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[RP] Sur les traces des flamboyantes de Folguera.

Aelaia

      Llora de Folguera. C’était le doux prénom de sa mère. Elle ne le portait pas ; la coutume voulait qu’elle hérite de celui de son père. Ar Moraer, le navigateur. Elle était Aelaia Ar Moraer, la fille du marin.

      Un père, une mère. Ils avaient été sa seule famille et ils avaient suffi à la rendre heureuse et à lui offrir tout l’amour qu’une enfant demandait. Jusqu’à l’hiver dernier. Le matin du 25 décembre, Gouel an Nedeleg*, mais aussi le jour de ses seize ans, Mammig* avait annoncé la nouvelle.


        « Aelaia, ma c’hwenenn*, j’ai quelque chose à te demander. J’aimerais que tu retrouves Llucia. Ma sœur. Tu tía. »


      Les yeux de jade s’étaient arrêtés quelques instants sur le visage maternel. Perdue. Désemparée, la châtaigne était sans voix. Une tante. Elle n’en avait pas besoin. C’est ce que la gamine avait pensé en premier. Les secondes émotions bousculant les premières, elle avait étiré un fin sourire. Son cœur était assez grand, finalement, pour donner son amour à une nouvelle famille. Une famille de sang. Elle pourrait le partager, oui. Mains portée à la poitrine, Llucia fut accueillie.

      Folle tignasse de feu, regard aux douces nuances mordorées et l’âme aussi paisible que celle d’un ange. Les deux sœurs, si elles avaient eu le même âge auraient pu être jumelles, tellement leur ressemblance était frappante. Vagues réminiscences. Deux décennies peuvent altérer et déformer les plus beaux des souvenirs. Tía avait quitté les terres catalanes peu de temps après sa sœur pour trouver son nid dans les confins du Royaume de France. La quête ne serait pas simple, la demie rousse préparait son départ. Le voyage serait long. La communauté avait béni son envol.

        « Qu’Ésus te garde et te protège. »




          [Juin 1468, Limoges]


      Cinq mois. Cinq mois qu’elle arpentait les routes du Royaume, qu’elle visitait les mairies, les couvents et les hospices à la recherche d’indices.

        « Les cheveux flamboyants, peut-être parsemés de gris depuis, le regard d’or et l’accent chantant de la péninsule, elle s’appelle ou s’appelait Llucia de Folguera. »


      Cette phrase, elle la connaissait par cœur. Ses lèvres l’avaient prononcé chaque jour, ou presque, depuis son départ des terres de Mesnil-Roc’h. Mais ce jour-là, un homme grisonnant croisé au détour d’une conversation sur les bords de Vienne, lui offrait de l’espoir. La description de ladite femme correspondait à celle d’une dame croisée quelques mois plus tôt aux abords de l’Hospice des Récollets de Saint-François, à quelques lieues au sud-ouest de la cité.

      Entre espoir et appréhension, la châtaigne s’était confiée à Cyriel. Oreille attentive, parole bienveillante, il avait proposé de l’accompagner.

      La présence du blond avait permis à Aelaia de ne pas sombrer lorsqu’elle apprit la nouvelle. Llucia avait bien séjourné à Limoges, vers la fin de l’année 1467. Elle avait œuvré quelques temps avec les sœurs pour apaiser les malades et les vieillards en fin de vie. Elle aimait conter les histoires et légendes de son enfance. La douce espagnole avait été emportée par la maladie, à l’automne. La rougeole l’avait prise et avait laissé un vide auprès des religieuses et des souffrants. Le cœur noisette s’était serré. La main rassurante de Cyriel s’était posée sur sa nuque. Respiration saccadée reprit un rythme doux, yeux verts brillants purent retenir les larmes, mais la gorge de la jeune femme ne put articuler le moindre mot. Son protecteur, après un sourire bienveillant, prit le relai auprès de la Mère Supérieure.
      Murée dans un silence de glace, espoir écorché à vif et tristesse au bord des yeux, elle avait écouté chaque mot prononcé par la femme de Dieu. Llucia parlait souvent de sa fille, Ornelle. Une version miniature d’elle-même, qu’elle avait dû quitter à regret, quelques années auparavant. Des tentatives perdues pour la retrouver l’avaient orientée vers le Périgord. Mais elle n’en avait plus la force. La maladie la consumait déjà doucement.

      Les jambes en guimauve, les pensées lointaines, elle avait lutté. Explosion n’attendit pas plus de quelques minutes après avoir atteint les bois. Les larmes avaient lentement coulé le long de ses joues. Petite fragile, pourquoi pleures-tu pour quelqu’un que tu n’as jamais connu ? Reprends-toi. Ses pensées étaient imbibées de colère, de colère insensée. Elle craqua. Elle fondit en larmes dans les bras de son confident et protecteur. Le sanglot vibrait dans tout son corps, en ébullition. Les minutes lui parurent des heures, elle eut envie de hurler, de frapper contre un mur. Courroux contrôlé au creux des bras de Cyriel.

      Le retour à Limoges lui permit de reprendre ses esprits. Elle écrirait une lettre à Ornelle. Elle avait perdu une tante, elle avait gagné une cousine. Il lui tardait de la découvrir. Lettre écrite fut confiée à un coursier chargé de trouver sa destinataire.






        Chère Ornelle,


      Nous ne nous connaissons pas encore, mais le destin m’a amené à t’écrire.

      Le jour de mes 16 ans, ma mère m’a confié la mission de retrouver notre famille. Une bien grande mission, semée d’embuches. J’ai passé ces derniers mois à fouiller, interroger, écumer les villages pour trouver des réponses à mes questions. Je me trouve aujourd’hui à Limoges et je découvre ton existence. Ornelle, fille de feue Llucia de Folguera.

      Je suis Aelaia Ar Moraer, fille de Ewann Ar Moraer et de Llora de Folguera, et je crois que nous sommes cousines. J’aimerais apprendre à te connaitre. Te rencontrer, peut-être. Trouver des réponses à mes questions, et sans doute pourrais-je répondre à certaines des tiennes.

      Ornelle, qui es-tu ? Je souhaite le découvrir.

      Pour l’heure, je souhaite seulement que cette lettre trouve son destinataire légitime, à défaut de se perdre dans les méandres de nos chemins. S’il arrive à bon port, un coursier pourra me trouver à Limoges ou à Tours.

      Amicalement,


      Aelaia




* Gouel an Nedeleg = Fête de Noël.
* Mammig = Maman
* Ma c’hwenenn = Ma puce

_________________
Ornelle
    Depuis son arrivée dans la bonne ville de Castillon, lentement, les jours s'égrainaient dans un halo de douce félicité. Ornelle avait ses rituels qui lui permettaient d'oublier, de désapprendre sa vie d'avant. Promenades, baignades dans l'eau fraîche et claire de la Dordogne, virées dans les tavernes rythmaient son quotidien. Rien ne semblait vouloir troubler cette engrenage heureux.

    De sa prime jeunesse, elle ne disait rien à personne et elle-même semblait l'avoir oubliée, la tête sur les épaules, le chignon bien en place, il lui fallait avancer coûte que coûte. C'était sa manière à elle de ne pas sombrer sur les écueils mélancoliques du passé. Il y avait bien son tendre Brabius qui avait tenté quelques fois de l'amener sur ce chemin douloureux, sans réponse de sa part.

    Aussi, lorsque, par un matin blanc de l'été, un chevaucheur vint lui remettre un pli, la gorge d'Ornelle se serra profondément. Elle savait... Oui, elle savait que ce parchemin allait venir troubler la quiétude si chèrement acquise à Castillon. Elle savait que l'auteur de celui-ci ne pouvait être qu'un frère, un père à qui elle souhaitait encore un temps échapper. Pendant plusieurs jours, le vélin resta donc sur la table vermoulue et plusieurs fois elle avait posé son regard sur lui, attendant que vienne le courage de l'ouvrir.

    Ce fut par un de ces soirs, où revenant de taverne, un peu éméchée vous vous sentez la force de de gravir les plus hautes montagnes, que la castillonnaise décacheta le sceau de cire. Les premiers mots l'intriguèrent puis ce fut l'excitation qui prit le dessus. Elle découvrait l'existence d'une autre famille, celle issue de feue sa mère bien aimée. Peut-être cette parentelle-là serait plus à même de comprendre ses nouveaux choix de vie ? Rapidement elle décida d'une réponse.




    Chère Aelaia,

    On ne t'a pas trompée, je suis bien Ornelle fille de feue ma très chère mère, Llucia de Folguera. Ma pauvre maman a trépassée il y a bien des années malheureusement et depuis ce jour mon cœur saigne lentement et inexorablement... Souvent elle m'a parlé de sa sœur Llora, mais j'ignorais que celle-ci avait une fille. Tu ne peux pas t'imaginer à quelle point cette nouvelle me comble de bonheur. C'est ridicule mais avec toi, c'est comme si ma mère réapparaissait encore un peu.

    Moi aussi, je serais très heureuse de pouvoir mieux te connaître. Dis moi tout de toi et de ma tante Llora. Est-elle encore de ce monde ? Et toi quelle est ta vie ? Où vis-tu ?

    Je prie le Très-Haut pour que ces mots arrivent jusqu'à toi.

    Ta cousine Ornelle.

_________________
Aelaia
    Impatiente, incapable d’apprécier les moments à se languir, la jeune châtaigne avait pourtant dû prendre sur elle ces derniers temps. Elle avait écrit à cette cousine retrouvée, sans réellement savoir si elle aurait l’occasion de la lire. Dès le lendemain, la jeune bretonne pressée avait attendu. Impatiemment. Chaque nouvelle lettre était ouverte à la hâte, brisant la cire qui scellait le papier sans même prendre le temps d’en aviser l’origine. Comme un enfant ayant été sage toute l’année, s’empressant de déballer ses présents le matin du Noël, elle lisait. Un rictus oscillant entre déception et frustration marquait ses lèvres.

    Les jours passaient, et elle n’avait guère eu de réponse d’Ornelle. Peut-être le vélin s’était-il perdu en chemin ? Ou peut-être le coursier n’avait-il pu trouver la jeune Folguera ? Ou bien, ne souhaitait-elle pas prendre contact, tout simplement ? Après tout, la jeune femme avait certainement déjà une famille. Sans doute, une famille aimante. Les familles trop nombreuses n’occasionnent que des problèmes, lui avait dit Jacques, l’associé de papa, un jour où elle avait demandé pourquoi elle n’avait pas de frères ou de sœurs comme tous ses amis.

    Ce matin-là, de retour à Limoges depuis quelques jours après un voyage en Touraine, un carré de papier était arrivé à elle. Hésitant à être déçue une nouvelle fois, elle l’avait laissé de côté. Quelques heures, tout au plus. Une impatiente reste une impatiente. Un doux sourire s’étira sur ses lèvres. Elle prit sa besace et courut vers le marché, auprès duquel se trouvait la bâtisse de Claquesous.


      « Cyriel ! Cyriel ! Cycy ! Elle m’a répondu ! Ornelle a reçu ma lettre ! »


    Une fois l’excitation passée, elle s’assied sur une chaise dans le bureau, et prit le temps de relire une nouvelle fois la lettre avant de tremper la plume dans le pot d’encre et d’écrire sa réponse, prenant soin de graver le papier de sa plus belle écriture.



    Ornelle,

    Je suis ravie de te lire, et j’espère que nos chemins pourront un jour se croiser. Je pars quelques semaines vers Orléans, voir mon père, mais je devrais ensuite retourner à Limoges, où peut-être nous pourrions nous rencontrer ?

    Je suis née le jour de Noël de l’an 1451 dans la région de Saint-Malo, où j’ai grandi avec mon père, Ewann, qui était marin, et ma mère qui l’a suivi tout au long de ses nombreux périples. Maman vieillit, mais je la trouve toujours aussi belle. Elle m’a dit que ta maman était son portrait craché. J’aurais aimé la rencontrer.

    J’ai rencontré lors de l’été dernier la troisième sœur de nos mères, Circey. Je ne sais si tu as entendu parler d’elle ? J’ai eu l’occasion de voyager quelques temps avec elle. Elle vit aujourd’hui à Limoges auprès de l’une de ses cinq filles, Eliza.
    Quant à moi, j’ai quitté la Bretagne au début de l’hiver dans l’espoir de retrouver Llucia. Cette quête m’a menée à Limoges, ville où il fait bon vivre et où je commence à avoir quelques attaches. Je me complais aujourd’hui dans une vie sur les routes, à découvrir de nouvelles villes, de nouveaux paysages, et faire sans cesse de nouvelles rencontres.

    Parles-moi de toi, Ornelle.

    Je pense fort à toi,
    Aelaia.


_________________
Cyriel.

« Cyriel ! Cyriel ! Cycy ! Elle m’a répondu ! Ornelle a reçu ma lettre ! »

Qu'est-ce que c'est encore ? Il est encore tôt, qu'est-ce qu'elle déboule dans la maison comme ça. Un blond débraillé, encore sous les draps. Tapote à côté de lui le lit vide. Claque a encore déserté pour se plonger dans ses livres, à coup sûr. Un coup d'oeil vers la petite fenêtre. A non il fait bien jour déjà, il est pas si tôt.

Ael ! Tu m'donnes mal au crâne !

Il grogne.
Il se lève, passe une main dans les cheveux et sa barbe pour donner un semblant de forme, s'en occupera plus tard à tout tailler. Des braies et une chemise passées, va pour sortir. Puis ferme les braies, tout de même. Mon dieu qu'il n'est pas du matin.

Après des jours de recherche elle a enfin une réponse. C'est pas mal. Certains jours ont étés compliqués, et des crises ont dues être calmées. Il n'est pas doué pour les mots doux et rassurants, par contre il a la stature pour emprisonner la petite dans ses bras jusqu'à ce qu'elle se calme. Ça il sait faire, et une fois dans les bras de Cycy, tu peux cogner, gesticuler, hurler, mais tu finiras par te calmer, un moment où un autre, car il a la patience de te maintenir jusqu'à ce que la tempête s'apaise, et il a ensuite encore la patience pour te rassurer de sa présence.
La tempête n'a pas l'air d'être dans l'air, juste un peu trop d'excitations et de cris stridents qui le tirent du lit. Il entend bouger dans le bureau, pousse la porte et se pause sur une banquette pour la regarder.

Tu m'as pas attendu pour l'ouvrir ? Ça dit quoi du coup ?


Il tapote la place à côté de lui, geste habituel, mais le regard est toujours franc vers elle, dans le sens où ce n'est pas vraiment une question mais une demande pour qu'elle se rapproche. Il étend ses jambes devant lui, cale sa tête contre le mur dans son dos, ferme les yeux et écoute la lecture.

Hum... c'est positif, elle veut te connaître, tu pourras même la rencontrer je pense. Elle ne dit pas où elle habite ? Pas pratique par contre pour aller la voir, non ?

Il finit par rouvrir un œil, juste un, faut pas déconner, pour l'observer en coin et guetter ses réactions, comme toujours.
Aelaia
    La châtaigne, comme à son habitude, était entrée en trombe dans la bâtisse de pierres. Elle s’y sentait un peu comme chez elle, à vrai dire – le logis de Claque était ce qui ressemblait le plus à un « chez elle » depuis qu’elle avait quitté sa Bretagne adorée. Elle ne se posait pas de question, elle entrait, elle s’installait, dans la maison, et dans le cœur de ses habitants. Si la pudeur ne freinait pas ses actes, elle aurait presque sauté, comme un môme hyperactif éveillé avant ses parents, sur le lit conjugal, pour réclamer ses papouilles capillaires du matin qu’elle aimait tant, fut un temps. Elle avait grandi, elle toquait une fois, maintenant, avant d’ouvrir la porte, et de débouler. Une sale gosse, je vous le dis !

    Le soleil brillait depuis plusieurs déjà, et les margoulins s’écharpaient pour quelques écus sur la place du marché. Les cloches avaient bien sonné dix ou onze coups lorsqu’elle passait devant l’église, et son grand blond était encore débraillé comme au réveil. Hm, c’est qu’ils avaient dû trainer les deux petits tourtereaux ! Elle secoua la tête pour chasser cette image, et l’avisa des pieds à la tête, d’un regard volontairement inquisiteur, pour masquer son amusement.


      « Bah... J’ai su que c’était une lettre d’Ornelle que lorsque j’étais déjà en train de la lire. Forcément. Sinon tu te doutes bien, que patiente comme je suis, je t’aurais expressément attendu ?! »


    Des yeux malicieux et un sourire taquin creusant ses joues qui commençaient à se parer de petites taches de rousseur, signes d’un été ardent, elle s’était assise à ses côtés sur la banquette et s’était appliquée dans la lecture du vélin, tentant, lorsque nécessaire, d’y mettre le ton. Elle aimait lire. Elle aimait conter les histoires, comme sa mère.

      « Hum... c'est positif, elle veut te connaître, tu pourras même la rencontrer je pense. Elle ne dit pas où elle habite ? Pas pratique par contre pour aller la voir, non ? »


    Elle ouvrit de grands yeux. L’impatiente avait déjà accroché son carré de papier à la pâte frêle du pigeon voyageur, avant qu’il n’oublie le chemin emprunté pour venir à elle. Elle cligna quelques fois des cils, cherchant hâtivement une idée, une solution. L’impulsive n’avait pas posé la question essentielle ; les méninges noyées par son excitation. Comment la retrouverait-elle ? T’es vraiment une imbécile Aelaia Ar Moraer, il serait temps que tu réfléchisses un peu des fois…

      « Où elle habite… Merde. Merde. Merde. Hm… Ça vole vite un pigeon ? Pff… Je ne vais pas renvoyer une deuxième lettre juste pour une question ? Si ? […] Tss, quelle tête en l’air ! »

    Elle se mordit la lèvre, une mauvaise habitude qui s’ancrait encore un peu dans son comportement, et fixa ses jades sur l’œil qu’il venait d’ouvrir, encore barbouillé de sommeil, attendant qu’il trouve pour elle, ou au moins avec elle, la réponse ou bien la solution à son étourderie, sa négligence.

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