu aurais tellement aimé résister et échapper à cette inévitable destruction, mais que tu en es bien incapable. Minable.

Meubler le vide. Écrire. À qui ? À celle que, toi aussi, tu as abandonné. À Eulalie. Plusieurs mois sont passés depuis que tu as disparu et quitté Alençon, sans une attention pour elle, sans un mot. Il faut lui écrire. Te faire pardonner. L'aimer. Et puis la baiser, comme ta soeur baise ses clients. Ce désir de vengeance est bien cruel, mais bien humain. Alors, avec la détermination de l'homme jaloux, tu te lèves subitement et part chercher, dans les affaires de Gysèle, un vélin vierge.

Que tu trouves, parmi une multitude d'autres parchemins. Dont certains sont étonnamment griffonnés. La curiosité est un vice dangereux. Laissant passer entre tes mains les différents vélins, tu vas directement lire la signature. Evroult. Ce cadet encombrant. Ce frère excessivement aimé de ta soeur, et excessivement haï de toi. Ce brun qui, s'il était moins beau, et s'il n'avait pas fait la désagréable erreur d'être né de ta mère, aurait sans nul doute été ton meilleur ami. Celui avec qui l'on boit à l'excès, avec qui l'on parle femmes comme on parle politique et que l'on accompagne au bordel le samedi soir. Pourquoi Evroult écrit-il à Gysèle ?

Les lettres sont lues. Rapidement. Les unes après les autres. Et chaque mot s'imprime bien trop intensément dans ton esprit avant d'y résonner comme une macabre ritournelle, alors que, sans que tu ne leur ordonnes rien, tes sourcils se sont froncés, tes muscles se sont crispés, tes doigts se sont serrés sur les parchemins. Et, pas un instant, tu ne t'es intrigué de ce soudain vouvoiement. Pas une fois, tu n'as remarqué qu'Evroult s'adressait à une certaine Jeanne. La colère, intense, brutale, a envahi ton esprit, pulse à tes tempes et embue tes yeux.

"J’ai vu, moi, vos hésitations, vos tremblements, vos faiblesses, & les bords de vos lèvres, & la pointe de vos cils, & la courbe de vos hanches.
Vous êtes belle, joli cœur, & je suis déjà tout à vous.
Si je vous donne chaud, tentez seulement d’imaginer combien vous me faites brûler d’impatience & de désir.
En quelques mots déjà, j’ai l’impression de vous connaître depuis toujours & les chaines qui nous lient ne sauraient se défaire de sitôt.
Ne sommes-nous pas bientôt en face l’un de l’autre ? nous aurons tout le temps, alors, de rattraper celui que nous avons perdu.
Venez prendre place à mes côtés, & nous en parlerons. Venez vous asseoir sur mes genoux, laissez-moi vous sentir, un peu, vous lire, beaucoup, vous aimez, à la folie peut-être.
Soyez femme, pour moi.
Je vous ferai femme, moi."**

De rage, ton poing s'écrase dans la fenêtre et la brise. Bravo, LM, tu pisses le sang. Mais, l'adrénaline aidant, tu n'y prêtes pas attention. Tu défais les affaires de ta soeur, comme si elles pouvaient cacher d'autres monstrueux secrets, et les envoie valser dans la chambre. Alors c'est ainsi ? Alors lui aussi, il a droit à ses mots doux et à ses gestes tendres ? Alors lui aussi, il la baise ? Visiblement, tu es le seul homme sur cette terre à ne pas avoir ce plaisir. Le chandelier s'écrase sur le sol sous le coup d'un trop violent coup de pied. Elle t'a menti. Elle est si bonne comédienne. Elle disait vouloir reconstituer votre famille. Tu aurais dû te douter qu'elle l'aimait bien plus que cela, idiot. Ton poing déjà meurtri s'abat sur le miroir près du mur. Comment a-t-elle pu te faire croire qu'elle t'aimait ? Et comment lui a-t-il pu aimer ta soeur, sa soeur ? Comment a-t-il pu l'aimer sans remord, sans égard pour ce sang qu'ils partagent ? Maudissant le lit qui a abrité vos étreintes paisibles et vos nuits teintées de si beaux mensonges, tu t'en approches pour en arracher les couvertures.

Plume gisant sur le sol est saisie entre les doigts rouges, pour griffonner quelques mots sur un parchemin, le sol pour seul support - le bureau ayant été lui aussi victime de ta colère.


Citation:
Vas-y, frère, raconte-moi. S'est-elle assise sur tes genoux ? L'as-tu aimée ? A-t-elle été femme, pour toi, comme tu le voulais ?
Comment as-tu pu ? Elle est ta soeur et la mienne. Et elle est mienne.
Je te hais. Du plus profond de mon âme. Sois maudit.

LM


Il te faut partir, maintenant. La lettre qui sera envoyée à ton frère dans une main, celles qu'il a envoyé à ta soeur dans l'autre, tu ouvres la porte. Retrouver Gysèle. Lui hurler dessus. La frapper, un peu. La haïr, beaucoup. Et continuer de l'aimer, puisque tu ne sais faire que ça. L'oeil vert teinté de rouge - car, bien malgré toi, tu as pleuré - parcourt une dernière fois la chambre d'auberge. Elle est dans un sale état. Bureau renversé, chandelier éclaté, matelas éventré, miroir brisé, fenêtre fendue, vélins éparpillés sur le parquet, parmi les plumes d'oreillers. Une parfaite représentation de ton coeur.

    L'adolescence a toujours été l'âge des drames. Et, ne t'en déplaise, LM, tu restes un grand adolescent.



*Benjamin Biolay.
**Vous l'aurez compris, l'ensemble du paragraphe est composé de citations piochées anarchiquement dans les lettres d'Evroult.

_________________

Bannière & avatar by LJD Gysèle. Merci ♥
Evroult
    L’onyx s’était assombri depuis longtemps, déjà. Il avait parcouru les déliés d’une écriture inconnue et pourtant familière, tournant & retournant le parchemin à la recherche d’indices à cette drôle d’énigme. Bien sûr qu’il en avait reçu, des lettres de menaces, des parchemins de rage, des missives coups de poing et des billets désespérés. Combien d’hommes – & de femmes peut-être ! – étaient devenus cocus par ses bras séducteurs, lui qui baisait autant par le bordel que pendant ses repos ? combien s’étaient sentis trahis ? combien s’étaient retournés contre le courtisan plutôt que contre l’infidèle ? Combien de femmes délaissées, de mariages malmenés, de pères déshonorés ?
    Une lettre comme celle-ci aurait pu venir de n’importe où.

    Sauf de là, peut-être.
    Oh, recevoir des insultes de la part de sa fratrie ne pouvait l’étonner ; lui-même alimentait à chaque occasion la mauvaise ambiance qui trainait dès lors qu’ils étaient réunis. Aussi sûrement qu’il ne s’estimait pas Ponthieu, ces deux-là s’obstinaient à lui rappeler qu’il l’était à moitié & qu’il avait encore fort à faire avant de parvenir à les rayer définitivement de son champ de vision. Si Louis-Marie ne cherchait pas désespérément à se rapprocher de lui en se faisant passer pour une Jeanne & en roulant des hanches, il semblait prêt à tout pour reprocher à Evroult la moindre de ses déconvenues. Déjà, Loupiot s’était retrouvé à subir la jalousie de son frère plus que le courroux de sa favorite, pour une vague histoire de bain de minuit en compagnie d’une catin qu’il n’avait pas payé. Nier fermement n’avait rien résolu à l’affaire ; l’ainé puceau lui avait éclaté la mâchoire.

    N'était-ce pas l’occasion de changer de tactique ? de se venger, sûrement, pour ce bleu marqué de noir d’une semaine, qui lui avait valu de ne pouvoir travailler ? le pourquoi du comment de la colère de Louis-Marie n’importait finalement que peu. Il semblait fou de rage, & ça suffisait, aujourd’hui, pour lui donner envie de jeter un peu d’huile sur le feu. Les vapeurs d’une idée pernicieuse s’épaississaient à mesure qu’il relisait le mot, se nourrissant des bouffées de chaleur orageuse qui l’étreignaient. Lui qui ne réagissait qu’à chaud, impétueux & fougueux, se trouvait la volonté d’élaborer des plans sur la comète pour emmerder son frère. Jamais, sans doute, n’avait-il autant ressemblé à sa catin de mère qu’en cet instant où, penché sur l’écritoire, se traçaient sur son front les plis de la fourberie. Chaque lettre de plus inscrite à l’encre noire lui arrachait un rictus judas, & s’il n’avait pas tenu la penne, sans doute se serait-il frotté les mains l’une contre l’autre dans un rire de sorcier.

    Ainsi, il se vengea tant du frère que de la sœur en une lettre d’un vice qu’on ne lui connaissait pas.
    Il n’était pas catin pour rien.

    Citation:

    À mon très cher frère,

      Je ne te salue pas.

    Mais es-tu bien sûr, Louis-Marie, de vouloir tout savoir ?
    Assied-toi bien, & lis attentivement. Imagine, dans mes mots, comment j’ai pu. Comment j’ai osé. Comment j’ai savouré. Sa peau, tachetée, colorée, dessinée comme une invitation à la parcourir dans le moindre recoin. Ses boucles, imprégnées de soleil & de flammes, auréolant un visage esquissé pour séduire & piéger tous ceux qui poseraient les yeux sur elle. Son regard affamé, sa bouche assoiffée, sa gorge tendue comme un arc sous les doigts qui se l’approprient.
    Comment j’ai pu ? allons ! elle n’est pas femme, tu le sais, ça. Elle est catin, & sa mère avant elle, & pour ça elle ne mérite pas qu’on l’aime, non. Elle mérite d’être prise comme j’ai pris Laellie. Tu te souviens ? souviens-toi. Souviens-toi qu’aucune ne me résiste.

    Alors, comment j’ai pu ? comment aurais-je pu ne pas le faire, plutôt ? n’a-t-elle pas des courbes à s’en damner ? n’a-t-elle pas un minois à se rouler à ses pieds ? n’a-t-elle pas des cuisses pour lesquelles on pourrait se damner ? que croyais-tu ?
    Allons, mon frère, ne fais pas l’enfant. En famille, l’amour, ça se partage. Elle est ta sœur, & elle est mienne. Toutes les femmes sont miennes. Celle-ci ne déroge pas à la règle.
    Quoi ? tu t’offusques ? ça te dérange, Louis-Marie, enfant chéri, enfant gâté ? quoi ? je sais toutes les satisfaire, & toi tu ne sais pas garder auprès de toi la plus chère à ton sang. À ta chair. À ton cœur.

    Pauvre, pauvre Louis-Marie. Aucune femme ne voudrait de toi & de ta gueule pathétique. Tu n’as ni charme, ni beauté, & je parie mes réserves que tu n’as rien de quoi combler une femme, même en cherchant bien, tout au fond de tes braies vides. Allons ! que croyais-tu ? qu’elle était chasse-gardée ? allez, baste ! dans quel monde vis-tu ? il faut savoir prendre, quand on veut.
    Il faut savoir prendre, quand on peut.
    Toi, tu ne peux pas.
    Alors je prends pour toi.

    Haïs-moi. Encore. Et encore. Et encore. Comme je te l’ai prise, encore, & encore, & encore.
    Allez, vas-y ! maudis-moi, mon très cher frère. Crève-toi à maudire ce qui est damné de naissance. Je suis fils d’Asmodée, & toi, qu’es-tu ? tu te dis Ponthieu, & tu ne sais même pas baiser.

    Je ne te salue pas. Je ne te maudis pas.
    En fait, je te méprise trop pour ça.

      Frérot.

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Gysele
    [It's bugging me, grating me And twisting me around
    Yeah I'm endlessly caving in And turning inside out*]


La démarche est raide, quand la frêle sort de la taverne. Une illusion d'ivresse dans cette allure mal assurée et une forme de folie dans ses propos murmurés, incohérents. Gysèle est touchée. Là, en plein cœur, elle vient de recevoir deux flèches décochées par les êtres qui lui sont le plus cher. La trahison est douloureuse pour celle qui se laissait guider naïvement par quelques sentiments qu'il aurait mieux valu bannir. Maudits soient ces frères, qui éteignent le feu du soleil de Gysèle. La peine la rend saoule, ivre de colère, aveuglée par un sentiment d'injustice profond. Elle suffoque, s'étouffant avec cette rancœur qui s'accroche à sa gorge et qu'elle ne parvient pas à expulser. Les pas s'arrêtent, là, en pleine rue, les jambes ne la tiennent plus et elle s'effondre comme son cœur tombe en lambeaux. Est-ce normal que ça fasse si mal ? Pourtant aucune larme ne franchit ses yeux sombres, mais c'est plutôt un sanglot silencieux qu'elle étouffe d'une main sur sa bouche, ravalant cette faiblesse qu'elle se refuse à libérer. Terrible frustration, rouquine est habituée aux illusions. Il ne s'agit pas de baisser les masques maintenant, pas ici, pas dans cette ville infâme qui se fait scène de ses deux plus grosses déchirures. La folie guette l'iris, s'insinue dans ses membres quand ses mains viennent arracher ses mèches rousses d'un geste furieux, quand ses ongles lacèrent son doux visage et qu'un cri silencieux déforme ses lèvres. C'est une expiration rauque qui lui redonne la force de se relever, cette détermination gagnant le regard d'une étincelle plus vive. Gysèle se redresse, un vrai brasier couvant sous la peau et cette nouvelle impassibilité qui referme ses traits en un visage dépourvu d'émotions. Le cœur passe de la lave à la roche et les frères basculent dans la case des ennemis. A trop prendre dans les dents, à trop prendre dans ce foutu palpitant, elle finit par comprendre : ils ne valent pas la peine qu'elle se donne autant. Et si en réalité, c'est plus dur à appliquer qu'en théorie, elle va se le répéter comme un mantra nuits et jours les prochaines semaines à venir jusqu'à finir par l'intégrer entièrement. Elle finira par rentrer à l'auberge, découvrant une chambre fracassée par la colère de son cadet, elle se glissera sur un bout de paillasse épargné, prostrée et l'oeil ne se fermera pas. Ses pensées, elles, seront toutes à ce messager, qui sera déjà parti en quête des deux hommes les plus importants de sa vie.

Citation:
Evroult,

Je dois te reconnaître une chose. Tu es bien plus doué que moi dans ce métier. Tu as su berner jusqu'à ta propre sœur en me faisant croire à un semblant de trêve, un mince espoir de paix.
Cette brève étreinte a été bien imitée, tout, jusqu'à ton hésitation. Vraiment, je suis impressionnée. Mais maintenant que je sais ce que tu as fait, ces mensonges que tu es capables de noter par simple folie vengeresse, tu ne seras pas surpris si je te hais.

De tout mon cœur, de toute mon âme. Que je sois maudite si je te pardonne un jour. Tu voulais que je te lâche ? Je l'ai fait. Mais avec cette attaque, je t'annonce que la guerre est déclarée. Où que tu sois, où que tu baises, je te jure que je te le ferai payer. Tu m'as retiré tout ce qui me restait, c'est donc toi que je briserai.

Tu n'es qu'un minable, trop accroché aux jupons de notre mère pour réussir à t'en défaire. Elle te bouffera bien avant qu'elle ne crève, à force de ronger tes pensées, c'est toi qui deviendras fou.T'es qu'un raté, un idiot et pendant que tu coures toutes les femmes du royaume, tu oublies celle qui te rendait meilleur. Ah comme j'aurais aimé que tu m'ai prise, pour te rabattre ton caquet d'enfoiré arrogant. Même une catin comme moi sait que c'est toujours ceux qui en disent le plus qui en font le moins. Va, petit chéri. Retourne voir maman, des fois qu'elle puisse parfaire ton éducation.

Ce n'est donc pas un adieu, Evroult, mais bien un « à bientôt ». Prépare-toi, car tu vas le payer.

Sœurette.



Citation:
Louis-Marie,

Encore une fois tu me tournes le dos. Mais c'est celle de trop.
Je ne suis pas ton jouet, encore moins celui de ton frère.
Ta colère t'a encore aveuglé et Evroult a su où te piquer.
Bravo à lui, tant pis pour nous. Pour moi, c'en est assez.

Je ne veux plus te revoir, en preuve ce bracelet que tu trouveras à côté.
Vole de tes ailes, bois, amuse-toi, aime et prend-soin de toi.
Je te souhaite le meilleur, car c'est tout ce que je nous voulais.
Mais j'ai mes limites en bonté et cette fois je ne pourrai pas pardonner.

En ce qui me concerne, je n'ai plus de frères.
L'un s'est fait ennemi, l'autre inconnu.
Et puisque tu me connais si mal, puisque je suis si sale,
Tu devrais ne pas tomber des nues.

C'était de la folie,
C'était un rêve.

A présent, je me réveille.

Gysèle.

*Ça me tape sur les nerfs, ça m'irrite Et ça me rend fou
Ouais je me soumets sans cesse Et ça me met sens dessus dessous.

Hysteria-Muse

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Evroult
    D’abord, il rit.
    Beaucoup.
    Trop.
    Il s’en étouffa dans son verre de vin qu’il ne buvait même pas, carcasse pliée de soubresauts joyeux. Il n’était pas bourré, il n’était pas fumé, il n’était même pas vidé par ses consœurs catins ou une conquête entreprenante, non. Il était hilare. Juste hilare d’une farce qu’il trouvait délicieuse.

    Et puis, quand les larmes réjouies se tarirent, quand les crampes se turent, quand le silence se fit & que l’onyx humide & vif daigna relire le pli, le cœur qu’il avait parfois petit & vicieux se pinça d’une douleur inattendue.
    Comme brûlé du parchemin, dextre le laissa retomber alors qu’il se levait pour saisir son verre & le remplir de blanc. La gorgée qu’il y but était acide & froide, & lui fit l’effet d’un quartier de citron frotté sur les gencives. Il se gratta la gorge. Grogna. Fit trois pas avant de se prendre l’orteil, qu’il avait nu, dans un coin de vaisselier.

    - Merde ! Putain de merde ! fais… fais chier !
    C’que j’peux être con !


    Loupiot si attentif à sa prononciation, même en pleine colère, semblait soudain bouffer ses lettres dans son auto-flagellation. Bien sûr, c’était la faute du meuble & des idiots qui l’avaient laissé là, en plein milieu de son chemin. Bien sûr. Mais tout de même, s’il avait mis ses chausses… s’il avait ouvert les yeux, s’il ne s’était pas levé, si…

      - Tu t’en veux, Trésor.
      - Tss. Et puis quoi ? ils n’ont que ce qu’ils méritent.
      - Tu ne les hais pas, Trésor… regarde comme tu t’en mords les doigts.

    Les ongles rongés furent vivement éloignés des canines agitées.

      - Tu peux encore te rattraper, tu sais… t’excuser. Lui écrire ce que tu ressens pour elle. Pour lui. Tu peux, Trésor.

    Le buste tout entier se tourna vers la table qui recueillait la lettre & l’écritoire.

      - Va, Trésor… retrouve les tiens tant que tu peux.


    Citation:
    À ma très chère sœur,
    Ma petite Jeanne, ma petite Gygy, ma petite catin,

      Salut.

    Je ne suis pas ton frère. Je ne l’ai jamais été. Grandis, ouvre les yeux, le monde n’est pas si rose bonbon que tu sembles encore le vouloir. Le monde est une pute, ma douce. Comme toi. Une simple pute de rempart. Comme ta mère.
    Allez, va. Je ne t’en veux pas d’avoir mis tant de temps à t’en apercevoir. Tu vois, moi, je te pardonne. Toi, tu me menaces. Qui est le monstre, maintenant ?

    Allez, viens. Viens me chercher, joli cœur.
    Si tu es sage, peut-être que mes mots ne seront plus des mensonges.

    Je ne te baise pas.
    Pas encore.

      Frérot.

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Louis_marie
Ivre. Totalement ivre. Une cuite monumentale, comme rarement tu n'en as connue, toi pourtant si accoutumé à t'alcooliser avec excès. Retenu à Angers, ruiné, tu ne vas, évidemment, pas bien. Depuis des jours, en proie à de trop violentes émotions, tu t'essaies à un nouveau jeu, que tu aurais voulu apaisant et qui n'en est que plus douloureux : barricader ton âme, cacher et ta douleur et ta fureur, sédater ton esprit et ne parler plus que de futilités. LM éméché, tu verras dans les mots que tu écriras ce soir la preuve de la réussite partielle de tes efforts : il n'y est plus question de sentiment, il n'y sera question que de désir. Et, trop idiot, tu es incapable de voir à quel point cette lettre est un échec et sonne le glas de tes espoirs d'indifférence feinte : parce que chacune de tes envies n'est en réalité que le symptôme charnel du mal qui te ronge, du profond dévouement qui t'habite, de la passion qui te semblerait sans doute aussi dévorante et castratrice que te l'avaient prédit - sans que tu ne le saches - les cartes de ta soeur, si seulement tu acceptais d'y porter un regard lucide.

Blessé, en colère, tu es décidé à continuer ta route et ton éloignement, et, rejetant avec ferveur l'idée que Gysèle puisse te manquer, tu nourris une haine grandissante pour es pensées qui, dès qu'elles sont laissées sans surveillance, reviennent inlassablement vers l'aînée aimée. Pourtant, dans un moment d'absence, voilà qu'une plume se retrouve blottie dans ta main, et un vélin posé devant toi. Et, pris d'un élan de folie, tu écris. Le courrier sera envoyé, juste avant que ton esprit tourmenté ne sombre. Un courrier dont tu n'auras aucun souvenir au réveil. Un courrier qui manque cruellement de sens et de cohérence. Un courrier qui, quand bien même l'écriture ne permet pas grande hésitation sur l'identité de son auteur, n'est pas signé. Peut-être par peur que des yeux étrangers puissent le lire, même s'il ne leur est pas destiné. Peut-être aussi parce que, victime d'une crise d'identité démesurée, Louis-Marie déchiré, tu ne te sens plus vraiment Louis-Marie. Une part de toi est absente, cela ne fait aucun doute. Et, puisque tu t'es promis de ne pas parler à ta soeur, c'est à cette partie de toi-même restée à Limoges que tu t'adresseras.


Citation:
Mon coeur,

Ça ne passe pas. Rien ne passe. J'ai mal. Je n'arrête pas de saigner, c'est chiant. Pourquoi elle n'était pas là ? Pourquoi elle n'est pas là pour panser mes plaies ? Elle est partie.
Non. C'est moi qui suis parti. Avec, dans une main, ce bracelet qui n'appartenait qu'à elle, et dans l'autre, cette lettre à lire et à relire. Ces mots d'abandon. Ces mots assassins.

Je sais que ce n'était qu'un rêve. Je sais qu'elle est réveillée, maintenant, et que c'est fini. Je sais que nous ne nous reverrons pas. Je sais aussi qu'elle l'a baisé. Je sais qu'elle fait d'autres heureux, peut-être bien pendant que j'écris. Elle n'a pas le droit de me faire aussi mal.
Elle n'aurait dû être qu'à moi. Elle a toujours été aux autres, et jamais à moi.
Je sais que je ne suis pour elle qu'un inconnu. Mais si elle, elle ne veut plus me connaître, moi, je la connais par coeur. Par coeur. Elle est là, toujours, alors que j'aurais aimé qu'elle ait disparu. Elle est tout, toujours, alors que j'aurais préféré qu'elle ne soit plus rien. Je n'oublie pas. Ni ses cheveux roux dans lesquels passer ma main était si doux, ni ses yeux joyeux quand elle me taquinait, ni la petite moue qu'elle affichait lorsque je disais ce qu'il ne fallait pas. J'aimais sentir sa peau sous mes doigts, et sa chaleur contre mon corps. J'aimais plonger mon visage dans son cou et m'enivrer de son odeur.
Dans ses bras, j'aurais aimé mourir.

Je ne lui ai pas dit le bonheur que son corps était, pas comme j'aurais dû lui dire. J'aurais dû lui faire l'amour. La première fois que j'ai vu ses seins, j'aurais dû les embrasser. Et le jour où elle a parié qu'elle pourrait me faire céder, j'aurais dû perdre. Et puis le soir où elle m'a dit qu'elle m'épouserait, j'aurais dû la faire mienne. J'aurais dû lui faire l'amour à chaque fois que nous en avons eu l'occasion. J'aurais dû l'enlacer, l'embraser, et puis lui faire l'amour, encore, chaque jour. Je n'ai pas osé, j'ai dit non. C'était con. Je regrette. Désormais, je ne peux m'endormir qu'en convoquant à ma mémoire les souvenirs de scènes qui n'ont jamais existé.

Je suis seul.
Je suis vide.
Je suis incomplet. Et personne ne peut rien y faire.
Elle n'est pas là.
Elle me manque.
Bordel, mon coeur, qu'est-ce que tu me manques.

Je ne devrais pas écrire tout ça. Je ne devrais même pas le penser. C'est stupide, c'est niais, c'est vain. Mais qu'importe. Je vais dormir.
Avec un peu de chance, demain, je ne me réveillerai pas.

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Gysele
Que ne ferais-tu pas pour pouvoir revenir quelques mois auparavant, quand encore insouciants, toi et Louis-Marie vous enlaciez sans mauvaise pensées. Quand la frontière frère /sœur était propre, nette, irréfutable et irréprochable. Aujourd’hui tu es perdue. Vous avez tout mélangé et vous êtes incapables de vous sortir de ce sac de nœuds. Il est parti, ça te fait souffrir plus que tu ne l’imaginais. Tu lui as écrit que tu le rayais de ta vie et comme ce frère là en particulier a tendance à croire tout ce que tu lui dis sauf quand il le faut vraiment, tu sais que sa fierté ne permettra aucun retour en arrière. Et ton orgueil à toi là dedans n’arrange rien Gysèle. A croire que vous êtes nés pour vous séparer encore et encore. Ton cœur ne le supporte plus pourtant. Car à chaque retrouvailles il s’ouvre davantage et à chaque déchirure, il subit tous les coups. Louis-Marie, ce frère chéri qui apporte tant de joie à ton existence depuis qu’il est né, cet être sans qui tu n’aurais pas été la même, ce garçon qui aime un peu trop l’alcool et les filles mais qui se serait damné pour te sauver toi. Celui là même qui a su toucher ton palpitant par de doux mots d’amour et qui a su le broyer par de terribles insultes. Rien n’est simple chez les Ponthieu, ça se saurait.

Limoges, encore cette foutue ville. Tu y traînes ton chagrin comme d’énormes casseroles qui voûtent tes épaules et te donnent un air maussade. Difficile de faire comme si, difficile de donner le change quand le cœur n’y est plus. Heureusement pour toi, Élise, Hel, Maurice sont autant de distractions qui te permettent de penser à autre chose. La gamine d’ailleurs lorgne sur ce lit que tu partageais avec ton frère et même si tu finiras par lui céder un jour ou l’autre, tu préserves encore le mince espoir de le voir franchir la porte ivre, son regard triste, sa main dans ses cheveux et ses propos incohérents mais tellement touchants. Tu te surprends encore à rêver de lui, à ré-imaginer ses caresses et ses baisers. Tu te demandes où il est, ce qu’il fait, avec qui et cette question te fait presque plus de mal que tout le reste. Au fond de toi tu sais que c’est l’ordre normal des choses et que tu ne devrais pas exiger de lui de te courir après ad vitam æternam. Égoïste tu l’as toujours été et ce vice là n’est pas près de te quitter.

Et tandis que tu t'évertues chaque jour à ne pas lui écrire, luttant contre tes démons pour ne pas céder, pour lui offrir une meilleure vie, une vie sans toi, tu reçois la lettre qui va anéantir tes volontés. Tu sais qui l'a écrite, tu sais aussi qu'elle ne t'est pas vraiment adressée, mais qu'elle est là pour cette partie de Louis-Marie qu'il a abandonné avec toi. Ce morceau de palpitant chaud, vibrant, que tu aimes tant à troubler ou à faire battre d'une pulsions plus vive. Tu ne pensais pas l'avoir arraché à la poitrine de ton frère, tu n'imaginais pas que de son côté, il était aussi vide que toi. Bien sûr, tu n'as pensé qu'à toi, tu as cru qu'il irait bien et tu as oublié toutes les fois où il a pu te dire qu'il ne pourrait se passer de toi. Tu as préféré te raccrocher à celles où il a laissé échapper par colère des mots bien plus durs que tu sais pourtant ne pas être vrais. Car tu le connais, n'est-ce pas Gysèle ? Tu sais ce dont vous êtes capable dans cette famille pour blesser l'autre sans que rien ne soit pensé sincèrement. Tu sais qu'il peut te faire ce que tu lui fais aussi. Cette lettre vient te donner l'effet de deux claques, à l'image de celles qu'il a déjà pu te mettre. La première te surprend, tu découvres d'un œil ahuri ses propos incohérents pour tout autre que toi. Puis vint la seconde, celle-là brûle, picote les yeux et réveille une pulsion plus profonde.

Alors, lors d'une soirée trop alcoolisée, l'une de ces soirées où tu as forcé sur la boisson pour te donner plus de contenance face aux gens, tu as pris la plume offerte par Don pour n'écrire que de jolies choses. Telle était la condition et force est de constater que tu ne t'y es pas tenue. Cette fois pourtant, tu ne veux délier que de beaux mots, retirant toute la colère qui a pu te ronger les jours qui ont suivi la dispute. Tu ignores la dernière lettre d'Evroult qui traîne sur un coin de ta table, tu n'as plus envie de lui écrire. Lui, ne mérite pas ton intérêt, Louis-Marie, en revanche doit savoir. Ce soir ce n'est que du regret, du chagrin et beaucoup d'amour qui transpercent la lettre qui sera envoyée à ton cadet.


Citation:
Amour,
Je t'ai déjà tant perdu et retrouvé que je ne parviens plus à faire le compte.
Je t'ai repoussé dès que j'en ai eu l'occasion et pourtant, je réalise que je ne peux vivre sans toi.
Amour,
Reviens. Reviens réchauffer mes nuits, réchauffer mes jours, réchauffer mes draps.
Il suffit que tu disparaisses pour que je vois ce que j'ai perdu.
Amour,
Tu as emporté avec toi mes joies, mes envies, mes rires.
Ramène-les moi, sans toi je ne suis plus moi.

Tu me manques, tu manques à ma vie, tu manques à mes nuits.
Louis-Marie s'il te plaît, déchire mon dernier courrier, je suis incapable de faire ce que j'ai dit.
Pas après la lettre que tu m'as écrite. Pas en sachant ta peine et ta douleur.

Amour, reviens, j'ai froid sans toi.

Gysèle.

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Louis_marie
La colère ? La rancoeur ? La soif de lui faire mal, encore ? Nous ne te savions pas si cruel. Alors quoi ? La douleur ? L'excédant de désir insatisfait à évacuer ? Pire, la résignation face à l'échec ? Peu importe. Quand bien même rien de tout cela ne te motiverait, ça ne changera rien au fait que vos retrouvailles auront, à coup sûr, l'allure d'une vengeance. Puisque retrouvailles il y aura, évidemment. La fuite a assez duré. La souffrance est devenue beaucoup trop insoutenable, et elle a eu raison de ton entêtement. Et pourtant, tu n'es plus seul, LM. Tu t'es trouvé une très agréable compagnie, celle d'une brune qui fait son retour dans ta vie, et bientôt dans ton lit. C'est, du moins, ce dont tu es persuadé, toi si habitué à t'imaginer vainqueur d'une bataille qui vient à peine de commencer.

Sauf qu'il y a cette lettre, que tu emmènes partout avec toi, et que tu lis dès que l'on t'accorde une minute, la découvrant à chaque fois comme si c'était la première fois. Tu en connais parfaitement chaque phrase, maintenant. Et lorsque ton regard se lasse de lire et de relire, c'est ta main qui passe et repasse sur les courbes dessinées par ta soeur. Tu t'es même surpris, une fois ou deux, à porter le parchemin à ton visage. Comme si tu espérais qu'avec ce courrier, elle ait pu t'envoyer son odeur. Qu'elle ait pu s'envoyer, elle. Pour toi.

Le regard vert, sobre - si tant est qu'il puisse un jour être complètement sobre - se pose sur la silhouette féminine qui, allongée près du feu, semble profiter d'un sommeil paisible. Et elle ne devrait pas être si sereine. Car, vélin sur les genoux et plume entre les doigts, celui qui doit jouer l'amoureux, et qui ne parvient qu'à esquisser de brefs et rares sourires hypocrites, s'arrache bien trop rapidement à son observation, pour ne penser qu'à la silhouette bien plus familière et bien plus interdite d'une jolie rousse. Faut-il lui dire, à elle, que, terriblement seul, tu ne l'es pourtant plus ? Non. Certainement pas. Malgré ta fierté blessée, malgré la désagréable impression de retourner ramper aux pieds de celle qui est parvenue à te détruire - un peu -, malgré tout, tu ne veux pas la faire souffrir. Pas après la joie d'avoir vu qu'elle tenait encore un peu à toi. Pas après le singulier sourire qui est venu briser la mine boudeuse que tu traînes depuis des jours. Pas après ce sentiment de jouissance très malsaine quoique très humaine, lorsqu'enfin tu as compris qu'elle aussi, elle était malheureuse.

Si tu as donc décidé de partir la retrouver, tu es décidé, enfant naïf, à changer. Tout ça n'était qu'une erreur, qu'il s'agit de corriger. Ç'en est fini des blessures. Ç'en est fini de la fureur, de la jalousie et de la passion. Tu dois taire cette envie qu'elle soit à toi, toujours. Tu dois arrêter de ne penser qu'à elle. Résolu à éviter l'inévitable, tu crois pouvoir y arriver. Et, pour un pas en avant fait il y a quelques jours, c'est dix en arrière que tu fais aujourd'hui.


Citation:
Gysèle, soeur chère à mon coeur,

Je serai à Limoges, dans cinq jours. J'ai besoin de te retrouver. Je t'avais dit que je ne parviendrai pas à vivre sans toi, et, comme souvent, j'avais raison. Je n'y parviens pas. Evroult n'avait pas le droit de nous séparer. C'est trop con.
Alors viendrai réchauffer tes jours. Mais pas tes nuits. Il faut mettre fin à ce massacre. À quoi cela nous a-t-il conduit ? Nous nous sommes frappés, nous nous sommes insultés, nous nous sommes détestés. Ces dernières semaines, j'ai failli à tous mes devoirs de frère, mais ça ne sera plus le cas. Mon rôle est de te protéger, alors je te protégerai, je ne t'approcherai plus de trop près, et je ne te blesserai plus. Parce que je suis ton frère, et que tu es ma soeur.
Lorsque nous nous reverrons, tu seras ma soeur, et je serai ton frère.

Tu me manques.
Fais attention à toi.

LM

P.S. : J'ai retrouvé Juliane.

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Gysele
Qu'as-tu fait Gysèle ? Tu as tout fracassé. Arrivée à Limoges avec une Elise emprisonnée que tu as aidé à s'allonger confortablement pour qu'elle prenne un peu de repos malgré ses insomnies, toi, tu as lu le courrier qu'on t'avait déposé sur le guéridon. Si d'abord tu peines à saisir tous les mots, c'est parce que tu ne t'attendais pas à ça. Tu imaginais un autre retour à ce que tu as bien voulu céder par ta plume et la nausée te monte en découvrant la réponse de Louis-Marie. Pire, il te fait si mal par quelques phrases innocentes et irréprochables, que ça te bouleverse et créé une réaction assez virulente. Car qui pourrait voir du mal dans son courrier ? Tu pourrais le faire lire par Elise ou Pierre qu'ils ne comprendraient pas ta réaction. Mais c'est ce Post Scriptum qui déclenche ton hystérie. Juliane est revenue dans la vie de ton frère et tu sais très bien ce qu'il sous-entend par là. Tu connais les sentiments qu'il avait - ou a peut-être toujours- pour elle et tu sais aussi que ton cadet n'a pas placé ça par hasard.

Vicieux Louis-Marie, ta vengeance est belle. Ainsi tu prends ta revanche sur les jumeaux, sur tous les amants qu'a pu avoir ta soeur, car plus qu'une amante, Juliane est un amour et ça, Gysèle, ça te dévore de l'intérieur. Le fauteuil vole, le guéridon valdingue et tu déchires les oreillers laissant voler les plumes d'oie sous les yeux d'une Elise peut-être un peu effrayée. Tu ne te maîtrises plus, tu as besoin de détruire quelques chose et bientôt ce sont tes couteaux qui volent furieusement pour se planter dans le battant de la porte. Tu pousses un cri de rage O combien libérateur et quand essoufflée tu retombes mollement sur un bout de paillasse, tu récupères le vélin de ton frère et tu viens directement raturer ce qui ne te plait pas. Autant dire les deux tiers de son courrier puis, férocement, son P.S. rayé à plusieurs reprises, avant que tu n'écrives au verso :


Citation:
Cher Louis-Marie, cher frère,

J'accuse réception de ton courrier. Tu trouveras ma correction au dos, je te trouve bien trop ambitieux.
J'ai hâte de te revoir, tu me manques aussi.
Ici les choses bougent et Elise a quelques ennuis.

Les P.S. inutiles et futiles sont à bannir, si tu veux mon avis.

On se voit très vite, frérot.

Ta grande soeur chérie.

P.S. : C'est toi que je veux retrouver.

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Evroult
      La veille, quelques aveux tranquilles gorgés d'une franchise qu'on ne leur connaissait pas avaient mis en lumière le lien, redoutable & nuisible, qui unissait sa sœur à sa tendre norvégienne. Elles se disaient amies. Et si Evroult alors peinait à bien se faire voir des yeux de sa favorite, la faute était forcément à rejeter sur son sang.

    Ah qu’elles étaient belles, les coïncidences. Mauvaises herbes grimpant sur le crépi neuf, fleurs sauvages poussant là où le sel avait tout rendu stérile. Les larmes & les cris n’adouciraient rien, la rage & les coups ne ralentiraient rien. Destinée impitoyable, qu’un sang catin abreuve tes sillons.

    Ah qu’elles étaient tranquilles, les coïncidences. Pas même un chuchotis, un clapotis dans l’eau, une promesse de retour ou une rumeur docile. Non, rien ! rien de rien, ils ne regretteraient rien si ce n’est leurs mauvais choix, leur haine entretenue, leur amour incohérent.

    Ah qu’elles étaient violentes, les coïncidences. Limoges comme réceptacle à une portée foireuse, chatons aux pattounes affutées, prêts à s’entretuer pour ne pas s’avouer combien ils se peinaient.

    Citation:
    Ainsi j’apprends que tu rôdes autour de mes biens dès lors que je tourne le dos. Ainsi, j’entends que tu te fais amie auprès du seul être qui t’est interdit. Ainsi, je comprends que tu t’insinues, vipère, dans les esprits sensibles pour me faire passer pour fourbe & inhumain.

    Ah, tu croyais m’échapper ! tes bassesses ne sont pas à la hauteur de celles que je te réserve encore. Enfin, je ne t’apprends rien. Tu connais sans doute mieux mes travers que ce que tu n'oses croire.

    Après tout, nous avons le même sang.

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Gysele
Qui croyait-il berner avec sa lettre ? Evroult semble devenir fou, rattrapé par quelques démons que tu ne peux maîtriser. Ton problème à toi Gysèle, c'est que ses démons, sont en train de planer dangereusement sur ta propre vie. Tu sens qu'il fait sauter petit à petit des détails de ton quotidien qui deviennent des montagnes dès lors qu'il met le doigt dessus. Comme cette relation avec Hel, somme toute banale, si ce n'est les quelques taquineries que vous pouvez vous envoyer. Oui, tu l'apprécies, vous partagez elle et toi bien plus que vous ne l'imaginez, mais avant tout, vous vous tenez compagnie et ton benjamin se monte le bourrichon pour rien. Mais ça se saurait si Evroult était facile à convaincre, de plus, tu le détestes si profondément que ça t'arrange bien qu'il te croit aussi vicieuse qu'il le décrit dans son courrier. Là, au moins, tu as de quoi faire peser si ce n'est une menace, au moins un petit avantage dans ta balance. Et tu ne serais pas Ponthieu si tu ne te décidais pas à en user.

Citation:
N'es-tu pas fatigué de grogner à tout va comme un clébard fou ?
Garde donc ta rage et viens-donc me la donner en face, si tu retrouves un jour ton courage. Montre-moi de quoi tu es capable, toutou. On verra qui de la vipère ou du cabot remportera cette partie.

"Allons, mon frère, ne fais pas l’enfant. En famille, l’amour, ça se partage. " Tu vois, je n'oublis pas ce que tu as écrit à Louis-Marie. J'ai même adoré mettre en application ce conseil. Allez, va, tente encore de prendre ce qui t'est insaisissable.

Sang pour Sang.

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