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[RP] Les courriers de la châtaigne.

Aelaia

“Quand tu écris une lettre, pense que, sous le sceau du secret, elle sera communiquée à tout le monde.”

Jules Renard, Journal 1893 - 1898.



    Qu’ils éveillent les rires ou bien les larmes, qu’ils attisent la curiosité ou bien la haine, qu’ils apaisent le cœur ou qu’ils le torturent ; la bretonne rangeait, soigneusement, chacun des mots reçus dans une petite boite en fer, sculptée au poinçon pour les protéger du temps et des intempéries. Ainsi, elle pourrait, à sa guise, les lire et les relire.

    Depuis qu’elle avait quitté le groupe avec lequel elle voyageait depuis plusieurs semaines à la fin du mois de juillet, dans une ambiance quelque peu morose pour certains, elle avait régulièrement pris la plume pour leur écrire, donner et prendre des nouvelles. Comprendre. S’excuser, parfois à tort. Encaisser. Oublier.

    La petite boite ternie par le temps ne s’emplissait pas si vite ; ses dernières correspondances étant souvent restées sans réponses.

    Trois vélins furent envoyés à Claquesous avant d’obtenir une réponse. Le premier, une semaine après son départ aux côtés de Roman.. Les suivants, à chaque nouvelle semaine. Et à mesure que le temps s’étiolait, elle s’éloignait. Ael devenant Aelaia et se transformant enfin en Aelaia Ar Moraer. Comme une inconnue se présenterait à un officier de la maréchaussée.







    Aelaia Ar Moraer a écrit:



    Claque,

    Peut-être mes lettres resteront-elles encore sans réponse, mais j'aime écrire, et bien que je ne voyage plus avec toi, avec vous, j'ai l'envie et le besoin de prendre de tes nouvelles.

    Je t'écris ces quelques mots depuis Orléans où nous sommes arrivés ce matin, et où j'ai appris, assez brusquement, que mon père n'avait pas été vu ni en ville, ni sur les chemins depuis le premier jour de juillet. Cela me peine, m'inquiète, mais j'essaie de me rassurer en me disant qu'il a peut-être repris les méandres des sentiers afin de retrouver ma mère. J'ose espérer que ses origines bretonnes ne lui aient pas causé d'inconvénients...

    Écris-moi. Racontes-moi comment se passent ces derniers jours, et vos derniers voyages ?


    Je sais t'avoir blessé. Je sais avoir pris une décision hâtive. Mais, une fois de plus, j'ai voulu suivre mon cœur, alors que tout me criait de fuir. Je crois avoir pris une bonne décision cette fois. Je le crois sincèrement... Je sais ce que tu penses de Roman, ce que tu as enduré, et pourtant, je suis heureuse ces derniers jours. Je m'en sens presque coupable, tu sais. Il réussit à me donner le sourire et à me faire oublier les moments difficiles. Je repense aux mots de la "parfaite" Kristouly, me demandant de trouver, enfin, un homme à moi. Peut-être l'ai-je trouvé...

    Tu me manques, Claque.

    À vite, je l'espère.

    Ael.


    Aelaia Ar Moraer a écrit:



    Claque,

    Déjà plus de deux semaines que nous ne nous sommes pas revus, et que je n’ai plus de nouvelles. D’aucun d’entre vous. Vous me manquez, tu sais.

    Nous sommes rentrés il y a quelques jours à Limoges, où j’ai finalement décidé de poser, pour un temps, mes bagages. Après l’annonce de la disparition de mon père, à Orléans, j’ai écrit à ma mère. Et ses nouvelles m’ont rassurée ; mon père est certainement parti en vadrouille avec Jacques, son matelot de toujours. Quant à vous, je suppose que vous avez suivi le plan initial ? Peut-être êtes-vous au front, ou bien auprès d’Ophélie. J’ai rencontré son frère, Roze, à Blois, il est un excellent musicien, tu devrais t’entendre avec celui-ci. Il nous a joué une jolie balade, un soir, tard, en taverne, c’était très beau.

    Tu m’avais prévenu qu’il faudrait que j’assume les conséquences de mon départ. Je le fais. Mais je t’en prie, écris-moi. Rien que pour me donner de tes nouvelles. Je n’ai pas besoin d’un étalage de mots puants que tu ne penseras pas ; c’est mon truc à moi, ça – mais je les pense.

    « Peut-être, un jour, ouvriras-tu les yeux, Ael ? ». C’est ce que tu m’as dit le jour de mon départ. Et je ne sais toujours pas. Je ne sais toujours pas ce que j’ai loupé.

    Aelaia.




    Aelaia Ar Moraer a écrit:



    Claque,

    Cette lettre, si elle te parvient, et si mes mots trouvent grâce à tes yeux, sera la dernière que je t’enverrai.

    Une relation à sens unique ne m’intéresse pas. Si tu tenais à moi à la manière dont tu me le décrivais lors de notre dernière rencontre, j’aime à croire que tu aurais pris le soin de me répondre – ne serait-ce que pour m’assurer que tu vas bien. Alors, je préfère arrêter les frais et cesser de me cabosser un peu plus, et je vais abandonner là, oublier que nous avons été amis, je crois, un jour. Pour me préserver de sentiments vains et sans retour.

    Je n’ai pas choisi la légèreté, cette fois, et j’envisage de vivre des jours heureux en compagnie de Roman Di Medici Corleone, oui. Je sais que tu n’approuves pas. Je sais que tu as souffert de ses actes, qu’il a souffert des tiens – il a été honnête mais avec moi, c’est un homme bien ; et c’est, pour l’heure, tout ce qui m’importe. Nous sommes tous l’ennemi de quelqu’un, il a fallu que cela soit lui pour toi, et toi pour lui. Je tenais à toi tout autant que je tiens à lui, et j’aurais aimé ne pas avoir à choisir.

    Prends soin de Cyriel. C’est un homme bon, il tient à toi, sincèrement. Sois la bonne personne pour lui, il en vaut la peine, vraiment. Mais surtout, prends soin de toi.

    Aelaia Ar Moraer



    Et enfin, une réponse. Froide.

    Claquesous a écrit:



    Tes lettres de reproches et culpabilisantes ne m'intéressent pas, tes phrases au passé, tes paroles dans le même sens non plus. On récolte ce que l'on sème.

    Si toi tu tenais à moi, tu ne te serais pas jouée de ce que je suis. La relation à sens unique tu l'as choisie toi et tu me l'as imposée, toi.

    Oui je suis fâché contre toi, oui j'ai énormément de rancœur à ton égard et Roman n'y est pas pour tout.
    Tu écris à Cyriel alors tu sais pertinemment comment je vais. Je ne vois d’ailleurs pas en quoi ça t'intéresse vu que tu avais soit disant besoin d'air et de recul.

    J'allais mal à Limoges et encore avant, t'en as jamais rien eu à foutre, ni de mon ressenti ni du mal que tu as pu me faire, alors pourquoi maintenant ? Te donner bonne conscience...ne te donne pas cette peine, vraiment.

    Peut-être un jour, je serai plus serein.

    Mais pas aujourd’hui.

    C.

_________________
Aelaia

    Il y a ces courriers qui blessent et qui nous rappellent à de ternes souvenirs ; quand d’autres viennent vous réchauffer le cœur. Dans ce même temps, elle avait tout aussi régulièrement pris la plume pour inonder Cyriel., son confident d’un temps et son punching-ball occasionnel et intarissable, de paroles silencieuses, liées sur le papier. Les premiers écrits s’étaient probablement perdus dans les méandres postaux, mais les derniers lui avaient pincé le cœur d’une belle fierté.



Aelaia Ar Moraer a écrit:


Cyriel,

Je suis partie vers Orléans en compagnie de Roman il y a déjà 18 jours. Et 18 jours que je n’ai plus de nouvelle, d’aucun d’entre vous. Autant, c’était attendu de la part de Claque – il m’avait prévenu – autant ne plus en avoir de toi m’attriste terriblement.

Je sais que, à tes yeux et surtout après ce que tu auras pu entendre de lui, Roman ne te paraitra pas un bon choix pour moi. Mais c’est celui que j’ai fait, en connaissance de cause. Il m’a raconté toutes les querelles qui le lient à Claque et Montparnasse ; j’ai dû m’accrocher, je ne vais pas te mentir. J’ai eu envie de vomir. Mais j’ai écouté ; comme j’ai écouté Claque me raconter ces mêmes histoires, et je sais qu’ils ont tous fait de terribles choses. Après tout, j’ai accepté les leurs, je peux faire pareil pour Roman. J’ose espérer que cette guerre entre eux se calmera, que je n’ajouterai pas d’huile sur le feu. Peut-être pourrais-je les adoucir ? C’est peut-être présomptueux de ma part.

Je suis de retour à Limoges où j’ai décidé de déposer mes bagages quelques temps. Cela me permettra de, sans doute, rencontrer Ornelle. Mais surtout, je découvre en Eliza, une personne bienveillante et adorable ; je suis heureuse d’être sa cousine. J’ai promis de veiller sur elle pendant sa grossesse.

Cela me pince le cœur de passer devant la maison de Lut’ chaque matin, devant l’abri que tu as construit, et j’espère vous y revoir vite.

Vous me manquez,

Ael


Cyriel a écrit:



Ael, ma belle,

Je ne suis pas doué en correspondance, mais j’ai bien reçu tous tes mots et les ai lus avec attention.
Tes choix te concernent, et si tu penses qu’ils sont bons toi alors tu as ma confiance. La querelle, comme tu dis, ne te concerne pas et tu n’as pas à choisir ta vie selon les différents des autres sinon tu n’iras nulle part, car chacun te fera un discours déplaisant à un moment donné.

Vis. Vis pour toi. Ne regrette rien. Que ça se passe bien, je te le souhaite, mais même en cas contraire n’ai aucun regret car tu auras vécu et auras été heureuse même un instant.

Tu as toute ma sympathie.

A très vite,

Cyriel


Cyriel a écrit:



Ael,

J'ai mis du temps à reprendre la plume et je te présente par avance mes excuses, surtout que tu m'écris avoir peur pour les prochains jours. Evite le front, ma Belle, vraiment, préserve-toi, tu n'as pas à mener ce combat, laisse-le à ceux qui savent se battre et toi prend soin d'eux. Je n'aimerai pas apprendre que tu souffres ou que tu es blessé ...

Garde surtout ta sensibilité, elle te va si bien.

Félicitations pour ton tire, comme tu dis c'est un bon début. Mais en tant que Reyne, apprend la diplomatie, et garde tes surnoms pour les autres. Mais sinon, garde ta flamme et ton ambition, c'est bien d'avoir des projets.

Que deviens tu sinon depuis tout ce temps ?

Tu me parle du Limousin ... si tu es vers Limoges j'aurai une requête à te faire, une faveur à te demander. J'aurais besoin que tu veilles sur ... mon fils. J'arrive dimanche, mais je n'aime pas savoir qu'il se retrouve seul dans cette grande ville. Je n'ai pas compris toute son histoire, sa mère l'aurai laissé derrière. Je n'ai aucune nouvelle d'elle quand je lui ai demandé des explications ... S'il te plait, veille bien sur lui le temps qu'il arrive. C'est un petit châtain de 7 ans, il s'appelle Ismaël.

Je t'embrasse fort, et merci si tu peux avoir un petit œil sur lui le temps que je sois là.

Cyriel.

*joint au courrier, une bourse d'une cinquantaine d'écus pour les besoins éventuels de l'enfant*


_________________
Aelaia
    Des semaines que le microbe blond avait disparu dans la campagne limousine accompagnée par la clique Malemort lorsqu’Aelaia avait pris la plume pour prendre de ses nouvelles, et lui annoncer une nouvelle qui, elle l’imaginait, ne manquerait pas de faire grimacer la gamine. Les petites lettres liées scolairement sur le papier la firent sourire, quelques semaines plus tard, lorsqu’un petit tas de courriers furent remis par un jeune coursier hyperactif. Assise sur les remparts limougeauds, elle prit le temps de lire les missives. Et de sourire. Tendrement, aux nouvelles d’ Aela.

    Aelaia Ar Moraer a écrit:



    Jolie Aela, mini usurpatrice que je pardonne volontiers,

    Voilà plus d’un mois que vous êtes partis vers le front et que je suis sans nouvelle. J’espère que tu vas bien et que tu trouves le temps de faire les exercices de Claque. Il y tenait beaucoup, je crois.

    Peut-être l’as-tu déjà appris, mais je voulais te l’écrire de ma propre plume. J’ai rencontré un amoureux à la hauteur de la petite Francine que je suis, lors de notre dernier passage à Limoges. Il est le demi-frère de ma cousine que j’y ai retrouvé. J’ai sans doute déçu le reste de la petite bande restée avec moi jusque-là en décidant de voyager sans eux, mais je t’expliquerai ma décision, Aela, lorsqu’on se reverra.

    Reviens-vite me voir, j’ai trouvé des arbres parfaits pour avoir la plus belle vue sur le Limousin et la Marche. On y voit à des lieues à la ronde. Et ça me manque de grimper aux arbres avec toi, Mini.

    Donne-moi de tes nouvelles,

    Kenavo emberr, ma belle.

    Aelaia






    Aela a écrit:



    Gentille Francine qui ne m'a pas oubliée,

    J'ai fait les exercices que Claque m'a donné et même qu'ils n'étaient même pas difficiles. Le cahier de logique de Montparnasse n’est vraiment pas drôle à côté...

    Je ne savais pas que tu avais quitté le groupe, encore moins pour un amoureux. Tu sais, l'amour c'est nul et ça n'apporte que des problèmes, crois-moi. Juré craché. J'espère qu'il est blond et beau pour t'avoir fait partir du groupe ? S'il est de Limoges je le connais peut-être ? C'est quoi son prénom ?

    Ici pour l'instant personne ne combat, on voyage juste de ville en ville. Mélissandre a eu son bébé elle s'appelle Agnès et elle est presque mignonne.

    On va aller à Nevers après la guerre, pour retrouver Gustave. Peut-être qu'après ça on se verra ? Je l'espère en tout cas. Maintenant mon bras est guéri en plus !

    Da garan Francine,

    Aela



    La châtaigne n'avait pas l'intention de lui dévoiler tout de suite l'identité de Roman, elle voulait la faire cogiter un peu. La bretonne malicieuse tournerait doucement autour du pot avant de... La mini blonde avait une sacrée dent contre le Corleone et l'Ar Moraer ne savait comment l'annoncer sans effrayer la gamine ; en écrivant ce qu'elle avait sur le cœur, sincèrement ?


    Aelaia Ar Moraer a écrit:



    Petite blondibretonne,

    Tu sais, ma belle, l'amour n'apporte pas que des problèmes. C'est une invention de Montparnasse et Claquesous pour pouvoir te garder pour eux toute leur vie. Tu es une petite fille belle comme un cœur, et ils ont peur que tu les remplaces par un amoureux tout aussi beau - et encore plus beau qu'eux, d'ailleurs. Tu verras, quand ça te tombera sur le bout du nez, tu ne choisiras pas. C'est comme ça, c'est ça d'être amoureuse.

    J'ai pas choisi, moi. Mon cœur s'est emballé sans me demander la permission.

    Il n'est pas blond, mais il est beau. Beau comme un cœur, et encore plus quand il me regarde avec des yeux mielleux (c'est pas moi qui le dit, c'est ma cousine qui me dit qu'il me regarde comme ça). Il est grand et il a de beaux cheveux bruns et de jolis yeux verts. Il ne vient pas de Limoges, mais d'Italie. Ce que je peux te dire, c'est qu'il fait très attention à moi, qu'il me protège quand on se promène sur les chemins et qu'il a l'air très amoureux.

    Tu le rencontreras quand tu viendras me rendre visite à Limoges, bella. J'ai emménagé dans sa maison en attendant de pouvoir m'en acheter une à moi. Tu y seras toujours la bienvenue, tu sais. Rappelle-moi qui est Gustave ?

    Je suis ravie pour Mélissandre. Son accouchement s'est passé sans problème ? Son enfant est arrivé en avance ? Tu lui passeras mes mots de félicitations, elle doit être comblée. Agnès est un joli prénom.

    Da garan, Aelig.

    Ael

    PS : Mon prénom est Aelaia, microbe.

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Aelaia
    Alors que huit longs mois étaient passés depuis son départ des campagnes bretonnes, Aelaia n'avait que peu écrit à sa mère, Llora. Les chemins n'amenant aucune bonne nouvelle concernant Llucia, elle n'avait pas trouvé utile de prendre la plume ; et pourtant, même après avoir retrouvé la trace de la sœur disparue, elle n'avait pas eu le courage. Annoncer la triste disparition de la jeune femme par lettre n'avait pas été aisé, et elle avait préféré l'amener avec de douces nouvelles ; quelques semaines plus tard.

    Les mots furent liés sur le vélin, et ce dernier plié avant de rejoindre le pigeonnier limougeaud. Les semaines passèrent, et sans réponse, Aelaia se dit que, peut-être, ces nouvelles se perdirent en chemin, interceptées en temps de guerre.



    Aelaia a écrit:


    Mammig,


    Tes nouvelles réconfortantes me redonnent le sourire. Ne pas voir Tad à Orléans, ni dans les villes alentours m’a serré le cœur, tu sais. S’il est avec Jacques, alors je suis rassurée, ils sauront prendre soin l’un de l’autre.

    J’ai beaucoup de choses à te raconter depuis mon départ de Mesnil-Roc’h, j’aimerais pouvoir te les dire de vive voix, mais ces temps de guerre compliquent la tâche, alors je vais tenter d’être brève.

    J’ai longuement arpenté les chemins de l’Ouest du Royaume, et mes recherches m’ont menées à l’Hospice des Récollets de Saint-François, à quelques lieues de Limoges. Assieds-toi Mamm, s’il-te-plait. Llucia y a œuvré quelques temps, puis la rougeole l’a touchée et l’a emportée avec elle. Je ne la connaissais pas, mais ça m’a brisé le cœur. Après tant de temps à la chercher, je suis désolée Mammig. Elle avait une fille, Ornelle. Nous échangeons quelques lettres depuis, et nous envisageons de nous rencontrer, bientôt.

    Le hasard m’a portée sur la route de Circey, à nouveau, quelques temps après. Nous nous sommes retrouvées à Limoges, elle était avec Eliza, l’une de ses filles. Je crois que nous sommes devenues proches.

    Mamm, je te garde le meilleur pour la fin. J’espère que tu approuveras. Que papa approuvera. J’ai rencontré quelqu’un. Il m’a accompagné jusqu’à Orléans et je suis tombée sous son charme. Je pourrais t’en parler encore et encore, mais je préfère que tu le découvres par toi-même. Bientôt peut-être ? Il s’appelle Roman di Medici Corleone, il prend soin de moi et il me rend heureuse, Mamm.

    Mankout a rez din, Mammig.



    Une lettre lui parvint, à la fin du mois d’août dont l'écriture lui était si familière...


    Llora de Folguera a écrit:


    Ma toute belle,

    Tadig et moi sommes en voyage, et nous pensions aller voir à Limoges, que tu as évoquée dans ta dernière lettre, si tu t'y trouvais encore. J'ai hâte de te voir, mon petit oiseau des mers, tu nous manques beaucoup. Tu nous raconteras tes aventures sur les routes ! J'espère que tu y es bien accompagnée.

    Prend soin de toi, mon Aelig !

    Mam


    Aelaia a écrit:


    Mamm,

    Je suis effectivement toujours à Limoges, et je vous y attendrai. Arriverez-vous bientôt ? Je vous ferai préparer une chambre à l’auberge de mon compagnon – vous y serez bien plus à l’aise.

    J’ai finalement posé mon sac dans ce joli village que je me ferai un plaisir de vous faire visiter ; j’y ai acheté quelques petits lopins de terre pour y cultiver quelques céréales ainsi qu’un petit moulin en périphérie de la cité. Je ne compte pas m’y enraciner, mais j’apprécie de savoir qu’en cas de besoin, je pourrai m’y retrouver, et y retrouver Circey et ses filles. Elle sera ravie de te revoir et de te présenter ses filles, j’en suis certaine !

    Plusieurs saisons ont passé depuis Noël, et j’ai tellement de choses à vous raconter. As-tu reçu ma dernière lettre ? Tadig est-il au courant pour Roman ? Je me fais une joie de vous revoir, et ne t’inquiète pas, je suis parfaitement entourée, vraiment.

    Mankout'rez din, mamm. Da garan…



_________________
Aelaia

    C'est sous le regard bienveillant de la Lune, nus comme Adam et Eve, qu'elle lui a dit oui. Oui à cette question qui n'en était pas réellement une ; une simple formalité alors qu'au fond d'elle, ce "oui" était évident. Une évidence, célébrée dans la discrétion de la Cathédrale de Limoges, en toute intimité, et avec beaucoup d'humour, le lendemain.

    Au matin suivant sa première nuit de femme mariée, encore comblée de bonheur avec ce sourire qui ne quittait plus ses lèvres, elle avait pris la plume pour écrire à Eliza, l'une de ses cousines.




    Aelaia di Medici a écrit:


      Eliza,


    J’espère que tu profites sereinement du calme rochechouartais, ce petit havre de paix où seuls les fruits glissant de leur branche pour embrasser le sol perturbent le sempiternel silence de la cité.

    Ma très chère cousine, il va falloir que nous ayons une sérieuse conversation. Et je ne rigole pas. Ou peut-être un petit peu, j’hésite encore. Il semblerait que tu aies rencontré ton oncle, mon père. Ewann. Il m’a semblé ravi – il parait quelque peu bourru, mais au fond, la famille est un des engrenages les plus importants de son cœur. Toutefois, c’est moi qui ne le suis pas, Eli.

    Je sais tes relations avec ton frère laborieuses ces derniers temps, et même si je ne comprends pas tout à vos histoires, je m’en tiens éloignée et cela me va très bien. Mais ce qui me chagrine, c’est que mon père ait appris ma relation avec Roman par une autre langue que la mienne ; et qu’il n’en ait pas eu le portrait le plus édifiant qu’il puisse être. Je te prierai donc, pour plus tard, de garder cette langue dans ta poche ou tout au moins de la tourner sept fois dans ta bouche (et je dis bien dans la tienne, n’est-ce pas, cousine frivole que tu es).

      Temps mort.


    Eliza, je ne t’écris pas uniquement pour te sermonner, et j’aime finir mes lettres sur de douces notes.

    Je t’annonce presque subtilement, et surtout fièrement, que ton frère et moi nous sommes dits oui, hier, en l’Église de Limoges, devant un officiant plus que parfait pour ce moment – le très cher Archibalde – et nos témoins respectifs, Helvalia et Jurgen.

    Nous fêterons notre union, ce jour, dans les bois limougeauds en bord de Vienne lors d’une fête champêtre qui durera jusqu’à l’aube ; Rochechouart n’est qu’à quelques heures de là, et j’aimerais que tu sois là, avec Tynop.

    Je t’embrasse, et prend soin de toi.


    Pour la première fois, elle signait de ce nom italien qui seyait si bien à son époux, et qui était désormais le sien. Une pointe d'hésitation au début, un léger sourire, puis elle plia le vélin qu'elle fit transmettre par coursier à sa destinataire.

    La réponse ne se fit pas attendre. Bien que teintée d'une froideur certaine, la châtaigne n'avait pas l'intention de se laisser gâcher sa journée par une cousine aux humeurs revêches. Un soupir puis ses yeux se levèrent vers la porte où un visage connu apparut. Le courrier plié, elle le glissa dans sa besace.


    Elizabetha Cortez-Corleone a écrit:


      Ael,


    Le portrait que j'ai dressé de Roman était encore flatteur, j'aurai pu être bien pire, mais le sais-tu seulement ?
    N'avais-tu pas parlé de Roman à ta mère ? Je me suis laissée entendre que tes parents communiquaient un minimum.
    Je n'ai fait que dire la vérité à ton père. Que Roman était médecin, qu'il prendrait soin de toi, même si j'ai émis mes propres réserves.
    Ton père est bourru certes, mais je le pense assez intelligent pour se faire son propre avis sur mon frère.
    Surtout qu'il vient de t'épouser, gage de sérieux, que vous vivez ensemble, qu'il prend soin de toi et qu'il est attentif à chacun de tes besoins. Un père saura voir ça et saura lâcher du leste.

    Et là où je tourne ma langue, ne regarde que moi et le gosier du supplicié.
    Toi et Roman n'avez pas voix au chapitre, et je n'entend pas me justifier auprès de vous deux.


    Garde toi bien de me faire la moindre remarque là-dessus cependant, j'ai prévenu Roman que ma présence en Limousin était précaire, et tu es à présent prévenue.
    Ce serait dommage que je disparaisse une nouvelle fois de la circulation pour les prochaines années à venir.


    Maintenant que les joyeusetés sont dites, passons à ton invitation.
    Ainsi, tu t'es mariée avec Roman dans la hâte et le secret. Bien, je n'en suis qu'à peine surprise, comploteurs que vous êtes.

    Si j'avais été prévenue en amont, j'aurai eu le temps de désigner un maréchal pour garder Roche pendant la soirée, mais me prévenir maintenant pour ce soir réduit considérablement ma marge de manoeuvre.
    Je fais au mieux, mais je ne peux rien garantir, ni pour Tynop, ni pour moi.

    Qu'Il veille sur vous deux.


_________________
Aelaia
      Journée de malheur.


    Qui aurait pu imaginer qu'alors qu'ils devaient partir en voyage de noces, la châtaigne se retrouverait la tête plaquée contre le plancher d'une chambre sombre à pleurer toutes les larmes de son corps, incapable de se relever ? Certainement pas elle.

    C'est ainsi que Cyriel l'avait retrouvée ce matin-là ; se passant de mots pour comprendre le désarroi de sa petite bouclette, il avait pris entre ses bras son corps vide qui sombraient petit à petit dans une folie destructrice qu'elle ne maîtriserait certainement pas. A nouveau seule, l'esprit torturé, elle prit d'une main tremblante la plume pour écrire. Elle savait Aurore trop loin pour agir dans les temps, mais elle avait besoin de coucher à sa manière sa peine et sa frustration...




    Citation:


    * L’écriture est à la fois tremblante et acharnée, presque illisible ; l’encre est tâchée et diluée par les larmes et le papier est froissé. *

    Aurore
    Je vais faire une connerie.




    Citation:


    Aelaia,
    Que se passe-t-il ? Tu m'inquiètes. Viens me voir à Tours.

    Aurore


    Citation:


    C'est Roman.
    Je ne peux plus..

    A.


    Citation:


    Ael,
    Es-tu à Limoges ? Ne bouges pas d'où tu es, j'arrive.

    A.


    Citation:


    Je dois m'éloigner. C'est de ma faute.
    Je pars, je te dirais où.

    A.



    Vint ensuite le tour d'écrire à Helvie, sa confidente. Sa témoin d'un jour... d'une semaine. Elle trouverait les mots, elle les trouvait toujours.


    Citation:


    * L’écriture est déliée, presque méconnaissable. Les mots sont liés d’une écriture à la fois tremblante et crispée, le vélin est froissé, presque percé par la pression de la plume et l’encre est tâchée par le sel des larmes de celle qui l’a couchée sur le papier. *

    Helvie,
    Je vais faire une connerie. Je ne peux faire autrement.

    Je t’aime,



    Citation:


    Ael,

    Je suis partie récupérer un ami à Tulle. Je serais de nouveau à Limoges demain.
    Je t'en conjure, ne fais rien d'idiot ou d'irréversible.

    Raconte-moi.

    Hel'.




    Et, plus tard, dans la journée. Dans les bras d'une Circey désemparée, elle avait écrit à Roman, d'une main hésitante. Comment pouvait-elle, après avoir passé tant de temps dans ses bras, l'avoir aimé comme elle ne l'aurait pas imaginé, avoir l'impression d'écrire à un inconnu ? Les mots ne s’enchaînaient pas de manière naturelle sur le papier, l'écriture n'était pas la sienne.

    Citation:


    Roman,
    C’est ta décision. Je te laisse le soin de l’annoncer à mes parents.
    Ne sois pas lâche, et assume ta décision.
    Belle vie à toi vous deux.




    Citation:


    Je le dirai à tes parents.
    Ne fais rien de stupide, toi. Ne te mets pas en danger ou que sais-je...
    Roman

_________________
Ezrha
    La nouvelle était arrivé, même aux oreilles du Cassel. Et si Aelaia avait prit la place de "cousine de sa femme", elle fut, un cour instant, un court moment, mais pour lui, un instant très intense, une femme qui aurait pu lui faire tomber son armure. Cela n'avait pas pu être le cas, parce qu'il n'avait pas voulu, la blesser. Il avait prit ses déboires, il avait trouvé en Aelaia une femme absolument frêle, et à la fois forte. Qu'est-ce qu'un bûcheron comme lui aurait pu faire d'elle, hm ? La casser en deux, au mieux. Et puis... Aurore était arrivé au même moment. Pas facile d'attirer les filles.

    Il s'était surpris, à songer à elle. En tout bien tout honneur, bien évidement. Elle était une femme brisée, actuellement, et il ne pouvait que comprendre la douleur causé par une rupture aussi brutale. Aussi, les pensées ne suffisent parfois pas. Alors, la plume, le parchemin et l'encrier se rencontrent, dans une valse où découle des phrases. Sincère. Honnête. A la Cassel.


    Citation:
        Aelaïa.


      Je suis confus. Extrèmement confus. Parce qu’à l’heure où je t’écris, je songe à cette autre lettre, et à ce cadeau que tu m’avais offert, il y a déjà quelques temps. Pardonne moi, car je me rend compte que je ne t’ai pas répondu à l’époque. Et sache, que la crème est assurément bien rangé dans mon placard de crème. Oui, j’ai un placard exprès, caché, pour ne pas qu’ils soient trop vite dilapidé. Tu connais les femmes. Encore plus quand cette dernière, est ta cousine.

      J’ai appris la nouvelle. Et si tu veux en parler. L’écrire. Fait le. Mais je viens absolument pas pour cela. Parce que cela concerne tes sentiments, ton intimité même devrai-je dire. Je n’ai vu qu’une seul fois… Roman, si je puis l’écrire. Et je ne voudrai pas savoir le fond de vos pensées. Mais si tu en as le besoin, alors vas-y. Défoule toi. Mais je ne suis absolument pas là pour recevoir ce lot d’intimité. Je trouverai ça presque … malsain, pas toi ? De s’encquérir du malheur des autres. De savoir le dernier potin. Oh tu sais que j’aime les potins. Mais … Pas ceux là. Parce que je sais ce que ça fait de se faire larguer. Donc… On s’en fout, on laisse ça de coté.

      Moi je t’écris, pour essayer de devenir ton meilleur ami. Ah bah oui, c’est comme ça.
      Tu es l’une des proches cousines d’Aurore, et vous semblez si … proche. J’en serai presque jaloux. Non mais c’est vrai, elle a eu le droit de te voir plus intimement lors de son saut à Limoge, et la seule fois ou je t’ai revu, c’est au mariage ! Je n’étais absolument pas en position de force pour te dire que tu es belle, merde ! Je me plains, oui. Parce que même si « Nous », cela n’a pas duré longtemps, c’était … intense. Et incroyable. Tu te souviens du jeu que j’avais inventé, pour que l’on apprenne à se connaître ? Non parce que je te l’avoue. Je l’avais inventé de toute pièce, genre… Trois secondes après que tu m’ai demandé ce qu’on fait.

      Oh, que j'y pense... Tu n’as plus le choléra et la peste. C’est passé, t’en fait pas. C’est comme le nez qui coule en hiver.

      Mon but, là, c’est de te faire sourire. Ça marche n’est-ce pas ? J’espère en tout cas, sinon ça veut dire que je suis un très mauvais ami, en attendant.

      Est-ce que tu veux que je te raconte ma vie ? Ma nouvelle vie, je veux dire. Celle que je vis avec Aurore. Avec ma fille. Et sans … la Reyne. Et oui. Cela te laisse de quoi te mettre sous la dent pour le prochain courrier.

      D’ailleurs, tu es invitée à Tours, par Aurore. Mais je crois que la question est vite répondue, tu n’as pas le choix. On veut notre cadeau de mariage !

      Bisous.


Aelaia

    ~ Limoges, le 11 septembre 1468 ~

    Citation:


      Mon Ael,

      Dis moi où tu pars. Et avec qui. Ne reste pas seule, et par pitié, donne moi de tes nouvelles.

      Je ne peux finalement pas quitter Tours. Ma plus jeune patiente ayant sa santé à nouveau défaillante et souffrant beaucoup, je me dois de rester auprès d'elle pour la soulager...

      Viens à Tours. Tu es la bienvenue. Une chambre t'y attend d'ores et déjà.

      Ne fais pas de bêtises non plus. J'ai appris ce qu'il s'était passé. Mamà, Eliza et Ophélie sont-elles auprès de toi ?

      Donne moi de tes nouvelles.
      Je t'aime,

      Aurore




    ~ Quelque part, à l'Est de Limoges, le 14 septembre 1468 ~

    Citation:


      Aurore,

      Je suis partie hier soir, et je n’ai pas eu la force de t’écrire plus tôt. Laudry, le frère d’Ophélie, s’est mis en tête de veiller sur moi ; il a refusé que je parte seule. Je crois que nous partons vers l’Est, vers le soleil du matin, mais je ne saurais te dire où nous allons. Ces chemins que j’ai certainement déjà empruntés par le passé me semblent aujourd’hui si mornes, mais ils ont l’avantage de m’éloigner de cette ville de malheur.

      Une multitude d’idées plus noires les unes que les autres ne cesse de me hanter, et j’essaie de résister, mais c’est dur. Si tu savais comme je me sens vide, Aurore. J’aimerais être capable de lui hurler à quel point je me sens trahie, humiliée, morte. J'aimerais pouvoir l'insulter de tous les noms, le détester de tout mon cœur, je n’y arrive pas. Malgré tout cela, dès que j’aperçois sa silhouette au détour d’une allée, dès que je retrouve son odeur sur un linge… j’ai envie de me blottir au creux de ses bras et de lui dire à quel point je l’aime. C’est terrible, Aurore, de savoir que le seul qui puisse apaiser mon chagrin est celui qui l’a causé. Et pour lui, je n’existe plus. Une brève évasion, une diversion éphémère.

      Mes yeux n’arrivent plus à se fermer, ma gorge ne veut plus rien avaler, et mon cœur se tord de douleur à chaque fois que mes doigts frôlent l’arrondi de ce ventre qui me renvoie encore, et encore, à ma peine. J’aimerais qu’il n’en soit pas ainsi ; qu’il ne m’ait pas laissé cette trace indélébile au creux de mes entrailles et ces cicatrices imparfaites qui terniront désormais mon sourire. J’essaie, Aurore, de ne pas faire de bêtises. Je repousse du mieux que je peux cette mélancolie ; et ça m’épuise.

      Je viendrai. Quand j’irai mieux. Deux jeunes mariés n’ont pas besoin de se coltiner une dépressive déprimante aux premières heures de leur bonheur. Ezrha m’a, lui aussi, écrit, et il faut que je lui réponde.

      Da garan,


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Aelaia

~ Bourges, le 20 septembre 1468 ~


    La châtaigne avait mis plusieurs jours à répondre au courrier du flamand. Elle avait, essayé de rédiger quelques mots au lendemain de la réception du pli, mais elle raturait sans cesse, froissait le papier, insatisfaite. Les mots n'étaient pas à la hauteur de ceux reçus, alors elle avait laissé du temps au temps pour chasser la mélancolie. La semaine avait été propice à tenter de redonner le sourire à la bretonne avec un Laudry prévenant et présent ; il l'occuper sans cesse pour lui éviter de ressasser sa douleur désormais bien ancrée. Entre promenades en forêt, contemplation des constellations au clair de lune et nombreuses heures passées à refaire le monde, elle avait retrouvé le goût de l'écriture et s'était installée au calme d'une taverne éclairée à la bougie pour ressortir son matériel de rédaction.


    Aelaia a écrit:



        Ezrha,


      Tout d’abord, taisez-vous. Oui, vous avez bien lu. Je vous interdis d’être confus, de vous excuser ou de chercher quelconque rédemption. Je ne vous en veux pas et je ne veux pas entendre d’excuses – il ne s’agit, en général, que de bla-bla sans valeur. Et puis, j’ai cherché, aussi. Quelle idée d’aller m’enticher d’une girouette Casselienne, qui, en prime, oublie que c’est lui qui avait le Choléra. Moi, j’avais seulement la peste. Peut-être l’ai-je refilé à mon heureux époux, d’ailleurs ? Cela me semblerait un bon deal.

      Ensuite, je voulais vous remercier. Un merci sincère. Votre lettre, tout à fait inattendue, a su me faire sourire légèrement – vous savez, ce petit rictus au coin des lippes que l’on peine à retenir quand bien même on essaie de bouder – alors que ma seule envie était d’aller me terrer au fond d’une grotte ou bien de plonger la tête sous l’eau jusqu’à ne plus rien ressentir. Et je peux vous l’avouer, puisque nous semblons nous étaler en confidences, cette lettre, j’ai bien dû la lire trois ou quatre fois (peut-être une dizaine ?). Mais c’était seulement pour vérifier que son effet thérapeutique fonctionnait encore, ne vous méprenez pas, cher beau-cousin. Ou peut-être cher beau meilleur-ami ? Puisque c’est ce que vous semblez me proposer ?

      Et bien, oui. Oui, je le veux. Et, là, vous n’avez pas intérêt à me laisser tomber une semaine après signature du contrat. Sinon, j’envoie mon père vous dévisser la tête… Je ne souhaite pas me salir les mains, et j’ai, parait-il, une petite vie fragile dans le giron (un futur « pauvreeee gooosse »…). Je vous enverrai sous peu un contrat en bonne et due forme détaillant avec précision les termes de l'accord. Et, puisse la force être avec vous, parce qu'il vous en faudra - on se lasse assez vite de moi, je dois avoir une défaillance ou un vice caché.

      Mais trop tard. Vous voilà engagé dans un « Nous » avec la cousine préférée de votre épouse, et je vous garantie qu'avec un peu de patience, il peut être incroyable et intense… En chieuseries, en chouineries (parce que oui, je fais bonne figure, mais c'est pas rose…) et en amicaleries (pour la rime).

      Maintenant que les bases d'une relation de travail saine sont posées, tranchons dans le vif. Parlez moi de votre nouvelle vie et de comment vous vous êtes débarrassé de la Reyne. L'avez-vous vendue aux bretons ? Un bon prix, j'espère ?




      PS : j’ai préféré attendre quelques temps avant de vous répondre ; le temps de brûler et d’envoyer au Diable mes idées noires. Je ne souhaitais pas vous arroser de mon humeur d’enfer des jours précédents. Vous pourrez, en revanche, remarquer que ma pointe de malice subsiste, malgré tout.

      PS2 : Je suis partie en voyage vers l'Artois pour aller voir la mer. Je suis bien accompagnée et l'on prend soin de mon cœur en convalescence (sauf quand j'apprends que ledit futur-ex-époux se dirige vers le même endroit que nous avec sa tête couronnée..).

      PS3 : Je retiens votre invitation. Peut-être viendrais-je à mon retour, puisque je ne peux me cacher toute ma vie sur les routes, et il me faudra bien trouver un endroit propice à un accouchement en toute sécurité... J'ai peur de l'avenir.

      PS4 : Vous êtes pas mal non plus. Un cadeau de mariage ne se réclame pas, moi je n'en ai pas eu. Non mais. Soyez sage avec ma cousine. Bisous.


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Aelaia
~ Autun, le 22 septembre 1468 ~


    Longues avaient été les journées jusqu'à ce jour, pour qu'elle se hisse progressivement au dehors de ce trou dans lequel elle s'était elle-même plongée. A force de présences amicales et bienveillantes, elle arrivait à sourire, à nouveau. Bien entendu, la rancœur ne s'estomperait pas d'un battement de cils, et le soir, alors qu'elle était seule dans sa chambre, les larmes faisaient trembler sa cage thoracique oppressée de sanglots silencieux ; mais au réveil, encouragée par les pépiements d'oisillons heureux, elle rassemblait ses forces pour affronter un nouveau rendez-vous avec cette douce catin que l'on appelle la vie.

    L'heure était aux courriers et ils avaient étés surprenants aujourd'hui. Le premier fut adressé à sa cousine, Aurore, avant qu'un pli dont elle reconnaissait vaguement l'écriture fasse son entrée, portée par un garçon du village. Dorian. Les mois étaient passés, et visiblement, son souvenir l'avait marqué, peut-être un petit peu.


Aurore-Victorine a écrit:


Ael,

J'ai déjà pu croiser Laudry, oui. S'il y a quelqu'un en qui je puisse faire confiance pour ta sécurité physique, c'est bien lui. Mais dis moi plutôt pourquoi vous vous dirigez vers l'Est ? Ce n'est pas la direction de Tours. Qu'est-ce qu'il y a d'intéressant par là bas ?

Mais sache que je te comprends, ma chère cousine. Ce sentiment de vide, cette sensation de n'avoir plus rien à faire si tu faisais la moindre connerie... Mais n'en fais rien. Crois moi sur paroles, tu pourrais le regretter le jour où tu iras mieux..
Celui qui t'a blessée ainsi n'est qu'un idiot ne sachant pas ce qu'il perd. Une famille unie, une famille où nous veillons tous les uns sur les autres. Et avant tout ceci.. une femme dévouée et aimante.

Mon Ael, fais de ta grossesse une force. Je sais que c'est plus facile à dire qu'à faire. Mais le sang Cortez coule dans tes veines. Tu es une femme forte et tu sauras te relever. Cet enfant n'y est pour rien. Mais cet enfant, c'est le tien avant tout. Et un jour, tu seras tout son monde, pour lui. Son amour sera pur et inconditionnel. Aime le. Chéris le. Et il te le rendra à l'infini.

Viens quand tu veux. Que tu ailles bien ou non. Mon nouveau statut ne change rien au soutien que j'aimerais t'apporter et à mon invitation à Tours. Ne te ferme pas des portes en inventant des excuses.
Me concernant, j'irais bientôt en Bourgogne, si l'escorte que j'aimerais engager est disponible. C'est vers l'Est. Peut-être nous y croiserons nous ?

Fais attention à toi,

Aurore


Aelaia a écrit:


Douce Aurore,

En plus de veiller à ma sécurité physique – il me pousse à manger et veille à ce que je ne manque de rien, Claquesous aussi d’ailleurs, il a réussi à me trouver des oranges dans un village fantôme alors même que les orangers les plus téméraires faisaient grise mine – Laudry veille à ma santé mentale. Je ne sais comment le remercier, mais il arrive à me faire sourire, et parfois même, je me surprends à rire naïvement. Nous partons vers l’est avant de, je crois, remonter vers la mer du Nord. J’ai envie de tremper mes pieds dans l’eau et pourquoi pas d’aller y nager des heures et des heures durant, jusqu’à m’endormir comme une masse le soir venu. Cela me fera du bien.

Ma chère cousine, j’ai effectivement pris du temps pour t’écrire à nouveau, mais il était nécessaire pour moi d’éteindre et d’enfouir profondément ce malaise qui me touchait, et me possède encore, quelquefois, avant de t’adresser quelques mots rassurants.

Je doute encore, chaque matin, lorsque je pose les orteils sur un sol froid, d’une auberge qui ne ressemble en rien au nid douillet dont je rêvais ; mais je me suis promis de me laisser le temps de découvrir, d’apprivoiser cette vie que je porte. Je ne sais pas encore de quoi sera fait demain, mais j’aimerais croire, qu’à défaut de tenir les promesses qu’il m’avait faites, Roman saura tenir celles qu’il a faites à ce petit coquillage encore innocent… Sa mère n’est déjà pas très tendre avec lui, j’espère que son père assumera pleinement son rôle et sera là... Toute seule, je n’en serai pas capable. J’aimerais avoir ta force, Aurore ; moi, je plonge, comme une goutte d’eau dans une cascade tortueuse.

Pour l’heure, je vais mieux et je retrouve goût aux petites choses de la vie, petit pas par petit pas, comme me le répète incessamment Laudry. Notre groupe de voyage, assez éclectique, il faut l’avouer, m’apporte son soutien, chacun à sa manière. Nous avons récupéré en chemin, du côté de Bourges, une jeune femme qui doit bientôt épouser un Prince de je ne sais où, elle est assez maladroite, mais elle réussit finalement à être attachante. Je crois que je vais accompagner Laudry aux noces, juste pour me moquer des meringues emmitouflées dans des robes trop vaporeuses et pour profiter de quelques bons vins (et peut-être bien lui apporter à mon tour un soutien amical). Sait-on jamais, cela peut être amusant ?

Je te promets de venir passer quelques jours à Tours après ce périple dans le Nord, rien que pour me faire pouponner et pomponner - j'ai eu vent de crèmes miraculeuses bien cachées chez vous. Et je peux être très très chiante, lorsque je m’y mets. A très vite !


Je t’embrasse,


Ael





Dorian de Windsor a écrit:


Aelaia,

Je me permets de vous écrire parce que je suis sur Limoges ce jour. Ah, Limoges cela me rappelle moults souvenirs, certains fâcheux, d'autres qui me tirent la commissure.

Comment allez vous ? Pour ma part fort bien comme toujours, il faut dire que peu de choses me touchent vraiment. Je voyage, je lis et je règle mes affaires.

Et vous votre vie ?

Dans l'attente de vous lire , sagement cette fois.

D.


Aelaia a écrit:


Dorian,

Votre pli me ferait presque sourire, tellement il m’est inattendu. Je ne pensais avoir à nouveau à lire vos mots ; avouons-le, nous ne nous sommes pas quittés joyeusement. Je garde souvenir d’un homme qui a cherché à user de moi tel un nouveau jouet étincelant, et en cela, ces réminiscences sont fâcheuses. A votre décharge, vous aviez au moins l’honnêteté, vous, de ne pas le cacher. Quels sont ces souvenirs qui vous étirent les lippes ? Vous piquez ma curiosité.

Comment devrait aller une femme enceinte trahie, selon vous ? Je dirais qu’elle tente de survivre, à sa manière. Je ne suis malheureusement pas à Limoges et je ne prévois pas d’y déposer à nouveau les pieds avant quelques temps. Vous savez, ce genre de « bla-bla » où vous avez besoin de prendre du recul, d’apaiser votre esprit, de vous changer les idées, de passer à autre chose, etc. Ce genre de conneries ? Vous pouvez sourire, je suis sûre que vous aussi, vous vous y attendiez.

Parlez-moi un peu de ces derniers mois, j’ai du temps pour la lecture, assise à l’arrière d’une charrette qui m’emmène vers de nouveaux espoirs, peut-être. Que lisez-vous ? Quelles affaires entreprenez-vous ?

Me lire sagement ? Et bien, que vous arrive-t-il ?

Aelaia di Medici



Dorian de Windsor a écrit:


Aelaia,

Bien, vaut il mieux pas qu'il vous fasse rire plutôt que de pleurer ? User de vous, n'est ce pas un bien grand mot quand je lis la suite de votre lettre et que je me dis qu'en me voyant comme le grand méchant loup vous êtes tombé sur bien pire non ?

Enceinte ? Réellement ? Moi qui vous pensez inaccessible, chaste et pure, que vous est-il arrivé ? Je lève les mains en l'air, n'allez donc pas dire que c'est de ma faute hein. Je m'attendais à ce que vous ne misiez pas sur le bon cheval. Mais tout le monde fait des erreurs, Darling, et vous en avez fait.

Mais vous signez Di Medici comme votre cousine ? Cela me rappelle forts bons souvenirs avec elle, tiens ... Donc, vous vous êtes mariée avec un membre de cette famille. La votre en soit non ? Oh, et puis rappelez vous que communément, le mariage se symbolise d'une corde au cou donc d'une mort certaine du cœur.

Sagement. Oui. Puisque je n'ai pas l'habitude de m'extasier devant une lettre

D.

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Aelaia

    ~ Dijon, le 23 septembre 1468 ~


    A nouveau, le hasard des chemins avait forcé la rencontre des deux anciens amants, ce matin-là à Dijon. Sa vision avait d'abord eu l'effet d'un coup de poing entre les entrailles avant qu'elle ne reprenne ses esprits, petit à petit, en repensant aux paroles amies de ces derniers jours. Peut-être que la planchette de saucisson, son pêché mignon, avait joué en la faveur de l'italien ; mais à l'heure de partir au lac, pour une baignade apaisante, elle avait pris la décision d'écrire quelques mots à Roman.

    Aelaia a écrit:


    Roman,

    Je ne veux pas être cette femme qui te détestera toute sa vie, qui ressassera sans cesse son passé. Je ne veux pas non plus être cette mère qui, par trop de rancœur, te privera de voir ton enfant, et qui punira ce même innocent d’une présence paternelle à son chevet. Tu as déjà perdu beaucoup, je n’en rajouterai pas plus, je n’en ai pas envie.

    Peut-on en parler avant ton départ ? Je ne sais pas quand nous nous recroiserons ensuite.

    Ael


    Roman a écrit:


    Ael,

    Ta lettre me soulage. Je viendrai en taverne en fin de journée et en soirée.

    Roman


    Aussi, à l'aube, Laudry, soucieux de l'état de fatigue et de santé de la bretonne, avait écrit aux voyageurs que la charrette ferait quelques jours d'escale en la jolie ville de Dijon. Bien que cela ne la réjouisse pas de prime abord, elle se fit une raison puisqu'elle était incapable de garder ses jades fixées sur les chemins depuis quelques jours.

    Laudry a écrit:


    Aelaia,

    Je vais reprendre la main sur le voyage afin de vous permettre de vous reposer. Vous semblez fatiguée et avec vos nausées...

    Nous allons rester quelques jours, un ou deux, pour vous permettre de vous sentir mieux et nous reprendrons la route par après.
    Ordre de votre ami !

    Laudry

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Aelaia

    ~ Dijon, le 23 septembre 1468 ~


    Aelaia, obéissante aux ordres d'un ami inquiet, s'évertuait à reprendre en main ses fusains pour ne pas y perdre le goût, assise à une petite tablée d'une auberge convenable. Elle discutait avec une autre bretonne de souvenirs anciens lorsqu'un limougeaud à qui elle avait eu loisir de se confier par le passé pointa le bout de son nez, la mine défaite et la classe habituelle évanouie. Beren prit simplement le temps de se descendre quelques lampées de vin, avant de rejoindre ses quartiers.

    Aelaia a écrit:


    Beren,
    Si vous souhaitez en parler, rappelez-vous, mon oreille est attentive et mon épaule vous est offerte.

    Je suis à Dijon pour quelques jours.

    Ael


    Au lendemain d'une rencontre nocturne au cœur d'une clairière bourguignonne entre les deux âmes esseulées, qui aurait pu se terminer différemment, sans l'arrivée impromptue d'un autre ami, Claquesous. Les lèvres bretonnes avaient approché les jumelles amies avant de s'en éloigner timidement à l'arrivée du blanc. Une lettre fut envoyée le lendemain.

    Aelaia a écrit:


    Beren,

    J’espère que cette soirée vous a mis un peu de baume au cœur. Ma compagnie et mes conseils ne sont pas toujours les meilleurs, mais peut-être l’ivresse, à défaut de compagnie, aura-t-elle su réchauffer vos draps et votre sang…

    Ne ruminez pas en votre coin, cela lui ferait bien trop plaisir.

    Buvez à notre santé et à nos sourires retrouvés ; un jour peut-être.

    Ael

    *A ce pli est associée une bouteille avec une étiquette sur laquelle il est écrit « Mel Embriaguesa » [Ivresse de Miel / breton + catalan]*


    Beren a écrit:


    Merci.

    B.

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Aelaia

~ Langres, le 28 septembre 1468 ~


    A son arrivée dans la paisible ville de Langres - et aussi morte qu'un champs de tournesol à l'hiver, il faut le dire - aux premières lueurs du jour, elle avait rejoint le temps de quelques heures sa chambre à l'auberge municipale pour reprendre quelques forces et quelques couleurs après une nuit houleuse sur des chemins accidentés. C'est dans un sursaut qu'elle fut réveillée peu avant déjeuner par un coursier qui toquait à la porte pour lui remettre un pli.

    Laudry Saint-Valéry a écrit:


    Aelaia,

    Je pense que ce matin après voir dormi un peu vous avez dû constater que mon cheval n’était plus à l’écurie et que moi-même n’était pas à l’auberge.
    Comme vous le savez, Brunehilde devait voir une amie et le retard de Lutécien à suivre le voyage fait que cette amie n’aurait plus été là si je n’avais pas pris l’initiative de partir cette nuit. Je ne vous ai pas abandonné mais je pense que vous n’avez plus réellement besoin de moi et qu’à un moment donné, il faut que l’oiseau quitte le nid et prenne son envol.

    C’est bien pour vous. Vous remangez un peu, vous riez et on m’a même rapporté que vous batifoliez avec un beau barbu… comme quoi, il n’y a pas de recette miracle Aelaia. Le temps fait son œuvre.

    Je ne sais si on se reverra alors prenez soin de vous et de votre petite chose qui grandit en vous.

    Je prierais mon Dieu pour qu’il veille sur vous et votre enfant.

    Laudry Thibaud Saint-Valéry


    Alors que la châtaigne pliait délicatement la missive, elle s'assied auprès du petit écritoire qui trônait devant la fenêtre pour lui écrire ce qu'elle avait sur le cœur. Dans la foulée, et d'humeur chafouine, elle écrivit à trois autres barbus : Dorian, l'anglais qu'elle avait envie de détester et à qui elle ne cessait de répondre, Archibalde, qu'elle n'avait pas revu depuis la cérémonie pas du tout officielle de son mariage en l'église de Limoges, et Beren, l'ami devenu amant, le temps d'une soirée. C'était la tournée des lettres aux barbus les plus séduisants du Royaume. Ceux qu'elle connaissait, en tout cas ; et qui étaient inévitablement à son goût.

    Aelaia a écrit:


    Laudry,

    Je me faisais une joie de vous retrouver ce matin, après une nuit terrible sur ces chemins caillouteux qui m’ont retourné les entrailles ; et quelle a été ma déception en lisant ce pli avant même de m’en rendre compte par un tour aux écuries. J’aurais aimé passer quelques moments de plus avec vous ; vous m’êtes et m’avez toujours été d’un soutien incroyable. Je me plaisais dans ce nid. A qui vais-je désormais pouvoir me plaindre ? Qui vais-je pouvoir taquiner ? Et qui me noiera dans la mer du Nord ? Qui m’empêchera de faire des conneries et s’empressera de me remettre en place au moindre dérapage ? Suis-je vraiment prête à m’envoler à nouveau ?

    Qui a osé vous rapporter cela ? Encore de ces commérages qui font de belles réputations… Ce n’était qu’une bise timide, avec pour seul but d’apporter soutien et réconfort à un ami – et peut-être d’en prendre un peu ? –, ayant un peu glissé au coin d’une barbe, je ne le nierai pas. Nous avons ensuite repris nos chemins respectifs, sagement. Il semblerait que je prenne goût aux grands et beaux barbus, n’est-il pas ? (Ne regardez pas autour, je parle effectivement de vous.)

    Êtes-vous sûr du chemin que vous prenez ? Vous savez qu’il sera semé d’embûches et que vous risquez d’y perdre des plumes ? Je ne suis en rien légitime à vous donner mon avis, mais je tiens à vous, et je ne vous souhaite en rien d’essuyer quelconque déception. Je me permets simplement d’énoncer ces questionnements afin qu’ils aiguisent votre réflexion. Pour l’heure, je vous souhaite de profiter ensemble de ces instants, et de n’en rien regretter. N’oubliez-pas de m’écrire ; vous m’avez promis de m’emmener à un mariage princier, et je compte bien à ce que vous teniez cette promesse. Ainsi, nous nous reverrons forcément. Le rendez-vous est acté.

    Je prierai les miens pour qu’ils veillent sur vous et votre cœur tendre, Tata-kozh.

    A vite. Je visiterai les lacs et rivières de chaque ville traversée, si jamais nous nous y croisons à nouveau…




    Aelaia a écrit:


    Dorian,

    Vous avez raison, sur ce point ; je n’ai, de toute façon, plus de larme à pleurer. Je ne dirais pas « pire » - je le pense avoir été sincère tout au long de ces semaines passées ensemble, mais les vieux démons vous rattrapent toujours et il s’est perdu en route. Peut-être le regrettera-t-il, mais qu’importe, il ne s’agit là que d’une escale que je vais tenter d’oublier assez vite. Tenter, oui ; même si la chose n’est pas si simple avec une vie qui grandit au creux de mon ventre.

    Vous m’avez bien lue, je suis effectivement enceinte. Mariée, enceinte et célibataire. N’y a-t-il pas là un intrus ? La jeune Aelaia naïve, chaste et pure n’est plus. Naïve, je le suis sans doute encore, mais cela fait mon charme parait-il.

    Je signe effectivement « Di Medici », comme Roman Di Medici Corleone. Et vous ne vous trompez pas, il est le demi-frère de ma cousine ; nous nous sommes rencontrés et découverts lors d’un voyage en Orléans juste après notre re-recontre à tous les deux à Limoges. Les chemins nous ont d’abord rapprochés alors qu’aujourd’hui ils nous éloignent. Je vais garder ma corde au cou, sur le papier, encore quelques mois. Le temps de donner un nom et un possible avenir à ce futur enfant. Après ? Je vivrai de liberté et d’opportunités. N’est-ce pas un bon programme ?

    Et vous, que devenez-vous ?

    Naïvement,



    PS : De bons souvenirs avec Eliza ? Vous éveillez ma curiosité. Dites m’en plus !



    Aelaia a écrit:


    Archibalde,

    Je repensais à vous, ces derniers jours. En me remémorant quelques joyeux moments que nous avions partagé au cours de l’été, et tout particulièrement cette soirée où vous aviez, tous, tellement bu que vous ne teniez même plus sur vos jambes pour remonter de la cave florentine des provisions italiennes, je me suis rendue compte que j’avais quitté la ville sans même vous dire au revoir, et j’en suis navrée. J’ose espérer que vous ne m’en voudrez pas, mon départ a été quelque peu précipité – j’imagine que vous en avez appris les raisons – et je suis partie m’aérer l’esprit sur les chemins. Nous prévoyons d’aller mettre les pieds dans l’eau dans la mer qui jouxte la frontière flamande, si nous y arrivons avant l'hiver pour ne pas y perdre quelques orteils.

    Et vous, comment allez-vous ? Êtes-vous toujours à Limoges ?

    Aussi, je voulais, à nouveau, vous remercier pour cette cérémonie pleine de fraicheur que vous avez assuré d’une main de maître il y a déjà bientôt un mois. Elle n’aurait pu être meilleure (même si nos bla-bla cucul n’ont que peu duré par la suite), sincèrement. Sachez qu’en d’autres circonstances, j’aurais pu me vexer que vous n’ayez point « songé à me sauter », mais aujourd’hui, je me dis que j’aurai peut-être ma revanche. Méditez donc cela.

    Amicalement,



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Laudry
    J’avais laissé passer quelques jours avant de répondre au courrier reçu d’Aelaia. Non pas parce que je manquais de temps mais simplement pour savoir quoi lui écrire. Si elle et moi étions ce qu’on pouvait qualifier d’amis, je sais aussi au fond de moi que si elle n’avait pas été mariée au Corleone, elle aurait été de celles que j’aurais aimé entraîner dans un tourbillon d’émotions. Mais ça n’avait plus lieu d’être, chacun sa place et j’avais été heureux de pouvoir l’aider à reprendre pieds.

    Au sortir d'une taverne, je m’installais pour lui faire réponse.




    Aelaia,

    J’ai été heureux de constater que vous ne m’en vouliez pas d’avoir décidé pour vous et pour moi. Il arrive un moment où il faut savoir lorsque quelqu’un est de trop et empêche l’autre d’avancer. C’est ce que j’étais devenu pour vous, même si vous aimiez à me retrouver pour discuter de tout et de rien… Arrêtez de vous poser des questions existentielles et vivez, je vous l’ai assez répété. Et puis vous savez que vous pouvez toujours compter sur moi. Je répondrais toujours à vos courriers si vous avez un doute ou besoin d’un conseil.

    Je ne promets pas de pouvoir me déplacer avec aisance mais vous savez que ma demeure au Mans vous est ouverte si vous avez besoin d’un refuge. J’y ai donné des ordres afin que l’on vous y accueille le cas échéant. Il vous suffira de montrer ma médaille d’Aristote, elle porte une inscription au dos que les gens que j’emploie reconnaitront sans problème. Vous la portez toujours sur vous n’est-ce pas ? Même si vous ne voulez pas la voir pendre autour de votre cou, gardez-la précieusement. Elle pourra un jour vous aider.

    Pour ce qu’il en est de votre « batifolage » ne prêtez aucune attention à ce que disent les autres. Celui qui vous sert encore d’époux ne se prive pas. Et même si votre petit cœur est brisé jolie Aelig, un jour viendra où vous aurez besoin et envie de bras protecteurs pour vous réconforter. Et les choses se feront naturellement. Cela commence par une bise et puis la vie reprend son cours, vous offrant quelques palpitations, quelques émotions et enfin le grand frisson à nouveau. Ne soyez jamais timide, ne passez pas à côté de votre vie, vivez belle damoiselle. Vivez pour vous avant de vivre pour les autres.

    Je suis surpris que vous ayez eu autant de perspicacité me concernant. Si je suis certain du chemin que je prends, voilà une question que je ne me pose même pas. C’est ainsi que doit être ma vie. Je ne cherche pas à analyser les choses, à me poser des questions. Dieu m’ouvre les yeux sur ce que peut être mon existence et je saisis le message. Peu importe que ma vie soit semée d’embuches, que je doive souffrir, c’est ainsi que je la souhaite. Il y a des choses que je ne peux vous expliquer, il y’a des choses que je ne dirais jamais mais ne vous inquiétez pas pour moi Aelaia. Si je dois mourir demain c’est que mon heure sera venue, si je dois souffrir demain, c’est que c’est écrit ainsi, si je dois vivre dans le tourment éternel alors c’est que je dois laver mes actes des péchés commis autrefois. Le temps de la rédemption s’ouvre à moi et mon âme sourit de ma condition car je l’ai choisi.

    Si j’ai l’occasion de plonger dans un lac ou une rivière prochainement, sachez que vous m’y accompagnerez jolie sirène. En souvenir de ce soir où nous avons relevé un défi de taille sous les étoiles. Je garderais à jamais ce souvenir de vous avoir vu rire alors que trop souvent vous m’offriez vos larmes.

    Faites attention à vous Aelig, maintenant et toujours.




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Aelaia

~ Sainte-Ménéhould, le 1er octobre 1468 ~


    Lettre tardive d'une fille à sa mère... Lettre à Llora. de Folguera.

    Aelig a écrit:


    Mamm,

    Trois semaines, bientôt, que je suis partie et je n’ose imaginer comme j’ai dû vous décevoir, toi et tadig. Tu m’as laissée filer à Noël dernier pour retrouver Llucia, et moi, je n’ai su que t’apporter de tristes nouvelles, enchainant les unes après les autres les conneries. Et pour couronner tout ça, j’ai été incapable d’avoir un mariage heureux. Depuis que nous nous sommes retrouvées, ce matin de septembre, je ne t’ai montré que les pires facettes de celle que je deviens, et si tu savais comme je m’en veux. Je te promets de tenter de te faire découvrir, un jour, une image plus chaleureuse et agréable de ta fille ; plus proche de celle que tu as élevé et vu grandir.

    Je n’ai pas réussi à prendre la plume au début pour te rassurer – mais je sais que Laudry Saint-Valéry a régulièrement écrit à papa pour vous donner de nos nouvelles. Je n’avais pas le cœur à l’écriture, ni le goût et l’envie de raconter de fausses banalités sur un bout de papier froissé, alors j’ai laissé le vent me porter vers de nouvelles destinations aux humeurs moins maussades. Et elles ont fini par pointer leur nez, petit à petit. Marche après marche, comme me l’a souvent répété Laudry, avec parfois quelques chutes, pour mieux se relever. Il m’a été d’un soutien et d’une compagnie précieuse, mais il a dû reprendre sa vie et nos chemins ont divergé à Dijon. Il a rallumé le sourire à mes joues et je vais, par respect pour le temps qu’il a passé à me supporter, tenter de la garder sincère !

    Il se trouve, d’ailleurs, que j’ai retrouvé Roman en Bourgogne, par un hasard malheureux. D’abord blessée, j’ai pris sur moi pour que nous ayons une discussion qu’il me semblait important que nous abordions. Je ne sais pas si tu approuveras ; on m’a déjà beaucoup reproché ma décision, mais nous avons décidé de rester mariés jusqu’à la naissance. Je veux lui donner un nom, un avenir ; et pas l’héritage d’un enfant qui serait le fruit d’une aventure d’un soir, d’un mois…d’un été. Je veux lui donner le nom de son père, malgré tout. Plusieurs pensent que c’est sa façon à lui de garder une emprise sur moi, de lui offrir la possibilité de me le prendre et de m’empêcher de le voir, ou tout simplement de m’interdire de passer à autre chose. Je ne crois pas qu’il soit si… vicieux ou mauvais. Mammig, qu’en penses-tu ?

    Je voyage vers le nord avec une bande d’enfants plus ou moins adorables – il parait que je suis une adulte nulle, comme tous les autres – et une jeune femme assez discrète mais que les enfants semblent adorer. Je suis grimpée dans la caravane de cette petite troupe parce qu’il y a Edenae, c’est une petite prodige musicienne que j’ai rencontré à Limoges lorsqu’elle était l’apprentie en médecine de Roman. J’avais fait la promesse à sa maman de veiller sur elle, et elle s’est retrouvée dans une situation un peu fâcheuse. Enfin, c’est agréable, après ces semaines compliquées de retrouver la simplicité des réactions enfantines, dénuées de conflits barbants. Tout est simple, ou presque ; et leurs grandes préoccupations sont de choisir si nous mangerons des baies rouges ou vertes, des hérissons ou des lapins et si le jus de pomme est meilleur que le cidre. Je souffle, je respire… Et, comme tu le lis, je retrouve goût à l’écriture, et au dessin.

    Da garan, Mamm. Embrasse papa pour moi.


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