Perceval_aelis
Le voyage pour moi, ce n'est pas arriver, c'est partir.
Cest l'imprévu de la prochaine escale, c'est le désir jamais comblé de connaître sans cesse autre chose,
c'est demain, éternellement demain.
- Roland Dorgelès -
Cest l'imprévu de la prochaine escale, c'est le désir jamais comblé de connaître sans cesse autre chose,
c'est demain, éternellement demain.
- Roland Dorgelès -
Elle a dit adieu à Genève comme sa mère jadis avait dit adieu à Tolosa, la joie en pinacle et le coeur pincé d'un chagrin amer.
Pourtant, notre demoiselle affectionne les voyages tout à plein, les préparatifs sont toujours une fête et n'ont de cesse de lui ramentevoir les expéditions maternelles, où chiens mêlaient leurs jappements joyeux aux hennissements nerveux des chevaux, leurs gens courant en tous sens alors que sa rousse matriarche donnait les ordres, frappant parfois dans ses mains tandis qu'observatrice, Perceval restait dans les jupons de Nanou, sa nourrice ibère.
L'époque est désormais révolue, il ne reste que le souvenir, intact, aussi vivant qu'une flamme dans l'esprit de la jeune fille.
Genève avait été son abri, son refuge durant les années qui suivirent le décès de sa mère, elle y avait grandi, appris la réforme genevoise, fait son deuil, perdu ses dents de lait, s'était attachée à Maddie et Izaac.
Mais sa vraie maison, l'endroit où elle se sent chez elle, ce sont les chemins, ils ont toujours fait parti de son ADN, chevillés à elle comme une seconde peau dont elle ne pourrait se défaire sans milles tourments qui la mèneraient à la mort.
C'est ainsi qu'en ce jour comme en d'autres, juchée sur son magnifique ardennais, Perceval mène bon train, de cette allure qui dénote la cavalière aguerrie qui sait parfaitement économiser à la fois son corps et son équin.
La route est reprise, à son plus grand plaisir, le museau redressé prend le frais alors que les ecchymoses sur le visage s'estompent, laissant de ci de là quelques marques violacées.
Le regard aiguisé se détache de temps à autre du paysage, s'attarde sur ses compagnons de route, surtout sur un géantin sobrement mais bien vêtu, sur lui, l'oeil s'adoucit, la lippe s'arrondit, prend la tournure d'un sourire furtif qu'elle fait disparaître diligemment en détournant sa mine.
Par moment une ombre s'installe , les lèvres se scellent dans une moue qui se veut décidée, bien que pour qui la côtoie un petit en connait quelque peu la réalité, notre jeune héritière est perdue en ses pensées.
Ou plutôt ces dernières viennent à la picanier, en doutes sourds, en incertitudes cruelles, en craintes confuses et troubles.
Aller à Paris, retrouver le nid crénelé d'Arlon et son frère Christos, s'installer en Artois, entamer une nouvelle vie... et ce courrier dernièrement reçu dont elle ne sait trop si cela augure un avenir de prestige pour sa maison ou l'entame d'un nouveau déclin mais qui signerait à coup sûr la fin d'une ère d'insouciance heureuse.
Ne pas s'attacher à ce jour d'hui, demain, éternellement demain, ainsi tend sa pensée, son corps, elle, en intégrité.
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Huguenote.