Aelaia


We only said goodbye with words
I died a hundred times
You go back to her
And I go back to ...
Amy Whinehouse ~ Back to black
I died a hundred times
You go back to her
And I go back to ...
Amy Whinehouse ~ Back to black
🇦🇨🇹🇪 🇮 ﹕ 🇱🇦 🇷🇺🇵🇹🇺🇷🇪.
- A laube dun voyage heureux, alors que ses bagages étaient déjà arrangés sur le fidèle destrier qui les accompagnait depuis leurs premiers émois dun mois de juillet ardent, la jeune châtaigne avait retrouvé son époux. Sourire radieux se dessinant sur ses lèvres, révélant des fossettes rieuses sous ses pommettes, Aelaia sétait hissée sur les genoux italiens dans un geste de tendresse dont elle connaissait les réactions intimes quil provoquait chez le Corleone. Taquine, elle jouait de ses faiblesses comme pour le faire oublier, par sa simple présence, ses tristes révélations de la veille. Pour se préserver, ils avaient décidé davancer leur départ de quelques jours avec le besoin urgent et oppressant de séloigner de Limoges. Un voyage de noce, avant les noces. Une bouffée dair, pour repartir ensemble, sur de belles bases, solides. Saimer, juste à deux. Savourer leurs vux de frivolité exclusive, à deux. Se retrouver, loin de la menace.
Aux matines, elle lavait attendu près de la porte de la Vieille Monnaie, en vain. Les heures étaient passées, et le florentin navait pas montré son visage. Elle lavait cherché, des heures durant, avant de finalement sassoupir dans leur couche conjugale.
A laube, la jeune apprentie, Edenae, était venue, affolée, quérir la bretonne pour lui annoncer que Roman avait été malade durant la nuit, et quil avait trouvé refuge chez son frère Gabriele. Il navait ainsi fallu que peu de temps à la chablousse pour chausser ses bottes et filer vers le dit lieu, où une fois lamant retrouvé, elle sétait jetée dans ses bras, à la fois rassérénée et inquiète. Ladepte de la mithridatisation avait prétexté une erreur dans les dosages habituels, et elle avait à sa manière, avec tendresse, cherché les miettes de bonheur. Les dernières miettes, avant la fin.
Fatigué et usé par une nuit de lutte contre le poison quil sétait administré la veille, lesprit sans doute encore embrumé sous son effet, les paroles de Roman semblaient léprouver, et difficilement, il allait ouvrir la boîte de Pandore.
- - Je ne devrais pas
partir en voyage avec toi.
Elle comprenait. Il nétait pas en état, la nuit avait dû le fatiguer ; un peu de repos, quelques jours et ils partiraient. Ils iraient au bord de la mer, se faire bercer par le roulis apaisant du flux et du reflux des marées.
- - Je voudrais... que tout soit plus simple, Aelig. Je me mens à moi-même pour tenter de ne pas sombrer, et je m'y perds quand même.
- On va partir, quand tu iras mieux. Je veux aller au bord de la mer. Et tout sera simple, comme ça l'a toujours été !
- Cela ne pourra jamais être si simple... C'est comme se boucher très fort les oreilles en chantant... Jai voulu y croire Et je vais te faire du mal
- De de quoi tu parles ?
- Tout comme jai fait du mal à toutes les autres Je ne veux pas vivre avec des mensonges Tu ne peux pas vivre en me croyant entier alors que je suis en morceaux. Je ne veux pas timposer cette humiliation
Lentement, les bras de Roman desserraient leur étreinte, les mots se faisaient plus durs, et le cur noisette semballait alors que le sang quittait les joues roses de la bretonne. Lidée se propageait dans son esprit, comme un mal qui ronge chaque saine partie dun corps fragile. Elle le savait, oui. Mais elle refusait de laccepter ; elle aurait voulu se pincer, pour se réveiller. Ouvrir les yeux et prendre une grande inspiration, comme lorsque lon se réveille dun terrible cauchemar.
- - Tu sais déjà... au fond de toi... ce que je vais te dire. Tu l'as déjà entendu. Je te l'ai... déjà dit. Et j'ai voulu... j'ai voulu avancer tout de même. Me boucher les oreilles et ne regarder que vers toi...
- Mais ces promesses Ce mariage Ces mots
- Ce ne sont pas des mensonges Lamour que je te porte est réel Ce besoin de tépouser est réel
Litalien sétait laissé glisser à genoux, devant elle. La gorge dAelaia sétait serrée, si fort, si douloureusement, quaucun son narrivait plus à en sortir. Un pas en arrière vers la commode de la chambre lui permit davoir un appui, même infime, auquel se raccrocher pour ne pas défaillir. Les muscles de ses mains et de ses jambes tétanisés peinaient à la maintenir debout, alors que la vague, la déferlante de Roman la submergeait et lui maintenait, avec force, la tête sous leau. Chaque mot qui sortait de cette bouche, quelle avait pourtant tant désirée, la transperçait comme un nouveau coup de poignard. Chaque coup assené éveillait une colère dont elle ne voulait pas. Aux coups reçus, elle rendait leurs semblables. Perte de contrôle.
- - Jai voulu y croire
avancer avec toi
jusquà un avenir plus radieux
Mais je me mentais, je laime trop
pour taimer assez
Cest comme une braise qui ne séteint jamais
Même alors que laube est déjà levée
Elle me consume encore
- Je n'ai été qu'une putain de distraction, le temps qu'elle daigne enfin se rappeler de ton existence. Pendant qu'elle se donnait à ce Ligny qui te dégoute tant. Tu es le même Roman. Exactement le même. Tu prends, tu profites, tu jettes.
- Non Je suis sincère. Je lai toujours été.
- Tu es incapable de te l'avouer, c'est tout. Mais tout.. tout n'était que du vent. Un putain de vent, juste pour te changer les idées.
- Je my suis laissé prendre et Et je te brise. Je le sais.
- Me briser ?
Agenouillé sur le plancher, les épaules basses et le regard rivé sur le sol, elle aurait presque pu avoir de la compassion pour le Corleone. Presque. Mais la fureur qui commençait à circuler entre ses veines, comme un poison qui lentement lenvahit, laidait à tenir. Encore un peu. Un simple rire, empli dune nervosité à peine cachée sétait glissé entre ses lèvres.
- - Préférais-tu... que je ne te dise rien et que je t'embrasse encore tout en regrettant une autre bouche ? Voulais-tu un rêve et non une vérité ?
Roue libre. Le geste navait pas été réfléchi, il avait été dinstinct. La main, comme une machine, était venue sécraser sur la joue italienne dans un claquement assourdissant. Le visage de Roman avait suivi le mouvement avant que sa main se porte à sa joue pour doucement la frotter. Elle navait pas cillé, malgré les palpitations de sa main engourdie par le choc. Elle sétait contentée de le regarder froidement et de porter une main à son cur, lautre sur le léger arrondi de son ventre. Avant que le masque ne tombe, que les barrières ne cèdent et que les larmes ne semparent et ravagent son visage.
- - Ce nest quun millième de la douleur que je ressens, là. Et là. Une once de
- Je serai son père, si tu le souhaites toujours.
- Tu es un excellent menteur, Roman
- Lenfant ne manquera de rien. Je te le promets.
- Il ny aura pas denfant Je ne veux pas dun enfant, seule. Je ne veux pas dun bâtard Dun enfant dun homme qui ma détruite.
Le corps, désormais vide, dAelaia avait lentement glissé le long du bois poli du meuble pour se recroqueviller sur lui-même. La respiration était difficilement maitrisée et les larmes coulaient sans répit sur les joues dévastées. Lui, avait détourné le visage, heurté. Les mots étaient durs, mais ils létaient à la hauteur de lattaque ; la rage laidait encore à tenir, comme ladrénaline ferait soulever des montagnes à un homme décharné.
- - Ça fait mal ?
- Tu sais bien que oui. Est-ce moi que tu punis, ou lenfant ?
- Je me punis moi. Moi. De tavoir fait confiance Si facilement. Encore une fois encore une fois.
- Je te jure que jai toujours été sincère avec toi. Jai parlé de mes sentiments pour que tu les saches.
- Mais tu mas bercée dillusions. On népouse pas une femme lorsquon a des sentiments pour une autre.
- Jai voulu, par ce mariage, refermer la porte à mes sentiments pour elle.
- Ah, il est beau ce mariage ! Elle te brisera au premier connard venu. Encore. Et tu mauras perdue. Parce que je ne serai plus là. Nulle part. Va-ten. Va-ten...
Elle sétait tue, pour ne plus dire ces mots quelle regretterait. Même si elle était blessée, atterrée, elle lavait aimé, cet homme. Du plus profond de son être. Et il avait beau agir comme un parfait monstre, elle narrivait pas le détester autant quelle aurait aimé le faire.
Il avait finalement quitté la chambre, laissant la bretonne, mortifiée, au milieu de cette pièce sombre, à létage de lEwedishalahu. Doucement, ses mains crispées sétaient desserrées, laissant quatre marques en forme de demi-lune, suintantes dun carmin malheureux, au creux de chacune de ses paumes. Allongée sur le sol, elle nétait plus quun corps. Un corps vidé de sa joie de vivre, au cur verrouillé, éteint. Lombre delle-même. Incapable de bouger, elle ne sut si elle était restée là des minutes, des heures ou bien des jours. Elle navait pas même réagi lorsque des bras lavaient soulevée du sol pour lemporter dans un lit aux draps froids.
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