Mahelya
- Aimer, c'est se donner corps et âme.
(de Alfred de Musset Extrait du La confession d'un enfant du siècle )
Le corps se pose et reste sur celui de son Ténébreux. Léger à peine plus pesant qu'une plume, la Frêle ne se surnommait pas comme ça pour rien. Les sinoples scellés à la silhouette masculine, la fine main blanche en effleure encore les traits simplement avec douceur. Toucher la vérité du bout des doigts. Calme et Silence s'imposent au nouveau couple et dire qu'il y avait à peine quelques minutes c'était Amour et Volupté. Et dire qu'il y avait à peine quelques heures, aucun des deux n'aurait pu prédire ce qu'il se passerait dans cette chambre d'auberge à Angers. Chaque meuble, chaque objet était devenu le témoin silencieux de cette révélation qui s'était imposée aux jeunes gens avec violence. La discussion n'avait pas duré bien longtemps et bien vite Ils s'étaient abandonnés, Ils avaient volontairement baissé les barricades qu'Ils s'étaient évertués à ériger au fur et à mesure des années, alors que les sentiments qu'ils éprouvaient l'un pour l'autre se muaient en quelque chose de plus profond, d'inavouable, d'interdit ? Peut-être ... Pourtant ... Ce soir, La Sirène et Le Soldat avaient chanté à l'unisson, s'attirant tout deux dans leurs filets. Une fois réunis leurs corps attirés s'étaient alors mis à danser, la sensuelle et ardente Danse des Damnés : La Petite Mort des Amants (*). Mais la passion exultée, l'âme doit se reposer. Alors le silence dure, et la tendresse entre eux perdure.
Mais si aucun son ne sort de leurs gorges, il n'en reste pas moins que lÉtincelle est en pleine réflexion. Lentement elle réalise ce qu'il vient de se passer, se convainc qu'il ne s'agit pas d'un de ses rêves dont elle n'avait jamais parlé. Il est contre Elle, peau contre peau. Et enfin ... elle comprend que ce soir, Il lui appartient. Involontairement un soupir d'aise s'échappe de sa gorge, alors que les souvenirs de leur étreinte s'imposent à ses pensées. Sa peau frissonne à la réminiscence des sensations qu'elle a éprouvé. De mémoire, rien ne fut plus beau que cet instant qu'Ils ont partagé, même pas ses songes dont elle ne devait piper mot. Alors, lentement la main glisse sur le flanc du Deschenaux et la Flammèche encore brûlée serre ce corps masculin un peu plus contre le sien. Les purpurines déposent myriade de baisers sur l'épiderme qui lui est accessible. Ce soir les Ténèbres se sont envolées et c'est une Flamme plus brillante que jamais mais se laissant déjà apprivoisée, qui apparait aux yeux de Kylian. Mais bientôt l'apaisement du corps et de l'âme a raison de l'Incandescente et c'est ainsi qu'elle s'endort dans les bras du seul l'Homme qu'elle aime.
La nuit se passe sans songe, juste une extrême satisfaction. La chaleur de Kylian la rassure et la berce alors que les étoiles dans le ciel disparaissent peu à peu. Et ce n'est que la fraicheur du petit matin qui a raison de la jeune Flamme et lui fait ouvrir les yeux. Un rayon lumineux filtre par l'épais rideau qui opacifie la fenêtre de la chambre. Et là, l'esprit encore embrumé, le doute l'assaille. La nuit dernière n'était-elle qu'un rêve ? Les fruits de son imagination ? La frêle silhouette se mouve doucement et la peau du Ténébreux sous ses doigts délicats confirme bien que non. Alors Mahelya se redresse doucement, et dans la faible lueur du jour, elle observe l'Homme endormi, un fin sourire étire ses lèvres. Le buste se penche et s'accapare ses lèvres. Une baiser volé. Un souffle chaud caressant ce visage à la barbe naissante. La voix cristalline raisonne.
- Bonjour mon Amour
Il est là, Elle aussi, réunis comme la veille, c'est un beau début non ?
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(*) Inspiré d'un Titre d'un sonnet de Charles Baudelaire extrait de Les Fleurs du Mal
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