--Lamuseur
La nuit finissait denvahir le ciel entre les ruelles sombres de la ville, emportant avec elle les dernières lueurs du jour. Lobscurité nallait pas tarder a être totale, uniquement baignée par la froide clarté de la lune.
Silence se faisait, progressivement. Quelques rares bruits de pas venaient encore perturbé lendormissement de la cité.
Quelques notes de musiques, à proximités des tavernes les plus populaires du quartiers, quelques éclats de rire ou de voix, rendus jovials par les effluves dalcools partagés.
Une porte claque soudain, laissant la musique séchapper plus vivement pendant quelques secondes avant de séteindre, comme en attente ; les notes suspendues dans latmosphère lourde et tendue quand la colère monte.
Rire loufoque, exagérément appuyé et bruit de course. Quelques injures y répondent, hurler dune voix puissante ou ne manquait pas de percer une rage certaine.
PANTIN ! PALTOQUET ! GUIGNOL ..BOUFFON !
JE VAIS TE FAIRE PASSER LE GOUT DES PLAISANTERIES DOUTEUSES MOI !
Nouvel éclat de rire, la réponse ne se fait pas attendre. Voix enjôleuse et chantante, délibérément provocatrice et délurée.
Voyons mon bon messire, à quoi sert toute cette ire ?
Point de honte il ny a, à montrer son minois,
Tout démotion pétrit, ô comble des maris !
Votre mine éveillée, à votre humilité,
Fut je gage ce soir, pour vos clients hilares,
Source de revenu, en trébuchant écus,
Car il ne voudront point, aujourdhui ou demain,
Manqué le dénouement, de ce fait fort troublant.
Après tout nous ne sommes,que de tout simples hommes.
Grognements redoublant dune fureur contenue. La voix se fait plus calme, mais sournoise et menaçante, ne laissant aucun doute sur le désir ardent qui sous les paroles.
Tu as raison bouffon, ris donc, tant que tu le peux encore. Rimaille à nen plus pouvoir, car lorsque je mettrais la main sur toi, je prendrais un malin plaisir à te les faire avaler, à te les faire hurler avant de tégorger tel le porc que tu es.
Ricanement de lintéressé. Le ton se fait plus ironique, défiant et narquois.
Messire le bouffon vous remercie bien bas
Mais je ne peux sans honte, vous laisser dire cela
Je nai point votre teint rosé par le bon vin
Les rondeurs abyssales qui entourent vos reins
Et la forme subtile de votre rond tarin.
Alors si cochon, je peux lêtre à mes heures
Faire de moi un porc, serait bien trop dhonneur
Je laisse donc vos dons, en pareille matière
Continuez à uvrer, ne faites point de manière
Vous êtes à mon avis, de la gente porceline
Plus quun ambassadeur, une icône divine !
Quand à dire que vos mots, sont dhabiles promesses
Je pense quils seraient, plus de rêvées prouesses
Car pour mattraper, cest la que le bas blesse
Il faudrait pour cela, que vos immenses fesses
Puissent se déplacer, dau moins dix mètres par jour
Voir grimper et sauter, comme le font troubadours
Or je crois que celles-ci, ne puissent aux alentours
Tenir la distance, jusquau prochain carrefour
Sur ces douces paroles, je dois prendre congé
Car verve et verbiage, je dois aller user
En des lieux plus cocasse, et bien plus raffinés.
Mais avant de partir, je voulais exprimer
Par un petit cadeau, mes plus sincères regrets
Car jai beau être pour sur, un immonde foutriquet
Aussi désespérant, quun fichu bilboquet
Il y a encore pire, sous mon saillant bonnet
Sautant de son perchoir, comme tombant du ciel en une courbette subtile, Lamuseur atterrit juste devant le bonhomme rouge de colère. Il fixa sa victime en un sourire sournois, attendant le premier mouvement de celui ci, mouvement qui ne tarderait pas à arriver une fois la surprise de son arrivée subite passée. En une seconde, celui-ci tentant de la saisir, il avança vivement une main tout en s'écartant, écrasant une boule de crottin encore fraiche sur le visage du malheureux enfiévré. Alors que celui-ci se débattait tentant de se débarrasser de limmonde matière, Lamuseur sessuya la main dans la veste de celui-ci et lui murmura, dune voix ayant perdu tout humour :
Comprenez bien que je ne fais pas cela que par plaisir, mais il fallait que quelquun vous montre ce que signifie dêtre en lenvers du décor. A lavenir donc, lorsque vous voudrez écraser autrui tel ce que vous avez sur le visage, remémorer vous cette soirée et ce que vous avez ressenti. Et si lenvie vous reprenais malgré tout, réfléchissez y a deux fois, peut être serais je encore dans votre dos.
Sans attendre une seconde de plus, le bouffon disparu dans les ombres des ruelles, laissant lhomme jurer de toutes ses forces, alors que les chandelles apparaissaient aux fenêtres alentours, les gens cherchant à connaître la raison dun tel vacarme a cette heure tardive.
Déjà loin de la scène de ses méfaits, Lamuseur, le visage ponctué dun mine radieuse ou le rire tenait une place prépondérante, parcourait les rues sombres de la ville, rentrant dun pas décidé, mais toujours à laffût dun mauvais tour a jouer.