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[RP] Acte 1 - Visite la mine pour la Saint-Valentin

Maiwen
    Vous avez quoi de prévu, vous, pour la Saint-Valentin ? Peut-être un bon repas, peut-être une soirée agréable ; peut-être rien du tout. Soyons-en-sûr, quoi qu’il en soit, vous n’avez probablement pas prévu de passer la soirée dans une mine de fer aussi glaciale qu’effrayante. Maïwen, oui ; Ses anciens quatorze février étaient plutôt oubliables. Pour l’exprimer avec précision, ils étaient même plutôt oubliés. C’était d’ailleurs parti d’une simple soirée, d’une simple plaisanterie qui était devenue répétitive, puis habituelle, puis presque rituelle maintenant. C’était parti de la volonté de s’activer pour la mine de fer mais la rentabilité, soirée après soirée, a toujours moins été un objectif.

    Alors, laisser tomber ce rendez-vous journalier sous prétexte que « non non, vraiment, le quatorze février, vous n’avez rien à faire dans une mine » n’était même pas venu à l’esprit du brun de qui, ici, l’histoire est contée. Il fallait bien le reconnaître, cela dit, il n’avait rien de mieux à faire ce soir. Non pas que cette activité-là soit désagréable ; non. Si elle l’était, elle ne serait justement pas en passe de devenir un rituel. Mais vraiment, la vie sentimentale de notre procureur royal préféré (le seul, en fait, en ce moment ; incontestablement, c’est donc notre préféré) ne sera pas un sujet.

    N'importe qui d'à peu près nué de sens l'aurait simplement envoyé bouler ou lui aurait fait une autre proposition. Elle ? « J’espère au moins que vous y aurez installé des bougies pour rendre l’ambiance plus chaleureuse », lui avait-elle indiqué. Il l’avait prise au mot. Il en avait installé, dans un coin de la mine dans lequel personne ne s’aventurait jamais ; probablement à un endroit où les galeries menaçaient de s’effondrer. Il ne faut pas lui en vouloir (ou alors, il faut le pardonner) : Sorti des registres, il n’y connaissait rien, en mine, notre brun. Il paraissait cependant que la mine était hantée. D’une simple petite oie blanche selon la maréchaussée, d’une famille de fantômes (plus précisément, il semble plutôt s’agir de korrigans) selon les organisateurs. Au lecteur de se faire son opinion.

    Liquidité dans la besace, torche et pioche à la main, à défaut du bouquet de roses qui aurait été à la fois légèrement plus approprié et si peu original, Maïwen était au rendez-vous. A la sortie de Bourganeuf, ayant emprunté d’abord le cheminement qui menait à Guéret et qui tenait plus du sentier de forêt que de l’allée romaine, puis s’étant éloigné d’icelui pour approcher la mine toute de fer faite, il patientait sans craindre ni les oies, ni les fantômes, ni les korrigans, ni même les lapins ; quoique.
Aelaia

    Les Saint-Valentin n’ont jamais trop réussi à la seconde protagoniste de cette histoire ; elle ne les collectionne pas non plus, faut dire. Sa première, elle l’avait passée seule. Ô joie, bonheur. L’italien, époux & père de sa fille, avait tout simplement oublié, et si elle l’avait pourtant attendu une bonne partie de la soirée, elle avait fini par retrouver, seule, ses draps. Finalement, cette soirée-là avait été à l’image de leurs retrouvailles, chaotique. Note pour plus tard : les secondes chances, ça fonctionne rarement. Échec numéro un : check. La deuxième Saint-Valentin d’Aelaïa, c’était celle-ci, et elle avait plutôt mal débuté. Par sa faute, cette fois. Égoïsme, naïveté ou bien manque de communication, elle avait imaginé qu’un dérapage contrôlé – si, si, elle y croit – avec son meilleur copain passerait, tant que rien ne serait caché, parce que pour elle, cela ne changeait rien à ses sentiments. C’est ainsi qu’elle avait fonctionné, jusque-là. Échec numéro deux : check.

    Elle ne se morfondait pas. Parce que quand c’est l’intéressée qui merde, on ne peut pas vraiment causer de légitimité. Et si elle ne la ramenait pas trop, Maïwen, l’Alcoolyte, n’était ni aveugle, ni dénué de perspicacité. Il manquait au tableau son habituel sourire. Non, pas celui qu’elle avait servi, figé sous la couronne un peu trop lourde pour ses deux épaules, à qui mieux-mieux deux mois durant, mais celui qui s’étire, naturellement, teinté d’émotions. Celui qui rit, qui pétille, qui pleure même, parfois. Oui, celui-ci.

    Alors, passer cette soirée dédiée à l’Amour, normalement, au fond d’une mine froide et sombre, pour se coller une mine, justement, avec un ami, ça ne la perturbait pas le moins du monde. Moins encore ce soir-là. Moins encore s’il était là l’occasion de faire perdurer le mythe des grottes hantées. Si au début, ils avaient émis l’idée d’un couple de fantômes jouant de mélancoliques concertos, Varenne avait réussi à leur mettre en tête qu’il s’agissait peut-être finalement de « simples » korrigans perdus à jamais dans les boyaux de la carrière criant leur détresse. C’est ainsi qu’un énième rencard souterrain avait vu le jour, pour combler leurs insomnies. Mission sauvetage de korrigans à l’horizon ! Moui. Pour l’heure, elle fait encore la fière… Chaudement vêtue pour affronter, armée de sa pioche et de son Bourgogne, les entrailles de Bourganeuf, elle s’était à peine fait attendre ; plutôt ponctuelle à l’accoutumée, mais les aléas... Oui, Aelaïa est (parfois) une femme débordée.

      « Vous n’avez pas trop attendu ? Il y avait.. cette étudiante. Elle avait TROP de questions à la fin d’mon cours. Vous venez ? Il fait un froid de canard ! »


    Elle le détaille d’un léger sourire, et sans attendre davantage son reste, en bonne frileuse, elle passe les barrières en première et s’engouffre dans la mine en resserrant les pans de son manteau. Elle ne sait pas où elle va, mais elle y va, déterminée. Tout droit. Gauche. Droite. Cul de sac ? Ah. Demi-tour sur place pour se retourner vers son complice qui l’aura probablement suivie, perplexe. Une petite moue vaguement gênée se dessinant sur son visage. Oui. D’accord. Elle n’a pas vraiment étudié les plans de la mine, s’ils existent. Elle non plus n'est pas tout à fait calée en ce qui concerne les mines, et c’est probablement pour cela qu’elle a toujours un peu fui les bouliers à l’économie comtale. Elle a seulement voulu innover. Nouvelle soirée, nouveau chemin. Nouveau chemin, nouvelle aventure.

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Maiwen
    En pleine nuit, dans le froid, le procureur royal avait les yeux rivés sur le ciel. La lune était pleine, magnifique et mystérieuse. Le ciel était dégagé. Couvert comme il l’était, il ne souffrait pas vraiment des températures « glaciales » d’une nuit de février limousine-marchoise en 1470, bien, bien avant que la machine infernale ne vienne tout dérégler. D’Orion au Taureau, le grand « G » de l’hiver lui apparaissait clairement, indiquant, de là où ils étaient, la direction des Pyrénées, loin, loin au sud. La nature et les étoiles avaient toujours eu une grande importance dans sa vie ; importance nettement mise de côté depuis qu’il avait une vie de citadin entre tribunaux, bibliothèques, appartements confortables.

    Des conneries il en avait faites, dites, des échecs il en avait connu. Est-ce qu’avec Aelaïa, les choses seraient différentes ? Il ne se posait pas encore la question, en cette soirée du 14 février. Ils ne s’étaient pas, encore, vraiment rapprochés. Il appréciait le fait de passer du temps avec elle, tout simplement. Indéniablement, il se la poserait, indéniablement, il s’interrogerait ; mais pas ce soir. Ce soir, c’est sus au(x) korrigan(s).

    D’ailleurs, perdu dans ses pensées ou plutôt son observation et sa tentative de remémoration de la carte du ciel, sur laquelle il ne se penchait à présent plus guère, il n’entendit pas vraiment la blonde s’approcher. Elle aurait tout aussi bien pu être un brigand, là pour le dépouiller de ce qu’il avait, à savoir une pioche pas très utile et une besace avec une bouteille.

    Aussi, quand elle s’adressa à lui, il sursaute un peu, comme un enfant pris en faute. Peut-être débordée, surtout débordante d’énergie, il cligne un peu des yeux. « Je… ». Il faut le comprendre, lui était éperdu dans sa contemplation du ciel, et la voilà qui débarque avec toute son électricité – concept encore inexistant en 1470, mais absolument nécessaire ici. Aussi ne peut-il (ou ne veut-il) rien placer d’autre et se dirige-t-il à sa suite dans les méandres sombres de la mine, ayant à peine le temps de récupérer la torche qu’il avait laissé, accrochée juste à l’entrée ; tant et si bien qu’il en oublie sa pioche, mais heureusement, pas le Touraine, enfermé dans sa besace.

    Sûre d’elle, beaucoup trop sûre d’elle, il sut tout de suite qu’elle prenait des directions au hasard. Non, pas par-là Ael. Non, pas par là non plus ; sourire amusé naissant sur ses lèvres, il se contenta de la suivre sans trahir ses pensées, sachant très bien où son cheminement allait les conduire : Absolument nulle part. Il avait beaucoup ne rien y connaître en mine, jour après jour et problème après problème il avait appris à la connaître, la mine de fer. D’ailleurs, ce qui devait arriver arriva, cul de sac, et ce fit un visage très amusé qu’elle découvrit en se tournant vers lui. « J’ai essayé de te… vous prévenir », prétendit-il, presque hilare. Lui souriant, il se détourna à son tour, pour prendre une autre direction, d’un pas plus tranquille.

    C’est beau, une mine de fer, la nuit. Aussi proche de la surface, les galeries étaient désaffectées, privées de tout minerai. Rejoignant la galerie principale, celle qui les mènerait dans les profondeurs et tenant la torche bien devant lui, Maïwen se tourna brièvement vers la blonde bouclée. « Vous… entendez ? » Au loin, une triste mélodie semblait leur parvenir. Une vieille litanie, lente et mystérieuse, s’échappait directement des entrailles de la terre. Le vent, l’écho, le bruit d’une pioche qui se fracasse contre les galeries pour arracher à mère nature ses précieux matériaux ? D’aucuns le diraient, assurément ; probablement à raison, peut-être à tort. Qui pouvait le dire ?

    Derrière ses airs terre-à-terre, Maïwen était assez porté par les choses mystiques de la vie. Au-delà de la superstition, ses croyances l’emmenaient à ne pas trop remettre en question les faits étranges qu’il était, parfois, amené à vivre. Au contraire, il aimait à enquêter, à chercher à les comprendre ; sans forcément leur donner d’explication rationnelle, en admettant simplement leur existence. Aussi, sans trop y réfléchir, il prit la direction de cette complainte ; Pour l’heure, le korrigan de la mine n’était qu’une invention. Pour l’heure.

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Aelaia

    N
    on, pour l’heure, seule naissait une belle complicité entre les deux protagonistes. L’on pourrait probablement parler là d’une amitié naissante et apaisante pour la jeune femme qui tentait de nager au milieu d’un torrent agité sans trop boire la tasse. S’il voyait en elle une boule d’énergie difficile à canaliser, elle, elle le voyait plutôt comme ce courant stable, et quitte à rester dans le vocabulaire de ce drôle de concept que sera, plus tard, l’électricité, il était un peu sa prise de terre, concentrant ses égarements. Glamour, n’est-ce pas ? Ainsi, pour l’heure, elle appréciait ces moments simples et rafraichissants partagés. Tout comme elle aimait l’absurde de leurs plans foireux : paye ta Saint-Valentin au fond du trou. Au sens propre.

    Petit, petit, petit… korrigan ! Où te caches-tu ? Pas par-là, effectivement. N’avait-on pas dit qu’il suffisait de paraître sûr de soi pour convaincre les autres ?

    Maïwen, l’Alcolyte, prenait déjà une nouvelle direction qu’elle n’avait pas eu le temps de décamper de sa position. Après un court, très court, instant de latence, l’idée de se retrouver toute seule au fond de ce sombre tunnel avec probablement quelques bestioles à huit pattes et huit yeux tapies dans l’ombre la fit réagir et accélérer le pas pour revenir à son niveau et enrouler sa patte autour de son bras. Là. Attends-moi.

      « Hé ! Vous marchez trop vite ! Je.. j’ai pas envie de vous perdre. Dans les méandres de la mine, j’entends. »


    Mauvaise foi ? Peut-être. Il ne marchait pas si vite. Après avoir rejoint la galerie principale où chariots et pioches avaient été abandonnés là par quelques bourganiauds mineurs après une longue journée de labeur, il bifurquait, avec elle toujours à sa suite, vers d’autres galeries plus étroites et moins fréquentées. De celles où l’on pourrait presque suffoquer si l’on s’y éternisait un peu trop. De celles qui mèneraient vers un autre monde : celui des korrigans, peut-être ?

      « J’entends… Vous songez toujours à cette histoire de korrigans ? Ou vous reviendriez sur cette idée, tristement douce, d’un couple de fantômes maudits… ? Imaginez… »


    Elle pressa son bras pour le faire ralentir le pas jusqu’à l’arrêt complet, et paupières closes, elle se laissa porter par cette mystique et déchirante mélodie composée, dirait-elle, de notes graves qui font vibrer les entrailles d’un sentiment de mal-être et de peine infinie, puis de notes aigues, confinant au strident. Elle y entendait de la douleur, cette fois-ci. Elle, ne cachait pas son attrait pour ces choses mystérieuses derrière un esprit terre-à-terre, loin de là. On la disait plutôt perchée, parfois. Perchée, un peu trop rêveuse, naïve ou encore printanière*. Sans doute que passer son enfance au cœur d’une forêt bretonne bercées par les légendes arthuriennes avait éveillé son imaginaire outre mesure. Elle reprit, d’une voix plus basse et plus douce, pour improviser une histoire, et l’entraîner avec elle dans un drôle d’univers. Juré, elle n’a pas encore bu. Enfin, juste un petit peu. Quelques verres.

      « Là, imaginez. Fermez les yeux. Écoutez… Quelques décennies en arrière, peut-être quelques siècles même, l’histoire ne le dit pas, deux complices amants, des vrais, eux, piqués par l’idée d’aller passer une romantique soirée loin de tous les commérages limougeauds – oui, je suis certaine que ça a toujours été le cas, ici – pour se retrouver après des semaines et des semaines d’absence. A la nuit tombée, armés d’une unique chandelle, ils s’enfoncèrent dans le labyrinthe de galeries encore peu exploitées de la carrière. Les heures passèrent, la cire se consuma jusqu’à s’épuiser, et ils se perdirent. A jamais, dans le noir. Depuis, ils chantent leur tristesse de ne plus se voir. Ils.. ils ne sont plus que les ombres d’eux-mêmes, maudits à jamais…Bouh ! »


    Oui, c’est une sale gosse. On ne vous avait pas prévenu ? Vous savez, maintenant. Ravie, et probablement très fière de sa bêtise, elle poursuivit leur chemin, vers cette étrange litanie, en s’appuyant contre les parois alors que le passage devenait trop abrupt pour s’y engouffrer aisément.


    * © Jhoannes

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Maiwen
    En Aelaïa, il ne voyait pas de boule d’énergie difficile à canaliser ; ni d’ailleurs, à canaliser tout court. Si elle voyait en lui sa prise de terre, ce qui, à défaut d’être glamour, était au moins évocateur, lui voyait – et verrait – en elle sa foudre ; avec elle, il se sentait et se sentirait vivant. Pour l’heure, il ne s’interrogeait pas vraiment sur le sens à donner à leur relation et se contentait d’apprécier cette complicité naissante qu’il n’attendait pas ; ou plutôt qu’il n’attendait plus. Désabusé, fatigué, c’était ce qu’il était derrière la muraille de sentiments, le sourire de façade, les plaisanteries feintes derrière lesquelles il se retranchait si souvent. Rencontrer une raison de vivre, non, n’était pas à l’ordre du jour mais la vie n’a que faire des agendas et des attendus. Ici, il n’aura pas de raison de s’en plaindre.

    Quand elle saisit son bras, feignant la peur sans qu’il n’en soit dupe pour autant, encore une fois ce fut l’électricité. Retombait-il en adolescence, à être déstabilisé au moindre contact ? Il se persuada vaguement qu’elle le fit innocemment ; il se persuada vaguement qu’elle n’avait rien fait. Seul en mesure de trahir le fond de ses pensées, un discret sourire, ombre parmi les ombres, traversa ses lèvres alors qu’il ralentissait le pas.

      « C’est vrai, on ne sait jamais. Quelles sortes d’araignées gigantesques pourraient vivre dans ces galeries froides … »

    Si elle était de mauvaise foi, lui en rajoutait, peut-être, un peu. Quoi qu’il en soit, il rapprocha un rien son épaule de la sienne, tant que la largeur de la galerie le permettait. Ils étaient loin des étoiles, désormais, enfouis profondément au fond du méandre des galeries de fer. A la question posée, une fois les deux arrêtés à l’initiative d’Aelaïa, il n’eût guère le loisir de répondre ; d’ailleurs, une réponse était-elle attendue ?

    Pupilles closes, il se laissa porter par l’histoire que lui contait la bretonne. Son enfance à lui n’avait pas été douce ; le rêve, c’était tout ce qu’il avait pour échapper à une réalité souvent bien trop lourde pour être portée par les épaules d’un garçon. Faire attention aux détails, ne pas tout remettre en cause, s’accorder du répit à travers une litanie, une chanson que, probablement, seuls eux entendaient, c’était ce qu’il avait à tenir. La méditation facile, il se laissa porter par sa voix, si douce, par ses mots auxquels il avait furieusement envie de croire. Tant et si bien que le retour à la réalité fut … aussi brutal qu’inattendu, lui aussi ; et qu’il en sursauta.

    Sale gosse, oui, ou… « Piróla ». Idiote, en occitan, si vous préférez ; mais tout est plus mignon dans la langue des troubadours, vous ne trouvez pas ? Dans tous les cas, échappant un rire une fois remis de ses primes émotions, il la laissa, à son tour, les entraîner, toujours davantage dans les profondeurs. Elle faisait la maligne, pour autant, à lui elle lui semblait bien réelle, cette complainte sur laquelle ils se dirigeaient tout droit.

    Etant passé derrière elle, alors que les galeries rétrécissaient, il appuya légèrement sur son épaule gauche, lors d’une bifurcation entre galeries. « Passez à droite, là… ». Pourquoi, demanderez-vous ? Lui seul le savait, lui qui avait passé la moitié de l’après-midi à installer des bougies au lieu de préparer des mandats. D’ailleurs, la main posée sur son épaule y resta ; il ne faudrait pas qu’elle s’éloigne trop et qu’elle finisse son existence en guise de repas pour les fantômes, pour les korrigans, ou bien pire, pour ces horribles créatures à huit yeux et douze pattes ? Mais pourquoi, alors, la main sur cette épaule était-elle un rien plus tendre que ce qu’elle pourrait être ?

    En avançant, le long de la galerie qui, étrangement, s’élargissait un rien à cet endroit, elle finirait par tomber sur une salle souterraine, qu’on trouvait parfois dans les mines, parfois dans les grottes. C’est là qu’il avait tout installé. Des bougies, quelques torches. Pas de pétale de rose, il ne faut pas non plus exagérer. Romantique, direz-vous ? Non. Premier degré, simplement.

    Et puis toujours cette litanie, pressante sans être oppressante.

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Aelaia

    L’inattendu, voilà une chose qui dicte la vie de la Bretonne. Si elle n’aime pas perdre le contrôle, le maintenir à tout prix n’aura eu sur elle que de néfastes conséquences. Depuis lors, elle préfère se laisser aller surprendre. Surprendre par la vie et ses rencontres. Si de prime abord, ils paraissaient bien différents l’un de l’autre, l’avenir leur ferait découvrir bien des points communs qui ne sauraient que les lier plus encore.

    C’est un rictus attendri qui étira ses lèvres alors qu’il semblait bercé par l’histoire qu’elle lui contait jusqu’au sursaut. L’effet était tout à fait à la hauteur de ses attentes et lorsqu’il lâcha un mot de sa langue dont elle ne connaissait le sens, elle le gratifia d’une toute douce pichenette sur le bout du nez.

      « Piróla vous-même. Moi, je l’aime bien, cette histoire. Elle fait un peu rêver, et même si elle paraît un peu triste… C’est une belle histoire. Et j’suis certaine qu’un jour, ils réussiront à se retrouver. On m’a toujours que quand on voulait, on pouvait. Tout est question de volonté, ne ket ? Il suffit peut-être simplement d’y croire. Et vous, alors. Quelle serait votre version ? Rêveur, ou pieds sur terre ? Laissez-moi deviner… Première option ? »


    Elle ne réalisa pas qu’à son contact, il perdit ses moyens. Le geste était pourtant innocent. La bretonne avait toujours eu cette tendance au tactile. Comme une manière pour elle de créer le lien, d’obtenir l’attention. De démontrer sa tendresse envers les gens auxquels elle tenait. Si certains avaient fini par s’y habituer, voire même à virer à la tendance, comme un copain tout blond, d’autres en venaient presque aux mains à la moindre approche. Oui, oui. Et c’est probablement parce qu’elle se fermait encore à toute éventualité allant au-delà d’une amitié entre eux, qu’elle était hermétique à ces attentions pas si innocentes que cela et qui prendraient, plus tard, bien plus de sens, qu’elle ne remarqua pas cette main un rien trop tendre sur son épaule.

    Guidée par la pression de sa menotte, elle vire à droite et s’enfonce plus encore dans les entrailles de Bourganeuf, qui sera, plus tard, renommée Bourgamour (Quoi ? Comment ça, je spoile le public ? C’est lui qui a commencé !). Avant de retrouver un peu plus d’espace, il s’agit de descendre quelque peu encore sur la rocaille abrupte ; d’ailleurs, elle échappe un cri vaguement étranglé alors qu’une pierre roule sous sa botte et qu’elle manque de finir en tout schuss jusqu’au fond de la mine. Du moins, s’il ne l’avait pas retenue. Un bref sourire lui est adressé alors qu’elle pivote un peu vers lui avant de reprendre leur expédition. Au détour d’un dernier pli dans ces tunnels, une lueur attire son regard et les paupières se plissent. Aussi loin de la surface de la Terre, il ne devrait y avoir l’ombre d’une vie, et pourtant les lumières dansent sur les parois rocheuses, là-bas au loin.

      « Qu’est-ce que… Maïwen ? C’est.. quoi ? »


    Ael la flippette, coucou. La jeune femme s’arrête à nouveau, tendant l’oreille. Si cette curieuse litanie se fait plus pressante, elle restait encore, à l’oreille de la Blonde, une plaisanterie, une illusion auditive quand bien même l’idée qu’elle ne soit en rien rationnelle lui plaisait. L’instant suivant, elle le presse devant elle. Là. Voilà. Si lui, au combat, était du genre à se planquer derrière Samsa, elle, elle se cacherait derrière lui.

      « Vous ne voulez pas allez voir, vous.. ? Je.. vous suis. »


    De cette manière, risquait-elle de plomber sa surprise ?

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Maiwen
    En ce qui le concerne, il avait souvent cherché à avoir le contrôle sur sa propre existence. Cela ne lui avait pas toujours réussi, à lui non plus, mais il avait eu beau essayer, à de nombreuses reprises, il était tout-à-fait incapable de totalement abandonner la maîtrise qu’il aimait avoir sur ses choses et surtout sur sa propre vie. Il était ainsi fait ; la vie n’était pas un long fleuve tranquille, aussi préférait-il garder tout un panel d’éventualité pour parer au pire. La célèbre loi de Murphy, prédisant que toute chose pouvant mal tourner tournera mal avait longtemps été, dans sa version occitane, sa devise. « Se quicòm pòt mal anar, irà mal. ». Tout ce qui peut mal tourner va mal tourner. Dans l’esprit de Maïwen, cette formule n’était pas un appel au pessimisme mais à la prudence et à la modération ; Si tout ce qui peut mal tourner tournera mal alors autant l’anticiper.

    Dans cette mine, lors de cette soirée, nos deux personnages étaient bien loin de telles réflexions philosophiques qui en agaceraient plus d’un ; pas lui, pourtant, et pas elle non plus si on se fiait aux éternelles discussions qu’ils avaient l’occasion d’avoir, jusqu’à des heures honteusement tardives, au coin d’une taverne surchauffée. Je vous ai dit que Maïwen était frileux ? Laissez-moi vous dire qu’il n’est pas le seul. Lâchant un petit rire à la pichenette, il avait gentiment chassé le poignet qui venait l’importuner d’une petite tape de la main. Un sourire espiègle traversa son visage, alors qu’il l’invita doucement à avancer, d’une pression sur l’épaule, concluant.

      « Je n’ai pas dit que je n’aimais pas votre histoire. Au contraire… Mélancolique et tragique. Elle a un côté romantique. C’est amusant que vous me supposiez rêveur… on me dit souvent tout l’inverse. J’aime assez l’idée de vous laisser vous faire votre opinion… Quant à ma version ? Avancez… vous la connaitrez bien assez tôt ».

    Même si elle ne se gênerait pas, il n’allait quand même pas plomber sa propre surprise. En vérité, à ce stade de l’aventure, même si Aelaïa lui plaisait – comment pourrait-ce ne pas être le cas ? – il ne s’embarrassait pas de réfléchir à l’avenir et à ce qu'ils pourraient, ou non, partager. Il se contentait d’apprécier sa compagnie, d’apprécier chacun des instants qu’ils s’offraient, un peu en dehors du temps et de son existence franchement morne. Il n’y avait pas lieu de réfléchir à la suite. Qui sait, peut-être que cette fois, cela ne tournera pas mal ? Pouvait-il, une fois, une seule petite fois, avoir foi en l’avenir et, lui aussi, lâcher le contrôle ?

    Il sursauta un rien alors qu’elle manqua de rouler jusqu’au fond de la mine pour rejoindre les korrigans un rien plus vite que prévu et lui jeta un petit regard autant amusé que réprobateur. Hé, prends garde à toi. Je n’ai pas envie de terminer notre Saint-Valentin chez le médecin. En plus, les urgences n’existaient même pas, encore moins à Bourganeuf. Il porta quelques secondes le regard sur elle alors qu’elle exprima un rien de crainte. Ne fais pas trop le malin, Maï. Si tu n’étais pas à l’origine de tout cela, toi aussi tu aurais peur. Ca ne changeait, au fond, pas grand-chose à sa « surprise » ; aussi acquiesça-t-il doucement, gardant la mine sérieuse de celui qui ne sait pas du tout où il met les pieds et il s’avança d’un pas prudent vers l’alcôve éclairée, s’assurant du coin de l’œil qu’elle ne manquait pas de le suivre à la trace.

    Arrivé dans cette petite salle, décorée par ses soins par quelques bougies éclairant ce lieu glaciel d'une délicate chaleur humaine, il fit quelques pas, glissant la torche qu’il tenait toujours à une accroche, se tournant vers elle avec un sourire aux lèvres. Elle avait demandé des bougies, elle avait eu ses bougies. « Fermez les yeux », lui demanda-t-il à son tour, venant effleurer une paupière du bout de l’index sans trop réfléchir à la tendresse de son geste.

      « Je crois aux amants perdus de la mine de fer de Bourganeuf, Aelaïa. Je crois que c’est ici qu’ils se sont vus pour la dernière fois. Depuis, chaque soir, les korrigans habitant cet endroit redoublent d'effort, à minuit très précisément, pour allumer chacune de ces bougies, chacune de ces torches. »

    Sa voix n’était qu’un murmure, prononcé si proche des oreilles d’Aelaïa qu’on pouvait presque le confondre avec la litanie à laquelle, en cet instant, il ne faisait plus attention. Cela allait vite changer. C’est finalement au moment où la litanie cessa, remplacée par un craquement, que le brun y fit plus attention. « Qu’est-ce que c’est que ça ? » souffla-t-il, pas beaucoup plus fort. S’il était responsable du reste, ça, ça ne faisait pas partie du plan. Les avait-on suivis, au fond de la mine ? C’était l’hypothèse la plus probable, la plus rationnelle, aussi, sans trop y réfléchir, il pressa l’épaule d’Aelaïa pour l’entraîner vers un recoin pour tenter, vaguement, de s’y dissimuler.

    Des malencontreux visiteurs risquaient-ils de plomber leur Saint-Valentin au fond du trou ?

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Aelaia

    L’anticipation ? ‘Connais pas. Comme portant des œillères, elle n’a rien vu venir, d’ailleurs, lorsqu’il s’est agi de tomber amoureuse. Mais ça… ça elle ne le sait pas encore. La narratrice est tellement à la bourre sur la rédaction de cette histoire qu’elle paraît omnisciente à connaître le futur de nos deux protagonistes. Oh, elle en aurait beaucoup à dire sur nos deux idiots, mais elle ne voudrait vous priver du plaisir de les rencontrer aux quatre coins du royaume pour en découvrir davantage à leur sujet. Allons donc, revenons-en à cette joyeuse grotte, à ces lumières étranges, à cette douce mélopée, et à ce quatorze février.

      - Si l’on omet nos premières rencontres, l’une des premières choses que vous m’ayez demandées, il y a quelques jours, était si je rêvais. De passeroses ou de garances, même. Dès lors, je vous ai imaginé apprécier la solitude propice aux rêveries et aux évasions en solitaire. Je ne sais pas trop pourquoi mais… ça vous sied bien.


    La Bretonne suivi son guide d’une soirée – et d’autres, nombreuses, à venir – dans le creux de l’antre des enfers. Jolis enfers, cependant. A la découverte de ces douces lueurs voletant le long des parois escarpées de la grotte, elle fut soufflée. Littéralement soufflée. Il avait fait de ces lieux pourtant si reculés un lieu magique où tout rêveur se voudrait en être l’invitée. Elle était cette chanceuse-là. Elle n’eut, pourtant, pas le temps d’en découvrir l’entièreté que d’un tendre geste, il l’invita à clore les paupières pour l’emmener dans un autre monde où rêves et réalités ne font plus qu’un.

    Ainsi, mirettes fermées, elle se laissa transporter au pays des merveilles, accompagnée par un futur Roi des Korrigans. Sans qu’elle ne le réalise consciemment, son derme s’hérissa au son de sa voix, contre son oreille. Elle niera assurément qu’il en était la cause, prétextant probablement un frisson. La peur, le froid. Qu’importe. Bercée par l’histoire, le sursaut n’en fut que plus fort, au craquement. Au sursaut, succéda un cri, incontrôlé.

      - Bordel.. C’était.. c’était quoi, ça ?


    Les paupières aussitôt rouvertes, elle se laissa volontiers entraîner avec le Procureur vers un recoin, le palpitant battant la chamade et l’attention en alerte. Persuadée que Maïwen était le responsable de cet étrange coup de théâtre, elle ne put retenir un regard accusateur vers lui… jusqu’à ce qu’elle croise cette même lueur de panique au creux de ses iris. Machinalement, ou bien nerveusement, elle crispa le poing, gardant bien le pouce en dehors pour ne pas le briser, comme on le lui avait appris. Si elle n’était pas une grande bagarreuse – en témoigne sa défaite instantanée l’unique fois où elle avait participé aux duels de l’Arène de Soare –, elle ne possédait sur elle pas le moindre objet pouvant lui permettre de se défendre. Si la cavité était illuminée de nombreuses bougies, elle en restait assez sombre, et les ombres des flammes dansant sur les parois, au rythme erratique de leur souffle ne facilitaient pas la tâche.

    Soudain, surgit face au vent, le vrai héros de tous les…* Ah. Non. Pardon. Je me suis emmêlée dans mes fiches. Hum. Hum. Soudain. On en était là. Soudain, surgit devant eux… un rongeur. Ouais, un fichu rongeur ! Un p’tit rat. Perdu. Au fond d’une grotte déserte. Si sa première réaction avait été un nouveau cri d’effroi, il fut bien vite remplacé par les premières secousses d’un rire au cœur de sa poitrine. Un second rire, et elle partit dans un fou rire comme rarement elle avait eu. Quand le rire remplace la toute récente frayeur. Une chose est sûre ; à jamais, elle se souviendrait de cette Saint-Valentin au fond du trou.




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