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[RP] Tais-toi et mange ton quinoa

Jhoannes
En haut d'un tumulus, Blondin contemple le panorama. Le ciel est une longue bande de gazon qui a l'air de tendre une armée de petits bras autoritaires vers le monde, en bas. Le monde est un drôle d'endroit où les villages ressemblent à des toupies et où les églises tiennent en équilibre sur la pointe de leurs clochers, plantés dans la terre. La terre est bleue et moelleuse, il a envie de s'enrouler dedans en lui murmurant des bêtises. C'que t'es azuréenne mon canard, viens on s'embrume et tu me gardes caché derrière un nuage. Même un petit brouillard suffirait à me faire disparaître, je pèse pas bien lourd. Son regard se lève à nouveau vers la voûte végétale, agglutinée à la silhouette d'un village poitevin. C'est là que se trouve son point de fuite, sous les traits d'une enfant — la sienne, Hazel, avec ses grands yeux noirs — les siens, ses petits cheveux blond-blanc — aïe, ceux de la mère. Hazel avec ses angoisses pas rationnelles d'Hazel, qui vadrouille sans crainte dans les bois pour se faire des copines araignées mais qui se ronge les ongles quand son père laisse une chemise en boule dans le couloir. Les retrouvailles seront dans une petite heure. Pour l'instant, Jhoannes prend le temps de faire le poirier. Quand il sent que ses muscles flanchent, il fait basculer son poids contre le tronc derrière. Il alterne entre les postures. Poirier magnifique. Poirier bof. Poirier fatigué. Poirier assisté. Poirier à une m- Non, peut-être pas non plus. Pause, sans la chemise c'est plus simple parce qu'elle arrête pas de lui tomber dans la tronche et c'est chiant. Il faudra qu'il se rince le cuir aussi parce que là maintenant il en est sûr, il pue des aisselles. Aiselle. Hazel. Hazel rime avec aisselle. Krkr.

Hazel et son premier chagrin d'amour, à neuf ans. Est-ce qu'il se souvient de comment on est amoureux à neuf ans ? Que dalle. Il était pas amoureux à neuf ans, il pensait aux histoires de Merlin, aux billes et à fuir. Encore une interrogation qui ne trouvera pas de réponse. Comment qu'il va consoler ça ? Jusqu'à quand il va réussir à improviser avec cette enfant avant qu'elle réalise qu'il sait pas du tout ce qu'il est en train de foutre ? Y a qu'un mot d'ordre dans cette famille. Qu'est-ce qu'on veut pas être ? Des connards. Alors on essaie de pas agir comme des connards. Si on se plante, c'est pas dramatique, mais faut essayer de pas recommencer. Parce que c'est pas les conneries qui font les connards, non, c'est de rien en apprendre. C'est ça le vrai terreau des connards. Ce qui fait deux mots d'ordre. Même si ça il est pas foutu de l'agencer correctement. Il se dit qu'Hazel est foutue. Il va la faire foirer cette enfant. Même avec tous les efforts de l'univers, il va pas y arriver. Déjà qu'à deux avec la mère danoise ils se plantaient régulièrement, mais en solo c'est carnaval. Au moins, quand elle était là, ils savaient s'engueuler confronter leurs points de vue sur les méthodes éducatives. Maintenant il cogite dans son coin, parce qu'il se sent pas d'imposer toutes ces questions existentielles aux gens. J'ai vu ma fille arracher toutes les pattes d'un papillon pour jouer. Est-ce que je dois m'inquiéter ? Non ? Et… est-ce que ça te dérangerait de faire un point menstruations avec elle ? Juste pour lui expliquer les bases. Parce que le jour où ça va arriver, j'ai encore aucune idée de ce que je vais bien pouvoir dire. Sérieux. Page blanche. Oui je suis médecin. Et père. Père-médecin. Je peux lui expliquer que la nature est malicieuse, mais sans les tips pour gérer ça. Le plus essentiel donc. Instant détente. Poirier assisté.

Du sang aux tempes, elles pulsent légèrement. Il se souvient de la fois à Bruges, à l'automne dernier, quand il a perdu ses nerfs et a crié sur la petite. Le soir où elle est venue lui montrer les trois points qu'elle s'était fait dans son bras minuscule, car trois points ça fait maman-papa-Hazel, alors c'est comme si maman elle était encore là. Trois points qui saignaient, lui c'est tout ce qu'il a vu. Il a pas supporté qu'on fasse du mal à sa fille. Sauf que c'est sa fille, qui s'était fait mal. Donc il avait passé un savon sonore à sa fille. Logique. Propre. Champion. Ducon. Et petite entorse à la vérité un peu plus moche, mais qu'il s'avoue plus aisément aujourd'hui : il lui en avait voulu d'exister pendant quelques semaines. Celles où ils se sont brutalement retrouvés que tous les deux, Hazel-papa-moins-maman. Son mariage piétiné par ses soins en ligne d'horizon constant. Quand il avait mal au corps, tout le temps, du mauvais feu dans les doigts, les lacérations crades. Les fois où la pensée de la gamine a été le seul fil, ténu, aussi blanc que son amour perdu, qui l'a empêché de se passer corde au cou ou de goûter un nouveau coktail vitaminé à l'arsenic. Et le matin où il était encore en train de déprimer sur un banc de jardin, et où qu'elle s'était pointée comme une fleur pour lui dire de regarder, la limace elle a des taches c'est beau. Vache qu'il en avait chié pour pas se mettre à sangloter devant elle. Il s'était concentré sur les zébrures de la limace. Elle était jaune et noire. C'était super beau. Ça va papa ? Hum ? Ouais ça va super. Poirier bof.

Comme quoi le temps est venu d'inaugurer la saison des sourires. Blondin est prêt à accepter que le monde soit beau, même si le sien c'est encore des ruines. Au moins le monde d'Hazel. Le vrai monde est peuplé de connards, et il ne s'en exclut pas. À cette nuance près que même là, à nouveau debout, la tête encore un peu en vrac, tout semble pas plus à l'endroit que quand il fait le poirier. Il étire un bref sourire. Y a rien qui tourne rond. Il commence à avoir l'habitude. Allez. Hop. Papa s'entraîne à la jongle deux minutes et il reprend la route. Oh, une buse…

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Hazel_
La vie est un éternel recommencement, mais ça, Hazel ne le sait pas encore. Pourtant petite Blandinette sait beaucoup de choses, autant qu'on peut en savoir à son âge quand on est élevé par ses parents. Ses parents, les meilleurs qui soient, ça par exemple, c'est une de ses certitudes. Elle sait aussi que les escargots jaunes sont plus difficiles à trouver que les tigrés, mais elle doute encore sur le nom de ces derniers : est ce que si les chats tigrés sont dit "de gouttières", c'est pareil pour les escargots? Est-ce que si on les trouve sur un muret, c'est aussi un "de gouttière"?
Elle a découvert il y a peu que les carottes rendent aimable : parce qu'elle dit "merci" quand on en met dans son assiette alors qu'elle ne peut plus les voir en peinture. Par contre ça ne donne pas les cuisses roses : par contre les orties, oui. Roses, avec des petits boutons.
Et puisque chaque jour qui passe la porte un peu plus vers l'âge adulte -et la mort, mais elle peut le penser sans en parler-, Hazel à découvert...
La Trémouille.


    Au commencement, Hazel avait détesté La Trémouille.

Parce qu'il fallait s'éloigner de son père. Comprenez que depuis que sa mère a rejoint un coin perdu de l'Anjou, voilà plus de six mois (Hazel saurait vous dire combien de jours exactement), elle ne vit qu'avec son père. Sur les routes, sur les chemins, à Limoges, ailleurs : son père. Parfois Tata Thaïs. Parfois Aelaïa. Mais quand même une majorité de Papa. Et même si Hazel vit parfois cette cohabitation comme un fardeau -Papa croit que les chaises sont des armoires à chemises-, voir comme une punition -Papa aime les légumes-, et souvent comme une injustice -Papa ne veut pas que mon lapin dorme dans ma chambre-, Et même si tout ça, Hazel voit son père comme ce qu'il est : un Dieu vivant qui maîtrise sa vie comme un chef d'orchestre. Papa protège. Papa soigne. Papa cuisine. Papa l'éduque.
Et parce que "Papa" l'éduque, elle s'était retrouvée à devoir apprendre un métier, et tout naturellement son choix s'était porté sur : forgeron, comme maman. La déconfiture apparaitrait rapidement : le maîstre se trouvait... à la Trémouille. Loin du père -un jour de marche, oui- : "ô rage, ô désespoir".

    Quelques jours plus tard, Hazel avait adoré La Trémouille.

Son maître était génial, sa femme la couvait comme une poule le ferait pour son oeuf, leur fils était gentil. Hazel passait à "Orages et des espoirs". Dame Daidara avait croisé sa route -ou l'inverse-, et elle s'était vu confier la fabrication d'une croix pour la tenue d'un grand Cardinal, peu au fait des choses de l'Aristotélicisme, et puisque Papa lui avait demandé d'éviter de parler de sa religion, Hazel avait fait du beau travail, s'était vue récompensée de quelques largesses de la famille qui l'accueillait, l'autorisant à profiter de son temps libre avec Emilien, leur fils.

    Et ce qui devait arriver arriva. Hazel avait aimé, à La Trémouille.

C'est qu'à force de chercher des escargots, de ramener du bois, de se promener en forêt pendant des heures, Hazel avait vu Emilien sous un jour nouveau. Emilien a quinze ans, il est grand, il est fort, il est beau, et en plus il n'est ni Mainois ni Berrichon -Papa a des exigences-. Et même si elle devait patienter vingt huit ans et demi encore avant de l'épouser, Bandinette en était certaine : Emilien serait son époux.
Comprenez bien qu'à neuf ans - et cent quatre vingt dix jours environ-, le moindre petit détail à son importance.
Emilien lui faisait signe quand elle avait de la crème autour de la bouche.
Emilien lui disait de se couvrir quand il faisait froid.
Emilien lui disait de ne jamais trop s'éloigner en forêt.
Emilien piquait ses légumes dans le dos de sa mère.
Emilien portait son fer lorsque c'était trop lourd.
Emilien lui disait de ne pas se brûler.
Emilien lui disait "viens on va chercher des champignons".
Emilien n'hésitait pas à lui proposer de rester un peu en taverne le temps qu'il aille faire des choses dangereuses.
Emilien lui disait de courir quand l'heure du couvre feu approchait.
Emilien lui tenait la main quand il y avait trop de monde.
Emilien l'avait protégé d'un chien, une fois.
Emilien avait sauté dans une flaque de boue avec elle, et dit à sa mère qu'ils avaient été éclaboussés par une charrette.
Emilien lui avait appris à faire les H majuscules.
Emilien avait ramené de la salade, deux fois, pour le lapin d'Hazel.
Emilien lui avait déjà fait un clin d'oeil.
Emilien l'avait coiffé -trois fois, presque quatre-.
Emilien lui avait forgé une toute petite épée -une épine-.
Emilien avait accepté de se battre avec elle dans une vraie lice.
Emilien lui avait montré un coin de marguerites à grandes tiges.
Et la liste est encore longue.

    Mais finalement, Hazel détestait de nouveau La Trémouille.

Et elle n'oubliera jamais le cent quatre vingt dix septième jours après ses neuf ans. Ce jour là, Emilien lui avait fait la PIRE des trahisons : il l'avait abandonné en pleine cueillette de champignons pour parler avec une fille.
"Ô rage, orages et désespoirs", tout était cassé dans la tête de la gosse, heureusement Papa serait bientôt là, et ils pourraient trouver ensemble la solution à tout ce malheur.
Pour l'heure, assise sur le banc devant la maison, l'âme en peine secoue ses jambes dans le vide en regardant les papillons. Plus jamais elle n'ira avec Emilien pour en attraper -ils ne l'ont jamais fait mais c'était en projet-, et puis ce petit chaton qu'ils surnommaient Hazilien. Et cet arbre qu'elle avait grimpé pour être plus grande que lui. Et ces cailloux qu'ils envoyaient le plus loin possible avec un peu d'élan. Et les nuages qui ressemblent à des crapauds.
Il est vraiment temps de quitter La Trémouille, car TOUT, TOUT, vraiment TOUT, lui rappelle Emilien, et.. C'est trop difficile.

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Merci pour la ban!!
Jhoannes
Ayant eu vent de l'affaire puis manqué de briser tout son mobilier, voire même le mobilier urbain de son allée, suite à un quiproquo, Blondin s'était lentement raisonné. Il n'avait jamais trop apprécié Émilien. Pas parce qu'Émilien était lui-même, non, il avait même l'air réglo comme gars, mais parce que sa gosse le mentionnait beaucoup trop à son goût. Aujourd'hui il l'appréciait moins-moins, ce grand dadais poitevin — d'accord, ni berrichon ni mainois mais poitevin, Hazel, poi-te-vin bordel — qui avait fait pleurer sa petite fille. À cause d'une autre fille. En plus. Mais quel branleur. Là, il l'aperçoit en train de rêvasser au coin de la rue. Blondin décide d'aller à la rencontre du jeune homme, un grand sourire plaqué sur la face, et toute la mauvaise du foi en monde en train de mijoter derrière. Si son ancienne épouse avait été dans les parages, elle aurait pu lui rappeler, mais Minou, souviens-toi, à quinze ans, t'étais pas con à cause des amoureuses toi ? Et il aurait répondu, bravache, que non, d'abord, et quand bien même, à l'époque, c'était différent, et que jamais, jamais tu m'entends, il aurait abandonné dans les bois, oui, abandonner, parfaitement madame, dans les bois, une enfant de neuf ans pour aller conter fleurette à une paire de mollets ronds. Merde.

- « Émilien ! » Sympa ta pustule blanche au milieu du front. Espèce de petit malandrin.

Petite tape sur l'épaule, juste assez pour bousculer sans brusquer. Héhé coucou. Bien la famille ? Bien. Après les banalités d'usage, Jhoannes taille sa route. Non il va pas l'embêter maintenant. Il le fera flipper plus tard. Il a toute la journée pour ça. Non il va pas réellement l'engueuler. Blondin a un cœur en mousse. Il va juste s'amuser. Un peu. Parce que c'est drôle, cette petite tendance qu'ont les jeunes âmes à être constamment au ras-des-pâquerettes. Surtout quand l'interlocuteur porte une barbe. Grise. La voix de l'ancienneté. La sagesse d'un hiver capillaire. Bordel si tu savais Émilien. Mais tu sais pas. Dommage.

Et puis il aperçoit Hazel, petite crevette ramassée sur son banc. C'est un peu crève-cœur de la voir là toute seule, sur l'instant, mais rapidement il s'assied à côté et la ramène contre lui pour le câlin des retrouvailles. Le gros câlin du réconfort. Pluie de bécots contre le petit crâne. Papa est là. Avec environ un mois de retard et des nouveaux plans pour l'avenir qui ont une espérance de vie estimée à deux semaines — on est au-dessus de la moyenne habituelle, certes, mais tada, papa est là. Même que si ça doit être les grandes eaux il a apporté, grand luxe pour l'époque parce qu'ils les vendent pas par paquets de douze au Monoprix : un mouchoir. Un vrai, en coton, prêt à recevoir toute la morve saline de ton premier chagrin d'amour. Comme il se sent maladroit, pour l'instant, il le garde de côté, et papouille, attentif. C'est aussi l'occasion de faire les premières inspections d'usage, mine de rien. De vérifier dans quel état il retrouve cette enfant laissée aux bons soins des autres. Est-ce qu'elle a été bien nourrie ? Oui ça a l'air d'aller. Les yeux ne sont pas trop cernés. Sois pas tristoune bouchon. La tête… c'est bon ça tourne encore. Pas de petites bestioles noires qui font la java dans ses tifs. Les mains, fais voir les mains. C'est brûlé ? C'est quoi ça ? Tu t'es fait mal ? Je t'avais dit que la forge fallait faire très attention, hein, et comment c'est arrivé d'abord ? T'étais pas surveillée ? T'as mangé des légumes ? T'as pensé à laver tes dents ? Tu vas bien ?

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