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[RP ouvert] T'as quoi dans ton froc ?!

Yap.
Cela faisait un sacré temps que Yap traînait sa carcasse sur les chemins boueux de l'est du Royaume. Elle ne savait pas vraiment où elle allait, choisissant son chemin au flair : le nez collé au vent, elle espérait un jour sentir les embruns de la mer. Elle s'arrêtait rarement dans les villes, préférant la compagnie des dangers de la route. D'ailleurs, un sale type ne l'avait pas loupé, juste avant d'arriver en Lorraine. Cet enfoiré au cul propre avait fait mordre la poussière à la miséreuse pour un maigre butin : une pomme et deux quignons de pain à moitié croqués. A ce moment, la brune se dit qu'elle avait suffisamment vagabonder pour en tirer la conclusion suivante : les abrutis gagnent toujours, c'est une question de surnombre. Heureusement sa gnôle était restée pour la réconforter et comme une bonne copine, l'avait conseillée.

Le temps n'était pas trop dégueulasse ce jour là, quand Yap pointa sa trogne au marché de Nancy. Elle s'était dégotée un petit veston en laine qu'un type avait oublié sur une table, dans une taverne d'Epinal. L'habit était miteux, mais couvrait une bonne partie de sa silhouette malingre. Même si des regards obliques accompagnaient son drôle de sillage, elle trouvait qu'elle ne faisait pas trop tâche. Car aujourd'hui, il lui fallait être commerçante. Une charrette de fortune, bricolée à l'arrache avec trois planches et un bout de corde, qui était d'ailleurs plus emmerdante qu'utile, complétait le déguisement. Dedans, elle y avait foutu un sacré bordel; tout ce qui lui tombait sous la main, et qui lui semblait potentiellement inutile et absurde.

Glanés après son pépin, ses bibelots couvraient une large palette : une semelle de poulaine droite, des fioles visqueuses contenant d'étranges liquides, des napperons à moitiés brûlés et même, de jolis cailloux. Une statuette vraisemblablement totémique, à base de boue et de branches, représentait un individu quelconque. Tout ceci, elle l'étala en vrac à même le sol, campé entre un marchand de betteraves rabougries et un de navets. Il y avait peu de passage dans ce coin du marché; on était dans la partie noire, celle où les loqueteux traînent leurs pieds nus devant les étals et où les bouchers vendaient de la viande avariée. Mais Yap s'y sentit bien, et sentait que la journée allait être bonne. Elle se vengera des cons, en les prenant pour des cons.

D'abord, elle commença par se quiller une copieuse rasade d'alcool pour se mettre en forme. Il n'était pas 10 heures que la bouteille était bientôt à moitié vide, et déjà Yap sentait le feu lui agiter les reins. Une main maladroite fouilla dans la poche intérieure du veston, et en tira une poignée de cailloux. Un raclement de gorge s'en suivit, un mollard s'abattit sur le sol, et une voix tonitrua :

-Jetez vos navets et APPROCHEZ ! Pour vous, un lot d'une qualité rare, tout droit venu de...de... d'la coopérative des joyeux prisonniers ! Ramassés dans l'respect d'la TRADITION, ouaip' à la main et à la sueur, ces cailloux *hips* vous rendront... mhmm...très HEUREUX ! Senteeeeez l'poid d'l'l'histoire dans vot' main ...! D'un équilibre PARFAIT, ils sont idéals en cas de... d'éventuelles attaques inopinées ! Démonstratiooooon ...! Un caillou fila à travers la foule. Sur cible mouvante, à 10 mètres, sur *hips* un ENFANT...! Et pour l'premier client, ce napperons est OFFERT ! n'vous méprenez pas sur l'brûlis, c'est fait exprès; passez à la flamme de bougie pour un effet vieux parch'min...! Hééé toi là, approche j'te montre ! Quelqu'un là dans la foule, qui aurait mieux fait de rester au lit ce matin, se fait prendre pour cible par Yap, qui lui balance une caillasse pour l'interpeller.
Minah
N'a-qu'une-patte traînait du pied dans le marché de Nancy, laissant de grands sillons baveux dans la fange locale. La jolie croûte brun-verdâtre qui se formait sur ses bottes rouges allait bientôt se faire permanente, ce qui irait à merveille avec le teint général de sa personne. Enfin quelque chose qui allait bien ! Depuis la perte de son chapeau Philémon-le-grand-duc-avec-un-trou-dedans et ses bains forcés chez les nonnes, Minah se sentait à côté de ses pompes. Se remettre à fleurer comme ce qu'il s'y trouvait collé la requinquerait, pour sûr !

Elle lambinait tranquillement, donc, ressassant spleen et mauvaise gnôle de la veille quand un P*TAIN de grand choc dans la caboche vint lui rappeler que le monde extérieur était bien plus vivace que son monde intérieur ('
frrrrrsssh' fait le petit ballot de paille emporté par le vent...). D'ordinaire, Philémon aurait amorti le coup. Une goutte de sang se fraya un chemin dans la tignasse emmêlée pour couler le long de la tempe.

La bestiole marcha droit sur l'emmerdeuse colporteuse, narine frémissante de rage, gueule ouverte déjà prête à cracher insultes et postillons.


Bordel de foutre ! Toi, là ! J'va t'faire bouffer ta caillasse qu'tu vas chier du gravier 'vec tes dents ! 'Fin, t'vas chier tes dents aussi, hein ! T'chies pas 'vec les dents ! En puce du gravier ! Fais pas comme s't'avais pas compris ! Et... et...

La manchote se tut, rouge vif sous ses strates de crasse, soufflant comme un bœuf et suant comme un porc.
Panne d'inspiration en matière de menaces.


Pis d'abord pourquoi tu t'casses le cul à les vendre, ces caillasses, s'tu les jettes gratos comme ça ?

Ben ouais, d'abord ?
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avatar : Raw materiel by ti-DESIGN
Yap.
Avant que la donzelle ne s'approche, Yap gueule bien fort, histoire de rattraper le coup. C'est que la chose qui vient n'a pas l'air de faire dans la guimauve.

-Ahah ! J'vois qu'j'ai tapé dans l'mile...! Mesdames et monsieur, n'hésitez plus, c'est prouvé, vot' caillou atteindra TOUJOURS sa cible ! Allez une ristoune pour la...la.. euh... T'es qui toi au just' d'abord, hein ?! C'pas d'la caillasse qu'j'vais t'vendre à toi mais un sac d'jutes pour cacher ta sale tronche !

Oh, pauvre Yap, tu ferais mieux de te regarder dans un miroir.

-Et ton claque merde on en fait quoi, on l'bourre de cailloux et on t'coule au fond d'l'océan ?! Hinhin !

Voilà, après avoir balancé ses saletés, Yap se sent mieux. Comme purifiée. Elle fronce néanmoins sévèrement le nez en s'imaginant chier du gravier, elle a même carrément l'impression que ses dents grincent toutes seules; mais ça, c'est psychologique, ou un truc comme ça. Quelques secondes passent avant que la vilaine ne réagissent à la dernière question. Un air flottant sur la tronche, elle hésite entre envoyer bouler ce boulet ou lui offrir une bonne rasade de gnôle pour détendre son slip. Finalement, c'est elle qui prend un coup de gnôle avant de répondre :

-C'est un truc d'commerçant, t'peux pas comprendre. Moi nan plus d'ailleurs. Genre on appelle ça la dé-mon-stra-tion. T'veux qu'on recommence, histoire qu'on soit sûre qu't'es pigé ? Hinhin. Avoue, maint'nant, t'as envie d'm'acheter le kilo d'caillou, hein. J'te l'fais à 20 balles, et j't'offre une semelle de poulaine.
Minah
La bestiole eut un air con qui sembla durer une éternité (et pour cause !), comme interdite par le fait de ne pas être la seule créature dotée d'un clapet apte à proférer n'importe quoi très fort. Elle ouvrit et referma la goule plusieurs fois, la cervelle travaillant à toute berzingue pendant ce temps-là, histoire de trouver quelque chose de bien dégueulasse à rétorquer. Mais pour ça fallait de l'imagination et tout un tas d'autres qualités dont Minah était totalement dépourvue.

Ouais ben d'abord... Ta caillasse, c'est d'la qualité chiasseuse ! Pire que ta gueule !

N'a-qu'une-patte se pencha en avant pour ramasser la démonstration et l'écrabouilla de son mieux sur le pif de la donzelle.

T'vois ? Là ! Une touche seul'ment pis qu'y perd d'jà des p'tits morceaux, l'machin ! Y se frite ! C'pas du bon caillou d'carrière, ça ! C'est d'la miette de pavé ramassée au èrémi ! Ou pire, d'la contrefaçon germaine ! Pffeuh !

Un gros mollard vint s'ajouter au bordel hétéroclite de la pseudo-marchande.

Même pô en rêve j'l'achète, ta merde !

Moment d'hésitation.

Mais j'aime ben ton napperon, là. Y plairait ben à ma mémé. J'te l'échange cont' mon poing pas dans ta tronche... marché conclu ?

Et ledit poing se tendit, toujours garni du minéral de la discorde.
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Lope.
Il était entrain de marchander le prix d'une viande séchée qui avait l'air de provenir d'un chat malade plutôt que d'un canasson. C'était, en effet, pénurie de viande à Nancy. On commençait à manquer de tout et les spéculateurs en tout genre avait déjà fait main basse sur les denrées alimentaires en cas de siège. Et ça, ça trouait le sien de siège au Lopé. Soudain, il entendit les cris rauques de deux gueuses non loin. Il reconnut sans peine la voix de Minah, voilée et puissante comme un gros rouge qui ne laisserait plus passer la lumière. La main sur son couteau à saucisson, il était prêt à voler au secours de l'estropiée. Lorsque...

Lorsqu'il vit la scène. Il se bidonna comme jamais et une idée germa dans son cerveau.C'est ainsi, qu'alors que la place du marché s'animait de cette baston improvisée, le gras du bide passa parmi la foule médusée, un chapeau dans la main. L'oeil allumé par le spectacle et par la promesse de gain futur, il déambulait, secouant son couvre-chef mité de temps en temps. C'était pas tous les jours que Nancy se muait en Cour des Miracles et que deux gonzesses commençaient à s'invectiver puis en venir au parpaing.


- Faîtes y vos paris m'sieurs, dames. Qui qui mise sur la manchote qui a du mordant ? Qui sur la rachitique aux cailloux ? Une est nez-cuillère, l'aut' deux mains valides ! Faîtes pas vos timides. Les chances sont des deux côtés !
Yap.
Ca lui fait mal, là quelque part au milieu de sa trogne, et à l'intérieur aussi; c'est le petit monstre de la colère qui lui gratouille les entrailles pour sortir. Yap tire une tronche à faire pleurer un gosse, destinée à la chieuse qui se tient devant elle. Et elle ose cracher sur sa camelote, en plus...! C'est l'affront ultime, Yap matte en silence la manchote, d'un air mauvais et sale, genre j'vais t'péter la gueule en morceau mais attend j'me prépare. Puis, elle essuie d'un revers de main le sang qui a coule de son pif, avant de l'essuyer sur le napperon en question.

-C'est ça qu'tu veux pouffiasse ?!! Tiens, cadeau !! J'vais t'faire r'gretter d'pas être restée dans les jupons d'ta putain d'mère...!

Et en gueulant comme un démon sorti des cinq enfers, Yap se jette de toute sa puissance de moinillon, précédés du napperon qu'elle empoigne fermement, en avant, afin de faire goûter à l'autre tarée son poing et la douceur d'une dentelle qui était autrefois de qualité.

Moi entre Yap et Minah, j'mise sur celui qui arrivera à les séparer !
Minah
Bon. On voulait bien lui vendre, le napperon. Mais pas tout à fait au prix revendiqué. Cela dit, l'offre « un napperon acheté, mon poing dans ta goule offert » était pas si mal... Avec la précédente démonstration, la manchote crevait d'envie de surenchérir !

Ouff...!

Pas assez rapide pour éviter la furie, Minah bouffa de la dentelle à pleins chicots.
Tournant la caboche de côté, elle crachouilla un peu de broderie mêlée à une salive rendue rosâtre par le sang, avant de s'essuyer le groin d'un geste du moignon.


Fille de chienne...! J'va tell'ment t'refaire ta gueule qu'même ton fantôme y va pas t'reconnaître !

N'a-qu'une-patte n'était pas très vive (ni de la tête ni du corps) et il lui manquait des bouts (dans la tête et du corps), mais elle était costaud et entraînée à maraver la tronche d'autrui. Même si Philémon et son bec pointu n'étaient pas de la partie, elle avait un sacré coup de boule et s'empressa d'en tenter la démonstration. Tête baissée, elle recula de quelques pas...

… Et se prit les pieds dans Lopé qu'elle n'avait pas remarqué !

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Lope.
Il avait les feuilles de choux dressées, le Lopé,.. en extase. C'était de la vraie poésie qui se cousait là. Il en avait pourtant connu de ces vers déréglés, ornés de pourriture, de ces ballades graveleuses qui ponctuaient les nuits des soldats en mal d'amour, de ces exclamations qui tonnaient à chaque bordiau. Mais là... attention c'était de la joute qui avait une toute aut' goule. C'était les jeux floraux d'fines fleurs de purin. Les deux-là, c'étaient les Rutebeuf du caniveau. Les Bodel des baudets. Des Jaufré avec du coffre !
Ca pleuvait des insultes et le rouge commençait à pisser.
Le public semblait apprécier et le chapeau se remplissait petit à petit de deniers et de boutons de chemise. L'obèse affichait son sourire obséquieux et réfléchissait déjà à un plan pour s'échapper à l'angloyse. Il avait hâte d'exécuter un miracle dans une taverne toute proche pour transformer ces aumônes en picrate. Lorsque...

Lorsque la petite chose à trois pattes se mit dans les siennes. L'assistance ouvrit encore plus largement leurs mouilles lorsqu'elle vit le géant roux vaciller, son chapeau volant en l'air, décrivant une courbe en direction du paradis solaire. Ses jambes déséquilibrées n'arrivaient plus à soutenir l'importante masse qui obliquait en direction du sol. Il essaya tant bien que mal de secouer ses bras. Il avait la tronche d'Icare au zénith de sa connerie alors qu'une pluie fine de piécettes tintaient sur les pavés.

- BouaaaaaAAAAAAAAAAArrrrgHhhh

Il gueula en tombant dangereusement vers les belliqueuses compromettant ainsi de façon drastique leur dispute et leur espérance de vie.
Yap.
Un feu d'artifice, ou une explosion de paillette, putain c'est beau toutes ces piécettes qui volent. Comme si Aristote était aussi de la partie en leur balançant des écus à la tronche, et j'le vois bien en plus applaudir dans ses mains en beuglant "encore, encore!". Yap quant à elle, ne trouvait pas ça beau d'où elle l'était : entre une manchote qui visiblement avait un sérieux soucis d'identité ("j'suis po un humain moa mais une tite cochonne qu'aime m'rouler dans la boue et faire caca partout, même sur moa hihi") et le postérieur protubérant d'on ne sait quel émergumène, Yap se sentait un peu débordée. La position dans laquelle elle était frisait le Picasso; une jambe était tordue entre deux paires de béquille et son autre jambe était calée en freestyle par dessus une tête. En gros son côté droit disait merde à son côté gauche. Son groin était fiché dans un airbag, pitié pourvu qu'il ne lâche pas une caisse... Et en plus, elle s'était cognée le crâne contre un de ces chandeliers cassés qu'elle vendait. Fichtre cul.

La brune se tortilla comme elle pouvait en grognant, mais elle était si maigrelette qu'elle ne pouvait s'extirper du tas. Elle réussit néanmoins à sortir un petit bout de tête, et à articuler tant bien que mal. Elle aurait bien gueulée, mais l'air lui manquait dans les poumons :

-Z'avez.... intérêt... à... bouger... vos... putain de... MOULES... et à m'acheter TOUT... mon... STOCK !!! Sinan...je....m'énerve.... TRES FORT !!!!!!!!!!!!

Et elle croqua à pleine dent dans le postérieur qui s'offrait à elle. La vie, c'est comme une pomme, faut la bouffer !
Minah
Toujours chancelante quant à sa rencontre inopinée avec le bookmaker improvisé, Minah eut l'impression de tomber au ralenti. Et donc de voir le monumental fondement fondre sur elle très, très, lentement. Vous imaginez un peu la vision apocalyptique ?! L'horizon inexorablement obscurcit par cet astre dévastateur, les piécettes qui dansaient dans les cieux comme autant de comètes enflammées, sans compter ce hurlement monstrueux qui sonnait comme un coup d'pet' du Sans-Nom.

Par Sainte moi, souffla l'autoproclamée Sainte Patronne des Bestioles Crevées soudain très préoccupée par une spiritualité qui lui passait habituellement au-dessus du hibou. Va falloir rend' des comptes au patron...!

Goule béante par accès de piété, elle goba net un écu vrombissant tout en s'écrasant finalement sur son adversaire.
La bouille rougeaude, les yeux révulsés et la bave aux lèvres, la bestiole étouffait.


AaaRRRRRRRRRRRGLEUUUUURRRRRRRRR... EUUURRRRRRRGL...!

Sans cesser d'éructer, elle plantait ses ongles sales dans sa gorge, se griffant à créer des sillons de peau pâle dans la crasse. Elle se croyait déjà deux fois morte, étouffée et écrabouillée à la fois, quand une douleur fulgurante aux miches la saisit. De surprise, elle déglutit et acheva d'avaler la pièce.

Ouff...!

La manchote crachota pitoyablement en reprenant son souffle et essuya un peu de bave sur son menton avant de loucher sur la petite brune échevelée comme si elle la voyait pour la première fois.

T... T'm'as sauvé la vie !

Elle avait peine à y croire. Puis elle fronça les sourcils, méfiante.

Hé... T'as pas la lèpre au moins ?

Parce qu'on lui avait déjà fait le coup, hein.
Et elle avait pas envie de se couper une fesse cette fois.


Comme y'avait rien de précisé sur l'appartenance du cul croqué, j'ai pris des libertés... ^^'

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Yap.
Un goût de mort, genre putréfaction avancée d'un clebs galeux, se répandit dans sa p'tite boîte à camembert qui lui servait à mouliner des conneries. Yap faillit en tourner de l'oeil, et cracha, cracha et cracha si fort qu'elle manqua de dégobiller ses tripes. Son haleine initial de chacal s'était pervertie en antre de la mort, et ça c'était classe. La brune lorgna la malpropre, croisant son regard aberrant, avec des yeux tout mouillés et consternés.

-T...t'as failli m'tuer !

Décontenancée, elle mima le faciès de la guenon, au quart de seconde.

-Et toi ?! J'suis sûre qu't'as pire qu'ça !

Yap s'appuya sur la bonbonne rousse pour se redresser sur ses guibolles taillée dans des baguettes, et découvrit avec horreur que la plupart de ces bibelots avaient été réduis en miette. Son superbe totem de boue n'était plus, ses flacons étaient brisés, et sa dignité de commerçante s'était fait la malle. Elle retomba aussi sec à genoux en contemplant ses babioles, ramassa un chandelier tordu et le pointa brusquement vers les deux énergumènes. C'en était trop !

-Vous deux ! z'êtes les PIRES clients qu'j'ai JAMAIS vu ! J'EXIGE RÉPARATION ! z'vous dis qu'z'allez pas vous en tirer comme ça, hein, croyez moi ! j'savais pas qui j'suis ! j'connais du monde ici, hein ! et pis, j't'ai sauvé la vie, à toi là ! ALORS selon les règles vous m'devez un truc ! ... nan DES trucs ! DES TRUCS BIENS ! Et toi l'gros, t'vas d'voir mettre ton lard à l'ouvrage, hein !
Le.gros
Il se releva difficilement s'appuyant sur ses genoux. Il ramassa ensuite calmement son bitos malmené puisqu'il s'y était assis dessus en tombant. Il soupira. Puis il remis son chapeau, compagnon d'infortune sur son crâne. A cause de sa rage contenue, il l'enfonça si profondément que les coutures sautèrent. Ne voyant plus rien, il beugla et lança son poing vers la marchande qui terminait sa tirade.

Ne s'inquiétant pas de savoir si le coup était porté, il releva le bord de son couvre-chef, juste assez pour lui assurer la vision d'un oeil.


- D'quoi qu'elle cause l'aut' ? Veux t'y qu'ça vire au pugilat ? T'veux mettre mon lard à l'ouvrage ! Hé la gerce, j'savais que j't'avais tapée dans l'oeil mais là tu pousses. Avant d'goûter à la spécialité lorraine c'est moi qui exigasse des réparations ! J'avoue que t'es bien avenante et tout et qu'j'ai vu pire dans mon plumard. Mais halte-là ! Pas d'affaires d'coeur au marché ! La Belle, la Bête et l'chandelier au milieu c'est un joli tableau mais... Un chapeau ! Mon chapeau ! Tout neuf ! Pis si ça s'trouve, j'ai même une vertèbre luxée ! Oh merdasse...

Oh les cons !


Et le gros se retournait déjà vers la foule qui comme des vautours, s'abattait sur ses paris, éparpillés un peu partout sur la dallage.
Minah
Dans toute cette agitation, Minah avait oublié la menace du monstrueux séant volant de Lopé et constata enfin (et avec grand plaisir) qu'il ne lui avait pas incrusté la tronche dans le pavé. Hélas, ce soulagement s'accompagnait d'une douleur tenace à l'arrière-train.

Te tuer ?! T'en as d'bonnes, toi ! J't'a pas enfoncé les dents dans mon gras d'cul, non pu !

La bestiole couinait d'indignation.
Pour une fois qu'elle faisait montre de gratitude, on la lui envoyait à la face !


Pis y'a pas pire maladie qu'ta gueule et c'toi qui l'a. T'risques rin...

Elle se releva avec toute la dignité qu'elle n'avait pas et évita d'un pas le gros rouquin qui se précipitait vers son futur dû déjà perdu.

S'tu tiens tant qu'ça à c'qu'on t'dédommage, t'as qu'à attend' d'main matin. Ou après d'main. J'va t'chier l'plus bel écu qu't'as jamais vu ! Pis t'vois ?

Elle désigna la foule d'un geste du moignon.

T'devrais lui r'payer un chapeau pour t'avoir apporté tant d'clients !

C'est que la cradingue aimait bien le grand lardon, et son désespoir chapelier lui avait fait de la peine. Elle était comme ça, la Minah. Un cœur en or.
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avatar : Raw materiel by ti-DESIGN
Yap.
La brunasse sale se releva, avec une p'tite mine fâchée, mais un gros poing dodu arrêta son élan. Elle retomba aussi sec, sur les fesses, sonnée. Elle tenta de poursuivre la rousse qui s'enfuyait déjà, histoire de lui remettre les pendules à l'heure. Mais y avait comme un couac dans son genou et elle resta sur place en grimaçant; elle se demanda brièvement si la gueuse allait pas lui savater la tronche elle aussi, puisque c'était la journée des torgnoles. Du coup Yap lui jeta un regard méfiant dans les dents en se saisissant du chandelier.

-Qu'il aille s'faire fout' avec son chapeau d'mes deux, qu'il s'mette ça sur la tronche il aura l'air plus éclairé !

Yap envoya l'objet valser aléatoirement dans la foule; plus pour se soulager que pour atteindre vraiment sa cible. Elle ramassa les quelques deniers éparpillés autour d'elle, pis toujours sur le cul, tendit une main vers l'éclopée.

-Beh j'vais pas 'tendre près d'main pour qu'tu m'chies ton quéron en or. Y a plus qu'à tirer sur d'aut' glandu maint'nant pour dégoter un aut' magot. Pis t'es obligé d'venir, c'est Aristote qui l'dit dans son bouquin, un service dû est un service. Truc du genre.
Le.gros
Un coup de fesse à droite, un coup de fesse à gauche, l'obèse penché se débarrassait peu à peu des importuns qui se mettaient entre lui et son artiche durement gagné. Ne voyant que d'un oeil, la tâche en était d'autant plus ardue. Et puis le nancéiens c'étaient quand même rapace de nature. Touche à leur grisbi et t'auras l'droit à une mandale, soliloquait-il tout en essayant d'avoir le dessus sur eux. Il n'osait imaginer si un jour les mines viendraient à s'faire fermer. On aurait eu droit à des réclamences par ci, par mi, tenez-le pour dit. Les élans d'solidarité peau d'balle ! A moins qu'ça ait une utilité politcouille et que ça permette d'se faire bien voir. D'ailleurs suffisait de voir comment que les patrons y traitaient leurs taverniers pour s'faire une idée de leurs radineries.

Il commençait à grogner et à aboyer le gros, montrant les dents devant les plus courageux, ceusses qui étaient restés pour ramasser les deniers. Soudain, un chandelier s'écrasa sur la trogne de son plus proche voisin, qui étala du rouge sur la place ainsi que sa personne (c'est du zeugme d'compèt j'avoue et tu peux le garder). Du coup, Lopé se bidonna.


- C'serait y ça "tenir la chandelle" ?

Puis reprenant son sérieux, il jeta un dernier regard à ses pieds pour remarquer qu'il n'y avait plus rien à faire. Il avait sauvé le plus gros du butin de la catastrophe et l'étala sur sa paume ouverte histoire de compter ses pertes. Après un effort intense pour lui d’additions, il renifla.

- Pas assez pour un couvre-chef snorf.
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