[RP] Pour A

A,

Tu n'as jamais répondu à ma dernière lettre. Tu te terres en Anjou, j'ai ouï dire. Contre ton silence, j'ai fait tomber le mien. On gratte des mots pour les vivants, et parfois pour les morts, et toi tu es les deux à la fois. Ce n'est pas un hasard si je t'écris cette nuit, mais j'en garde les raisons pour moi. Tu plaignais les hommes qui viendront après moi. Les femmes après toi, je plains icelles aussi. Je vais me terrer à mon tour, avec Hazel. Elle va bien. Je fais tout ce que je peux pour qu'elle aille bien, en tout cas. Je n'y parviens pas toujours. Nous avons prévu de partir pour un long voyage, au début du printemps. Après l'hibernation.

Je t'en veux encore, alors que j'aimerais n'en vouloir qu'à moi-même. Et tu ne liras sans doute pas ces lignes. Je ne compte plus tes talents, mais à disparaître tu excelles.

J

A,

Je suis censé partir dans quelques jours vers Genève, où je compte vivre un temps avec Hazel. Voyager aussi. Je ne la garderai pas éloignée de toi si jamais tu émets le souhait de la reprendre sous ton aile, ou de la revoir juste.

J'ai passé une nuit avec Sadella. Ne pense pas que j'en sois fier, ni que la culpabilité me ronge le ventre. L'idée de ta douleur, oui, mais je n'y changerai rien. Ni ne te conterai le pourquoi. Si Quand tu croiseras à nouveau sa route, elle sera mortifiée, et ne saura pas te mentir. Sache juste, elle m'a peut-être voulu un temps, mais c'est à toi que reste chevillée sa loyauté. Je t'ai trahie plus qu'elle.

Pardon, pour cette lettre horrible, mais la vérité n'a pas toujours un beau visage. La mienne est ici laide, alors mon amour j'en prends les devants. C'est peut-être inutile. J'ignore même si tu es encore en vie. Ceci je tais à notre fille.

J

A,

Les plans ont changé. C'est à la fois de mon fait, et pas de mon fait. Je ne sais pas trop ce que je vais devenir encore. Ce n'est pas très important. Prochain voyage est prévu bientôt.

Hazel a voulu s'orienter vers le métier de forge, alors je l'ai placée en apprentissage. Je la vois dès que je peux. Elle voulait faire comme toi. Tu lui manques. La nuit dernière elle est partie à nouveau dans la mesnie qui l'accueille, pour honorer une commande, pour un cardinal. Elle est fière. Je le suis aussi. J'essaie de la porter haut. Plus haut que nous.

Je crois que j'ai une drôle de maladie. Comme la fois où j'étais tombé dans les pommes, derrière la planche du Blaireau Pontife. Cela arrive encore. C'est de plus en plus fréquent. Je ne laisse pas l'inquiétude me ronger, mais ça me fait cogiter pour notre fille.

Lors, le jour où je claquerai, quand je rejoindrai le Noir, et si elle est trop jeune encore, et si ta vie n'a pas croisé la sienne, c'est Aelaïa Ar Moraer qui la prendra sous son aile. Mes biens iront à Hazel et à toi. J'aurais préféré te laisser des beaux souvenirs, plutôt qu'eux.

C'est vide et déchirure. Je t'épargne les mots d'amour. Je suppose que c'est mieux ainsi.

J