Roman.


~ Périgueux, le 19 août 1468 ~
- Le petit groupe en provenance du Limousin était arrivé à destination sans encombres, après quelques jours de marche et quelques haltes dans des villages inintéressants. Ils espéraient qu'en la capitale, ils trouveraient un peu plus d'animation. Roman avait trouvé le tripot tenu par Corbeau et Jurgen, et s'y était installé pour prendre tranquillement un repas de midi. Les autres membres du groupe vaquaient à leurs occupations, qui au marché, qui à la sieste. Le calme régnait dans l'établissement; puis la porte s'ouvrit.
Une jeune femme se présenta, encadrant sa haute silhouette dans le contrejour. Après avoir refermé la porte derrière elle, elle se tourna vers Roman pour l'observer. Ils se saluèrent courtoisement, mais l'Italien la dévisageait. Elle lui disait quelque chose...
- J'suis Thays, la Comticide !
- Roman di Medici, enchanté. Comticide ? Intéressant...
- Comticide, c'est un peu comme régicide, mais au lieu de tuer le roi on tue un comte, vous voyez ?
Il voyait très bien. Sourire amusé aux lèvres, Roman précisa :
- J'avais saisi. Malgré mon accent, je comprends très bien votre langue.
La jeune femme, un brin fanfaronne, commença à raconter quelques anecdotes sur sa vie de voyageuse; elle avait, disait-elle, déjà combattu à Florence avec un groupe d'amis. Elle conta à Roman quelques détails sentimentaux qui le firent sourire poliment. Amusante. Puis, après l'avoir observée, il glissa :
- Je pense vous avoir déjà attrapée, à Florence. Je faisais partie des capitaines de la garde, à l'époque, et votre visage me dit quelque chose. Il y avait pas mal de conflits armés à ce moment...
Thays était visiblement bavarde. La politesse de l'Italien, ainsi que sa belle apparence et son sourire charmeur, l'encouragèrent à parler encore davantage. Elle commit alors l'erreur de se vanter du "comticide" qu'elle avait commis... ou tenté de commettre. Et sous le regard intéressé de Roman, elle déclara :
- Du coup, le comte que j'ai presque tué, c'est Arry Zolen, du Limousin. De toute façon.. tout le monde peut le savoir.
Roman, jusqu'à présent, ne le savait pourtant pas encore. Il avait vu Arry blessé revenir des combats... Il la regarda, tout d'abord sans changer d'expression, puis répondit d'une voix tranquille :
- Ha, c'est donc vous.
Il se redressa sur sa chaise et s'étira, puis se leva et s'approcha d'elle avec un sourire amusé. Sa démarche trahissait l'assurance que lui donnait l'expérience.
- Vous êtes charmante, pour une tueuse...
Sa voix était douce, aimable... pourtant la jeune femme sentit le danger et se leva d'un bond. Elle ne fut pourtant pas assez rapide, gênée à la fois par sa chaise et par la table. Roman fit un brusque pas en avant et la saisit à la gorge, tandis que de sa main libre, il piquait de sa dague le ventre de Thays. Celle-ci ouvrit de grands yeux, à la fois horrifiés et consternés, lorsque les doigts de Roman resserrèrent leur prise sur sa gorge...
- Hmmpf !!
- À genoux.
Et cette fois, son ton n'avait plus rien d'aimable; et ne souffrirait clairement aucune contestation. Thays obéit. Roman déplaça sa dague jusqu'à la gorge de la jeune femme et se déplaça autour d'elle afin de lui saisir un poignet, qu'il lui tordit pour le lui remonter dans le dos.
- Et maintenant, tiens-toi tranquille.
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