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Les Très riches heures d'Arlon : Vêpres cambrésiennes

Gaston.phlebite



Scène 1

AN de grâce 1466 à Cambrai, mois d'avril, une propriété change de main.


Nous nous croyions alors à son âge d'or. Mais nous étions bien loin d'imaginer le joyau que la ville allait pouvoir devenir par nos oeuvres politiques, foi de Gaston ! Car la cité fortifiée de Cambrai, ville frontalière de tradition plus impériale que française, fief des Bourrins et auparavant de puissants Comtes-Evèques, terreau d'indépendance et de révoltes communales, haut lieu de culture et parfois même d'hérésies voire de sorcelleries, se parait déjà d'innombrables merveilles architecturales, baroques et gothiques.

Or l'un de ces édifices, tombant doucement en ruines, intéressait tout particulièrement mon maistre Amédée.

Le type du lieu s'apparentait au béguinage, sorte de couvent laïc, ayant hébergé diverses sociétés au fil des décennies. Aux veuves et aux orphelins avaient succédé une obscure secte d'aristotéliciens schismatiques, lesquels s'étaient voilà peu rendus coupables de non-paiement de rentes viagères aux dépends du belliqueux Marquisat d'Arlon. En ma qualité de héraut de la maison, il ne m'avait point été difficile de vérifier les obligations dont mon Sire avait hérité par la force de poussiéreux contrats de droit privé.

Une cour intérieure et un puits, deux maisons à coursives reliées entre-elles par une chapelle et son beffroi.

Certes ce que l'on qualifiera ici de place forte restait sacrément humble pour un seigneur de renom tel que mon lige, mais sa simple apparence masquait d'indéniables atouts stratégiques. Le clocher permettait d'observer les alentours, les quatre murs étaient suffisamment hauts pour dissuader le premier venu d'une éventuelle escalade. Les balcons sur les coursives offraient de bonnes positions aux archers, la porte principale était solide. Mais ce qui nous intéressait en premier lieu, c'était le passage secret.

Une poterne cachée derrière un buisson, un couloir ténébreux, un autel s'ouvrant sur la crypte de la chapelle.

Lorsque tinta l'office du soir, que Notre-Dame appela ses fidèles, moi, Phlœbite, menai l'assaut en compagnie d'une maigre poignée de frères d'armes. L'affaire fut vite entendue, comme l'on prit nos mauvais payeurs par la plus totale des surprises à l'heure du Magnificat. Dieu m'est témoin : une grande majorité des résidents se rangea à notre côté contre promesse d'un doublement de pitance. Les réfractaires, quant à eux, furent passés au fil de l'épée et leurs corps jetés depuis les murailles de l'entrée.

Bientôt le lieu allait pouvoir devenir le principal avant-poste artésien du clan arlonnais. Ménage de printemps.

Ainsi s'annoncèrent les Vêpres cambrésiennes, tonitruant chapitre de l'histoire féodale d'Artois.


Amedee.le.lion
Les cloches sonnent, la caravane passe.


En tête de cortège parada Amédée le Lion. Cavalier tout de noir enturbanné, l'épée au côté et le faucon au poing, messire arborait son air naturellement détaché. Ses éperons d'or blanc étincelaient des reflets du soleil couchant, pour tout contraste. Ses traits fins arboraient à peine les marques auxquelles on pouvait reconnaître les voyageurs. Son port s'obstinait à rester droit, son oeil sur le qui-vive. Alors que sa monture battait furieusement le pavé, sentant poindre enfin les derniers hennissements d'une longue route.

L'étendard burelé flottait au vent. Il fendait l'obscurité tombante, brandi par le chevalier banneret au panache de hibou.

Les commères ayant fureté la caboche au travers de leurs fenêtres purent reconnaître encore l'enseigne de la Compagnie des Bandes Noires, et d'autres figures célèbres voire en passe de le devenir. Des gens du métier des armes, pour la plupart, pour certains d'entre eux vassaux d'Arlon, mais également quelques lecteurs de la Réforme et autres individus aux talents parfois très particuliers. La rumeur les disait vainqueurs à la guerre contre le Khan, en possession de trésors et de précieux traités de poliorcétique.

En ces temps où l'on empilait les pierres pour bâtir des murailles, il fallait bien des experts pour y tailler des ouvertures.

L'ancien béguinage des veuves, désormais rebaptisé Clos-Montjoye, en constituerait l'illustration aux yeux de l'Artois.

Passant tranquillement la grande porte, après son forçage par le vieux Gaston, le Marquis lâcha simplement :

" Nous voilà à la maison ... j'ai hâte de me remettre à l'ouvrage. "

La troupe commença par se répartir ses quartiers, stocker les vivres en lieu sûr et organiser les tours de garde.
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Christos__louis
La maigre poignée de frère d’armes, parmi lesquels un fils.

Louis de Montjoye n’était pas le premier quand il s’agissait de se battre, préférant largement dîner, boire ou ne rien faire. Oisif ? Un peu.
Peu avant le décès de sa mère, les distances avait été prises d’avec le reste de la mesnie, mais… Le temps passe, les gens changent. Etait-ce le regret de ne pas s’être rendu aux funérailles de la Rouge ?

Non pas. Et si c’était à refaire, il n’y retournerait pas plus. Mais voilà, l’on ne peut se tenir éloigné longtemps de son sang. Voilà la vérité.
Après avoir pris langue avec son père, il avait donc rejoint Gaston en Artois, et commencé à s’intégrer à la vie cambrésienne. La vie de labeur n’était pourtant pas pour lui, il n’aimait toujours pas travailler la terre, miner… Toutes ses basses tâches, il s’en estimait supérieur.

Remisant son épée au flanc d’un geste désinvolte, il secoua la tête pour relacher pleinement sa longue crinière de jais qui lui battait les épaules.

Avec un sourire narquois, Louis avait emboîté le pas au héraut de son père pour aller l’accueillir à la porte. La compagnie revenait chargée de gloire d’un combat lointain, et lui était simplement le cul dans son potager. Une pointe d’amertume lui arrivait dans la gorge. Ce qui comptait désormais, c’était le futur.

Il ne put s’empêcher de sourire en voyant le Marquis pénétrer par la porte. Il avait de la superbe, il savait ce qu’il voulait. Louis quant à lui, paraissait un peu malingre, tout de noir vêtu, une superbe boucle d’oreille en nacre ornait son lobe gauche. Machinalement, presque sans y penser, il noua ses longs cheveux d’un ruban de velours noir qu’il avait gardé dans sa manche jusqu’à présent. Et il emboîta le pas à son paternel, non sans l’avoir salué :

"Bienvenu chez vous."
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Minah
Tarlatata ! Turlututu ! Chapeau pointu, v'là le Banneret Hibouté !
Pour sûr, le couvre-chef du chevalier avait du piquant. Surtout au bout, parce que Philémon-le-grand-duc-avec-un-trou-dedans, qui avait inspiré le glorieux surnom, possédait un bec taillé pour déchiqueter les petits mammifères que même l'habitude de sa propriétaire de flanquer des coups de boule avec n'avait pas émoussé.

Juchée sur sa petite camarguaise, Minah talonnait de près le marquis Montjoye, sans doute trop pour le confort des narines presque-paternelles. Pour l'esbroufe, la manchote avait enfilé son bras mécanique, et le poing de cuir et de bois lustré enserrait la hampe de l'étendard familial. Elle le dirait à Arnauld, le magi-menuisier, songeait-elle. Il serait probablement plus enthousiaste à l'idée de son travail portant la gloire d'une maisonnée qu'écrasé sur la tronche d'autrui dans un obscur bouge miteux. Et puis elle devait avoir une allure folle, quand le vent ne tournait pas pour lui envoyer l'étoffe dans la figure.

Toute bouffie de sa propre importance, N'a-qu'une-patte vacilla sur sa selle alors que sa monture ralentissait pour ne pas s'emplafonner dans celle d'Amédée. C'est qu'elle n'avait pas vu qu'on s'était arrêté. Mettant pied à terre, elle lorgna le jeune homme qui les accueillait, et un sourire édenté vint éclairer sa bouille crasseuse en le reconnaissant. Elle se tourna vers la frangine, qui en sa qualité de capitaine, n'était pas bien loin.


Hé, Perce-oreille ! T'vu ? C'est l'p'tit Christos-Louis !

Nul doute que la rouquine serait en-chan-tée de telles retrouvailles.
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Modo au Challenge RP !
Perceval_aelis
Guère loin, certes.
Équidistante de son banneret de frangine et de son marquis de père, l'allure roide accentuée par la position que l'on adopte sur une monture, notre bestiole est là.
Le front est haut et le visage austère, notre enjouée -hinhin- Capitaine jette une oeillade aux alentours, voir si quelques débordements de la populace ne viendraient pas à gâcher cette arrivée festive.
'fin festive, pas pour tout le monde.
Si le paternel s'ornait d'orgueil d'avoir réuni ses deux progénitures de sang en sa maisonnée, pour Perceval c'était une toute autre chanson.
Le frère honni, le radié testamentaire maternel, non, la demoiselle Montjoye goûte peu à ses futures retrouvailles, et les remâche amèrement depuis plusieurs semaines.
Que veut-il après tant d'années ?

Bien loin de ses préoccupations, Minah plastronne un peu plus en avant, hibou et sourire à trou (c'est une thématique) en devanture, l'oriflamme fouettée par le vent quand elle ne se jetait pas sur la gueule enfarinée de fierté de la châtaigne.
Le convoi stoppe et la frangine l'épingle d'une remarque qui fait courir un long frisson sur l'échine.


Hé, Perce-oreille ! T'vu ? C'est l'p'tit Christos-Louis !

Le visage muré d'indifférence opine simplement alors qu'en son coeur, la haine vient prendre le pas à tout affection qu'elle aurait pu avoir pour cet hypothétique frère sorti des abysses.
Notre bestiole ne doit rien laisser transparaitre, maîtriser chacun de ses gestes, contrôler son regard, les mimiques de sa face, voilà qui lui demande un effort constant et plein afin de flanquer son museau de morgue à la tronche de Christos.
La silhouette bardée de noir se désolidarise de sa monture, un magnifique et imposant ardennais, la longe encore en main, d'un pas, elle réduit la distance entre la tête de jais, et le cuivre qu'elle découvre en ôtant la capuche de son chef.

La ressemblance avec la rouge n'est pas flagrante, elle s'insinue en filigrane dans les traits, dans le rictus méprisant de sa lippe, dans la manière de poser un regard froidureux, une similitude fantomatique qui agit derrière le masque juvénile de Perceval.
La môme déroule et impose sa haute stature qui dénote un peu avec son âge, son état féminin même, longue, athlétique et fine, rien à voir avec le Christos, le seul aspect qui les rassemblent sont l'éclat azuréen qui se niche entre leurs soupiraux.
Notre bestiole toise, à la manière des bouchers qui numérotent les abattis d'une vache, notant jà mentalement, le morceau de choix qu'ils se réserveront.


" Vous n'vous êtes pas cassé un ongle dans c'te reconquête au moins ? "

Elle lui passe devant, le museau altier, avant de se retourner et lui dire nonchalamment par dessus l'épaule avant d'emmener son équin à l’écurie.

" Ou z'avez laissé les autres faire votre travail comme d'habitude. "

Vlan dans les dents !
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Huguenote.
Christos__louis
Louis ne put s’empêcher de sourire. Sa “sœur” était là. Un sourire acide, ironique. Croisant ses bras sur son torse, il la toisa de haut en bas. Pour lui, c’était le portrait craché de la rouge. Elle est plus grande que lui. Elle est plus musculeuse que lui, et diront les mauvaises langues, elle semblait plus masculine que lui.

En la toisant, il ne peut non plus s’empêcher de noter l’éclat bleu étourdissant qui luit dans ses yeux. Le seul rapport apparent entre les deux membres de la fratrie.

”Je vous remercie chère sœur de vous enquérir de ma santé. Moi aussi, je suis ravi de vous revoir en si bonne forme.”

Puis, essayant tant bien que mal de cacher le sentiment de malaise qu’il commençait à nourrir, il caressa distraitement la nacre ronde qui lui ornait le lobe.

La vérité, c’est qu’il était réellement content de revoir ses sœurs, il savait qu’il devrait cravacher pour se montrer digne d’elles… Digne de celles qui rentraient couvertes de gloire là où lui… Offrait simplement un vieux manoir sans grande défense.

Puis, il se tourna vers Minah et la salua simplement d’un hochement de tête et d’un sourire plus chaleureux.
L’absence de l’aîné, comment la justifier ? Comment la comprendre ?

Des siècles plus tard, on parlerait sans doute de dépression, de burnout... Toujours est-il que la santé mentale du jeune Montjoye n’était pas solide, loin s’en fallait.

Hochant simplement la tête, il reprit simplement :

”Mes ongles vont bien. J’espère tout de même que vous aurez fait bonne route”
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Amedee.le.lion
L'absence ne détruit pas toujours l'amitié, mais peut la faire oublier.


Perspective en coursives. Le regard inquisiteur d'Amédée suivit le vol de son faucon jusqu'au beffroi, où l'animal alla nicher, avant de passer en revue la fratrie tumultueuse. Voilà longtemps que n'avaient ainsi été réunis ses enfants, les légitimes et l'adoptée, troisième génération de la lignée Montjoye. Contemplatif, le paternel s'appliqua à masquer sa fierté et ses grands espoirs pour mieux inspirer l'exemple et le respect aux siens. Une certaine sévérité était de rigueur en la famille, dynastie pieusement réformée.

Naturellement l'inspection se focalisa tout particulièrement sur le fils prodigue qui faisait là son come-back ...

Feue la Marquise l'appelait Christos. Le veuf quant à lui avait toujours préféré son second prénom, Louis. Autant dire que déjà avant sa naissance le rejeton ne fit pas unanimité dans le couple. Il fut élevé à Nancy de sorte à en faire un écuyer digne de ce nom, la proximité parentale avait été de mise. Scath, la Rouge, lui avait donné ses premières leçons. Le Lion était souvent absent, affairé à ses guerres et au trône de Lorraine, mais il prit soin de lui enseigner certaines valeurs quand l'occasion s'était présentée.

Or depuis le lien avait été rompu, des ans durant. Amédée ne savait quelle personne il allait réapprendre à connaître.

" Mon fils ... diantre ce que tu as grandi ... on dirait moi pendant la Croisade genevoise de Ludwig ",

avait-il laissé échapper, trahissant enfin son masque adamantin. Il poursuivit alors sur le même ton :

" Ravi que ton chemin ait su retrouver celui de la famille. Sache que nombre de choses ont changé. "

Messire ouvrit les bras, gesticulant de ses longues griffes, signifiant qu'un cap avait été franchi.

" La France nous a trahis en Lorraine, mais nos comptes sont soldés avec la Savoie comme en Valachie.
Arlon est plus riche que jamais. Nos guerres privées payèrent mieux que les querelles de roitelets.
Désormais il est temps de revenir aux choses sérieuses, et pour ça nous avons besoin de sang neuf ... "


La main du père restait tendue. La saisir impliquait son lot futur d'agréments et désagréments. Perceval en témoignait.

Mais ne valait-il pas mieux tard plutôt que jamais ? Quand l'avenir d'un clan semblait en jeu.
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Christos__louis
Come-back du fiston, était-ce le fils prodige tant attendu ? L’avenir le dirait sans doute. En attendant, Louis ne put s’empêcher de sourire au paternel.

Dans son éclat du regard, il avait capté, un instant certes fugace, une forme de fierté chez le vieux Montjoye. Louis avait grandi certes, sans doute avait-il aussi mûri un peu… Au fond de lui, il était ravi de pouvoir revenir, réintégrer cette famille… Sa famille.

Cela signifiait tant pour lui. Et pourtant, il avait tout abandonné, tout plaqué… Par peur. Pourtant, sa formation à Nancy avait été solide, mais il ne s’était finalement pas senti à la hauteur, aujourd’hui son père, le vieux Lion lui tendait la main de nouveau.

Et pas seulement métaphoriquement !

Louis ne put retenir un sourire ému, il hocha la tête de concert et saisit la main du paternel.

Père. Je suis de retour aux affaires. Je ne vous décevrais plus. Mon sang est tout entier dévoué au clan.

Il hocha la tête de nouveau, non sans risquer un regard vers Perceval, il savait qu’elle serait sans doute la plus dure à convaincre, mais il avait le temps après tout...
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Gaston.phlebite




Scène 2

AN de grâce 1466 à Cambrai, mois de juin, une mesnie prend son aise.


Voilà que près de deux mois furent écoulés depuis le changement de propriétaire. Au sein du Clos-Montjoye les affaires semblèrent désormais aller bon train et sans faire d'esclandre. Outre un renforcement des fortifications, simple précaution, avait été aménagé un nouveau grenier. Les premiers champs du clan furent semés de maïs, que l'on destinait aux provisions plutôt qu'au marché. Car le Marquisat d'Arlon ne donnait pas tant dans le commerce de victuailles que dans celui des troupes. Or celles-ci ont souvent faim.

Histoire d'amasser l'or nécessaire au financement des études militaires des officiers, je, Gaston Phloebite, fus toutefois chargé de la revente des animaux ayant été fait otages à l'issue de la bataille de Questenberg. En quelques jours me voilà devenu sans conteste le premier importateur de faucons hoberaux et autres lapinoux aux quatre coins du Cambrésis. Ma principale difficulté fut désormais de trouver des acquéreurs pour mon stock de dindes de Noël, qui, il fallait l'admettre, n'était pas vraiment de saison ...

Mais que voulez-vous, qui veut la paix s'efforce parfois de fomenter la guerre.

Pendant nos premières semaines artésiennes, mon maistre fut plutôt du genre solitaire et discret. Une grande partie des troupes s'en était partie bourlinguer, laissant sur place un effectif réduit au minimum. Messire semblait impatient du retour de ses gens, partageant son temps : en bibliothèque à lire des traités de Stratégie avancée, voire à la chasse avec son fillot en prévision d'un prochain banquet. Car, je puis l'assurer, foi de Gaston, en ces jours mangions moult grassement et buvions jusqu'à l'ivresse.

L'intégration provinciale à renfort de bière Tastevine, de pois et autres harengs.

En termes d'influence le clan n'avait point tardé à s'imposer en la bonne ville de Cambrai, contestant bientôt l'historique hégémonie des Bourrins. Mais, bien que de réputation belliqueuse, la mesnie avait de la méthode. Avions pacifié avec l'ancien habitant du cru, contribuant notamment aux efforts de déforestation de la cité et participant aux oeuvres pieuses de la paroisse. Evitant de s'insinuer trop tôt en les affaires politiques des institutions dirigeantes du Comté, avions priorisé l'établissement de bases solides.

Beffroi surplombant les ruelles, un panneau Cave Canem, une table dressée.

Ainsi l'épisode des Vêpres cambrésiennes suivit son cours inéluctable.


Amedee.le.lion
Du pêché gastronomique à la crise de foi.


Tout à coup, alors qu'un beau jour Amé de Montjoye siégeait à table entouré de ses compagnons, un élément déclencheur rompit le calme apparent de la situation initiale de notre récit. La mauvaise nouvelle, assaisonnée de fiente de pigeon biset, manqua de peu d'atterrir dans l'assiette du Marquis. Mais par chance messire Robert Briscard, vétéran des Bandes Noires, réussit in-extremis à capturer l'oiseau de malheur. Suite à quoi il lui revint l'honneur et même le devoir d'assurer la lecture du mot qui y était attaché.

Le brave homme, certes un brin patibulaire mais pleinement valide, vida son verre cul-sec avant de se lever. Sa démarche était chaloupée, signe qu'il avait déjà bien apprécié le vin que l'on avait servi pour mieux faire glisser le gibier. Dépliant le parchemin il se pencha à l'esgourde de son seigneur. Alors l'homme au teint rougeot commença à pâlir, à bégayer. Il se racla la gorge, une fois, deux fois, avant de croiser le regard suspicieux de son maistre. Il cracha enfin le morceau : les paroisses de Cambrai, abandonnées.

Missive crottée, Archevêché à prendre et bouteille d'Artois cuvée 1452.

Comme nous l'avions précédemment suggéré, Amédée le Lion avait certaine réputation qui fit que la tablée s'attendit à vive réaction de sa part. Car le renégat d'Arlon faisait partie de la caste des querelleurs, encanaillés parfois d'amitiés sanguinaires, mais surtout : il comptait au rang hermétique de la noblesse huguenote. Et l'assemblée ripailleuse ne s'y était pas trompée. Messire se leva d'un bond, survolté. Il fit les cents pas en maugréant moult promesses de Réforme ponctuées d'extraits du Psaume des batailles.

En ce moment précis de l'Histoire, on ne savait pas encore que Rome introniserait bientôt son nouveau pion sur l'échiquier du sacro-saint diocèse de Cambrai. Mais peu importe, ce fut à cet instant qu'il jura de disputer la partie d'échecs qui s'annonçait. Par devant Dieu et un cerf aux petits oignons, en guise de témoins. Alors, sa décision prise, il se rassit et le banquet reprit son cours comme si de rien n'était. On attaqua les mets d'un entrain renouvelé, faisant s'entrechoquer les verres au moindre prétexte.

" Quelqu'un parmi nous se souvient-il du premier Comte d'Artois ? "

Question lancée au hasard, son écho renforcé par les voûtes du plafond.
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Perceval_aelis
A la fraîcheur de l'Abbaye, un billet vite tracé pour informer son paternel de son arrivée imminente.
Concise pour ne point déroger à sa propre règle.

Perceval a changé, le remarquera-t-il ?
Outre ses cheveux raccourcis et un visage assombri de mélancolie, quelque chose de plus froid s'est installée en elle.


Citation:
Père,
Demain à la pique du jour nous serons là.
Faites préparer de quoi nous accueillir, le voyage fut long et point dénué de traverses.

Votre dévouée, Perceval.

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Huguenote.
Robert.briscard



Ayant terminé de faire la lecture au Marquis et approuvé la promesse conquérante de ce dernier pour retour, Sire Robert retourna s'asseoir. Son esprit toujours plus engourdi par l'alcool. Et le vétéran ne remarqua que trop tard la seconde missive convoyée par le pigeon biset, collée au dos de celle déjà lue. Tant pis, il présenterait cette autre nouvelle quand le moment serait à nouveau propice. Car voilà son maistre sollicitant les connaissances historiques (de base) de ses frères d'armes et autres compagnons de banquet.

Gras cuissot à la senestre, dextre faisant disparaître le courrier en sa manche, Briscard plongea en réflexion.

Le ruistre aurait pu sombrer au fond de ses souvenirs, d'ailleurs, si son voisin de table ne lui avait asséné par inadvertance un coup de coude ô combien salutaire. Flottant désormais à la surface trouble de son calice de cuvée 1452, le bout de viande accroché à son os remémorait en lui d'impitoyables scènes de bataille. Le bruit des flots de vins débordant la table lui rappelait ceux du sang se mêlant aux eaux du port de Rouen. Il recula pour retrouver l'esprit mais s'effraya du bruit que fit un pied en bois de son tabouret ...

En sa tête résonnait alors cet écho de bois frappé contre la pierre, comme un bois de canne, celle du Boiteux.

" Ohhh ! Ahh ! Moi je l'ai connu le premier Comte d'Artois ... pour sûr ce Diable ne fit pas l'unanimité.
Mais foutredieu en ce temps les princes savaient encore écrire l'Histoire à la pointe de l'épée. "


Chambré par un de ses camarades, Sire Robert s'interrompit brièvement avant de rire et d'ajouter :

" Certes ... parfois ils savaient aussi écrire l'Histoire à la pointe du poignard ... "
Amedee.le.lion
Les chevaliers se tirbouchonnaient, portant leurs toasts en l'honneur d'antiques faits d'arme artésiens. Les couverts tintèrent à tout bon prétexte et les quatre lévriers du Marquis, alléchés par tant d'éclats de bonne humeur, s'approchèrent de la table en quête de leur part de festin. En amateur de fauconnerie et de vénerie, dresseur d'animaux à ses heures perdues, Amédée posa volontiers genou à terre pour nourrir et cajoler ses favoris. Songeur, lui, qui pendant une vie s'était évertué de ne jamais le ployer face à aucun Roi.

Quoi qu'il y eut bien une Reine, une fois, mais le Louvre avait bien vite oublié ce détail de l'Histoire.
Alors ses ongles crochus caressèrent l'animal-totem du genre féal, dans le sens du poil ...

Gloires et déboires. Comme l'orgueilleuse province d'Artois, Arlon avait eu ses conquêtes et spoliations, ses opportunités et trahisons. Comme elle, celui que l'on surnommait le Lion avait perdu son pucelage depuis belle lurette en les arts de la politique et de la guerre. Comme elle, il avait encore quelques beaux jours devant lui. Des cernes se creusaient inéluctablement sous ses yeux encore vifs. Avec l'âge ses traits semblaient se durcir, les teints de ses cheveux et sa peau blanchir, mais sa griffe demeurait sûre et ferme.

Pour lui, le choix de l'Artois n'avait rien d'un simple aléa ou d'une retraite. Plutôt d'une prophétie.
Une de ces prophéties voulant que tout s'achèverait précisément là où tout commença ...

Toisant le reflet de son regard, étirant son rictus vainqueur, dans la pupille d'un canidé :

" Compaings, l'heure semble venue pour la meute de se remettre en chasse.
Car en cette ère d'ennui et de peste, le Nord a besoin d'un remède ... politique. "


Il s'en alla sans préciser encore son propos. Bruits d'éperons sonnant jusqu'au sommet du beffroi.
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Rasconteur
A ce moment, deux voyageurs s'approchèrent d'un édifice qui semblait être une sorte de couvent. C'était la recherche de fiefs au sein de l'ancien cambrésis qui les avait menés aux archives de la ville de Cambrai. Le nombre de fiefs leur donna rapidement le tournis et ils ne finirent qu'à la nuit tombée leurs travaux.

- Tiens, Garnier, je n'ai pas souvenance qu'il y avait ici un prieuré.
Dit l'un des deux visiteurs.

Dans ces régions du nord, les pluies en été tombent en averses de durées variables. Ce soir-là, la giboulée qui était en train de s'abattre, détrempant toute la ville et se déversant par les toits ne semblait pas vouloir cesser. L'eau frappe le sol et emporte, en torrents de boue les saletés qui s'amassent au bout de rivières improvisées qui s'écoulent sur les pavés. Des ruelles en pente se transforment ainsi en ruisseaux qui affluent dans les rues plus larges. Les infortunés ne peuvent s'abriter que sur les perrons pour au moins épargner leurs chausses, sinon sous les encorbellements pour se protéger le chef et les épaules. Durant ces instants, toute une ville se met en veille et les yeux observent en silence, attentifs, avides, même d'une accalmie.

Mais lorsque les visiteurs arrivèrent aux abords de la dépendance du Marquisat d'Arlon, un éclair illumina le ciel, signe que l'orage ne faisait que débuter.
L'un des deux frappa aux portes.


- Je suis Camille de Kermorial, Seigneur d'Assevillers et voici Garnier Dumûrier, mon fidèle intendant. Mandons le gîte et le couvert pour la nuit puisse le très-haut vous en récompenser.
Loghan
Qui ne rêvait pas d'une nouvelle vie ? S'il aimait tant conter ses aventures, c'était parce qu'il en faisait des histoires de purs romantismes chevaleresque. Arborant avec une fierté abusive ses valeurs romanesques aux détours de toutes les conversations. Pourtant, son épopée n'avait en réalité rien de la quête spirituelle qu'il tentait inlassablement de poursuivre. Il ne connaissait que le chaos et le fracas de l'acier, il n'était qu'un tueur de plus tentant de survivre au milieu de ce siècle tumultueux.
C'était à la recherche d'une forme de rédemption qu'il avait fait le chemin jusqu'en Artois, fuyant les carnages qui le poursuivaient encore pour trouver une voie plus honorable. Il avait trouvé la force de croire à nouveau, oubliant ses démons intérieurs pour s'engager dans cette nouvelle vie aux côtés de son nouveau suzerain.

Chevauchant comme si le diable était à ses trousses, le Provençal n'avait pas ménagé sa monture. Nul doute qu'il espérait rattraper son retard, sachant pertinemment que sa chère sœur l'attendrait avec impatience ainsi que la jeune femme qu’il appelait « Capitaine ». Ce qu’il restait de noble en lui le poussant à vouloir faire bonne impression.
Finalement, le chevalier pénétra au sein de la ville fortifiée bravant les pluies torrentielles qui s’abattaient sur la région. Sa monture haletante et sa toilette crottée, il ne ressemblait en rien à un gentilhomme. Seule l’épée ouvragée qui dépassait des plis de sa cape laissait entrevoir sa condition.

Cavalier gigantesque, il arriva en trombe devant ce qu’un homme du guet lui avait décrit comme la demeure du Marquis. Son cheval hennissait nerveusement piétinant le sol boueux et tournant sur lui-même dans une impressionnante manœuvre. Loghan observait avec méfiance les individus qui se pressaient à la porte, ne sachant s’il faisait réellement face à la demeure des Montjoye.

« Suis-je bien devant la demeure du Marquis d’Arlon ? » Hurlait-il, intimidant.
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« Lux umbra Dei »
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