Aelaia


« Sois proche de tes amis, et encore plus proche de tes ennemis. »
- Francis Ford Coppola
- Amies un jour, ennemies le lendemain ; le lien entre les deux chablousses était aussi fragile quexplosif. Trahisons et complicités avaient construit une alliance indéfectible et infrangible entre les deux jeunes femmes. Elles sappréciaient autant quelles pouvaient se détester par moments. Balle au centre, elles étaient désormais quittes. Malheureusement, leur harmonie naissante avait été mise en pause par la levée de ban à laquelle Ophélie avait été, sans lui demander son avis, conviée. Les deux alliées sétaient quittées en se promettant de sécrire et de se donner régulièrement des nouvelles.
Quelques semaines après le départ du convoi Malemort vers Orléans, Aelaia était de retour à Limoges après avoir accompagné un ami à Tours.
Assise en tailleur sur le parapet de la courtine Sud de la cité, un large panorama soffrait à elle. Le soleil descendant traversait dun bord à lautre les vitraux colorés de la Cathédrale et leurs nuances se reflétaient sur les façades de pierre des tourelles voisines. De son petit promontoire, elle observait lanimation pétillante de la place du marché sans en entendre les cris et les remous, les charrettes dont les roues de bois claquaient sur le pavé et le fanion du Limousin et de la Marche flottant au sommet du château, à louest. Craies de charbon dans la main gauche, lèvres pincées par la concentration, elle croquait la crépuscule lorsquun messager vint lui transmettre un pli.
Ophélie de Cassel a écrit:
- Aelaia, Claquesous, Cyriel.
Je vous écris de Tonnerre pour prendre de vos nouvelles et vous en donner. Pour l'instant tout va bien, même si le voyage est épuisant. Nous serons à Orléans dans quelques jours et j'aurais aimé avoir plus à vous raconter qu'une brève escapade aux thermes de la ville avec son Altesse Royale de Malemort. Rien de passionnant. Ligny et Montparnasse ne se sont pas encore écharpés. Nous avons récupéré une sur Malemort et son fiancé, visiblement. Inconnus au bataillon.
Je vous avoue que je m'ennuie, malgré la fatigue et les nausées.
Et de votre côté ? Tout se passe comme prévu ?
Prenez soin de vous, vous me manquez.
Ophélie.
- La fine écriture dOphélie lui était familière. Un sourire se dessina sur ses lèvres à la lecture des premiers mots et dès la fin de la lecture, elle sempressa de transmettre la lettre à Claquesous et Cyriel à qui ces paroles étaient également adressées. Plusieurs jours étaient passés avant quelle ne se décide enfin à prendre la plume ; les derniers évènements lui avaient bien trop occupé lesprit et la bretonne navait plus pensé à répondre à son acolyte à demi blonde, à demi rousse.
Aelaia Ar Moraer a écrit:
- Ophélie,
Pardonnez-moi de mettre tant de temps à vous écrire, les dernières semaines n'ont pas été simples. Mais je ne préfère pas en faire l'écueil sur papier. Je vous les raconterais, un jour, lorsque nous nous reverrons.
J'ai retrouvé Circey, ma tante, à Limoges, et j'ai ainsi découvert qu'Eliza et moi étions cousines. Drôle d'histoire.
Ces derniers jours, j'ai appris que mon père était à Orléans et je sillonne les chemins pour aller le retrouver. Vous entendrez peut-être quelques mots sur moi, car je ne suis pas partie en compagnie de Claque, Cyriel et Guinthilde. J'ai eu un besoin pressant de prendre un peu le large, et mon cur a succombé au charme d'un bel italien, qui m'y accompagne.
À vite, Ophélie.

- Au beau milieu des bois berrichons, elle plia le carré de papier et y écrivit le nom de sa destinataire. Elle attendrait le prochain village pour faire parvenir le vélin à un coursier.
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