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Info:
Echange épistolaire entre Cornelius de Leffe et Chiméra de Dénéré Malines, juste après leur rencontre.

[RP] Une impasse est le lieu de mes plus belles inspirations

Cornelius.de.leffe
"Une impasse est le lieu de mes plus belles inspirations."
Milan Kundera



1ER ENGAGEMENT - APRES LA RENCONTRE - COURANT JUIN 1466


Citation:


    De moi, Cornelius Huibrecht de Leffe, Seigneur de Hoflande,
    à Vous, Chimera de Dénéré Malines, Duchesse d'Alençon

    Très chère Alençon,


    Je me permets de vous appeler ainsi, le nom vous ayant tiré un sourire lorsque je l'utilisai.
    Je vous écris du bivouac, et ne puis malheureusement pas, de part mon serment de Garde Royal, vous dire où je me trouve.
    Mes pensées se tournent souvent vers vous, nos converses, votre sourire, votre facilité à me dérider... Et d'autres choses, que vous devinerez sans que j'aie besoin de les coucher sur le vélin. Souvenirs doux-amers, qui parfois m'emplissent d'aise, parfois de culpabilité.

    Las, je sais ce que vous pensez en me lisant. J'imagine une moue désapprobatrice, ou encore un geste d'impatience. Je ne suis pas coupable, me direz-vous. Je n'ai rien fait que vous n'aviez voulu, me direz-vous. Et pourtant. Il m'apparaît qu'en goûtant au fruit défendu, nous nous sommes condamnés à savoir ce qui nous manquerait ensuite. Pourtant je ne me résoudrais pas à regretter en avoir connu le goût.

    Je sais que tout rêve, pour être exaucé, réclame sacrifice. Je ne savais pas en revanche que ce sacrifice serait une âme tendre, auréolée de feu et baignée de lune.

    Que le Très Haut vous garde,
    Cornelius


Citation:




A vous,
Cornelius Huibrecht de Leffe, Seigneur de Hoflande,


    Leffe.
    Je sais comme vous êtes attaché à cette production locale.

    J'ai retenu votre émissaire, le temps de ce retour, afin de pouvoir vous le faire parvenir. C'est qu'autrement il me sera difficile de vous joindre. Prévoyez lui de quoi casser croûte, le prochain tour. C'est qu'il est gourmand.
    Beau rôle que le vôtre, expéditeur désincarné. A bien y réfléchir, l'affaire me convient assez bien. Songe vous fûtes, et il me plaira que vous vous rappeliez aux miens quand vous le jugerez bon.
    Plein vous êtes d'avoir été vide un moment. Pardonnez les mots, malgré l'évocation taquine, le souvenir est doux.

    Conversons, encore, et peut-être y perdrez vous quelques années, si tant est qu'elles vous pèsent. Vous les portez avec une dignité des plus élégantes.
    Et n'allez pas préjuger de ce que je pense en vous lisant, ni de l'expression que vos lettres m'arrachent. Vous n'en avez pas idée. En y songeant, vous laissez allez vos pensées, permettez qu'elles prennent corps sur le vélin, en sachant bien qu'elles vont me contrarier? Allons bon, et vous n'avez pas mis cette version au feu, pour en pondre une qui me réjouirait? C'est bien peu délicat.

    Qui de nous deux a le plus mauvais rôle? Nature dit ce qui est, l'Homme fera ses choix fonction des impondérables. J'ai fait les miens, en connaissance de votre cause et de ma condition, vous fîtes les vôtres. Nous ne sommes le jouet d'aucune fortune, et je ne tolèrerai pas d'être dépeinte comme la brebis sacrificielle de l'histoire. Bestiole a son libre arbitre, figurez-vous.

    Songez encore à ce fruit dont vous causiez. Défendu il n'est que parce que vous le voulez bien, et je dois reconnaître qu'il m'est doux de vous savoir tourmenté à cette idée. Je vous lirai à nouveau, vous connaîtrai à nouveau si au jeune Bastian l'envie d'une visite vient soudain, à a faveur d'une permission. Avant trente ans, pour le mieux. Ou pas. De ce pas là, comme des plis qui viendront, vous serez ou non l'auteur.

    A moi donc, brebis omnipotente, le pouvoir de la réaction.

    A vous lire, et portez vous bien,


Chimera


Citation:


    De moi, Cornelius Huibrecht de Leffe, Seigneur de Hoflande,
    à Vous, Chimera de Dénéré Malines, Duchesse d'Alençon

    Chimera,


    De grâce, appelez-moi Cornelius, ou même Hoflande si cela vous sied. "Leffe" est tant associé à mon cousin et capitaine que mes camarades de la garde ont commencé à m'appeler "Vieux Leffe" pour nous différencier.

    Je suis fort aise que le souvenir vous soit doux, même si l'évocation triviale que vous en faites ne correspond point à mon propre souvenir. Était-ce bien la peine de m'éviter le bordiau pour parler ensuite comme si les deux choses n'étaient pas radicalement opposées ! J'espère sincèrement que vous avez minimisé notre soirée pour voir si je vous contredirais. Eh bien, je vous contredis.

    J'ai souri en lisant votre conviction que vous lire me rajeunirait peut-être. Je gage que votre expert maniement des mots me fera vieillir au contraire, tant je mets d'effort à déchiffrer certaines de vos charades... Mais j'ai les épaules larges, et le poids des années devra encore attendre un peu avant de les voûter. Ecrivez-donc tant qu'il vous plaira de le faire, il me plaît de vous lire.

    Si la façon dont je vous imagine réagir à mes dires vous attriste, je m'efforcerai de ne plus me laisser aller à coucher sur le vélin toutes les images de vous qui me viennent ; c'est plus sage en effet, cette la pente était glissante. Et de grâce, ne jouons pas à qui des deux a le plus mauvais rôle. Serions nous donc entrés en joute verbale sans que je me sois inscrit ? S'il est une chose que l'âge m'a appris, c'est bien que les femmes en sortent presque toujours victorieuses, si tant est qu'elles soient dotées de votre esprit.

    Je vous dois des excuses, tout de même. Loin de moi l'idée de vous voir comme une brebis sacrificielle. J'essayais, maladroitement, de vous dire que choisir entre vous courtiser et mes projets d'avenir m'est pénible et que je le vis comme un sacrifice. Mal m'a pris de tenter une formule imagée pour vous plaire, il semble évident que la plume n'est pas mon fort. J'en tiens pour preuve le fait que vous croyez nécessaire de me rappeler votre libre-arbitre quand je ne le connais que trop, ayant choisi de renoncer à mes honorables intentions pour céder, et avec quel plaisir, au choix que vous fîtes ce soir là.

    Si je le voulais bien, ce fruit ne me serait pas défendu, dites vous. Croyez que l'envie de le cueillir encore me chatouille la pulpe des doigts, mais je suis un vieil homme ancré dans ses habitudes, et je risquerais de trop m'attacher au goût de ce fruit là pour vouloir m'en passer. Choisir un autre fruit, fade en comparaison, me serait alors d'autant plus difficile. Parce qu'il me faudrait choisir, n'est-ce pas. Je ne suis pas homme à goûter à tous les fruits du verger et vous méritez bien mieux qu'être cachée aux yeux du monde.

    Si mon tourment vous prouve les qualités que vous avez à mes yeux, alors il vaut d'être vécu.

    Au plaisir de vous lire,
    Cornelius.

    Post-Scriptum : je vous mets en garde, très chère Alençon, de ne point prétendre par taquinerie qu'après la brebis, je vous compare à un fruit... Je sais mon manque de talent à manier les symboles. Ne point en user du tout serait pourtant une bien mauvaise idée, croyez-moi.


Citation:




A vous, Cornelius,


    Faisons nous simples, c'est pour cela que vous avez opté et c'est mille fois bien mieux.

    J'espère ne pas vous avoir privé trop longtemps de votre envoyé. A force d'être au duché, j'en oublie parfois qu'il doit rester des heures à l'agenda qui ne sont qu'à moi. Il m'est doux de partager celle-ci avec vous.

    Laissez moi donc, au moins un peu, singer le souvenir de notre nuit. Ainsi taquinée, elle se saurait être regrettée de par tout ce qu'elle n'annoncera pas. Ne soyez pas accablé, c'est ainsi, et j'ai trop fait subir les impondérables de mes aspirations pour maudire qui tient aux siennes. Cela dit, je ne suis qu'une femme, et pas assez bonne pour vous souhaiter vraiment du succès. Un peu, seulement.
    J'entretiendrai vos méninges et leur acuité avec plaisir et ferveur. Sachez qu'une gymnastique régulière est bénéfique tant aux articulations qu'aux circonvolutions. Si les détours de mes phrases vous accaparent quelque peu, alors voilà que vous m'offrez là un moment votre compagnie. Je m'efforcerai donc de vous y perdre pour vous y garder, sans toutefois en faire trop. En retour, ne retenez pas vos images, vous me savez amatrice de croquis, aussi donnez m'en à lire, que je sache le contenu de votre esprit, s'il peut y rester une part de trouble au souvenir de nous, alors ne vous en cachez pas, car je serai honorée de l'apprendre, ou de le lire encore.

    Nous nous verrons lors des joutes d'Alençon.
    D'ici là, et là aussi, portez-vous bien,


Chimera de Dénéré-Malines,
Duchesse d'Alençon



Citation:




    A vous, Chimera,



    Même lorsque vous faites simple, vous faites si joliment que j'étrenne pour vous mes vélins à en-tête, et mes sceaux fraîchement livrés par l'atelier de sigillographie.
    Même lorsque vous faites simple, je me perds toujours au détour de vos phrases ; mais cette fois sans grommeler, si cela vous agrée de me retenir penché sur votre prose.
    Je vous obéirai donc et ne me chagrinerai point de vos regrets ou des miens, me sachant compris et accepté pour mes rêves ; permettez-moi de vous souhaiter de réaliser les vôtres... tout en préférant que votre succès ne soit point trop rapide, ainsi je profiterai de notre correspondance quelques temps avant qu'elle ne risque de devenir inconvenante.

    Et, puisque je parle d'inconvenance ; l'image de vous semble très nettement gravée à mes paupières, et il est rare que je ferme les yeux sans apercevoir par bribes une mèche de cheveux roux, ou une blanche main posée sur la mienne. Même en pleine mission, un simple clignement d'yeux parfois et vous voilà devant moi. Cela m'agace prodigieusement. Vous me déconcentrez, Alençon.

    Les joutes d'Alençon... J'espère et redoute de vous y voir. Au vu et au su de tous, je sais déjà que nous ne retrouverons pas notre conversation aisée du verger. Cela me chagrine, même si je sais impossible de vous revoir seul à seule. J'ai eu, face à ce dilemme, une idée un peu folle ; je voudrais vous voir, vous parler, dans un cadre plus libre que les joutes tout en étant public. Me feriez vous l'honneur et le plaisir de m'accompagner au bal masqué de Vincennes ? Nous y serions à l'abri des regards derrière nos masques, et pourrions peut-être retrouver quelques un de ces charmants moments que nous passâmes ensemble.

    Si ma proposition vous cause quel-qu’embarras, si je vous parais arrogant de même la suggérer, je vous prie instamment de me le dire sans détour. J'ai conscience que l'idée n'est pas raisonnable. Mais il semblerait qu'en ce qui vous concerne, je sois capable d'agir comme un jeune fou impétueux.

    Que le Très Haut vous garde,






Après le Bal....


Citation:


A Cornelius de Leffe,


    Cette fois-ci, je saurai où adresser mon pli. J'adresserai pour cela reconnaissance à votre Capitaine, pour sa prévenance. L'ai-je méritée par mes égards passés? Quoiqu'il en soit, voilà.

    Etions nous bien nous-mêmes, Cornelius, ce soir de juin où nous nous grimâmes? Ou était-ce cette autre fois, au verger, que nous nous sommes abusés? Je refuse de le croire. Fermement, et blâmerai plutôt Hadès et Perséphone, pour leur inconséquence. Pourquoi diable avez vous donc fait ce choix infernal de nous attirer dans cet abîme de faux semblants et où, à trop vouloir être nous au beau milieu d'autres déités nous avons fini par y perdre l'essence du jeune lien autrefois tissé?

    J'ignore pourquoi, moi, qui n'ai jamais fermé la porte à aucun probable lendemain, quel qu'il soit, je tolère si peu sur moi le contact de vos mains, et vos manifestations douces. Peut-être est-ce le poids de vos attentes déclarées, parfaitement légitimes et justifiées, mais auxquelles je ne pourrai pas répondre. Si douce que je puisse être, je peine grandement à accepter ma propre impuissance à vous offrir ce à quoi vous aspirez, que ce soit à court terme une présence affectueuse, ou plus loin. Je pourrais, mais redoute d'y prendre goût. Davantage encore. Perséphone, j'ai été vaincue par la frustration que me cause cet état de fait et vous ai, je le crains, heurté plus que je ne l'aurais du et voulu. Et par trois fois. Trois fois donc, je vous présente mes excuses.

    Ces gestes, ces mots, c'est trop, ou trop peu. Je peine, Cornelius, à me trouver bien dans l'entre deux qui pourtant pourrait peut-être se faire chemin.

    Causant de chemin, je sais que la suite de Sa Majesté entrera à l'aube en Alençon, ou le jour suivant. Je suppose que vous en êtes, et suis navrée que du fait de notre moment hors du temps l'autre soir votre visite en nos terres soit moins enjouée qu'elle aurait pu être. Quoiqu'il en soit, et n'en doutez pas, vous êtes le bienvenu en ces terres dont j'ai la garde. Mille fois, et non trois.

    Je suis à l'aube arrivée à Mortagne, hameau trop paisible aux besoins pourtant criants. Si la personne de votre parent et des siens contribue grandement à en assurer le fonctionnement, ils n'ont qu'une tête et dex bras, aussi sommes nous descendus leur prêter main forte. A l'heure du départ, hier, et avertie de votre passage, j'ai longuement hésité à mettre de côté les exigences de l'agenda par moi fixées pour le duché. Cela, et nos instants gâchés m'ont dissuadée de faire route vers le nord plutôt que vers le sud. Je crois en toute honnêteté que je le regrette déjà.

    Je proposerai demain à Sa Majesté de recevoir en la salle du Trône du Chateau des Ducs d'Alençon l'hommage du duché que je représente. J'espère qu'elle acceptera. Cas échéant, je franchirai sous peu les portes de la capitale.

    Puisse la route être sans encombres,

    Qu'Il vous garde,


Chimera de Dénéré-Malines,
Régente d'Alençon



Citation:


    De Cornelius de Leffe, Seigneur de Hoflande,
    A Chiméra de Dénéré-Malines, Régnante en Alençon



    Je ne sais si vous étiez-vous même au bal, mais je veux penser à vous comme la femme du verger qui charma mon esprit, apaisa mon âme et aiguisa mes sens. Quant à moi, si je vous ai caché mon visage, je crois être resté sincère ; toutefois force est de constater que vous eûtes face à vous un Cornelius profondément ébranlé par votre attitude fort distante et pour laquelle, il est important de le souligner, il ne me viendrait pas l'idée de vous blâmer puisque je la provoquais à l'instant où je vous conviais à cette masquerade.

    Pourquoi diable en effet. Je ne le savais point alors même que je vous écrivais pour vous le proposer. Ma seule défense sera que l'envie de vous revoir en dehors de nos fonctions officielles me fourvoya à penser que l'idée était bonne. Ces masques, je ne les voyais point comme des faux semblants, mais comme un outil pour pouvoir vous témoigner les mêmes élans qu'au verger, sans pour autant être si seuls que la tentation put nous porter plus loin. Et puisque vous n'aimez pas les faux semblants, puisque vous m'avez fait la grande faveur de me livrer vos pensées intimes, je veux dans cette missive faire de même:

    Peut-être vous demandez-vous pourquoi je fuis avec tant d'application le risque de partager à nouveau votre lit. La raison en est très simple ; vous seriez alors en droit de penser que je fais de vous une simple maîtresse, prenant ce qui me plaît sans rien offrir en retour. Et, quand bien même je vous connais à peine, je ne souffrirai point que vous pensiez une seconde n'avoir aucune valeur à mes yeux. Mais l'idée, nous le savons à présent, était désastreuse ; je n'eus pas du acter sur ce caprice enfantin d'obtenir contre toute raison, un moment avec vous.

    Pourquoi, si mes projets m'empêchent de vous courtiser en vue d'épousailles, vous avoir écrit ? Pourquoi vous avoir vue ? Je n'en sais foutre rien. Pardonnez le juron, je me livre ici sans censure ni poésie ; nous avons tous deux vus quel enfer s'ouvre à nous quand nous cachons, non pas nos visages, mais nos pensées. Et donc, je ne sais pas, Chimera. Toute logique froide et implacable, voudrait que je vous évite. A la perte de mon épouse je faillis commettre l'irréparable et fut sauvé par la robe de bure. Je jurai alors de ne plus jamais m'attacher au point de vouloir perdre la vie ; et vous montrez des qualités qui pourraient un jour m'y contraindre. La raison voudrait que j'épousasse sans passion, fonde une famille et vive dans la certitude que jamais mon âme ne serait à nouveau si horriblement malmenée. Vous êtes l'incarnation de ce que je devrais fuir. Et je ne vous fuis pas. Bien qu'il me coûte de l'admettre, je suis perdu.

    Je vous remercie sincèrement de m'avoir livré les raisons de votre attitude au bal. Il me fait plaisir de comprendre, enfin, pourquoi des gestes bien plus timorés que lors de notre première rencontre, eurent sur vous un effet si différent. Il me semble légitime que vous eussiez ressenti colère et frustration à me voir approcher trop, ou trop peu. Sachez juste que, si mes intentions sont honorables, il semble que ma volonté ne soit pas de taille face à l'attrait que vous représentez, et que mes mains ce soir là, cessèrent de m'obéir à l'instant ou vous posâtes votre tête sur mon épaule.

    J'accepte humblement vos excuses, et vous présente les miennes. Car oui, j'ai agi en gamin ; il semble que vous ayez, sans le vouloir, le pouvoir de me faire perdre la sagesse que mes cheveux blancs devraient me conférer. Je vous prie de pardonner mes maladresses, et mon incapacité à exprimer clairement mes intentions à votre égard ; que je ne les connaisse point moi-même n'est pas une excuse, et j'eu du résister à des élans auxquels il n'y avait point de suite.

    Toutefois, si je comprends votre colère et vos reproches, je me dois de vous expliquer un peu mon attitude dans les bois, avant que vous ne vous blessiez au genou.

    Oui, je vous ai tourné le dos, mais ce n'était point lâcheté; je refusais d'entrer avec vous dans un échange de cris et d'insultes. Est-ce mon âge, mon éducation, ma fierté de flamand ou de Leffe, je ne sais. Mais les mots cinglants n'ont jamais obtenu de moi d'autre réponse que la froideur ou le poing, selon qu'ils viennent d'une comtesse ou d'un manant. N'y voyez pas un manque d'intérêt ; mais je vous en conjure, tentez à l'avenir de m'exprimer vos reproches de façon moins martiale, si vous ne voulez point à nouveau voir mon dos. Je promets quant à moi de vous écouter, s'il vous plaît de vous confier.

    Comme vous, je ne sais où mène ce chemin. Un ami cher m'écrivit ce matin que le Très Haut a pour moi des projets, et de ne point refuser de suivre les chemins qu'Il m'ouvre, même lorsqu'ils semblent tortueux. J'entends bien que cet entre-deux vous malmène, il en est de même pour moi, mais pour des raisons qui m'échappent je préfère cette douce torture à l'idée de couper tout contact ; alors, si vous pouvez encore souffrir quelques temps ce chemin inconnu, il me ferait plaisir d'accepter cette hospitalité mille fois proposée. A la lumière des mes très mauvais choix, je vous laisse cette fois décider où, quand et comment nous nous reverrons.

    Que le Très Haut vous veille,




_________________
Cornelius.de.leffe

1ER ENGAGEMENT - APRES LA SECONDE VISITE DE LA REINE EN ALENCON

Citation:





    De Cornelius de Leffe, Seigneur de Hoflande,
    A Chiméra de Dénéré-Malines, Régnante en Alençon


    Douce,

    Lorsque je songe à la dernière fois que je vous écrivis, je peine à croire que c'est le même homme qui coucha alors ces mots sur le vélin. Cet homme là voulait, avant tout, une descendance. Cet homme là tentait, même si cela lui était déjà difficile, de renoncer à vous et de vous fuir. Cet homme là ne savait pas où son chemin à vos cotés le mènerait.

    Cet homme là était un imbécile.

    Combien de temps en votre compagnie a-t-il fallu pour opérer une si radicale transformation ? En moins d'une heure, je passai de tendu à serein. En moins d'une journée je décidai de vous courtiser officiellement, jetant au feu ma certitude erronée que seule ma descendance comptait. En moins de deux jours, je commençais à douter pouvoir imaginer une vie sans vos mains dans les miennes. En trois, je me demandais où je puiserais la force de les lâcher pour partir faire mon devoir. Quatre jours et je me surprenais à vouloir occire ou tout du moins sévèrement amocher tout homme ayant l'audace de prétendre vous plaire. Au cinquième jour je retenais avec difficulté des mots que j'estime sacrés.

    Je ne puis que remercier Aristote dans sa grande sagesse, de nous infliger cette séparation aussi pénible soit-elle, ou il semble bien probable que je me serais mis en tête de vous traîner à l'église le sixième jour. Vous le savez, la précipitation n'est pas dans ma nature, et la rapidité avec laquelle je m'attachai à vous n'est que preuve supplémentaire de vos nombreuses qualités.

    Je vous l'ai juré de vive voix, je le couche à présent à l'écrit : aussitôt libre de mes déplacements, je vous reviendrai. Votre présent fut déchiqueté en plusieurs lambeaux, et cousu dans toutes mes chemises.

    J'ai foi en vos promesses, et tente de ne point songer à l'homme que je redeviendrais si vous changiez d'avis à mon égard. Vous m'avez transformé au delà de toute logique, de toute prudence. De tout espoir. Il n'est plus question de retourner en arrière, pour redevenir ce vieil imbécile qui ne goûtait plus vraiment la vie.

    J'espère que vous m'attendrez. J'ai foi que vous m'attendrez. Vous avez intérêt à m'attendre !

    Vôtre,




_________________
Chimera
Citation:




A vous,
Cornelius de Leffe, Seigneur de Hoflande,


    Très cher Seigneur,

    N'accablez pas le vous d'alors, ses raisons étaient tout ce qu'il y a de plus légitimes, et le sont encore pour une part. J'ai dit, et bien que mes convictions soient ce qu'elles soient, si nous devons aller au bout de notre projet, je prierai, je prierai toutes les instances qui soient pour que soient comblées toutes vos aspirations.

    Savoir déjà que je vous accompagne au fil de vos journées m'est une douceur dont vous n'avez pas idée. Quel gâchis, l'étoffe était de fort belle facture, mais allons, ruinée pour ruinée, c'est une fin tout à fait digne que vous lui avez trouvée. Je garde quant à moi du jour où elle connut funeste destin un souvenir plus qu'attendri. Le sacrifice fut bien moindre.

    Revenez moi vite, que nous puissions voir ce qu'un sixième jour donnera, s'il n'est pas consécutif aux cinq dont vous faites mention. Et retenez ces mots qui vous sont si chers, jusqu'à ce qu'il ne vous soit plus possible de les garder sans vous mentir, là seulement ils seront bienvenus. Vous savez quelle importance j'y accorde, et m'avez déjà bien éduquée à la patience. Aussi, n'y pensez pas avant, surtout si l'effort vous tourmente.

    Contez moi vos jours d'ici à votre retour, pour ce qu'il vous est permis d'en dire. Le duché va son cours, tranquillement, comme si, complice, il s'était décidé à me laisser le temps d'un songe, et celui de prendre à votre intention la plume. Est-ce moi, qui déjà suis lassée de l'immobilisme de tant, au premier chef de ceux qui encore tout récemment ont reçu grâce à cette terre les plus hautes distinctions? Où est-ce vous, qui, à force d'attentions, vous êtes glissé déjà bien vite et bien haut dans l'inventaire pourtant étoffé de mes priorités?

    Recevez mes plus affectueuses pensées, là où elles vous trouveront. Votre émissaire cette fois n'aura pas eu long à attendre. Tant mieux pour lui, l'idée ne m'est pas venue encore de chercher à savoir où ses pas le mèneraient. Pour porter votre prochain pli, choisissez un muet manchot, je risquerais d'être tentée de le torturer pour. Sourd aussi, à bien y réfléchir.
    Bon courage à vous.


Chimera


    Avouera-t-elle que le pli l'a trouvée encore alitée, lovée sous la cape de jais?
    Plutôt crever.

_________________
Cornelius.de.leffe
Citation:




    De Cornelius de Leffe, Seigneur de Hoflande,
    A Chiméra de Dénéré-Malines, Régnante en Alençon


    Douce,

    Vos prières seront accompagnées des miennes, et à nous deux j'ose espérer que nous serons entendus. Pour l'heure, je remercie simplement le Ciel de vous avoir mis sur ma route, et ne voudrais point paraître trop gourmand en réclamant davantage sur le champ.

    Je tâcherai à l'avenir de préserver vos étoffes et soieries de mes excès de zèle, mais dois avouer que celui-ci, outre le souvenir précieux qu'il procura, m'apporte par ses reliques trop de plaisir pour le regretter du tout. J'espère que de votre côté, vous n'avez pas relégué ma cape dans une armoire, et qu'elle vous réchauffe en attendant que mes bras viennent reprendre leur juste place autour de vos épaules.

    Vous avez raison, très chère, ces mots que je retiens n'en seront que plus savoureux d'avoir pleinement mûri. Je les garde au chaud afin qu'ils grandissent bien à l'abri, s'épanouissent et gagnent tant de force que lorsqu'ils sortiront au grand jour il seront éternels, assez solides affronter sans broncher toute épreuve que la vie choisira de jeter sur leur chemin.

    Mes jours sont tranquilles en tous points. Nous sommes en repos dans une ville assez calme, et je préfère combler mes heures libres à vous écrire qu'à boire en taverne. En conséquence je n'ai, je le regrette, rien de bien intéressant à raconter. Je suis bien aise que votre Duché vous laisse le temps de me garder en vos pensées. Et à vos deux propositions, je choisirais égoïstement la seconde, tant il me flatte de penser avoir valeur à vos yeux.

    Le prochain émissaire sera, si ce n'est aveugle, au moins bigleux. J'entends bien que vous en désirez un sourd, muet ou manchot, mais il convient pour moi de d'abord préserver l'intimité de vos mots, si vous comptez tenir cette proposition que vous me fîtes de les emplir de propos aptes à faire rougir. Je m'inquiète bien moins qu'il vous divulgue où je me trouve ; fidèle que vous êtes à la couronne de France, ma Reine ne risquerait rien, et lui serait pendu haut et court de toutes façons.

    Je ne sais trop pourquoi vous me souhaitez du courage... Peut-être pour supporter la déception que nos signatures soient si différentes ? Quoiqu'il en soit je vous en remercie et userai de ce courage pour attendre l'heure de mon congé et de mon retour à vous.

    Vôtre,




_________________
Chimera
Citation:




A vous,
Cornelius de Leffe, Seigneur de Hoflande,


    Mien,

    Vous avez raison de vous montrer mesuré dans vos aspirations. Imaginez toute cette masse de boulimiques du souhait, priant, et priant. Voilà qui rendrait vite le Très Haut sourd comme un pot. Si tous étaient exaucés, du reste, les églises déborderaient d'ouailles piaillant leurs desiderata. Chaque chose en son temps, et un temps pour chaque chose. Assurément.

    N'ayez aucune crainte, votre cape est dévolue à l'usage qui sied à sa nature, voire même un peu plus. Elle veille, farouche et vaillante, et fait honneur à sa fonction de garde ducal. De jour... comme de nuit.

    Je pourrais proposer bien des subterfuges, encre sympathique, langage codé ou autre malice, pour vous inciter à m'indiquer où vous vous trouvez. Quoi donc? Si cela épargne le gibet à vos messagers, et que j'ai la confiance de Sa Majesté? Je n'ai pas coutume de me trouver ainsi à la merci d'autrui. Ma seule consolation est de savoir que vous n'y pouvez pas grand chose de plus que moi. Il me plait, de me trouver en votre panier.Allons, je ferai taire cette curiosité dévorante pour ne pas vous mettre dans l'embarras du choix. De vos lignes je me contenterai, qui sont un miel bienvenu. Les auberges et tavernes ici, même en la capitale, sont désertes ou presque. Aussi abreuvez m'en jusqu'à l'ivresse, je ferai de même, et voilà que votre devoir sera sobrement mené.

    Va pour le bigleux, aussi, pour la raison par vous très justement invoquée. Pour l'émoi que vous réclamerez, sachez que promesse sera honorée.
    De courage du reste vous n'avez plus besoin, pour avoir trouvé si fine issue au soucis. Et ne soyez pas fâché, j'ose croire qu'il ne vous est besoin d'aucune vaillance pour tolérer le poids de mon affection. Recevez-en une liasse supplémentaire, et dites moi, quand vous n'en pourrez plus.

    A vous,


Chimera

_________________
Cornelius.de.leffe
Citation:




    De Cornelius de Leffe, Seigneur de Hoflande,
    A Chiméra de Dénéré-Malines, Régnante en Alençon


    Mienne,

    Ah, voilà salutation et signature qu'il me plaît mieux de lire ; est-ce l'éloignement qui rend mes yeux plus avides de ces mots rappelant nos projets ? Il me semble en effet qu'en l'absence d'un regard, d'un sourire ou d'une main sur ma joue, ces mots-là prennent en importance et en pouvoir. Je vous sais gré de ne pas en être avare.

    Je suis fort aise que vous partagiez mes vues sur la prière. En effet j'ai toujours pensé qu'avant de demander ou de se plaindre, il faut toujours commencer par compter nos chances et nos bonheurs afin de ne pas se montrer ingrat. Aussi, quand bien même j'ai des aspirations précises, dois-je d'abord reconnaître que le Très-Haut fut bien bon envers moi depuis ma sortie du monastère. Je me vis accorder une place privilégiée pour servir la Couronne, une famille accueillante, une santé fort bonne.. Et, dernier cadeau mais non des moindres, votre affection ; le plus précieux à mes yeux.

    Je m'en veux de n'avoir pas de récit savoureux à vous conter sur mes journées, et pourtant la faute vous en revient un peu ; je n'ai pas grande envie de sortir en taverne, et lorsque je m'y trouve je me surprends à rêver éveillé plutôt que d'écouter les anecdotes des voyageurs, bien moins intéressantes à mon avis que le souvenir de vous. Dans cette petite ville endormie ou je n'ai point grand chose à faire que penser à notre avenir, le sourire me viendra plus facilement à présent que je vous imagine lovée sous la cape que je vous offris ; et bien que je la jalouse énormément, je suis heureux qu'elle soit la seule à pouvoir veiller sur votre sommeil en mon absence. Quant à moi, si Morphée m'accueille plus longtemps dans ses bras qu'en Alençon, le repos qu'il m'offre est de bien moindre qualité ; je pense qu'il est jaloux de vous, et me bouscule sans cesse durant la nuit pour me punir de lui préférer vos bras.

    Votre curiosité quant à mes déplacements, ainsi que votre inquiétude, sont naturelles et compréhensibles. Mais vous n'êtes à la merci de personne, mon amie, si ce n'est peut-être du peuple d'Alençon qui vous retient de me rejoindre encore. En attendant de n'être plus séparés par nos devoirs, je ne puis que tenter de vous rassurer, et vous dire encore que je ne cours aucun danger, entouré que je suis d'hommes d'armes aguerris comme moi, en terrain ami et connu.

    Je crains que vous soyez de nouveau redevenue mystérieuse ; je n'ai pas saisi ce qui dans vos dires eût pu me fâcher, aussi ne le suis-je pas. Je vous contredirai tout de même sur un point ; si le poids de votre affection m'est aussi léger et agréable que la caresse d'une plume, du courage il m'en faudra pour accomplir mon devoir auprès de ma reine lorsque des bras si doux m'appellent en silence. Souhaitez m'en donc encore beaucoup. Faites moi je vous prie parvenir une autre liasse de vos affections, d'ailleurs, par retour du messager. Celle que vous envoyâtes est déjà presque épuisée.

    Vos bras manquent à l'appel,




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Chimera
Citation:




A vous,
Cornelius de Leffe, Seigneur de Hoflande,


    Mon Seigneur,

    Vous savez bien que nous avons toujours été plus malhabiles du verbe que du bras. Je dois finalement, quelque part au fond de moi, être comme vous soldat. Ils sont de poids, et si retenue vous imposiez à votre langue, ils semble que votre main soit plus loquace. A l'inverse, ma langue trop empressée est par dextre domptée, quand coucher sur papier semble pour la duchesse que suis un engagement bien lourd de sens, à force d'édits. Peut-être est-ce l'absence de votre chair qui me permet de prendre le recul que mes sens m'interdisent lorsque votre voix m'effleure. Qu'il m'est doux de les lire, Cornelius, mais soyez averti, ils font leur travail. Bigrement bien. Ménagez donc mes envies et autres trop farouches attentes, cher, très cher.

    Pardonnez l'impérative qui vous contrarie, je le sais, mais Ccessez vos rêveries et spéculations sur l'avenir le temps d'une sucrerie, mon ami. Décrivez moi les mimiques du taulier qui vous sert quand vous n'y pensez pas, causez moi des cors aux pieds de votre compagnon de chambrée, des plaisanteries douteuses au fil des lieues, narrez moi l'allure du troisième arbre à gauche au détour du premier virage, à votre prochaine escapade. Il y a tant à dire, douce âme, songez que vous avez pour mission de générer le monde dans l'âme d'un aveugle, afin qu'il puisse se le figurer.

    J'ai appris à Elisabeth à nager, ce jour. A à peine quelques mètres de notre saule. Comprenez mon trouble, et ma difficulté à focaliser sur le moment. Et pourtant, je tenais là promesse de longue date, et avais délaissé mon amie du fait de votre présence.
    Leçon numéro un: Tolérer l'eau. Accepter, malgré les réticences au regard des éléments, d'abandonner la posture verticale au soutien de l'eau, qui ne prend effet que lorsque le corps développe en l'ondée confiance suffisante. Elle a eu besoin de ma main, et a du s'y reprendre à deux fois, mais s'est montrée déterminée et appliquée. Jamais elle ne sera bonne nageuse, dit-elle, mais l'objectif n'y est pas. Il le suffira de savoir qu'en cas de rencontre non désirée avec l'aqueux elle saura dominer la bête.
    Je retrouve à son côté, et après tant d'années, les mots et les voies du hencher, celui qui enseigne. Il n'est pas là question que de contenu, mais d'un rapport au vivant. Elle doit l'apprivoiser, je suis extrêmement heureuse de l'accompagner sur ce... je ne puis dire chemin, du fait du cas. Courant? Vous m'avez comprise.

    Et songez à demain, qui nous rapprochera plus sûrement de nos retrouvailles que cet hier que vous semblez avoir tant de mal à quitter. Je causerai à Morphée, sitôt le pli scellé, et si vous tolérez que je lui fasse les yeux doux, je m'y emploierai, esfois que par là il cesse un moment de troubler votre si précieux repos.

    Mille pensées. Ne tardez pas à réclamer votre prochaine livraison, qu'il en reste pour endurer le temps du retour.
    Tic, tac.


Chimera

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Cornelius.de.leffe
A quelques pas de son campement, assis sur un tronc d'arbre en lisière de forêt, Cornelius de Leffe décachette, un sourire aux lèvres, la missive au sceau bien reconnaissable . Il s'isole toujours pour les lire, s'offrant ainsi le luxe de pouvoir glousser librement à une plaisanterie, sourire ou même être ému par telle ou telle ligne, sans être vu. Si personne n'ose de plaisanterie grasse à son égard, il est des regards, déjà, fort appuyés au sein de la Garde, et des murmures sur son passage. "Vous ne trouvez pas qu'il sourit étrangement souvent, le Vieux Leffe ? " en est un particulièrement fréquent ces jours-ci.
Au premier paragraphe, le sourire reste bien en place, et s'élargit même quelque peu. Si les allusions sont cachées elle n'en sont pas moins savoureuses, et il cherche déjà comment y répondre subtilement... Il doit s'avouer, également, que ces premières lignes expliquent fort bien le changement de ton de la rouquine, dont il s'étonnait tout de même un peu qu'elle soit passée de très ouverte sur ses sentiments, à montrer une pudeur dans ses lettres surpassant même la sienne. Visiblement, l'engagement "bien lourd de sens" à l'écrit lui pèse, aussi loquace fut-elle à s'engager oralement. Cornelius tente de comprendre, mais ne peut que se demander si elle a la promesse légère...
Au premier impératif, il soupire. Non que l'impératif en soi le dérange. Non, c'est qu'il lui a déjà dit pourquoi il ne lui contait pas ses journées. Pourquoi insiste-elle autant pour avoir des descriptions de paysage...? N'est-elle pas contente qu'il songe à elle, à eux ? Se pinçant l'arrête du nez, il se force à inspirer lentement. S'il tente de décrire son quotidien bien morne, elle serait capable de critiquer le peu de poésie avec laquelle il choisira de le faire... Peste soit des poètes et des troubadours, ils donnent vraiment mauvaise image aux pauvres soldats qui tentent de faire honnêtement leur cour ! Le récit du bain d'Elisabeth lui arrache un ou deux petits sourires, même préoccupé qu'il est de la réponse attendue et de ce qu'il pourra y mettre.


- Ach ! Eh quoi ! grogne-t-il soudain aux arbres et aux oiseaux. La voilà qui se contredit à présent !

Agacé, un peu frustré de se voir reprocher ses écrits et ses pensées pour elle, lui qui s’ennuie ferme dans un campement immobile aux alentours d'un village presque mort, il relit la phrase incriminée. "Et songez à demain, qui nous rapprochera plus sûrement de nos retrouvailles que cet hier que vous semblez avoir tant de mal à quitter."

- Cessez vos rêveries sur l'avenir, Cornelius. Songez plutôt à demain, Cornelius ! Tant de mal à quitter hier ? Pfah !

Voilà que la donzelle, non contente de lui donner des ordres, en donne deux contradictoires ! Piqué dans sa fierté, énervé d'être visiblement si peu doué pour courtiser par écrit, il s'en retourne à sa tente et s'attable pour rédiger sa réponse, qu'il ne relit ni ne censure. Il faut dire qu'il est vexé comme un pou, le vieux. Non seulement après s'être perdue en déclarations, pendue à son cou, elle lui reproche d'avancer à son tour, mais elle insinue -pense-t-il- qu'il est faible de le faire et le brise dans son élan, elle qui l'a pourtant encouragé dans cette voie. Et donc. Pou. Vexé.

Citation:




    De Cornelius de Leffe, Seigneur de Hoflande,
    A Chiméra de Dénéré-Malines, Régnante en Alençon


    Chiméra,

    Il semble en effet que si mes mots vous sont doux, ils vous causent aussi de l'embarras, puisque vous m'enjoignez à vous parler de tout autre chose. Je m'en vais les enfermer à double tour pour ne plus vous les imposer. Après tout, si vous ne pûtes retenir certaines déclarations de vive voix, j'ai moi l'avantage de la plume, et de pouvoir jeter au feu toute indiscrétion interlope se glissant sur le vélin. J'accorde, quant à moi, tout autant de valeur aux déclarations orales qu'écrites, et compte bien que vous ne vous dédisiez point des vôtres....

    Toutefois je ne puis raconter une vie que je ne vis pas, ou des paysages que je ne vois pas ; si vous pouvez m'empêcher de vous conter mes rêveries, vous ne pouvez certes point m'empêcher de les vivre. Comme je vous l'ai déjà dit, les incidents de la vie quotidienne me passent inaperçus, et s'il me plaît de penser à d'autres temps à venir ou passés plutôt que de souffrir un quotidien bien morne, j'ai la ferme intention de continuer sur cette voie. Il est heureux d'ailleurs que je n'ai point l'intention de vous obéir sur ce point, vos demandes étant totalement contradictoires ; au second paragraphe je dois cesser de rêver à l'avenir, et au quatrième au contraire y songer plutôt que de m'attacher trop à hier. Sachez que je songe aux deux, et par choix ! S'il m'était demandé dans l'heure de partir en mission, je n'aurai point le mal que vous dites à quitter le passé pour protéger ma reine.

    J'ai conscience de n'être pas poète, et de ne savoir raconter dans mes missives que mes pensées telles que je les vis. Si cela vous chagrine, peut-être méritez vous prétendant plus habile pour vous écrire ce que vous désirez lire ; vous seriez bien la première femme de mes connaissances à préférer entendre parler de cors aux pieds que des sentiments qu'elle inspire, mais c'est là votre prérogative.

    Je songerai à vous, que vous le vouliez ou non, jour et nuit si cela me chante, c'est là la mienne. Je me retiendrai toutefois de vous encombrer de ce genre de prose, mais souffrez en conséquence que désormais mes missives soient plus courtes. Contez-moi bien ce qu'il vous plaira, il me fait toujours plaisir de vous lire, que vous me parliez baignade ou sentiments, peu m'importe, un mot de vous reste un mot de vous.

    Que le Très haut vous garde,




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Chimera
    Aubépine erre.
    Elle songe ces jours ci davantage à retrouver l'équilibre récemment... non pas mis en péril mais bousculé par l'arrivée de la tierce partie.
    A réception du pli, elle fait savoir à la garde qu'elle ne recevra pas.

    Dès les premiers, dès le premier mot, elle sent bien que quelque chose ne va pas. C'est donc l'appréhension aux tripes qu'elle poursuit sa lecture. Comme diable peut-il croire qu'elle préfère au récit du quotidien flamand le détail en miroir de ce qu'elle est et lui évoque? A-t-il donc besoin de s'en convaincre lui-même, ou elle, pour qu'il lui apparaisse si nécessaire de dresser pareil inventaire?

    Hic... et...


Citation:




A vous,
Cornelius de Leffe, Seigneur de Hoflande,


    A vous, et à vos doux songes,
    Un mot.

    Ne remettez pas ma parole en cause, ne serait-ce que dans la supposition d'une éventualité. Si mon honneur ne suffit pas à vous convaincre, jugez au moi que mon orgueil est suffisamment conséquent pour que je ne me sois pas engagée verbalement sans l'appui d'une arrière pensée consistante.
    Je fus l'Archidruide de Bretagne, garante de la transmission orale des savoirs.
    Mon mot est mot, et sa valeur n'en est pas moindre s'il s'avère qu'un méandre en ralentisse le cours. Ne me reprochez pas d'adopter tardivement la réserve que vous vous êtes imposée, sous prétexte que vous avez désormais en mon absence fait le choix de vous en départir. Il me semble, lorsque ces mots m'échappèrent, que je ne vous ai tenu aucune rigueur de l'absence de réciprocité immédiate, ou que du moins je me suis forcée à vous l'éviter. Tout n'est qu'équilibres, et les plis récents ne sont que l'évidence que nous ne sommes pas au bout de notre quête. C'est tant mieux, me semble. Le chemin vaut tout autant que le lieu où il mène. Désormais débarrassés d'Hadès et Perséphone, il se poursuit à visages découverts, et donc exposés. C'est bien à cela que nous aspirions, non? Nul n'a dit qu'il serait sans racines.

    Si mon envie de partager l'air que vous respirez vous contrarie, que vous préférez me conter encore l'effet que nos moments vous fit, et envisager celui que ceux à venir vous fera, rien ne saurait s'y opposer. J'y étais, seulement, et je sais. J'y serai, itou. Sachez aussi que rien ne m'est morne de ce qui vous concerne, et que j'envie l'air qui vous entoure hic et nunc, c'est en cela que vous ne m'avez pas saisie. Mon intérêt n'est peut-être pas où est tout à fait le vôtre, et en l'absence de nous, permettez moi de vous poser la question qui suit: A qui donc écrivez vous, si ce n'est à celle qui vous lit, et à quelle fin?
    Vous qui dites être peu au fait des usages de la caste, entendez que souvent les poètes disent tout autant pour s'écouter eux-mêmes que pour être écoutés. C'est qu'il faut une bonne dose de narcissisme pour s'exposer ainsi. Je suis pour ma part bien plus à mon aise avec les bardes du quotidien, quand ils n'oublient pas la destination du propos tenu. Le tout est un habile équilibre, encore, entre le choix du contenu et la nature, tout autant que les attentes ou besoins, de l'auditoire. Ce n'est que question d'estimation, et l'affaire est l'objet d'années d'apprentissage, en rien -ou si peu- le résultat d'un don inné. Avez-vous déjà vu, tendre ami, la graine devenir fruit en l'espace d'une nuit?

    Je ne me force en rien à lire le contenu de votre âme couché sur le vélin, aussi pardonnez l'expression sans doute quelque part frustrée de celle qui aurait sans doute souhaité qu'il le soit lorsque votre tête reposait en son sein. Je lirai, plus docile, sans davantage chercher à guider la nature du contenu que vous aurez choisi de convoyer. Vous ferez de mes mots le cas que vous voudrez. Il sont à vous.

    Le Cortège Ducal, enfin, ce groupe composé de ma fille Adenora, d'Elisabeth et de moi. quitte la capitale demain soir.
    Si contenu d'une ou de mille pensées vous choisissez d'expédier, adressez les donc là. Votre émissaire m'y trouvera sans peine.


Chimera

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Cornelius.de.leffe
Citation:




    De Cornelius de Leffe, Seigneur de Hoflande,
    A Chiméra de Dénéré-Malines, Régnante en Alençon


    A vous,

    De lettres comme celle-ci je ne veux plus recevoir ou écrire, et je ne sais comment nous nous perdons ainsi dans l'encre, nous qui nous trouvons si bien dans les paroles murmurées sous un saule. Votre dernier paragraphe m'apporta toutefois une lueur d'espoir de retrouver entre les lignes, la douce femme que je quittais à regret.

    Vous dites que je doute de votre parole ; ce n'est point le cas. Dire "je compte bien que vous ne vous dédisiez point" est, par définition, le contraire d'un doute, aussi avez-vous perdu un paragraphe entier d'encre à me faire la leçon sur quelque chose que je n'ai jamais pensé. Mais, quand bien même une once de doute se fut glissée dans mes lignes à mon insu, ne pensez-vous pas que la distance, et la froideur de vos écrits, puisse la justifier ? Car enfin, si je puis concevoir que l'écrit vous muselle un peu, souffrez que je m'étonne d'un changement de ton si brutal. Je ne vous demande en rien de réitérer ces mots que vous me dîtes, mais me fustiger ensuite pour m'en être doucement approché me paraît bien injuste.

    Vous y étiez, dites-vous. Vous n'avez point besoin que je vous les rappelle, ces moments, dites vous. Pourtant il me semble que vous oubliez, en vous drapant d'orgueil et m'accusant de douter de vos paroles, que le jour de mon départ vous me fîtes jurer, et jurer encore, que je vous reviendrais. Je ne me souviens pas m'être offusqué de vos doutes, ce jour là, mais les avoir tout simplement pris pour une marque d'attachement, mis à mal par un éloignement imminent. Et je jurai, donc, puisque la prime promesse ne vous suffisait pas, sans vous accuser de porter atteinte à mon honneur.

    Vous demandez à qui j'écris ces mots, et à quelle fin... Je vous avoue avoir été blessé, voire insulté par la question. Avez vous seulement songé que si je vous les écris, c'est peut-être parce que vous avez si fortement gravé en mon esprit la peine que mon départ vous fit ? Qu'assurément, après avoir tenté d'apaiser vos pleurs, je puisse songer que vous aurez plaisir à lire que les lieues n'ont pas changé la pérennité de mes intentions ? Alors oui, il se peut que j'écrive cela pour moi autant que pour vous ; que je vive mieux de vous quitter, si je vous assure régulièrement de mon retour. Et si vous vous retourniez votre question... Avez-vous songé que s'il pourrait vous distraire, le récit de mon quotidien bien terne me coûte à rédiger, puisqu'il m'oblige à le vivre deux fois ?

    Quant à la retenue dont je fis preuve ; je n'ai en rien fait le choix de m'en départir : il n'est que quelques mots que je me refusais à dire alors et cette réserve reste la même. Je ne me souviens pas vous avoir privée en revanche, ni de marques d'attachement, ni de projets sérieux, ni même de renoncements difficiles, pour l'espoir seulement d'un avenir avec vous.

    Vous oubliez un peu vite que votre cœur ne fut pas le seul malmené par le passé. A trop souffler le chaud et le froid sur le mien, vous l'encouragez à se cacher de vous, prudent et méfiant qu'il est.

    Épargnez moi je vous en prie ce ton froid et parfois condescendant, et redevenez douce, afin que je puisse à nouveau vous nommer ainsi au début de mes lettres. Si la distance m'encouragea à vous livrer plus que je ne le fis en votre présence, ne doutez pas une seconde qu'à nos retrouvailles, je ne vous retirerai rien de ce que j'écrivis et le répéterai à votre cou, si tel est votre bon plaisir.

    Je l'ai dit dans ma première lettre, il n'est plus pour moi question de revenir en arrière, pour peu que vous me laissiez avancer vers vous ; trop lentement peut-être, mais sûrement.




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Chimera
    Longtemps l'Aubépine avait considéré le pli.
    Les lignes, longues et déliées, se succèdent, noyant la lectrice sous le contenu d'une pensée troublée. Il ne lui manque jamais plus qu'en ces instants, cet homme doux et plein d'égards.
    Et pourtant, elle constate un fait notable et notoire: son orgueil tient tête au sien, tout autant que sa susceptibilité. Fait numero 2, là où Dénéré aurait jeté au feu les mots durs tout juste reçus, elle se surprend à les serrer contre son coeur, lisant dans l'aveu blessé de la conséquence des mots la trace d'une affection réelle. Elle prend donc le temps, de faire taire ses propres passions, et aura offert le gite au messager miro pour la nuit avant d'adresser pli à celui qui entend lui livrer sa vie.


Citation:




A vous,
Cornelius de Leffe, Seigneur de Hoflande,


    Cornelius,

    Nous lisons tous deux en les mots de l'autre ce que nos espérances ou nos craintes nous conduisent à y trouver, le tout à travers le filtre de nos expériences. Aussi, vous voyez dans l'expression de ces intuitions des leçons qui n'en sont pas, c'est là aussi le résultat d'une posture et d'une éducation que vous avez je crois reçue, et qui ne me fut pas dispensée. J'ignore à dire vrai si je dois m'en excuser.

    De souhaiter partager l'air qui vous entoure et que vous gardez jalousement, si banal soit-il, je ne m'excuserai pas non plus, et me cantonnerai à imaginer chacune des minutes que vous passez loin de mes bras, apaisée par la conviction qu'elles vous sont aussi pénibles qu'à moi, quand je voudrais pouvoir vous découvrir, à tous les sens du terme, jusqu'à ce que plus un heurt ne vienne assombrir nos heures. Je n'irai pas jusqu'à vous appeler à tourner le dos à un quotidien si pesant qu'il vous coute d'y songer seulement, je sais comme vous tenez à votre mission, et elle constitue à mes yeux la raison la plus légitime de me priver de l'air de vous.

    Aucun mot n'est perdu, mon ami, pour peu qu'il soit besoin à l'auteur de l'écrire ou le dire, et que le récipiendaire soit volontaire pour le prendre en compte. Et je vous pense homme à être volontaire, tout comme je le suis à recevoir les vôtres. Certains de ceux qui composent votre dernier pli m'ont touchée, plus que vous ne le pensez peut-être. Je n'en adresserai pas davantage le contenu, vous me savez plus prompte à envisager demain qu'hier. Ne le voyez pas comme un déni ou une négligence délibérée, j'ai lu, et relu. Et relu. J'entends, mais douce vous m'avez réclamée, et douce vous m'aurez. Je crains de ne l'être que trop peu en décortiquant le contenu de ce que vous m'avez livré. Que je ne le partage pas totalement importe peu, les motivations par vous exprimées ne sauraient souffrir la moindre opposition, et vous auraient valu plus d'une tendresse si en ma présence vous vous étiez trouvé. Recevez en l'épistolaire écho, à défaut, à moins que vous souhaitiez que je vous ouvre une ardoise, et que nous réglions nos comptes lors de notre prochaine entrevue.

    Nous avons hier fait route vers Argentan, suite à la réception d'un billet expédié par un ami de longue date, dans lequel il m'a dit s'y trouver. C'est avec un émoi certain que j'arpente le verger de la ville, qui me rappelle des heures d'un autre temps et d'un autre lieu, récoltant les fruits qui me rendront je l'espère la bonne mine que votre absence a quelque peu ternie.

    Mon cou se languit de vous. Mon cou, et le reste avec lui, âme comprise.

    A vous,


Chimera

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Cornelius.de.leffe
Citation:



    De Cornelius de Leffe, Seigneur de Hoflande,
    A Chiméra de Dénéré-Malines, Régnante en Alençon


    Ma Douce,

    Vous avez parfaitement raison ; nous ne sommes que la somme d'expériences et de blessures passées ; non, vous n'avez pas à vous excuser de ce que je pris pour une leçon puisque vous n'aviez point l'intention de m'en infliger une. Je suis bougon, et fier, c'est avéré ; mais j'espère ne pas être un homme injuste au point de vous faire reproche si l'intention de sermonner était absente, et je vous prie de m'excuser pour avoir mal compris vos mots. Ce sera décidément notre prime obstacle, celui de communiquer par écrit sans nos yeux, nos intonations ou nos gestes pour accompagner nos dires. J'ai foi que nous y arriverons. Comme vous le dites si justement, nous en avons tous deux la volonté.

    Je vous sais gré de ne point me mander de quitter ma fonction, et ce depuis longtemps ; croyez bien que j'ai remarqué, au fil des heures que nous passâmes ensemble, combien il vous eut été facile de le suggérer, et comment vous vous l'interdîtes. Sachez que j'ai vu ; mon respect et ma tendresse pour vous n'en sont que grandies. Aussi, je vous le promets, je tenterai de temps à autre de vous conter une anecdote de mon quotidien, aussi monotone qu'il soit ; je me suis même, pour vous plaire, forcé à sortir en taverne ce soir ; j'y ai rencontré le filleul de mon cousin et capitaine, un certain Calyn, de Tournai comme moi. Si la converse fut des plus banales, il me fit plaisir de parler un peu du pays.

    J'entends que vous vous retenez de décortiquer ma missive pour y répondre ; vous êtes sans doute plus sage que moi en l’occurrence, de mettre fin ainsi à un échange risquant d'être houleux tant qu'il restera épistolaire. J'entends, et apprécie plus que vous ne le savez. Je retiens aussi vous avoir touchée, j'espère ne pas vous avoir fait trop peine. Sachez que l'intention n'y était pas.

    Je n'ajouterai qu'une chose : si par missive je me permets de réclamer que votre ton soit doux, justement parce que je suis privé de votre voix et de votre regard pour comprendre les intentions sous-jacentes à vos propos... Sachez que, sans parler d'ardoise, je souhaite entendre de vive voix tout reproche ou toute remarque que vous auriez à me faire. Ce n'est qu'ainsi que j'apprendrai à ne point vous blesser, et je vous prie instamment de ne point vous museler pour mon compte. Faites moi juste la faveur d'attendre que nous soyons ensemble ; il me semble que je pourrais tout entendre de vous, quand vos bras me sont ouverts.

    J'aime à vous imaginer dans ce verger, j'aime encore mieux vous savoir émue d'y être ; aussi je commence à mieux comprendre que vous me réclamiez récit d'où je me trouve. Pour lire vos lettres, sachez que je m'isole toujours, et le plus souvent à l'orée du bois qui borde notre campement. Je m'adosse à un chêne, ou m'assied sur un tronc ; j'aime vous lire sans autre témoin que les arbres et les animaux, et n'avoir pas à cacher sur mon visage les réactions imprimées là par vos mots.

    Je viens de recevoir confirmation qu'un appartement m'est attribué au Louvre. Sitôt que j'y serai, et si par bonheur vos fonctions devaient vous y mener, j'espère y avoir le plaisir de votre compagnie.

    Gardez ce cou blanc et gracile à l'abri des courants d'air ; il manque à mes lèvres de s'y nicher pour épancher mon âme. Voilà une habitude que je pris bien vite et ne perdrai point de sitôt.

    Avec toute mon affection, et mes remerciements pour cette lettre tendre qui me fit le plus grand bien,

    Vôtre,




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Chimera
Citation:




A vous,
qui êtes à moi,


    Quelle tendre apostrophe que la vôtre, et têtus de nous, incapables de nous épargner l'échange de mots -autant de pièges, gouffres d'incompréhension potentiels- pour nous garder des désaccords. Sommes nous donc inconscients pour jouer ainsi avec le feu?

    J'ai trop, mon tendre ami, entendu de suppliques m'appelant à quitter les fonctions dans lesquelles je m'étais engagée pour souhaiter jamais vous détourner de celles qui font l'objet de vos choix, et qui semblent vous contenter pleinement. Savoir que vos pensées sont vers l'Alençon tournées, que vos mots cheminent vers moi à intervalles réguliers et qu'ils ne font sans cesse que vous annoncer suffit à me satisfaire, pleinement.

    Sachez que j'ai choisi de m'établir ici notamment parce que l'Alençon est un carrefour propice aux rencontres et aux échanges, où les voyageurs charrient avec eux mille nouvelles d'ici et de là, et notamment de cet occident finistérien auquel vous savez que je reste attachée. Heureuse je suis donc de lire que, poussé par l'envie de me satisfaire, vous avez rencontré un enfant de votre terre.

    Par vos mots, touchée je fus, oui. Sachez qu'on peut l'être sans en être heurté, et ce fut le cas. Je ne fus pas peinée, ne vous alarmez pas. Vous avez, tout au plus, secoué un peu mon orgueil, mais ce n'est pas mal me faire que cela, loin de là. Je vous dirai en quoi de voix vive et de bras clos, si cela vous importe.

    Mon cou a régulièrement à faire au Louvre, où j'officie en tant qu'Officier de la Maison Royale au sein du Cabinet des Arts. Aussi l'y accompagnerai-je avec un plaisir plus grand désormais que je sais qu'il m'est possible de vous y trouver. Puisse Sa Majesté avoir bientôt l'occasion de vous y traîner, que je puisse vous féliciter.

    Saluez donc le tronc qui vous hébergea le temps de votre lecture d'une caresse avant de le quitter. Mon écorce ne vous en paraitra que plus douce, lorsque l'heure viendra.

    Vôtre,


Chimera

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Chimera

DURANT LE SEJOUR DE CORNELIUS EN FLANDRES



Citation:




A vous,
Cornelius de Leffe,
Seigneur de Hoflande,


    Chère brute,

    C'est qu'ainsi vous m'avez dit vouloir être aux yeux du monde, et la distance, sait-on jamais, pourrait faire que mirettes en viennent à me lire avant que le mot vous parvienne. Prions que non, toutefois, car je n'oserais plus, dès lors, viser cet émoi dont nous causions autrefois.

    Voyez mon ami quel progrès je fais, à ne pas m'enquérir de vos jours, bien que le temps de ce pli seulement j'ai déjà pu m'en figurer 1000, du plus lassant au plus vif. Dites, si à dire vous avez. Je n'extorquerai rien de votre main.

    J'ai récemment eu l'occasion de me rendre au Louvre, où j'ai malheureusement appris le départ d'Axelle, qui recevait avec moi les demandes d'affiches et autres enluminures émanant des offices royaux. Elle a un tel talent, Cornelius, il faut le voir pour le croire. Quelle perte pour la Maison Royale, qui a une fois de plus commis l'indélicatesse de trop, toujours plus prompte je le crains à faire vite que bien. Allons, j'ai profité de ce séjour pour mettre les affaires et les archives du Cabinet des Arts à jour, et enjoint le Grand Chambellan à recruter pour en étoffer les rangs en prévision de l'avènement du prochain régnant.

    A propos de rangs, j'ai nouvelle contrariante à vous transmettre, que j'aurais je crois cent fois préféré vous annoncer de voix vive. A deux semaines de la fin de mon mandat, aucune liste n'a encore candidaté pour la succession en Alençon, et j'en viens à douter que la relève sera assurée. Contrainte je suis donc de constituer un nouveau groupe qui se proposera à la gestion du duché, et qui connaîtra sans doute aucun l'avènement du prochain souverain de notre royaume. Voilà je le crains qui repoussera nos projets, car qu'une liste se présente ou non, qu'elle l'emporte ou non, il m'apparaît aujourd'hui nécessaire d'être présente en les frontières du duché et sur les bancs du conseil pour veiller à la suite. Vous me connaissez, et connaissez mon aversion pour la hâte et la précipitation. Quelle confiance y' a-t-il à avoir en un projet expédié à quelques jours à peine du début des votes, quand les acteurs dudit ne sont tenus par aucun engagement ducal? Sans projet exprimé en des temps corrects ni digne présentation, je ne puis transmettre sereinement les rennes du duché. Je ne le puis, pardonnez moi.

    Il est des départs qui réunissent, Mien. Nous en savons déjà quelque chose. En voici peut-être un autre. J'ai reçu voilà peu l'annonce du trépas du Grand Duc de Bretagne. Cet homme, je l'ai honni autant qu'aimé, c'est dire, aussi je pense honorer l'invite qui me fut transmise. J'ignore à vrai dire si on me l'adressa pour ce que je fus en Bretagne, ou parce que je règne actuellement sur l'Alençon. Je ne chercherai pas à le savoir, c'est là question je crois qu'il vaut mieux laisser sans réponse. Quoiqu'il en soit, m'y accompagnerez vous, à votre retour du Nord, qui devrait coïncider, que je vous fasse découvrir la terre qui m'a vue naitre?

    Puissent les Flandres vous ressourcer, que vous me reveniez la bouche emplie de mille aventures à conter à mon cou,

    Qu'Il vous garde,

    Vôtre,


Chimera

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Cornelius.de.leffe
Citation:



    De Cornelius de Leffe, Seigneur de Hoflande,
    A Chiméra de Dénéré-Malines, Régnante en Alençon


    Ma Comtesse,

    Je veux être une brute aux yeux du monde, moi ? Que nenni. S'il est vrai que je ne suis loin de l'agneau qui vient de naître, qu'y puis-je, si l'on me voit comme un ours bourru ? Mais j'avoue, l'image n'est point pour me déplaire, et vous savez combien j'aime être appelé ainsi de vous. De vous, uniquement. Vous n'avez d'ailleurs jamais besoin de viser l'émoi pour le créer, ma mie.

    Nous ne sommes restés que très peu de temps en Flandres, et à mon grand regret je n'ai pu croiser mes amis le comte et la comtesse d'Ypres. Mais tous les membres de notre groupe avaient diverses raisons de se hâter ; élections pour certains, famille pour d'autres, promise pour moi. Nous repartîmes donc bien vite et sommes sur le chemin du retour. Le voyage est exténuant, pour la seule raison qu'il est rapide. Et rapide, pour la principale raison que j'ai grand hâte à vous retrouver en Alençon ; aussi ne me plaindrai-je pas d'être éreinté, c'est ainsi que je souhaite être dans vos bras plutôt qu'en pleine forme sur les routes, des jours durant.

    Je suis navré d'entendre que votre talentueuse protégée de la Maison Royale vous quitte. Qu'ont-il donc commis comme indélicatesse pour la faire fuir, dites moi? L'ont-il trop pressée à rendre ses toiles ?

    Quant à votre nouvelle contrariante, vous êtes toute pardonnée ; je ne puis nier que cela m'attriste de songer que vous serez contrainte de rester en Alençon, encore. Mais, très chère, je sais votre dévotion au peuple d'Alençon et à la Couronne. C'est une des choses qui nous unissent et tout comme il ne vous vient point à l'esprit de me reprocher mon poste de Garde Royal, jamais je ne dirai un mot lorsque le devoir vous appelle. Aussi nous attendrons encore avant de pouvoir voyager ensemble avec le cortège royal. D'ailleurs, ne pouvant garantir que ce projet voit le jour, il serait bien injuste de ma part de me plaindre de vos obligations ; quand bien même il est d'usage d'ordinaire de laisser suivre les conjoints, chaque Souverain diffère, et nous sommes à la merci des choix du prochain...

    Recevez toutes mes condoléances quant à la perte du Grand Duc de Bretagne ; je serai curieux que vous me racontiez la teneur de votre relation, pour qu'elle soit si polarisée... Je serai bien évidemment du voyage, et à vos côtés dans cette épreuve. Il me fera plaisir de voir le berceau de votre enfance et d'en apprendre plus sur vous.

    De mon côté peu de nouvelles, la route, la route, toujours... Mais des projets en nombre ; m'installer en Alençon, rejoindre la Garde et découvrir qui, des divers candidats, incarnera la Couronne que je sers... Je compte aussi, très bientôt, annoncer en privé nos fiançailles à mon cousin et suzerain ; si je n'ai aucune crainte qu'il appose son veto à notre union, je me dois de lui accorder au moins le respect des apparences en lui demandant son avis. J'attendrais la fin du deuil pour l'annoncer publiquement et officiellement, toutefois.

    Les Flandres ont la faculté de me ressourcer, vous ne vous trompez point ; mais j'y suis trop peu resté pour cela. Fort heureusement, il est un cou de porcelaine chatouillé de flammes qui, je le sais, fera encore mieux l'affaire.

    A nos retrouvailles, Mienne.
    Que le Très Haut vous garde,





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