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[RP] Il duale de los poivros

Jhoannes
4 mai 1469 — Lice de Limoges


    Minuit sonna, et deux silhouettes remontèrent cérémonieusement la palissade pour se faire face au centre de l'arène, où un duo de fûts avait été déposé, étranges items nécessaires au combat épique qui allait se tenir là. Non, l'accessoiriste ne s'est pas planté dans la disposition du décor. Les tonnelets auront un rôle à jouer. Un rôle important. Guillermo le réalise immédiatement, alors qu'il ouvre les yeux sur la scène et se redresse paresseusement du banc sur lequel il était en train de décuver. Guillermo, vénérable pochtron de son état, pige instinctivement ce à quoi il est sur le point d'assister. Il songe que le hasard de la vie est parfois merveilleux, et qu'il a envie de la remercier, la vie, pour ça, de montrer de l'enthousiasme et de la gratitude, pour changer. Non, ce soir, Guillermo ne se contentera pas d'être un témoin silencieux. Ce soir, il va tremper sa chemise, comme on dit. Emporté par sa vague d'euphorie, Guillermo dévale l'estrade pour se percher au premier rang, et sans trop savoir pourquoi, se met à crier en direct live ce qu'il voit dans un goulot de bouteille vide.

- « EEEEEEET C'EST L'AFFRONTEMENT QUI SE PRÉPARE DAMES ET MESSIRES ! LE CHOC DES TITANS ! À MA DROITE UNE... UNE DAMOISELLE HABILLÉE COMME UN SAC, HEUREUSEMENT QU'ELLE EST PAS SI MAL ROULÉE EN D'SSOUS, ME DIREZ-VOUS, UNE DAMOISELLE AVEC UN DRÔLE DE BONNET QUI EST EN TRAIN DE ME FOURDOYER DE SON REGARD heu... FOUDROYANT, TANDIS QU'À MA GAUCHE SE TIENT UN... UN TYPE EN HAILLONS AVEC UNE BARBE DE VIEUX ET DES CHEVEUX DE JEUNE, C'EST, JE DOIS L'AVOUER, EXTRÊMEMENT LOUCHE, MAIS OH ! ATTENTION, LE DUEL VA COMMENCER, J'APERÇOIS LES PARTICIPANTS SE TENDRE LEURS GODETS RESPECTIFS EN GUISE DE SALUT, C'EST BEAU, L'ESPRIT SPORT... »

Ce sont les pognes bordées de biscuits aux noisettes (et sans coquilles d’œufs, s’il vous plait) que la Brune se ramène fièrement sur le lieu du duel. Agata ne triche pas, non. Agata est stratégique, parce qu’un jour, on lui a dit qu’un sac vide ne tenait pas debout. Et c’est justement l’objectif de cet épique combat sans violence qui les attend. De tenir debout. En attendant, on a tous bien compris le petit manège de Guillermo, vous en faîtes pas. Amadouer le badaud, se faire ami-ami dans l’espoir de partager avec ses poch’potes la goutte… que dis-je, le fût de l’amitié. Mais bon, comment lui en vouloir ? Quel poivrot qui se respecte ne tenterait pas l’affaire, après tout ? Et puis, malgré son nez de fraise et sa voix déraillée par trop de pitanche encaissée, il a une bonne bouille, le bougre. Bon. Ça rendra la scène sans doute moins malaisante s’il fait public de qualité. Pensez-vous qu’il fait aussi le cheerleader ? Et le vendeur de hot-dogs. Il fait faim, non ? Un dernier biscuit, pour la route. Hop.

Mais bon sang, il beugle sacrément fort, quand même. Et parlant de sac, d’ailleurs…. Habillée comme un sac ?! Mais. Mais pour qui il se pr…Oh… Pas mal roulée ? Mh.. Là, tu m’parles mon coco. C’est qu’il sait flatter l’égo, lui. La Vagabonde cligne un peu de la paupière en zieutant l’individu. Il a l’air heureux comme un prince, revivant avec nostalgie la Coupe du Monde 1998 avec cinq siècles d’avance. Déchaîné, le Guillermo. Lui filez pas de vuvuzelas, sinon c’est la fin. La fin, vous dis-je. Kaput. On le perd. Plus de super commentateur. Un petit hochement de tête vers l’adversaire du soir s’en suit. En garde !

- Hé ! Jhoannes ! Vous avez entendu ? Il parle de vos qualités capillaires originales ! Puis d’interpeller le sobre Guillermo et sa bouteille pleurant encore ses dernières gouttes de 8.6, Boris, vous permettez que je vous appelle Boris ? Vous avez une tête de Boris. Votre teint, sans doute. Vous ne trouvez pas que Bijou, ça lui colle à la perfection, comme p’tit nom ?

Et la chope, pleine à ras-bords, se tend vers "Il Rettore", et d’un geste assuré, elle est éclusée. Le liquide chauffe le gosier, le regard se plisse. Aucun ne flanche. Ce premier godet n’est qu’un petit échauffement.

– AAAH, ET C’EST PARTI ! REGARDEZ-MOI COMME ILS SONT BEAUX ! PERSONNE ENCORE NE SE TIENT AU BANC DE TOUCHE, ILS SONT SOLIDES, ILS SONT VALEUREUX ! AH, ÇA PITANCHE TRANQUILLE… VA FALLOIR LEUR MONTRER COMMENT FAIRE, M’SIEURS DAMES ! LA PETITE DAME EN ROUGE TIENT LA MARÉE A L’AISE, ET SON INCROYABLE ADVERSAIRE, LE PETIT BIJOU, C’PAS SI MAL ! MAIIIS… SERAIT-CE UNE GRIMACE QUE JE VIENS DE VOIR ? NON, NOOON, PAS DEJA ! AH, NON. C’ÉTAIT UN SOURIRE !

    Bijou Blondin, les panards plantés dans la bourbe, les jambes écartées dans un angle exact de 33°, se concentre. Les règles sont d'une élégante simplicité : à qui tombera la première ou le premier en s'enfilant des verres de liqueur. L'usage du majeur est autorisé pour tenter de pousser l'autre. Afin de vérifier que la distance réglementaire est respectée, il tend le bras et flanque son doigt dans l'épaule d'Agata. Poup. On se décale de deux centimètres vers l'arrière pour pas abuser. Impeccable. Les protocoles les plus rigides sont souvent créés pour les défis les plus bidons. Et l'enjeu de celui-ci est de taille. Alors Blondin se concentre, oui, et ne serait le reflet du lutin rieur qui se marre constamment au fond de ses billes noires, on pourrait croire qu'il est réellement sérieux. Figé au centre de la lice, il laisse tranquillement ses pieds s'ancrer dans sol boueux, sans lutter, attentif à son adversaire, au spectacle inquiétant des estrades désertes plongées dans une quasi obscurité, d'où parviennent les échos citadins de Limoges qui seuls, viennent perturber le silence de cette renc… Oui, aussi Guillermo.

    Inspire.
    Expire.

    Premier verre. On recadre les épaules, on relève le menton. Petite grimace pour Guillermo. Tu veux pas attendre un peu pour faire du gringue ? N… Non ? Bordel. Non mais c'est pas grave. Liguez-vous contre moi les jeunes. J'vous doserai. Ma fierté c'est ma descente. Non c'est pas triste comme constat.

    Deuxième verre.
    Troisième verre.
    Pour l'échauffement.


RP écrit à 4 mains avec JD Agata.
Le titre ne veut rien dire.

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En noir c'est Jhoannes.
En vert c'est Caillou, une de ses voix intérieures. Caillou est vil.
Agata.b

*L'abus d'alcool est dangereux pour la santé. À consommer avec modération.



    Et vient enfin la fin de l’échauffement. Parce qu’il fait assez chaud dans leurs cœurs, et leurs gosiers, surtout. Passons aux choses sérieuses, parce que, bon, on n’est pas là pour enfiler des perles, hein. M’enfin… quoique, ça pourrait être drôle à tenter d’ici quelques verres. Hé Boris, tu veux pas nous ramener des petites perles d’argile et du crin de cheval ? On va faire des bijoux, avec Bijou. Bon, concentration, s’il vous plait. On chasse les pensées sans queue, ni tête, et on se concentre sur ce duel de la plus haute importance.

    La minette en rouge se tourne alors vers les tribunes où quelques âmes alpaguées par le charabia du commentateur de choc approchent, curieuses, et son regard croise celui de cet homme semblable à une montagne à l’automne. Une montagne rousse, oui. Oh, coucou Billou. Shh. Agata, concentration, bordel. Oooh, mais… mais c’est moi qu’il soutient ? Hannwh. Grr. Con-cen-tra-tion, on a dit !

    Quatrième verre. Ça chatouille la langue, mais c’est pas mauvais. Dis, copain, c’est quoi ta liqueur ?

    Cinquième verre. Tout va bien, je gèèère. C’est tout au moins ce que semble vouloir faire croire ce petit regard suffisant qu’Agata adresse à son adversaire. Pourtant, si on s’approche, on ne s’y méprend pas. Oui, oui, on le voit, le petit reflet brillant qui tapisse la cornée de la jeune femme. Vous savez, celui qui trahit les faux airs assurés, celui qui trahit l’ivresse évidente. Celui qui pousse le videur supra baraque à l’entrée de la boîte de nuit à vous dire « Non, désolé, mad’moiselle, vous êtes trop fatiguée pour rentrer ! ». Ouais, celui qui vous plombe la soirée.

    Sixième verre. Elle tente la diversion. Cette ambiance western lui inspire quelques petits mouvements de danse à la Pulp fiction pour déstabiliser l’adversaire. Petit déhanché de folie et danse aquatique du poisson rouge, et l’adversaire est perturbé. Filoute, la Brune s’en vient chahuter le genou rectoral d’un majeur triomphant. Eh ouais, mec, tu l’avais pas vu venir, celle-là, hein ? Billy-Guillermo-Boris non plus l’avait pas vu venir, et le voilà qui se lève, représentant à lui-seul la foule en délire de ce duel de titans.

      - MAIS, MAIS ! C’EST QU’ELLE A OSÉ LA D’MOISELLE ! COMME ELLE EST VICIEUSE ! OUILLE OUILLE OUILLE, ELLE FAUCHE LES GENOUX DE SON ADVERSAIRE QUI VACILLE, QUI VACILLE ! CE DERNIER RISQUE DE S’EN SOUVENIR DE CE COUP BAS ! NOOON, LE VIEUX JEUNE SE REPREND ET… ET… ILS SONT CHAUDS PATATE !

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Jhoannes
Un vieux général chinois, né plusieurs siècles avant Christos, a écrit un excellent bouquin sur la guerre dans lequel il affirme que vaincre sans combattre, y a pas mieux. C'est la méthode la plus classe. Blondin n'a jamais lu une ligne de Sun Tzu — d'ailleurs il ignore totalement qui est ce type, n'empêche qu'il serait bien d'accord avec lui. Observer un adversaire s'enliser tout seul, c'est beaucoup plus drôle. Continue de faire la mariole Agata. Gigote. Provoque. Prends des risques. Bon par contre Guillermo…

- « Je… J'ai pas vacillé j'me suis un peu balancé… », qu'il rectifie d'une voix basse et quasiment inaudible. Personne t'entend Blondin, même pas l'histoire. Et tout le monde sait qu'elle sort de la bouche des vainqueurs, alors retrouve vite ton centre d'équilibre si tu veux te rendre justice dans la version officielle du duel.

Le regard est plissé, l'attention focalisée à nouveau sur l'adversaire en herbe. Agata est fourbe. Agata est une géante de marbre à abb… Non, on a pas tant bu que ça encore. Septième verre, qu'il porte devant son visage avant de l'enquiller.

- « C'est de la liqueur de noix. »

Huitième verre. Il passe sa main dans sa barbe, parfois que ce qu'il voulait dire serait caché dedans. Non, ceci n'est pas une tentative de déstabilisation de la concurrence.

- « Elle a été obtenue par distillation. La disti… distillation, c'est quand le feu divise les corps volatils des corps pas volatils à la base. Et puis ça fait de la vapeur. Et puis on récolte la vapeur. C'est qu'on appelle le...»

Neuvième verre. Est-ce qu'il se demande si les gens ont vraiment envie d'entendre ça ? Non, absolument pas. Pour lui c'est clair, tous ces faits sont hautement intéressants.

- « … le distillat. C'est un très joli mot. »

Dixième verre. Son front se plisse légèrement sous l'effet de l'ivresse qui commence à bien se faire sentir. Il sourit large. C'est cotonneux. C'est rassurant. Ses épaules se relâchent.

- « Souvent, la cornue et l'alambic sont les outils les plus populaires pour distiller. Cependant, certains éthers impriment une amertume à l'arôme final, et c'est pour ça que les moines rajoutent blinde de plantes au mélange. Parce que personne n'aime véritablement la mélisse à ce point, on s'en doute. J'ai cependant entendu parler d'un gars, Guillaume de Roucanville, qui serait parvenu à résoudre le problème en trafiquant un alambic à DOUBLE distillation. »

Onzième verre. Deux doigts levés. Double, la distillation. Tout le monde a compris ? Les cancres du fond aussi ? Non parce que lui il a déjà oublié le nom de l'inventeur inventé.

- « La double distilla... »

- « EEEEEEET ON S'EN TAMPONNE PAS MAL LES ROULEAUX DU RESTE NOUS RETIENDRONS CEPENDANT QUE NOS VAILLANTS, QUE DIS-JE, GARGANTISSIMES, DUELLISTES SE RÉCHAUFFENT LE GROIN À LA LIQUEUR DE NOIX ! POURQUOI PAS ! C'EST UN CHOIX QUI PEUT SE DÉFENDRE ! EN TOUT CAS, L'EFFET SEMBLE ÊTRE AU REEEEENDEZ-VOUS, LE VIEUX COMMENCE À RACONTER N'IM-PO-RTE QUOI QUANT À LA DEMOISELLE, C'EST LA CHOU-CHOU DU PUBLIC. ON L'ENCOURAGE ! »

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En noir c'est Jhoannes.
En vert c'est Caillou, une de ses voix intérieures. Caillou est vil.
Agata.b


    Douzième verre.
    Celui-ci ne compte pas tant, comme l'annonce le fameux adage du douzième verre. Un adage que Blondin vient de créer, parce qu'il va devoir commencer à se convaincre que sa cuite est fictive. C'est pas de la liqueur. Juste un petit verre d'eau.

    Treizième verre. Celui-ci, il compte. C'est celui qui est offert avec la douzaine. Comme les huitres. Treize à la douzaine. Sauf que la treizième huitre, elle écœure. Le treizième verre, lui, il passe comme une lettre à la poste. Ou presque. Non juré, ça n'était pas un hoquet. *hips*. Touuut va bien.

    Quatorze. Ou treize ? Jhoannes n'est plus sûr de ses comptes, un bruit d'omelette humaine qui s'écrase au sol l'a perturbé. C'était juste à sa gauche, et c'était Guillermo, qui vient de succomber à sa propre cuite. Heureusement, reste un con dans les tribunes qui tient encore à jour le carnet des scores.

    Quinze. Agata non plus ne sait plus où ils en sont. Ce qu'elle sait, en revanche, c'est qu'elle est encore debout, et vraiment, elle y croit à sa victoire. Un voyage en Anjou, ça vous change une femme. Le majeur s'avance vers le museau de l'adversaire, et avec un énorme sourire tout en sobriété, elle appuie sur le klaxon. Pouic. Pouic. Hahin, surprise ?

    Sei... SEIZE ! Une bourrasque nocturne décoiffe la terre d'une arabesque de poussière dorée. Tempête de sable dans la place et dans les estomacs. Jhoannes réagit à l'attaque. Lentement son menton se redresse, jusqu'à ce que le majeur de son adversaire atteigne sa narine. Et dans son regard défile un message absolument sérieux. Petite, j'ai appris à lever le coude avant que tu saches ramper.

    Dix-sept. Oh. La jolie narine. A moins que ça ne soit une oreille ? Elle ne voit plus très net, et c'est le nez froncé qu'elle remballe son majeur pour enquiller sur le dix-septième verre. Il tient la route, le vieux, c'est vrai. C'est pas pour rien que la p'tite brune les aime grisonnants. Grisonnants mais pas décrépis, ni trop séniles. Elle se respecte un peu, enfin ! L'expérience, ça a du bon.

    DIX-HUIIIIIIIT. Il est un homme aux cheveux dorés, chevauchant un canasson sous la lune pleine, vers la colline légendaire du vingtième verre de liqueur de prune. Non, de noix. De poire. Il sent plus vraiment, à ce stade, mais le sommet est proche. Y a des mariachis qui commencent à jouer dans ses tempes et un petit sourire qui lui décolle un coin de bouche. C'était bien sa narine.

    Dix-vingt...Mh. Dix-neuuuf. Billou, tu tiens les comptes, chérichou ? Parce que nos deux poivros' ont perdu l'compte. Déjà que le recteur, il sait même plus reconnaître une poire d'une noix… Ça promet. Ne reconnais-tu pas le doux parfum de la noix aux suaves notes de… noix, qui te crame le fond du gosier ? M'enfin. Fais un effort. C'est comme ne pas reconnaître une narine d'une oreille…. Oups.

    VA-HIN ! Vingt. Venti. C'est un nombre rond, comme Blondin. Le pinacle de cette folle entreprise. Agata est toujours en position verticale, et là, lui, ça commence à le faire légèrement flipper. Après le verre vingt, on entre dans des terres inconnues et sauvages et... et bien casse-gueule. Ça va être le néant, Agata. On vient d'passer la colline.

    Vin & Un. VINGT-ET-UN. Du vin ? Où ça, du vin ? Bordel, ça tourne sévère. Le verticale de la tangente qui tend vers le sol et qui vacille. Ca flambe du poteau, mais avec un sourire et un balayage de la tignasse, on fait passer l'illusion ? Mauvaise idée. Ça tanguuuue. Elle ferme les yeux un instant, et c'est le drame. Elle sent son pif se coller à l'épaule de son adversaire, et d'un magistral repousser du majeur, elle reprend sa place, droite comme un piquet, prête à tout affronter. Et celle là, tu l'avais pas vu venir Jhoannes ?

    VINTEUDEU ! Désarçonné, il bascule dangereusement vers l'arrière. Les béquilles toujours plantées dans la gadoue, son buste oscille comme une toupie au ralenti. Vraiment, vraiment au ralenti. Non vraiment, c'est très lent. Il met plusieurs dizaines de secondes à passer par tous les points cardinaux avant de retrouver le nord et une sorte de stabilité. Son regard de caméléon grillé se plisse et signe l'entrée dans la guerre psypsychologique.

    Vingt-euh-trois-euh. La fin est proche, elle le sent. A chaque oscillation, elle a l'impression que la liqueur remue encore au fond de sa gorge, et que si on la renversait, ça fuiterait. Elle est belle l'image, hein ? Mais véridique. Agata a vraiment l'impression d'avoir le gosier au ras du bord. Bord du précipice. Pice. Oui, elle a une grosse envie de faire pipi, là. M'sieur l'arbitre, on peut faire "pouce" ? J'ai le pipi urgent. TEMPS MORT. Non ? Mais.. Siouplé ? Pff. Un long soupir et elle tente de rapprocher le godet du fût... en vain. C'est donc dans un élan de lucidité d'ivresse - Ô bel oxymore - qu'elle se penche sous le robinet du tonnelet pour... Se servir son verre presque fatal.

    TWENTY FOUUUR ! Oh, un touriste. Blondin voudrait se la jouer grand seigneur et tendre le bras pour l'aider à remplir son godet. Il voudrait, que le combat se termine dans l'honneur et surtout, la dignité. Hélas, pour jouer au sauveur, encore faudrait-il qu'il ait un corps à bouger. Mais il n'est plus un corps. Il est un tonnelet rempli caché sous de la peau humaine, et traversé par tout un prisme d'émotions positives. Soudain, un aveu irrépressible lui monte à la gorge. Il a besoin de dire à Agata que c'est une gentille personne. Ce qui donne :

      - « Tégengipersone… »


    VINCHINQUE. Savez-vous quelle aura été la pire idée que la jeune Vagabonde ait pu avoir ce soir-là ? Se pencher pour picoler à même le goulot. Pourquoi ? Parce que la [/b]terre est si basse qu'il en devient quasiment impossible de se relever une fois le nez si bas qu'il se trouve sous le niveau des genoux. Et sous le niveau des genoux, c'est presque le niveau du sol. Et vous savez ce qui arrive si le museau touche le plancher ? C'est la fin du game. Et ça, la demoiselle, elle refuse. Elle n'est plus qu'un amas de liquide alcoolisé sous une peau plus que perméable... Elle a chaud, elle ne sait même plus qui elle est, où elle est. Suis-je morte ? C'est donc ça, le Paradis des "gengipersone" ? Qui suis-je ? La gadoue et son délicat parfum se rapprochent dangereusement, et elle aussi tient à exprimer son amour à son adversaire de la night, à sa façon :

      « Chonanesse ? Chemtabarabe. Tûché. Gneu.* »


    Et c'est... la désillusion. Le nez s'écrase sans aucune grâce dans la bouillasse. Et, c'est à fort regret que notre favorite déclare forfait. GAME OVER.
    OVAIRE ? Ouvert. Ovaires, ouverts. Eurk. Ô, vert. Over-dose. Au verre d'eau. Au verre doseur. Douze heure. Bulldozer ? Bulle d'eau. Bullot. Galette dans la gadoue. Non c'est sale. Pardon.

    À vingt-cinq heures sonne le glas. Les billes torves, Jhoannes observe la chute d'Agata. Et puis il compte, il s'accroche, un, deux, tr...

      - « EEEEEEEEEEEEET C'EST LA VICTOIRE ! VICTOIRE POUR LE VIEUX MACHIN ! UNE PARTIE, JE PENSE QU'ON PEUT LE DIRE, MA FOI, SANS MAUVAIS JEU DE MOTS, SERRÉE COMME UN CUL D'POULE, OU, POUR NOTRE AMI D'OUTRE-MER, TIGHT AS A CHICKEN ASS ! C'ÉTAIT GUILLERMO, POUR VOUS SERVIR, DEPUIS NOTRE BELLE LICEUH LIMOUS'INE ! ET PRENEZ SOIN D'VOUS LES BICHONS ! »


    Lorsque Guillermo rend l'antenne une bonne fois pour toutes, le vieux blond est entouré d'insectes ; des mouches devant ses yeux, des fourmis dans ses jambes et dans sa nuque. Le monde tourne. À peine, a-t-il le temps de répondre à Agata, un :

      - « Jché ! »


    « Jché », un mot à cheval entre un « Je sais » et un « cheh! ». Graduellement, sa nuque adopte la tonicité d'un poulpe, sa tête part en arrière et il tombe à son tour, les bras en croix.

      - « Burp. »




* Pour nos lecteurs qui ne sauraient traduire l'Agatien éthylique : "Jhoannes ? J'aime trop ta barbe. Pourrais-je avoir l'immense et incommensurable honneur d'y glisser mes doigts délicats ? Ouh. L'alcool me titille les neurones."

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