[Adieu Breiz]
Et le page fuyard avait fini par disparaitre. Akator se tourna vers le garçon et esquissa un sourire sous le foulard qui cachait son visage. Il s'approcha d'Aimbaud et posa délicatement sa dextre gantée sur le haut de son crâne, s'aidant de sa chevelure, il lui releva la tête. Le Savoyard approcha sa bouche de l'oreille du Josselinière et murmura : - "
Silence petit agneau, il est temps pour toi de t'en aller rejoindre le pays des rêves ...". Le Compagnon usa d'un accent qui n'était pas le sien afin de ne point être démasqué. Il avait imité le Provençal, les longs mois passés à Arles avaient permis à ses oreilles d'apprendre à sa langue à imiter leur façon de parler, si bien qu'il pouvait se faire passer pour eux bien que sa peau incroyablement blanche lui faisait perdre toute crédibilité.
La seconde d'après, son poing s'écrasa contre la mâchoire d'Aimbaud.
-
M'est avis à moi qu'il serait plus sage de garder ta bouche close si tu ne veux pas que j'arrache ta langue avec mes dents et que je t'envoie rejoindre ton cadavre de compagnon qui git plus loin sur le sol !
Quelques minutes plus tard et après s'être débarrassé du corps de Reunan dans les sous-bois, les trois
compères furent prêts à partir.
[Premier jour de voyage, entre Nantes et Angers]
-
Je crois qu'on a quitté la Bretagne, on doit être en Anjou maintenant, ce n'est pas bien mieux, mais au moins ils ne vénèrent pas des cailloux ici ! s'amusa à dire Akator, toujours dans son rôle de ravisseur du Sud.
[Troisième jours de voyage, quelque part en Touraine]
Entrain de faire pleurer le Colosse non-loin du campement, Akator sifflotait un air Savoyard, il était nostalgique de ses montagnes, mais sa nouvelle vie en Bourgogne au service de la Princesse de Chantilly lui convenait. Il esquissa un sourire lorsque des brindilles craquèrent derrière-lui, rangeant son Colosse dans ses braies, il sortit une dague de son étui et fureta les environs. Quelle ne fut pas sa surprise et son amusement quand il vit au loin le Josselinière roulant sur lui-même pieds et poings liés afin de s'enfuir.
Il le rattrapa en trottinant, une fois à ses côtés, il marcha.
-
La Bretagne ce n'est pas par là tu sais, et puis, fuir pour une donzelle, ce n'est vraiment pas intelligent. Des trous à fourrer et des seins à peloter, il y en a des tonnes où tu vis. Bon aller, arrête d'avancer bordel !
Le soulevant par les cordes le maintenant captif, Akator la ramena au bivouac.
[Une semaine plus tard, dans une chambre d'auberge à Sancerre]
Le confort et la douceur d'un lit était - sans compter les femmes - ce qui avaient le plus manqué au Compagnon durant la traque du garçon. Dormir masqué n'était pas aisé, cela relevait même du miracle, les rares moments où il s'endormait, il se réveillait la minute suivante avec la fâcheuse impression d'étouffer. Le Savoyard se redressa pour la énième fois de la nuit et se frotta les yeux. Des bruits sourds provenaient de la salle d'eau de la chambre, Kehl dormait à poings fermés et Aimbaud n'était plus dans sa couche. Lorsqu'il pénétra dans la pièce, le spectacle était navrant, le Josselinière vacillait sur le rebord d'une fenêtre ouverte, le bougre était tellement désespéré qu'il était prêt à atterrir un étage plus bas dans la rue au risque de se briser la nuque.
-
Mais t'es vraiment une plaie comme gosse toi !
Le Franc-Frappeur se saisit du garçon par le col et la jeta en arrière, fermant la fenêtre, il le ramena dans la chambre et passa le reste de la nuit à surveiller qu'il ne fasse plus de bêtise.
[Quelques jours plus tard et en Bourgogne, enfin !]
Jamais il n'avait été aussi content de fouler le sol Bourguignon, bientôt le fardeau que lui avait confié la vanillée disparaitrait et il pourrait reprendre son train de vie quotidien, mais avant cela, il fallait arriver à Ménessaire. De plus et afin d'éviter au maximum qu'Aimbaud sache où ils l'emmenaient, Akator avait posé un bandeau sur ses yeux, mais il n'était pas dupe, il savait que tôt ou tard le garçon reconnaitrait la Bourgogne ...
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