Aelaia


Ils étaient des sourires, ils étaient des sanglots
Ils étaient de ces rires que font les chants d'oiseaux
Ils étaient des matins quand on va bord de mer
Ils étaient cur chagrin, ils étaient cur lumière
Ils étaient des poèmes, Ils étaient des oiseaux
Ils étaient des je t'aime qu'on dit bord du ruisseau.
- Après la pluie vient le beau temps, dit-on. Quand tout va mal, on ne peut que rebondir, dit-on aussi. Ce que lon ne précise pas, en revanche, cest que léclaircie ne dure jamais éternellement. A trop faire briller le soleil, cela finit souvent par se gâter et les orages sinvitent à la fête. Des averses et des coups de tonnerre, la Bretonne y était habituée, peut-être un peu trop, ces dernières années. Elle en avait parfois été la responsable, mais souvent, elle avait subi, impuissante, le déluge. Depuis quelques semaines, pourtant, elle se laissait porter par une brise légère et agréable sans se soucier, le moins du monde, de la météo. Une belle étoile veillait sur elle.
Ce soir-là, elle nen savait encore trop rien, mais une bonne rafale viendrait chahuter le calme retrouvé. Légères au début, des contractions lavaient prises après le dîner. Balayées dun sourire et dune étreinte au creux des bras de son Roi des Korrigans Maïwen, autrement dit , elles avaient fini par se faire plus régulières dabord, puis plus fortes. Si Aelaïa était incapable de déterminer précisément le stade de sa grossesse, elle savait pertinemment quil était trop tôt. Bien trop tôt.
Troublant le calme de cette paisible soirée bourganiaude, le jeune garçon dauberge missionné avait déferlé auprès dEliza pour tenter dexpliquer, un peu beaucoup chaotiquement la raison de sa venue. Aussitôt, la jeune femme avait rejoint lAuberge catalane, armée de sa trousse de médecine pour ausculter la future mère gagnée par la panique et la douleur. Et le verdict ne tarda pas. Cétait le moment.
- « Ael, je vais avoir besoin que tu sois forte, et je vais avoir besoin que tu pousses. »
« Que.. déjà ?! Mais.. Non ? Il n'est pas prêt. Il est trop petit.. »
« Ma belle, ton enfant veut voir le jour. Ton corps le veut aussi. »
« Il faut attendre ! Il faut qu'il attende ! »
« Bella, tu vas respirer. Comme tu l'as fait pour Paola. Et dès que tu sentiras l'envie de pousser, tu ne résisteras pas. Bene ? »
Aisément, le corps retrouve les gestes. Naturellement, il se met à pousser et le processus sengage. Le rituel reprend. Contraction. Souffler. Pousser. Reprendre. Rituel exténuant, mais pourtant si grisant. Toutes les peurs accumulées seffacent pour laisser la vie faire son uvre, et souffler, naïve et encore pleine despoir :
- « Ce sera une fille. Ce sera une Cortez.. Une nouvelle Cortez... »
Elle en est certaine. Chez les Cortez, il ny a que des filles à quelques exceptions près. Elle ne dérogera pas à la règle. Le travail, la douleur puis la délivrance. Et un constat. Glaçant.
- « Elle ne pleure pas
Pourquoi elle ne pleure pas ?! »
Il ne pleure pas parce quil a rejoint les anges. Il ne pleure pas parce quelle la malmené alors quelle ignorait encore son existence. Elle nen savait rien, mais quand elle a sombré dans lexcès et la dépendance, cette petite vie innocente encaissait, elle aussi. Elle nen savait rien, lorsquelle se refusait à dormir, lorsquelle chevauchait à bâton rompu pour se sentir libre, lorsquelle senivrait jusquà perdre la notion du temps, jusquà perdre ses repères, pour avoir limpression, ne serait-ce quun bref instant, que son monde ne sécroulait pas. Sans le savoir, elle consumait déjà lexistence de ce petit être qui grandissait au creux de son ventre. Lheure est à létat de choc et à la fatigue ; plus tard il en sera à la colère et à la culpabilité. Léandre avait emmené le corps de lenfant silencieux sans quelle nait le temps de le voir, et la Bretonne, à bout de force et bercée par les herbes administrées par Eliza, et les bras de Maïwen qui, de cet instant, ne lavait plus lâchée, avait fini par sombrer, peu à peu dans le noir.
Ils étaient curs de pluie qui font curs qui grincent
Ils étaient pleins de vie, avaient l'il du printemps
Ils étaient curs qui rient quand le ciel est pleurant
Ils étaient des promesses, ils étaient devenir
Ils étaient bien trop jeunes oui pour devoir partir.
Ils étaient pleins de vie, avaient l'il du printemps
Ils étaient curs qui rient quand le ciel est pleurant
Ils étaient des promesses, ils étaient devenir
Ils étaient bien trop jeunes oui pour devoir partir.
Cétait un petit garçon. Il aurait dû rêver des étoiles avant de les rejoindre. Les enfants ne devraient jamais voir les étoiles de si près. Ils ne devraient jamais les rejoindre avant leurs parents. Cétait un petit garçon. Il aurait eu les traits de sa mère conjugués à linsolence de son père. Il aurait eu le regard nuage de son père et le sourire timide de sa mère. Il aurait fait le bonheur de sa sur et lexaspération de ses parents. Et pourtant, attendris, ils lauraient aimé à linfini. Ils lui auraient tout pardonné. Parce que les parents pardonnent toujours tout à leur chair. Cétait un petit garçon qui naurait jamais dû naître si tôt. Il aurait dû avoir un passé, un présent et un futur. Il aurait dû Cétait un petit garçon qui aurait dû percer le silence de ses éclats de pleurs et de ses éclats de rire.
Qui rejoint l'éternel va l'innocent je crois
Les enfants paradis Saez
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