Citation:[...] À Toulouse, vous ne pieuterez pas dans la rue. M'aviez déjà fait le coup en Anjou, et vous vous souvenez sans doute de l'issue. Histoire de prévenir tout argumentaire et toute entaille supplémentaire à la paume de votre main, je vous le dis tout net : vous pioncerez au-dessus de mon rade ou dans mon appartement dans le centre, mais pas sous le crachin. Votre carne y sera tranquille et au calme puisque je ne serai pas dans les parages - du moins si vous choisissez la piaule. Notez que je ne vous brusque pas en vous invitant dans ma propriété même, et qu'il n'est pas question de charité puisque vous faisant venir jusqu'ici vous êtes en quelque sorte mon invité. Voilà.
Du reste, disons dans trois jours au « Blaireau Vérolé » qui est situé dans le faubourg St Cyprien.[...]
«
QUOI ? Elle commence déjà, alors c'est Astana, vois-tu caillou, c'est la meilleure, même pas j'ai mis les pieds dans c'te ville qu'elle commence, elle enquille, voilà, madame décide, monsieur dormira là, ou là, ou bien là, mais pas où il veut, attention, non, car il faut, il faut suivre les ordres.Vous dormirez dans
MON rade, mais quelle amabilité... ou dans
MON appartement... mais bien sûr, hum, tout à fait... et puis j'irai dépoussiérer vos armures, et j'irai recoudre vos bas en attendant bien sagement l'heure de votre auguste visite... puisque d'ailleurs, Madame Astana ne m'invite pas dans sa propriété même, notez-le bien petit caillou, mais dans ses résidences secondaires. Notez bien qu'il n'est pas question de charité, puisque ce sont des ordres, enfin. Vous vous rendez, vous rendez-vous bien compte ? »
***
Trois jours plus tard, Blondin tournicote dans une piaule, à l'anglaise et à poil. Le soleil d'hiver commence à se faire la malle. Même que ça caille. Même que le rendez-vous se profile, on dirait. Ou j'attends que la nuit soit bien tombée ? Qu'on y voit plus un pet de rat ? Et si elle ne me reconnaît pas ? Si c'est pas éclairé ? Et puis où ? Devant le Blaireau ? Dans la rue ? Oui, dans la rue, dans la rue Blondin. Dans la rue... Mes tempes grattent. Je gratte trop mes tempes, je fais finir par les avoir chauves... Merdre.
Blondin ronge ses ongles en zieutant le soleil qui tombe.
Et puis dans la rue, et ensuite ? Merdre. J'fais quoi ? Elle veut quoi ? Ça veut quoi une blonde ? Hein dis ? Merdre. On lâche les tempes, adieu soleil. Blondin reluque sa trogne dans un reflet, tant que le reste de jour le permet. Bordel, t'aurais pas pu te raser hier. Comment j'vais arranger ça ? En même temps avec ta tronche de déterré, ça devient nécessaire d'attendre la nuit noire, ça fait un peu de sursis en rab'. Hein. Sûr qu'elle va s'barrer en courant, si ça se trouve. Ou qu'elle va faire mine de pas le reconnaître.
Sinon, tu comptes te pointer à poil ?
Blondin lance un regard furtif vers le pieu, comme s'il y avait toute une garde-robe qu'allait apparaître là, dans le genre magique, tellement brillante que ça lui rendrait une gueule de prince charmant. De facto, il y a deux chemises, une noire, une blanche. Ça devrait pas être compliqué. N'empêche, il bloque. Ça fait pas un peu crétin, la blanche ? Ou trop sérieux, la noire ? Je viens de me ronger un bout d'ongle en trop, la noire, ça fait trop ce-soir-tu-vas-prendre, non ? Ça va l'effrayer. En même temps, elle la connaît, la noire. La blanche aussi. Trop sage ? Trop péquenaud ?
Agenouillé devant la paire de chemises, la tête entre les deux mains, Blondin nerveux comme un jeunot devant sa première paire de loches. Long soupir de premier rendez-vous. Pour un peu il se sentirait con, mais sa cervelle est une cervelle d'homme, toute marquée en filigrane par un mot d'ordre : per-for-mance. Tu m'emmerdes. La noire ou la blanche ? Pourquoi j'ai que deux chemises ? Pourquoi qu'elles sont vieilles et tachées ? Reprends-toi, parce que franchement, la noire ou la blanche, on a vu plus casse-tête comme choix. N'empêche, il y a du crucial là-dedans. Parce que blanc, peut-être pas, mais noir... bon, hein. Noir ?