Roman.


~ Limoges, 3 juillet 1468 ~
- Deux paires de braies soigneusement pliées et roulées rejoignirent le duo de chemises de rechange au milieu du sac de voyage. Sous ces vêtements, un manteau destiné aux longues soirées fraîches ou aux jours de pluie. Par-dessus, un pourpoint brodé pour les soirées en ville, et du rab de chaussettes.
Tout en s'affairant à préparer ses affaires de voyage, Roman repensait à ces quelques baisers échangés dans la rivière avec Aelaia... C'était tout à fait prématuré, bien entendu, mais l'instant avait semblé propice à un rapprochement qui s'esquissait déjà depuis quelques jours, à la suite d'autant de taquineries que de sourires. À vrai dire, et en toute objectivité, Roman préférait savoir que la jeune fille partait en voyage avec lui plutôt qu'avec Claquesous ou Montparnasse, qu'elle avait l'habitude de fréquenter malgré les mises en garde de l'Italien. Bien sûr, ces deux-là en avaient dit autant à son égard, et Aelaia s'était sans doute un peu sentie le cul entre deux chaises.
Mais apprendre, grâce à l'arrivée à Limoges de Circey, qu'Aelaia et Eliza étaient en fait cousines... ç'avait été une véritable surprise. Et finalement, l'occasion d'un rapprochement amical. Une baignade improvisée un jour d'été avait achevé de pousser le bel Italien à s'aventurer, sans trop réfléchir, dans une hasardeuse direction : un voyage en Orléans, et des baisers sous le soleil.
Mais après tout, pourquoi pas. Il pouvait en tirer d'agréables moments et un voyage en bonne compagnie, ce qui était toujours bon à prendre. L'avenir n'avait que peu d'importance puisqu'il n'en était pas maître.
- Les dés sont jetés. Advienne que pourra.
Il ferma son sac après y avoir fourré une couverture. Sa besace de médecine était déjà prête, comme à son habitude, et il n'avait plus rien à y ajouter. Il ne restait qu'à prévenir le palais Médicis. Comme souvent, il écrivit à l'attention de Lorenzo, son cousin et bientôt maître de Florence. Il savait son oncle Pierre en mauvaise santé.
- Mon cousin,
Je vais à Orléans avec la cousine de ma soeur. Si je puis vous être utile, faites-moi parvenir vos instructions.
R.
- Une brève lettre, rédigée en italien et avec le soin de travestir son écriture habituelle. Une fois fermée, Roman la cacheta et y apposa le sceau des Medici. L'un de ses hommes de main, Gioseppo, vint la prendre et disparut après avoir salué Roman.
- Les dés sont jetés. Advienne que pourra.
En sortant de chez lui, Roman prit la route de la forêt pour une dernière cueillette de plantes médicinales fraîches. En passant devant la Vienne; il y revit en rêve la silhouette enfantine et indocile de la belle Mélissandre, qu'il y avait embrassé, fou d'amour... Le chagrin lui serra le cur et il détourna les yeux. Il avait choisi de la quitter pour tenter de survivre à leur impossible situation, et il lui fallait verrouiller son âme pour ne pas laisser de traîtresses larmes monter à ses yeux.
Où était-elle à présent ? Elle avait obéi à la levée de ban et avait disparu avec le reste de la noblesse limousine, cachant un secret qui bientôt n'en serait plus un, arrondissant son ventre et alourdissant sa minceur des uvres cruelles de ce connard de Ligny.
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