Aelaia


RP à 4 mains avec JD Vladimir_kriev et sa superbe plume ♥
Parfois la nuit je sors
De lennui qui me ronge
Alors je mévapore
Vers létoile du Nord
Dans nos folies nocturnes
Le jour nous semble blême
Partons vers dautres lunes
Toutes les nuits sont les mêmes.*
- Après de longs mois à arpenter les chemins de France et d'Empire, à redonner sens et couleurs à son existence chamboulée, Aelaia s'était promis de redonner une chance à son couple avec le Corleone, et lettre après lettre, confidence après confidence, ils s'étaient retrouvés, au détour d'un chemin languedocien. Pas à pas, ils avaient pris le temps, cette fois, de se ré-apprivoiser et de se redécouvrir comme deux jeunes amants timides. Là où d'autres auraient pu se réconcilier sur l'oreiller, au frisson d'une caresse, eux, avaient décidé de défier la routine et la légalité en vidant quelques poches trop remplies de passants trop imprudents. C'était cette pointe d'adrénaline là qui avait embrasé la bretonne avant de tout à fait retomber dans les bras italiens. Et puis, il y avait eu le retour à Limoges, où le train-train s'était à nouveau installé, obligations professionnelles d'un époux médecin au cur d'un hiver rude n'aidant guère. Roman passait ses journées à visiter des patients enchifrenés tandis que la Châtaigne, au profil s'arrondissant un peu plus chaque matin, elle, s'occupait en bavardages et levers de coude à peu près raisonnés.
A défaut de pouvoir taquiner un époux trop usé le soir venu, elle s'échinait à titiller Kriev qui avait l'étonnante capacité à y être coriace et réceptif. A trop jouer, Aelaia prenait le risque de s'y laisser prendre et de perdre. En effet, il n'avait fallu au marlou qu'une nuit d'indécence pour déceler les failles et les faiblesses de la bretonne, et à son grand désarroi, il ne savait que trop bien en jouer. Cet après-midi-là, elle avait vacillé, elle ne pourrait pas le nier, mais elle avait finalement réussi, in extremis, à se reprendre avant de trébucher. Il aurait sans doute mérité la caresse d'un revers sur sa joue, et pourtant, devait-elle apprécier jouer avec le feu, puisqu'elle y était retournée. Une première fois, puis une seconde. Sage. Une promesse est une promesse, n'est-ce pas ? Même s'il s'agit d'une promesse faite à soi-même.
Le bras enroulé autour de celui de Vladimir, elle quittait la chaleur d'un âtre. Le pied glissant sur une poudreuse fraîche et sonore sous leurs pas, elle s'éloigne dans la pénombre de la citadelle pour une échappée nocturne en galante - arrogance et galanterie ne sont pas forcément incompatibles - compagnie.
Il s'est dérobé, la première fois, offrant juste assez pour piquer la curiosité de la jeune-femme, pas assez pour la combler. Distiller le trouble entre des tempes féminines, y faire enfler d'un même élan désirs et agacements, c'est tout un art. Et, à ce jeu, Kriev n'est indubitablement pas trop mauvais - en témoigne la flopée de donzelles rêvant le jour d'effacer à la baffe son petit sourire, la nuit de le bouffer jusqu'à ne jamais oublier le goût de ses lèvres.
La balade est pourtant placée sous les augures de la sagesse. L'important, c'est d'y croire, après tout, nee ? Et sage il l'est, pour l'heure, minois de sale gitan mal dégrossi - royal compliment - planqué dans sa cape, tout occupé à se maudire intérieurement pour l'idée de se raser tempes et nuque - la classe a pour contrepartie le froid.
- - Tu t'plais vraiment, ici ?
Parce qu'il faut bien rompre le bruit monotone du craquement de la poudreuse.
- Et la bretonne y croyait, aux augures de la sagesse
Tout autant quà sa capacité à masquer ses émotions à ce stade avancé de sa maternité. Oui, autant dire quelle ny croyait pas vraiment. Elle avait pourtant bien lintention de tenir tête à cette fichue tension qui venait létreindre quand le Miraculé approchait dun peu trop près son espace vital.
- - Ya, je my plais. Cest sans doute le seul endroit où Mesnil-Roch ne me manque pas trop. Tu ne t'y retrouves pas, toi ?
Dabord, le regard ne quitte pas la route, concentré sur le sentier enneigé pour mesurer le pas, qui dailleurs ralentit quelque peu pour ne pas perdre léquilibre lorsque le minois se retourne, intrigué vers celui de lami. Un sourire se dessine aux creux des fossettes, et dun ton dansant entre la menace et la taquinerie, elle demande, curieuse :
- - Dis, tu memmènes où ? Tu nas pas intérêt de me refaire le coup de la cabane perdue
!
En signe de dénégation, il secoue un peu le minois, débarrassant au passage les mèches corbeaux des flocons qui le vieillissaient avant l'heure. Il faut dire que la neige se remet à tomber, immuable, comme si elle voulait les ensevelir eux aussi sous son lourd mantel immaculé. Il s'est, d'ailleurs, pris d'affection pour ces paysages, pour la nature dépouillée, pour la pureté quasi-originelle que seules sa présence et celle de lÉcossaise troublaient, durant leurs longues journées d'exil et de perdition. Comme un quelque chose d'apaisant.
- - Nee, j'm'y retrouve pas. J'me suis r'trouvé à Montpellier, un peu. Mais.. J'n'ai plus d'attaches.
Un haussement d'épaules, un instant. Quelques amies, çà et là, résignées depuis longtemps à l'instabilité du Tatoué. Quelques amantes, plus nombreuses, mais qui ne parvenaient pas à piquer son intérêt plus de quelques heures. Et, surtout, une flopée de regrets, qu'il convient de chasser en coulant une main autour de la taille de la jeune-femme. La chaleur d'une peau, l'ivresse du chanvre ou de l'alcool ; plaisants moyens de se vider la caboche.
- - Tu sais bien qu'un criminel fini toujours par rev'nir sur les lieux du crime, Ael...
Le sourire s'étire, un rien provocant, sur le faciès rude du Tatoué.
- - Choisi l'lieu.
- Il y avait, dans ces paysages, comme un quelque chose dapaisant mais aussi de rassurant. Le décor hivernal a ce soupçon idyllique qui pourrait éveiller les sens de la Bretonne aux élans de romantisme, mais ce soir, elle na ni livresse de cette première nuit, ni la folie et la liberté de cette balade sur les sentiers méridionaux. La blancheur innocente sous leurs petons en appelle aux esprits enfantins endormis dans ce corps trop jeune pour en oublier les plaisirs dune bataille de boules de neige parfaitement rondes que lon prépare minutieusement avant de venir léclater au milieu dune bouille amusée. Ou de ces anges tracés dans lépaisseur dun manteau de glace par un enfant émerveillé. Gamine, Ael avait été de ces mômes-là, insouciants et sages ou presque qui senchantent dun rien. De quelques flocons ou de quelques branches suspendues dans la canopée ; tant que lon sy sent soi. Tant que lon s'y sent libre.
- - Parce que tu en as déjà eu, des attaches ? Il y avait quoi, à Montpellier ? Si ce ne sont des dizaines de jeunes femmes prêtes à vanter tes atouts dans lespoir de se glisser sous tes draps ?
Dun regard en coin, elle avise le Tatoué quand sa main vient délicatement se poser à sa taille, comme un avertissement à sa provocation, la sienne vient sy superposer. Sage. On a dit. De cette manière, elle tente de sassurer quelle ne dérivera pas tout en profitant de la chaleur de sa peau au cur de la nuit polaire.
- - Un crime, rien que ça
Vladimir, sache que les scènes de crime deviennent inaccessibles, une fois lenquête en cours
Choisir le lieu ? Elle sait parfaitement où elle lentraînera. La main est plaquée contre sa peau tandis quelle linvite à bifurquer vers une ruelle qui mène au pied des remparts. A labri des vents, il y a cette alcôve quelle avait découvert au printemps alors quelle recherchait la solitude au cur des turbulences. Entre deux merlons de la courtine ouest, un petit promontoire donne sur une partie bien trop escarpée de la forêt pour quun assaillant sy risque, rendant ainsi le lieu dénué du passage intempestif des miliciens de la ville.
* Compagnon de lune - Cali & Nirman
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