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[RPOuvert] Même pas mal mais quand même Ouille Ouille Ouille

Xandrya




Fin du tournoi les menant jusqu'aux portes des enfers.



    Fribourg...
    Terme d'un tournoi ayant vu s'affronter moultes combattants, du plus noble au plus vil, hommes, femmes, enfants, tout confondu... dans l'ordre et le chaos, dans l'envie d'en découdre et de jouer des poings.
    Mais les affres de cet évènement s'effaçaient déjà doucement de la ville, les voyageurs reprenant petit à petit leur route vers leurs demeures après avoir fait soigner leurs blessures et repris des forces.
    Certains s'attardaient volontairement mais le calme était revenu dans la capitale helvète, un retour aux habitudes et aux guerres intestines Fatum/Suisse reprenaient leur cours.

    Au dispensaire, les infirmières pouvaient faire relâche, la surveillance et les soins des corps inertes, et plongés dans l'inconscience depuis bientôt une semaine, d'un duo de combattants malchanceux ayant été confiés aux novices.
    C'est ici au sein d'un lieu où la science se mêlait à l'église que ce qui ressemblait plus à un assemblement de chairs meurtries et de membres molestés qu'à une rousse carcassonnaise gisait sur une paillasse depuis plusieurs jours à coté de son compagnon d'infortune.
    Les soins se succédaient sans que le réveil ne se fasse, les jeunes soeurs se demandant même si le créateur les laisserait revenir des limbes où devait probablement errer leurs âmes depuis tout ce temps.

    Dans les limbes de l'entre-monde... Entre ici et là-bas... Morte ou vive...
    Cet endroit d'où l'incendiaire n'avait plus prise sur sa vie... son destin... son corps... ses pensées...
    Tout juste apercevoir ce qui se passait d'un coté... se sentir happée par l'autre...
    Le monde des vivants et celui des morts se bataillaient le corps et l'âme de Xandrya, la lutte ne serait pas simple.
    Déjà par le passé, le Sans-Nom n'avait pas été d'accord avec son opposé et lui avait refusé la mort de la flamboyante, lui offrant ainsi le surnom de phénix renaissant de ses cendres... ou plutôt survivante d'un brasier...

    Pour le moment l'issue du duel semblait encore incertaine, qui l'emporterait ?
    Souvent l'incendiaire répétait "qui vivra verra, advienne que pourra", quel adage se pouvait être plus adapté sur l'instant ?..



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      "Dans les limbes de l'entre-monde... Entre ici et là-bas... Morte ou vive..."
Vasco.
Visconti. Velasco Visconti alias Vasco. C’était le nom de la créature dont le corps gisait là, dans cette grande salle commune sombre en compagnie de vieillards impotents, de souffreteux défigurés par la maladie, d’un concert de quintes de toux. Ici s’entassaient tous ceux qui nécessitaient que l’on prenne soin d’eux parce qu’ils ne pouvaient le faire seul, petits comme grands, femme comme homme, indifféremment. On leur avait dit que le tournoi Lémanique était une compétition qui se voulait amicale mais virile, que les accidents étaient rares mais que le risque zéro n’existait pas. Xandrya et Velasco étaient devenus la rareté du tournoi de l’an 1466. Rare..et chair, un tas de chair autant l’un que l’autre, et rien d’autre.

Velasco n’aimait pas l’Empire et l’Empire n’aimait pas Velasco, C’était un juste retour des choses. Deux fois, il avait mis les pieds dans ce coin d’Europe, deux fois il s’était retrouvé à l’agonie, se raccrochant à la vie par les dernières branches d’un végétal qui ployait sous son poids. Cela faisait plusieurs jours qu’il gisait sur cette paillasse. Le coeur battait encore, faiblement. Les yeux, eux, n’avaient pas encore eu la force de se rouvrir. La tête était entourée de larges bandes de lin. Le sang ne coulait plus sous les pansements. Les soeurs en charge du corps du sicilien avaient même discuté de son sort entre elles. N’eut été de la réserve morale que le service du Très-Haut (ou de Déos car il se disait que certaines ici adhérait à la Réforme) requérait, elles seraient déjà parties dans la prise de paris pour savoir si le sicilien s’en sortirait ou s’il passerait de vie à trépas. Certaines avaient même cru qu’il ne passerait pas la première nuit. Celles-là furent finalement heureuses de ne pas avoir avoir parié.

Parmi toutes les filles du Très-Haut qui prenaient soin de lui, il y avait Soeur Hélène. A chaque fois qu’elle venait prendre son travail au dispensaire, elle venait au chevet du brun. Elle posait sa main sur son bras, prenait son poul, le regardait avec ses yeux remplis de l’innocence de l’enfance. Elle était la plus jeune novice du dispensaire et de facto la moins expérimentée aussi. Pourtant, cela faisait déjà deux ans qu’elle avait rejoint le petit groupe de cornettes dédiées aux soins des suisses du canton fribourgeois. La fille subissait fréquemment les railleries de ses semblables à cause de son manque d’expérience et de connaissance. Pourtant, ce qu’elle apprenait, elle le retenait. Ce qu’elle faisait, elle le faisait bien. La différence n’aidait sans doute pas à l’intégration. Il en est ainsi dans toute la Création: la Nature, y compris celle des hommes, a pour habitude de rejeter ce qui ne lui ressemble pas. Elle aime amalgamer, construire le futur à son image, ramener les brebis égarées vers le droit chemin plutôt que de comprendre pourquoi elles veulent prendre une route différente.

Hélène ne parlait pas. Non, ce n’était pas pour respecter un quelconque voeu de silence. Hélène n’avait jamais parlé. A sa naissance, les sages-femmes avaient annoncé à son père que le Très-Haut avait rejeté cet enfant sans doute marqué du sceau du Sans-Nom, qu’il ne vivrait pas. Quelques instants plus tard, sa mère la tenait serrée contre sa poitrine, épuisée par cet enfantement difficile. Elle ne s’était même pas rendu compte que son bébé n’avait pas pleuré. Les yeux clos, les poings fermés, recroquevillés, agrippée comme elle le pouvait à sa mère, ses lèvres remuaient cherchant le sein maternel pour s’y abreuver.

Ce jour-là encore, elle était passée tôt le matin à son chevet en arrivant au dispensaire. Elle avait pris soin de ses malades comme sa mère supérieure le lui avait demandé. Et même si elle n’avait été affecté ni au cas de Visconti ni à celui de Xandrya qui avait été installé sur la paillasse voisine, elle était là le soir à s’assurer qu’il y avait encore un souffle dans ce corps, à prier Aristote pour qu’il prenne soin de ce brun dont elle ne savait rien, à lui humecter les lèvres pour éviter qu’elles ne s’assèchent, à voir ce corps perdre du volume au fur et à mesure des jours qui passaient dans l’inconscience. En silence.

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Soeur Isabelle, Ordre des, incarné par Xandrya



    Sœur Isabelle, faisait parti de l'ordre des Clarisses depuis quelques années déjà et se concentrait sur ses tâches du haut de ses seize ans et de sa fraicheur, avec toute la ferveur qu'elle vouait au Très-Haut et ses compétences naturelles l'avait vu dirigée vers le soin des malades.
    C'est ainsi que depuis plusieurs jours, elle s'était vu confiée la charge des combattants du tournoi, des ecckymoses, des entailles, des os fracturés ou déboités, des nez cassés... mais dans l'ensemble plutôt du petit et du gros bobo gérable avec ses sœurs.
    Le nombre de nonnes avait d'ailleurs été réduit depuis une bonne semaine, ne restait que les souffreteux plus atteints par l'épidémie qui avait frappé Fribourg avec l'afflux de participants, vomissements, toux, douleur irradiant les corps, pain quotidien des novices à qui on repassait souvent les sales besognes.

    Restait cependant le couple qui avait été ramené de Morat à l'arrière d'une chariote, sale état, mort pour ainsi dire, il fallait franchement vouloir reconnaître quelque chose d'humain sous l'amalgame de boue et de sang qui recouvrait l'homme et la femme qu'on leur avait amené.
    Lui avait été attribué clairement la charge de la femme rousse, dont les premiers soins avaient déjà apportés son lot de surprise pour Sœur Isabelle, elle avait entendu parler de ce genre de femme mais lorsque ses vêtements furent découpés et sa peau nettoyée, l'étonnement de Sœur Isabelle resta entier, comment pouvait-on mutiler son corps de cette façon lui restait incompréhensible.
    Les stigmates sur le corps de la femme rousse, sans prendre en compte ces dessins qui couvraient sa peau, étaient légions, anciennes pour certaines auxquelles s'ajoutaient celles qu'il lui faudrait soigner, comment sans armes les combattants avaient-ils pu terminés dans un tel délabrement restait un mystère.
    Sans doute acte du Sans-Nom.

    Le corps dénudé étendu sous un linge blanc restait désespérément inerte depuis près de deux semaines maintenant, chaque matin la jeune cordelière craignait de trouver le corps sans vie de la pauvresse, qui ne continuait de lutter qu'à l'aide d'un gavage au gruau d'avoine et de lait pour donner une chance à la gisante.
    Au fil des jours, le drap, changé chaque matin, était un peu moins taché de carmin, son compagnon d'infortune n'étant pas dans un état enviable non plus, et veillé avec assiduité par Sœur Hélène sans que quiconque ne sache pourquoi, et sans que personne ne l'importune à le demander, il est des âmes errantes que l'on souhaite prendre sous son aile, sans avoir besoin d'une raison.

    Tout comme Sœur Isabelle l'avait fait avec cette étrange femme rousse dont elle espérait voir le réveil, l'ayant protégée à sa façon d'un pansement sur la nuque afin de dissimuler le symbole hérétique qui s'y trouvait, pour que le Très-Haut ne lui refuse son assistance dans sa lutte pour survivre.
    Geste entendu ou non, alors que personne ne lui aurait laissé plus de quelques jours de survie, la moribonde était toujours de ce monde, inconsciente mais ses plaies cicatrisant, plus ou moins bien selon les endroits, mais bel et bien vivante, ne lui restait plus qu'à sortir des profondeurs où elle se trouvait.
Vasco.
Le château de Chambéry se découpait devant les rayons blafards de la lune. Passant d’ombre en ombre, le Visconti se faufila dans un taudis de Morat. Juste devant lui la Flamboyante, toujours devant, ouvrait le chemin. Soudain, ses prunelles perçurent un éclair, ses esgourdes un bruit de métal qui frotte contre du métal. La douleur vint ensuite. Le vide s’installa autour de lui puis ce fut un retour à la case départ : toujours et encore le même château de Chambéry, la même forme occultant partiellement la lune grosse et les mêmes ruelles de Morat. Visconti était coincé dans ce voyage spatio-temporel reliant deux lieux séparés de plusieurs lieues, deux évènements ayant eu lieu à plus de trois ans d’intervalle. Et toujours la même douleur, la même obscurité, le froid d’une lame qui transperce les chairs de part en part et qui vous laisse sans vie dans la boue, les yeux ouverts mais aveugles.

Soeur Hélène était passée au chevet du Visconti. Ce fut le premier malade qu’elle visita ce matin-là à sa prise de fonction, comme à chaque matin d’ailleurs. Elle était restée là immobile, au pied de l’ex-brigand. Elle lui avait pris le poul, avait humecté ses lèvres avec un peu d’eau et silencieuse comme à son habitude, elle l’avait observé quelques instants. Comme à chacune de ses visites, elle avait tourné le regard vers la femme qui gisait non loin de là. Elle aussi, elle l’avait scruté, plusieurs fois. Elle cherchait un détail, un indice qui lui permettrait de faire un lien. Une rousse… Il y avait bien une rousse avec lui cette fois-là. Une rousse comme elle. Le temps avait passé, ses souvenirs étaient devenus imprécis, certains détails avait disparu. Celle que les autres soeurs appelaient Xandrya ne lui disait rien.

Ce matin-là, elle était revenue plusieurs années en arrière, au début de la guerre en Franche-Comté. Il se disait que Genève était aux mains de l’Empire. On prétendait que Monseigneur Aristokolès avait fait preuve d’un génie inspiré du Très-Haut pour prendre la ville orgueilleuse, Genève la fière réformée, le phare de la contestation religieuse. Ce soir-là pourtant, le goût de la victoire n’était pas sur les lèvres des habitants de Poligny. Ceux dont le corps martyrisé gisait dans le boue ne souriait plus, les autres se cachaient effrayés. Certains tentaient sans doute encore de résister. En vain. La ville venait de tomber sous le joug de la Spiritu Sanguis, cette bande de brigands dirigée par la famille Corleone. Ce soir-là, un grand-père avait été tué. Il gisait aux pieds de sa petite fille tremblante de peur. Elle n’avait pas mangé de la journée. Elle mourrait de faim mais cela était secondaire. Ses pleurs l’avait surpris, lui, celui qui gisait inconscient sur cette paillasse. Il avait failli la frapper, mettre fin à sa vie et à la place, il lui avait donné une pomme. Pendant toute l’occupation de Poligny par la Spiritu Sanguis, il avait pris soin d’elle. Il l’avait protégé des assaillants comme des villageois. Il avait mis le corps de son grand-père à l’église, tué lors de l’assaut parce qu’il cherchait à protéger sa petite fille. Ce soir-là, une haine était née en elle. Elle s’était promise de venger cette mort quand elle serait en âge de le faire. Elle n’avait pas oublié.

Même si elle ne parlait pas, elle avait établi des liens avec le Visconti. Lui parlait. Un soir, une rousse les avait surpris elle et lui. C’était une des leurs, une de la Spiritu Sanguis. Elle avait mis le sicilien en garde, lui disant qu’il parlait trop. Jamais elle n’avait compris pourquoi le sicilien faisait état de faits qu’elle ne pouvait comprendre. Peut-être était-ce parce qu’elle était muette justement? La croyait-il sourde? Il lui avait dit que Poligny ne serait jamais repris par les forces franc-comtoises, que celles-ci se foutaient du sort de la ville. Sans doute avait-il raison. Il lui avait décrit sa haine de la noblesse et son amour pour les catins de Syracuse, des sujets dont une petite fille de dix ans se foutait complètement. Il discourait pour deux. Peut-être pour mettre un fond sonore à leurs rencontres?

Soeur Hélène détourna son visage vers la rousse. Elle non plus n’avait pas encore ouvert les yeux. Pas en sa présence tout au moins. Qui était-elle? Celle qui ce soir-là avait mis Velasco Visconti en garde contre le fait qu’il parlait trop? Au delà des blessures, de ce corps meurtri, elle tentait de se remémorer. Elle doutait. Avait-elle été présente à Poligny ce soir-là? Avait-elle fait partie de cette bande de brigands, d’assassins, de spadassins qui n’avaient laissé aucune chance à ce village tranquille, qui avaient pris ce qu’ils voulaient, quand ils le voulaient, qui avaient tué, pillé, violé.

Elle avait payé son dû au sicilien. Le hasard avait voulu que le Très-Haut mette le marin une deuxième fois au travers de sa route. Cette fois, c’était lui qui avait eu besoin d’elle, lui qui était mourant. Quelque part au sud de la route menant de Chambéry en Provence, il gisait sans force. La petite troupe de gamins errants dont elle faisait partie l’avait trouvé. Un jouet ou une source de richesse. Ces enfants venaient de partout. Ils avaient fui la guerre qui opposait les cantons helvétiques et leurs alliés à l’Empire. Ils venaient de plusieurs villages où la Spiritu Sanguis avait semé la mort et la désolation. Qu’est-ce qu’un des leurs faisait là, au sud, seul? Ils n’en n’avaient cure. Il était là et il ne représentait plus une menace. C’est elle qui les avait convaincu. Mordeur voulait le tuer, Titilleur voulait jouer avec lui. Nobliaud l’aurait roué de coup jusqu’à ce qu’il crève. Au point où il en était, ça n’aurait pas duré longtemps. Elle avait payé la dette de Poligny ce jour-là. A son tour, elle lui avait sauvé la vie.

Soeur Hélène se leva. Ce n’était pas encore pour aujourd’hui qu’elle verrait ses yeux s’ouvrir. Avant de quitter la pièce, elle fit un bref détour vers la couche de Xandrya. La rousse l’intriguait toujours et encore. Il fallait qu’elle trouve réponse à cette question lancinante: était-elle à Poligny lorsque la Spiritu Sanguis ont pris la ville et ont proposé de la rendre en échange du général Sarana? Il lui fallait une réponse sure et définitive. Oui, il fallait que sa conviction soit sans faille.

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Xandrya


    Des anges déchus à mes pieds
    Les voix murmurées à mes oreilles
    La mort devant mes yeux
    Étendue près de moi, j'ai peur
    Elle me fait signe, dois-je lui succomber ?
    Ma fin approche devrais-je commencer
    A abandonner ma chute pour m'élever
    Afin de trouver le repos (ou la fin).

    (Whisper - Evanescence)



    Qui était-elle ? D'où venait-elle ? Où allait-elle ? Dans quel état elle errait ?
    Suspendue, en flottaison, dans les limbes ? En instance de quoi ? De qui ?

    Une flamme en perdition... tiraillée entre vie et mort, entre envie de se battre pour agripper le temps qu'on voudrait lui donner et facilité de se laisser couler vers cette mort qui l'appelait de ses voeux encore une fois.
    Ame flottante cherchant sa place entre corps astral entre deux mondes et celui étendu sur cette couche insipide où telles des mouches les soeurs venaient panser ses plaies.
    Tant était parti avant elle, tant l'attendait peut-être de l'autre coté...
    Une voix s'éleva la sortant de la douce léthargie de l'onde des limbes, était-ce seulement possible...

    ...Il n'est pas temps...
    ...Tu dois repartir...
    ...Ma flamboyante...


    Douce mélopée à ses oreilles, la chaleur d'une blessure profonde s'animant soudainement alors que le visage au regard de jade, nimbé de cette longue chevelure sombre tenue d'un bandeau, sortait des volutes cotonneuses de cet espace intemporel.
    Etait-il possible qu'un coeur cesse de battre au sein même des limbes ? La main qui venait de saisir celle de Xandrya avait eu ce pouvoir, les azurés de la flamboyante se fermant en simultané de ces doigts entre les siens.
    Etait-il pire torture que de retrouver celui qu'elle avait tant aimé et l'entendre lui dire qu'elle devait de nouveau le quitter.

    Seam...
    ...Non...
    ...Il t'attend...


    Chaleur d'une caresse sur le derme de sa joue, d'un baiser effleuré d'outre-tombe et déjà le moment de grâce s'était envolé, les brûlures du passé se ravivant et le coeur en souffrance se mettant à battre à en rendre l'audition à un sourd.

    Qui était-elle ? Une flamme ravivée... D'où venait-elle ? Des limbes... Où allait-elle ? Rejoindre les vivants... Dans quel état elle errait ? Entre ici et là-bas

    Infime, signe du combat qui se jouait dans le corps de Xandrya, les doigts se replièrent sur eux-même sous le drap blanc du dispensaire, se serrant en deux poings prêts pour continuer ce duel et tenter de défier cette fois encore la mort.


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      "Dans les limbes de l'entre-monde... Entre ici et là-bas... Morte ou vive..."
Vasco.
Cela remontait à 3 ans. La bande de gamins errants dont elle avait fait partie avait été cueillie dans une opération commune des forces de maréchaussée de Savoie et de Provence suite à de nombreuses plaintes pour rapines déposées par les quelques pécores qui habitaient le long de la route de la mort. Oh cela avait été bien simple. Un appât, un charriot rempli de victuailles seul sur un chemin. La naïveté enfantine des gamins-soldats trop jeune pour avoir l’expérience de tels guet-apens avait fait le reste. Seuls deux ou trois réchappèrent à la nasse qui se referma sur eux. La petite muette ne fut pas du groupe des chanceux mais un petit miracle survint à cette occasion: un mot. Elle prononça un mot et celui-ci fut « Chiabrena! ». Hasard ou effet de mimétisme? Seul Déos avait la réponse à cette question.

Cette nuit-là, au bivouac de provençaux, ça buvait, ça chantait, ça braillait. De l’autre côté, à environ deux lieues vers le nord, la même scène se répétait avec moins d’intensité cependant. Les soldats fêtaient une prime qui, pour une fois, avait été aisément gagnée. Mordeur avait été séparé de Titilleur. Nobliaud se trouvait avec la petit muette dont les lèvres étaient plus que jamais soudées. Ce fut vers la Savoie que ces deux-là voguèrent, pris dans une galère causée par leur insouciance et par l’appel des estomacs. Et c’est au couvent qu’elle fut envoyée pour servir de souillon aux pieuses soeurs d’Aristote, congrégation dévouée aux soins des plus démunis. C’est là qu’elle y apprit à soigner. De souillon elle devint l’une des leur. Peut-être était-ce le fait qu’elle ne parlait qui lui valut ce privilège? la nature humaine étant ce qu’elle, les personnes muettes inspirent plus de confiance parce que l’on pense qu’elles ne peuvent révéler aisément nos secrets, ou même qu’elles ne les comprennent pas. De fait, la petite était douée. Soeur Gertrude avait eu de la compassion pour « celle qui était emmurée dans sa prison de silence ». Elle était aussi l’une des soeurs les plus connaissante de la congrégation. Jour après jour, elle emmena soeur Hélène avec elle, lui transmis son savoir-faire d’herboristerie. Son élève ne sachant pas lire, Gertrude laissa les livres de côté et ce fut par la pratique que le puits de science qu’était la soignante se mit à couler dans l’esprit d’Hélène. La pratique suivait toujours de près l’introduction théorique. A peine trois mois après le début de sa formation, la petite fut affectée au laboratoire dirigé par Gertrude. Là, elle y prépara les baumes, potions et autres fluides bénis qui guérissaient ou apaisaient les maux de leurs patients. Gertrude n’eut jamais à se plaindre de son élève: la petite ne commettait pas d’erreur. Elle arrivait même à surpasser son mentor en proposant certaines combinaisons audacieuses de plantes qui s’avéraient prometteuses. Pendant trois ans, elles formèrent un couple atypique mais ô combien brillant. Gertrude parlait, Hélène écoutait. L’élève proposait, le mentor donnait sa bénédiction après s’être émerveillé de l’imagination de sa protégée. Les années avaient passé et le savoir d’Hélène s’était développé au point que la mère supérieure voyait désormais en elle la digne successeur de la soeur vieillissante pour diriger le laboratoire de la congrégation.

Ce soir-là à Fribourg, Velasco Visconti avait ré-ouvert les yeux. Son visage était émacié, l’homme avait perdu plusieurs livres depuis le tournoi lémanique. Ce fut soeur Fanny qui vint apporter la bonne nouvelle à Hélène: son petit protégé venait de gagner le combat contre la mort. Dans la congrégation, l’affection que portait Hélène au brun basané avait fini par se faire remarquer. Personne n’était dupe. C’est évidemment dans le laboratoire que Fanny la trouva. La soeur jeta un regard de dégout vers les concoctions qui mijotaient sous la flamme. Fanny n’était point herboriste et n’avait aucun intérêt pour cette science: la confection des baumes et des potions la rebutait. Quand elle pansait un malade, elle ne voulait jamais penser à toutes les transformations qu’il avait fallu pour préparer tel ou tel fluide bienfaisant. Pour elle, les laborantines avaient bien du courage ou un grain de folie pour travailler ici. Une odeur nauséabonde vint heurter les papilles nasales de la soeur. Celle-ci porta la main à son visage pour se protéger au mieux contre ces agressions olfactives. Son message transmis, elle fut heureuse de quitter la pièce, un sourire au coin des lèvres en se demandant combien de temps Hélène mettrait à visiter son protégé. C’est que l’affaire était sérieuse: des paris informels avaient été pris entre les différentes soeurs de la congrégation. Des corvées étaient en jeu.

Hélène referma précautionneusement la fiole qu’elle avait en main, se retourna vers la petite table sur laquelle trônait un plateau comprenant une miche de pain, un peu de vin et une motte de beurre. Elle l’emporta avec elle et descendant l’escalier, elle se rendit dans la salle commune, là où malades et blessés étaient soignés. Elle s’approcha du Visconti et lui offrit un léger sourire. Celui-ci se tourna vers la soeur qui se présenta devant lui. Dans son accoutrement, il ne la reconnut pas. La douleur irradiait dans tout son corps et il eut de la difficulté à se tourner sur sa couche. Soeur Hélène dépose silencieusement le plateau dans le giron de son patient. Elle prit la fiole qu’elle avait glissé dans sa manche et en versa quelques gouttes dans le vin du sicilien.


- Xandrya. Pouvez-vous… me dire où est… Xandrya? Une… guerrière… aux cheveux… roux.

Il avait dû s’y reprendre à plusieurs fois avant de terminer sa phrase. Son souffle était encore court. La nonne ne lui répondit pas. Elle rompit le pain et lui présenta un morceau à la bouche. Tel un automate, il se laissa guider. Elle s’empara ensuite du godet de vin et le porta aux lèvres du VIsconti. Si celui-ci n’était pas particulièrement adepte des boissons alcoolisés, sa gorge asséchée ne se fit pas prier pour faire couler au fond de son gosier un liquide pour se désaltérer. Du coin de l’oeil, il aperçut une mèche de cheveux roux qui s’étalait sur une couche et il esquissa un sourire, le premier depuis plus de trois semaines.
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Soeur Isabelle, incarné par Xandrya



    Sœur Isabelle avait été ravi d'apprendre le réveil du compagnon d'infortune de la femme rousse dont elle avait la charge, le Tout Puissant avait semble t-il accepté d'entendre les prières qu'elle lui avait adressé pour cette âme errante.
    En effet, quelques jours plus tôt, la cordelière avait retrouvé la blessée les poings serrés, premier signe de réactivité de ce corps inerte, pour quelle raison ? Seul le Très Haut en avait la réponse, mais les signes semblaient encourageants, quelques petits éléments de ce genre avaient pu être annotés, une tête pivotée, un drap déplacé dans la nuit.
    Peu en somme mais quelque chose tout de même.

    Avec un regain d'espoir Soeur Isabelle avait pris soin de "gaver" la combattante comme on l'aurait fait d'une oie, allant parfois jusqu'à attendre un réflexe de haut le coeur du corps, espérant sans l'avouer qu'outre remplir son bol stomacale, cette sensation désagréable voire douloureuse la ferais s'éveiller, mais que nenni, juste un besoin de réaction rapide pour éviter l'étouffement de la malheureuse.
    Certaines pratiques de Soeur Isabelle pouvaient sembler barbare, mais en voyant l'état du sicilien à son réveil, fortement amaigri de n'avoir été pas gavé, le résultat sur sa malade la remplissait d'une fierté dont elle devrait se confesser.
    Certes la femme avait perdu du poids mais elle tiendrait debout lorsqu'elle reprendrait connaissance, dans la mesure où ses jambes seraient en capacité de se lever.

    C'est alors qu'elle était en phase d'inventaire des fioles, potions, bandages et autres onguents du dispensaire que Soeur Fanny vint la prévenir du réveil de sa protégée, la cordelière délaissant recensement matériel pour aller constater l'éveil par elle-même.
    Le chevet de la femme à la crinière rousse rejoint, c'est alors que Soeur Isabelle étira un sourire en découvrant pour la première fois le regard bleuté grandement ouvert sur ce monde.

    - Bon retour parmi nous mon enfant, vous avez failli nous faire attendre, voilà plusieurs jours que vous êtes veillée avec assiduité.

    Petit regard vers le brun compagnon ayant déjà repris ses esprits depuis quelques jours.

    - Et certains n'ont pas la patience que le Très Haut a offert à notre ordre.

Vasco.

Il avait été là à ses côtés quand elle avait ouvert les yeux. Après ce qu’ils avaient traversé, il ne pouvait que faire preuve d’un peu d’humour. Dans la vie, lorsqu’il vous arrive une grosse tuile, il faut toujours l’affronter avec une pointe de bonne humeur. Voir la vie en noir ne sert qu’à faire en sorte de ne pas s’en sortir. Oui, je sais, c’est plus facile à dire qu’à faire mais qui n’essayait rien n’avait rien. Vasco avait essayé et ça n’avait pas si mal fonctionné. Malgré la douleur, il avait même réussi à lui extirper un sourire. Léger certes mais comme le dit l’adage, c’est l’intention qui compte n’est-ce pas?

Les jours passaient et avec eux ses blessures. A son réveil, il avait été incapable de bouger la tête. Le cou était raide et douloureux. Tout mouvement lui extirpait un cri du douleur qu’il retenait à grand peine. Le visage émacié par des semaines sans nourriture (Soeur Hélène s’était d’ailleurs faite réprimander par soeur Isabelle pour ne pas avoir gaver le sicilien), le sicilien reprenait petit à petit ses traits d’avant-tournoi. Quand à la jambe, elle était toujours aussi raide. Le Visconti commençait même à se demander s’il retrouverait un jour toute sa mobilité. Pour l’aider à se déplacer, soeur Hélène lui avait prêté la canne du Père Simon, l’ancien prieur itinérant qui passait de village en village pour prendre soin des âmes pécheresses des villageois de la région.

Soeur Hélène. Le Visconti ne l’avait pas reconnu tout de suite. Il faut dire que la robe de moniale n’aidait guère à l’imaginer en petite fille dépenaillée pleurant la mort de son grand-père lors de l’assaut de leur ville. Pendant des jours, le sicilien se demanda pourquoi cette jeune fille ne lui parlait jamais alors que soeur Fanny faisait preuve d’une extravagance qui n’avait rien de monastique. Ce fut lorsqu’elle laissa échapper un sourire qu’il la reconnut, la petite fille de Poligny, la croqueuse de pommes. Deux fois, par deux fois, la petite lui était venue en aide. le sicilien commençait à se dire que son investissement lui rapportait gros: un simple pomme pour une vie doublement sauvée, c’était largement mieux que toutes les transactions commerciales qu’il avait réalisé dans le passé, y compris la vente de Sophia la rousse aux pachas de Constantinople. Ce n’est certes pas Xand qui lui dirait le contraire. Elle qui l’avait battu à plate coutures dans leur défi marchand lors du voyage en X, elle devait avoir de la difficulté à imaginer le brun réussir une vente digne d’intérêt.

Dans les jours qui suivirent le réveil de la rousse, le Visconti resta chaque nuit au chevet de son partenaire d’affaires. Chaque soir, elle le trouvait patiemment assis au pied de son lit, occupé à lui raconter les exploits de sa vie passée, que ce soit ses soit-disant prouesses maritimes ou les campagnes terrestres qui l’ont amené en Artois, en Franche-Comté, en Suisse et en Savoie. Elle devait en avoir plein les oreilles des exploits du Visconti la Flamboyante et elle ne devait avoir qu’une envie : le faire taire. Chaque matin, elle le retrouvait la tête penchée vers l’arrière, raide, appuyée contre le fauteuil. Et chaque matin, la légendaire soeur Fanny venait le houspiller de ne pas avoir rejoint sa couche pour reposer son cou endolori.

Durant les veillées, il ne voulait pas lâcher prise avant que Xandrya ne se soit endormie à son tour. Lorsqu’enfin il se décidait à se taire, son esprit était assailli par les images de Morat. Il ne comprenait toujours pas comment tout ceci était arrivé. Il se voyait en compagnie de Xand, accumulant les victoires, se dirigeant vers la victoire finale comme il le lui avait promis. Il n’était pas venu ici pour faire de la figuration. Il était venu pour gagner et c’est ce qu’ils étaient entrain de réaliser tous les deux lorsque c’est arrivé. Quoi? Qui? Comment? Où? Il n’avait pas de réponse à ces questions et ce n’est pas soeur Hélène qui le lui en apporterait: la moniale était bien plus occupée à s’assurer qu’il prenait repas et médication qu’à lui donner des nouvelles du monde extérieur.

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Xandrya


    J'ai eu un aller simple pour un endroit où tous les démons vont
    Où les vents ne tournent pas
    Et où rien au sol ne peut jamais grandir
    Pas d'espoir, juste des mensonges
    Et on vous apprend à pleurer dans votre oreiller
    Mais je survivrai
    Je respire toujours
    Je suis vivante

    (Alive- Sia)



    Chez les nonnes bordel, il avait fallu que ce soit des saletés de soeurs qui prennent soin de la flamboyante pendant qu'elle était ailleurs, dans un autre monde, un de ceux qu'on ne fait qu'imaginer tant que sa carcasse, son âme, bref un bout de soi n'y avait pas fait un passage plus ou moins long.
    C'est que les religieuses, l'église, tout ce qui s'y rapportait et la rouquine ça faisait un peu "deux", comme un vieux contentieux jamais réglé entre elle et le Très-Haut et qui ne risquait pas de l'être vu qu'elle n'avait aucune chance de rejoindre le paradis solaire.. c'était un fait avéré.
    Quelques jours déjà que les bleutés avaient repris contact avec la lumière de la réalité et que la rouquine avait pris conscience de son état et de celui du sicilien, les deux avaient sévèrement morflés.
    Le brun découvert à son réveil n'étant que l'ombre de lui-même tant il était amaigri, et pourtant malgré sa faiblesse visible, le sicilien se tenait là, à la veiller, à tenter de la faire sourire avec des répliques à la con du genre "Tu prends des mauvais habitudes. La prochaine fois, t’as intérêt à te réveiller avant moi. Tu sais bien que j’aime passer en deuxième pourtant"... Pari tenu, sourire avait été offert si léger avait-il été.
    Mais qu'en était-il des autres ? Et surtout de la gamine qu'elle avait embarqué depuis Carcassonne ? Velasco n'en savait rien et les frangines avaient pas l'air bien au courant non plus.
    Ne pas savoir ce qu'était devenu Anneline l'emmerdait profondément, mais en aucune façon l'incendiaire ne pouvait chercher l'information par elle-même, pas encore, mais sous peu, pour autant que la guérison poursuive son oeuvre, Xandrya se barrerait de ce dispensaire.

    Chaque jour voyait l'amélioration des stigmates laissées par les tournoyeurs zélés qui leur étaient tombés sur le poil, en même temps ça ne pouvait pas empirés en ne bougeant pas de la paillasse sur laquelle elle avait été cloué de longs jours, mais depuis son réveil, une seule obsession : SE CASSER D'ICI !!!
    Le sicilien connaissait les raisons de son aversion pour tout ce qui touchait la religion, mais la rouge savait aussi ce qu'elle devait aux nonnettes d'ici alors un peu d'eau dans son vin avait été mis au moins pour les frangines qui les avaient soignés. Obtue oui sans doute, mais pas complètement mauvaise non plus fallait pas déconner.

    **********


    En cette mi-avril, Soeur Isabelle avait enfin décidé de rendre frusques aux deux blessés sauf que... ce qu'on avait refilé à Xandrya ne correspondait pas franchement à ce qu'elle pouvait bien porter d'ordinaire, la couleur allait mais le reste... une jupe et une chemise, non mais sans rire ?

    Je pense que ça va pas le faire Isabelle

    Oui fallait s'y faire, les titres et la rouquine non pas moyen, et la soeur le lui rendait bien quand elle argumenta que c'était ça ou le drap faisant hausser le sourcil droit de la rouge dans un soupir, pour un peu elle aurait pu lui plaire la nonnette avec son petit caractère.
    Et pourtant...
    Le temps était venu de prendre ses clics et ses claques alors une jupe, elle s'en contenterait et trouverait bien un tanneur sur la route et sinon irait voir l'habituel une fois rendu en Languedoc, fort possible même qu'elle lui écrive pour passer commande d'ailleurs.
    Ce serait sans doute à l'étonnement du sicilien et de ceux qui la connaissaient mais quand la rouge quitta sa paillasse, la bourse qui lui avait été rendu fut laissée sur place... et oui, le geste était volontaire.
    Elle pouvait avoir des griefs contre celles qui l'avaient "élevée", ces soeurs là en revanche... sans dire que Xandrya leur devait la vie ce n'était pas loin de ça quand même alors... quelques écus au final c'était quoi ? Elle était vivante.

    Sans un merci le couple en mode boiteux sortait enfin de cet endroit, retrouvant l'air frais et les rues de Fribourg, le regard azuré de la rouge rencontrant son homologue sicilien.

    Va falloir voir ce qu'est devenue la gamine....

    La chose n'enchanterait surement pas le Visconti mais, si Anneline était encore dans le coin il leur fallait la retrouver pour s'assurer de ne pas repartir sans elle.

    Et aussi Nyx et Héméré...

    La veille de leur nuit funeste avait vu une discussion houleuse au sujet de leurs montures entre le sicilien et la rouge, il n'était plus d'actualité, comme faisant parti d'un autre temps, mais les retrouver par contre...



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      "Dans les limbes de l'entre-monde... Entre ici et là-bas... Morte ou vive..."
Vasco.

Encore un matin, un dernier, à arpenter le cloître de l’édifice religieux. Cela faisait quelques jours que le Visconti tournait en rond, rongeait son frein, piaffait d’impatience. Soeur Isabelle n’avait pas voulu leur donner congé: ni à elle, ni à lui. De toute façon, elle avait bien compris qu’ils ne partiraient pas l’un sans l’autre alors à quoi bon accabler l’un des deux précisément? Le bruit de la canne du sicilien résonnait dans ce couloir ouvert au vent, au soleil et à la fraicheur de cette journée de printemps. L’air frais lui faisait du bien. Rester à l’intérieur à entendre les plaintes, les toussotements et autres râles des souffreteux lui donner envie de frapper. Trop longtemps, cela faisait trop longtemps qu’il était ici. Il était temps de partir, de reprendre les activités qu’ils avaient prévues, de retourner à Carcassonne et d’entamer ce voyage en V qui promettait.

Là-bas, c’était Morat. Au delà de de l’horizon, à quelques lieues seulement, la ville-fantôme où se déroulait le tournoi Lémanique revenait le hanter. Le tournoi…Ils en avaient souvent parler avec Xandrya. Ils en avaient rêvé entre deux activités de fin de soirée. Ils s’étaient fait une joie d’y aller. Il avait adorer affronter les autres groupes, les traquer, les débusquer, les surprendre et les dépouiller. Les sensations revenaient. Des sensations enfouies au fond de lui pendant toutes ces années où il était resté terré pour éviter qu’Ina ne le fasse tuer. Vasco savait qu’en venant ici, il risquait d’y retrouver certaines connaissances et à moins que ses yeux ne l’avaient trahi, il pensait bien avoir croisé Arsène et Nizam entre autre. Peut-être d’autres aussi. Oui peut-être. Tout cela paraissait si loin maintenant. Reviendraien-ils l’année prochaine? Après tout ce qui venait de se passer? Après avoir failli y passer une fois? Ça non plus il ne pouvait le dire.

« Je marche seul mais vous, vous ne devriez pas le faire. Si votre jambe défaille et que vous tombiez sur le dos, il risque de se passer un long moment avant que quelque ne vous trouve ici ». La voix puissante qui grondait jusqu’à ses oreilles était celle de soeur Isabelle. La nonne le cherchait. Elle était venue lui annoncer que Xandrya était prête à partir et qu’elle lui donnait son congé à lui également. « A condition que vous fassiez preuve de grande prudence et que vous ne commettiez pas de folie avec cette jambe! » . Et comme pour mettre un argument de poids dans un balance, un geste que le Visconti pouvait prendre plus en considération que les recommandations d’une nonne, elle donna un coup de pied dans la canne du marin pour et déstabiliser et lui montrer la faiblesse de sa jambe.

Rouge. C’était la couleur qui se détachait dans la cour, celle de la chevelure de Xandrya, une couleur qui chez lui réveillait toujours des envies ancrées profondément dans son esprit, des bruits métalliques de pièces sonnantes et trébuchantes. Peut-être devrait-il reprendre son commerce? Trouver une rouge, un rubis parfait à revendre à ses contacts, faire un voyage en Orient? Pourtant au fond de lui, il savait que tout ceci faisait partie d’un passé révolu, qu’il n’y reviendrait plus. Côtoyer la mort de près vous fait réfléchir à bien des choses. Ouais. A bien des choses. Par deux fois maintenant, il avait failli rejoindre les flammes de l’enfer. Alors et si, au lieu de laisser la mélancolie s’emparer de lui, il se reprenait en mains? Et si le passé pouvait revivre de ses cendres? S’il pouvait vendre une rousse à nouveau? Peut-être. Oui, peut-être qu’il pourrait le faire une fois encore après tout…mais pas celle-là.

Les choses allaient reprendre leur cour normal. Ils repartiraient vers Carcassonne, passeraient quelques jours de repos là-bas et se remettrait en route. Cela lui fera du bien oui. Enfin…Les choses reprendraient-elles leur cour normal? Vraiment? Parce que là, son oeil était soudain attiré par un détail qui venait gratter la surface de son esprit, comme un petit quelque chose presque insignifiant mais suffisant pour amener le sourire aux lèvres. Le cour normal ça?


- Tu portes des jupes pour voyager toi? Ça n’est pas que je vais me plaindre de pouvoir mâter tes cuisses mais je trouve que le tournoi t’a changé Xand!

 « Si je t’avais pas Xand, je crois que je ne me serais jamais relevé ». Elle pouvait bien porter ce qu’elle voulait, avoir un caractère de chiure de mouches et même essayer de lui donner des ordres, de le faire travailler pour elle dans son moulin ou sa boulangerie à Carcassonne, elle avait désormais une place privilégiée dans sa vie: ils venaient de presque mourir ensemble. Et ça, ça n’était pas rien. Le sicilien salua une dernière fois la petite fille de Poligny. Celle-ci lui donna quelques flacons de sa composition personnelle. Soeur Fanny, toujours guillerette, traduisit les gestes de sa coreligionnaire. « Elle dit que vous devez en prendre 3 gouttes à chaque repas pour que vos jambes retrouveront leur force. Et elle dit qu’ensuite vous pouvez continuer. Il parait que… ». Les joues de la petite nonne s’empourprèrent. Un rire retenu et cristallin jaillit d’entre ses lèvres et elle ajouta. « …que c’est bon pour la santé des hommes. ». Vasco accepta le présent et en guise de remerciement croisa le regard de la petite souillonne de Poligny. Bientôt, le bâtiment qui les avait accueilli n’était plus qu’un minuscule petit point sur l’horizon. La vie reprenait ses droits. On the road again…


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