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[RP] Acte 2 - Pirólo toi-même

Maiwen

Récit initialement publié ici

« J’ai cette impression que tu as toujours été là. Dans ma vie. C'est étrange, mais en même temps, c'est doux. »

Aelaïa Ar Moraer – parfois inspirée - à Maïwen de Maurroy


    14 février 1470. Dans une mine, deux jeunes gens, pourtant ne se connaissant alors qu’à peine, en quête d’évasion et de fraicheur avaient littéralement décidé, ensemble, de se payer une Saint-Valentin au fond du trou. Là où, lui comptant l'histoire mélodieuse de deux amants, à jamais perdus dans le noir de la mine de fer, elle chercha à le faire sursauter d'un « Bouh » qui, certes, eût fonctionné. « Piróla* », eût-il rétorqué. « Pirólo** toi-même ».

    De cette étonnante et détonnante soirée était née une idylle qui n’avait jamais rien eu de fragile ; une idylle née de sourires, de longues conversations au coin du feu, au cours des longues nuits de février et de mars ; une idylle née, également dans la douleur et dans l’adversité. Depuis ces huit mois, l’amour et la passion ne s’était éteinte. L’idylle s’était afermie pour devenir une union peut-être insubmersible. Maïwen avait l’impression de former un « tout » avec la Reine des Korrigans. Ce n’est pas tant qu’ils se ressemblaient sur tous les points, mais plutôt qu’ils se complètent, elle lui apportant la dose de fougue et de spontanéité dont il est si souvent si peu pourvu, et lui faisant tout pour lui transmettre la sérénité qui le caractérisait dans la plupart des circonstances.

    Pour autant, Aelaïa Ar Moraer était bien une des seules à savoir à quel point la tempête faisait parfois rage sous les émeraudes impassibles de Maïwen de Maurroy. On le disait sûr de lui, on le disait fort ; enfin plutôt, voilà ce qu’il souhaitait qu’on dise de lui. Cela ne l’a pas empêché, à plusieurs reprises, de faillir et de succomber à la vie en subissant un sol se dérobant sous ses pieds. Le Chancelier de France n’est pas pétri d’autant de certitudes qu’il voulait bien le faire croire et peut-être, finalement, que s’il sait faire bénéficier aux autres de sa tranquillité d’esprit, lui également a besoin d’être tranquillisé. Rien de moins que Samsa Treiscan l’avait d’ailleurs décrit d’une excellente façon ; «Maître de lui-même sans le faire exprès, une journée à ses côtés est un remède pour toute âme tourmentée. Tour de force d'autant plus impressionnant qu'il l'a probablement aussi tourmentée que son interlocuteur. » Peut-être est-ce là la définition de l’empathie : connaître les autres sans se connaître soi-même ; mais est-ce vraiment possible ?

    Depuis février, tout lui réussissait. De roturier, il était devenu Vicomte de la terre francilienne de Méru. De Procureur Royal, il était devenui Chancelier de France. D’aucuns diraient qu’ils se tiraient mutuellement vers le haut ; non pas qu’elle ait fait le travail à sa place ou qu’elle soit intervenu directement en sa faveur. Non, mais sa seule présence avait l’effet bénéfique de lui redonner toute la force et toute la confiance dont il a besoin.

    Leurs Majestés des Korrigans se croisaient peu, ces dernières semaines ; l’un comme l’autre croulait en effet sous le travail et les obligations. Mais cette soirée et cette nuit d’hiver serait la leur ; loin des armées non-hostiles, de la Curia et du Castel Comtal. Du moins c’est ce que Maïwen souhaitait. C’est dans une enveloppe cachetée, sur son plus beau parchemin à ses nouvelles armes qu’une lettre avait été laissée sur le bureau d’Aelaïa.

Spoiler:
Citation:



A la Reine des Korrigans

Hollgaret,

Retrouve-moi aux dernières lueurs du jour, à la porte la plus à l’ouest de la Cité, celle toute proche de la Vienne.

Couvre-toi bien.





    Usurption de titre, en plus en utilisant le sceau du Chancelier ? Cela va vous coûter cher, Maïwen de Maurroy. Allons… personne n’en saurait jamais rien.



*Idiote, en occitan. Mais c'est mignon dans cette langue, non ?
** Bon, ça en vrai, ça veut rien dire du tout, mais on vous laisse deviner. Bisous.

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Aelaia

« J'avais envie de chambouler ta vie, je crois, inconsciemment peut-être, mon Amour.
Et j'ai l'intention de la chambouler encore quelques longues éternités.. Parce que je t'aime, Maïwen de Maurroy. »

Aelaïa Ar Moraer – encore une fois inspirée, on dirait - à Maïwen de Maurroy


    Cette soirée au fond du trou était à la fois déjà lointaine et pourtant si proche. Si elle avait l’impression que Maïwen avait toujours été là, auprès d’elle, ils n’étaient pourtant que de vagues inconnus une dizaine de mois plus tôt. Dans le tumulte qu’était alors sa vie à l’aube de février, bretonne jouant sur le fil des limites, blessant comme elle avait été blessée, inconsciemment, sa rencontre avec celui qui était alors le proche ami de l’amie avait été la brise qui chasse, au moins le temps d’un instant, les nuages gris ternissant la bleue étendue d’un ciel d’hiver.

    Le rayon de soleil s’était installé, et les nuages s’étaient estompés durablement. « T'es mon souffle. Celui qui a chassé l'orage... » avait-il soufflé, un soir. Elle avait naturellement répondu quelque chose comme « Il fait beau tous les jours, dans tes bras. ». Entre eux, tout était simple. Toujours. L’une apportait sa pointe de folie et l’autre la touche nécessaire à canaliser les écarts de la blonde sans jamais la frustrer. C’était une prouesse, qu’on se le dise. Têtue, impulsive ; il lui en fallait bien peu pour décoller à la moindre contrariété. Maurroy était son garde-fou, le seul à savoir lui clouer le bec ou retenir les élans destructeurs de la jeune mère.

    D’une lubie d’un soir, un peuple était né. Une histoire, une légende. Une complicité, une croyance commune dont ils étaient les entités fédératrices. Les Korrigans veillaient, scrupuleusement, du fond de la pénombre minière. Sans doute étaient-ils, pour eux, de petits anges gardiens. Cette pensée, d’ailleurs, lui tira un tendre sourire alors qu’elle rédigeait presque sans discontinuer, des contrats commerciaux, assise sur la chaise qui l’avait vue, à l’été 69, faire ses premiers pas au Castel de Limoges, aux côtés d’Arry. Les courriers s’entassaient à vitesse folle sur le cuir du plateau de son bureau. Un à un décachetés, le geste devenait presque automatique jusqu’à ce qu’un courrier aux armes non inconnues vienne piquer sa curiosité. Plume posée dans son encrier, le sourire s’étira davantage avant qu’elle n’entreprenne de briser le sceau pour déplier la missive.

    Le regard forêt de la jeune femme glissa vers la grande ouverture qui, un peu plus tôt, baignait la pièce d’un de ces soleils automnaux qui donne au jour ces plus belles nuances pastel. Du rose à l’orangé, le bleuté de la nuit commençait peu à peu à s’installer. Les dernières lueurs du jour s’installaient déjà alors qu’elle enfilait à la hâte sa cape de laine et ses gants de cuir. La porte claquée et fermée à double tour, elle dévalait par deux marches à la fois, les escaliers du Castel. Une Majesté n'est jamais en retard. Ce sont les autres qui sont en avance. Et c’est à l’heure où l’astre achevait sa course derrière les frondaisons des bois limougeauds qu’elle rejoint son rayon de soleil.

      - Majesté. Vous m’avez fait mander icelieu. Je suis à l’heure. A la mienne, tout au moins.


    Un battement de cils avant de venir épouser les lèvres aimées d’un baiser d’une tendresse infinie. Près de dix jours et dix nuits loin de lui avaient été comme une apnée qui ne s’achève jamais. Et oui, la demoiselle s’est perdue au jeu de l’amour, avec cet homme, et elle n’en a même pas peur. Pourvu qu’il dure toujours.

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Maiwen

« Je ne voulais plus m'attacher. Et tu m'as fait abaisser toutes les barrières de quelques mots, quelques regards... »


Aelaïa Ar Moraer – On vous a dit qu’elle était inspirée ? – à Maïwen de Maurroy


    Le passé émotionnel de Maïwen était, comme pour beaucoup, tumultueux. Les déceptions, les douleurs du passé avait forgé l’homme qu’il était aujourd’hui ; il n’en regrettait aucune. Si aimer est chose innée, aimer bien, en revanche, est un combat probablement éternel. C’est sans doute en composant avec leurs erreurs et leurs regrets respectifs que la relation entre Aelaïa Ar Moraer et Maïwen de Maurroy s’était construite, étonnamment avec si peu d’hésitation.

    Des tensions, pourtant, il y en avait eu, il y a voilà quelques semaines ; mais même si le brun avait les conflits en sainte horreur, c’est sereinement qu’il y avait fait face ; qu’ils y avaient fait face. Pour une fois, il n’avait pas peur qu’elle s’estompe, qu’elle disparaisse.

    Celui qui venait d’être nommé Chancelier de France avait un quotidien à la fois très similaire et très différent de celui de la Reine des Korrigans. En plus de la gestion de son Grand Office, qu’il avait déjà bien en main en qualité de Président du Tribunal du Palais, la Curia Regis avait apporté sur son bureau des dossiers et demandes qui accaparaient une bonne partie de son énergie. Reclus dans sa bibliothèque de son manoir limougeaud, pièce qui lui servait également de bureau, les affaires parisiennes avaient accaparé une bonne partie de son après-midi.

    Dans un coin de la pièce, près de la cheminée, la fille d’Aelaïa vaquait à ses enfantines activités sous les yeux attentifs de Charlotte, sa nourrice. Maïwen avait cette qualité à pouvoir occulter tout le reste lorsqu’il était concentré, y compris lorsque des cris et jeux d’enfants venant troubler ce qui était, voilà encore quelques mois, l’habituelle quiétude des lieux.

    Le soleil était bas dans le ciel lorsqu’il s’arracha à ses lectures et rédactions. Un sourire fut adressé à la surveillante, alors qu’il se dirigea vers cccccla porte de la pièce ; mais c’était sans compter l’intervention d’une charmante tête blonde qui, chaque jour qui passait, ressemblait plus à sa mère.

      « Tu t’en vas ? »


    Maïwen interrompit son mouvement pour se tourner vers la jeune enfant qui s’était approchée de lui, et s’accroupit à son niveau pour lui sourire. w

      « Oui petite princesse. Tu seras sage ? Et demain, on ira se promener. »


    Paola, qui parut boudeuse de prime abord, sembla peser le pour et le contre avant d’hocher la tête en s’éloignant aussi vite qu’elle s’était approchée.

      « A demain Mayenne ! »


    Oui, bon, c’était presque ça ; fort malheureusement, « Mayenne » était tout autant incapable d’en vouloir à la génitrice qu’à la progéniture. De vraies tornades, telle mère, telle fille. Trop habitué pour s’en formaliser, Maïwen reprit sa marche et la direction de l’extérieur.


    L’astre de nuit donnait aux murailles de la ville habillée de ses torches une teinte grisée. Maïwen s’était paru de gants, d’une écharpe et d’une lourde cape bleutée agrémentée de trois lys d’or brodés sur le col. Royaliste ? Certes. Mais on oublie souvent que ce symbole est également présent sur les armoiries limousine-marchoises. Aux côtés de Volpone, sa monture Navarrine à la robe alezane, ainsi qu’une autre monture au magnifique écrin blanc, il n’eût pas à patienter longtemps avant que Sa Majesté ne le rejoigne.

      « Et ton heure est toujours la mienne. »


    Il lui répondit, embaumant sa joue d’une main pour répondre avec la même tendresse à l’étreinte avec laquelle elle le gratifiait. La ponctualité d’Aelaïa Ar Moraer n’était guère un sujet, c’est le jour où elle sera tout-à-fait à l’heure qu’il s’agira de s’inquiéter. Lui souriant et glissant sa main dans la sienne pour l’entraîner sur quelques pas, il se tourna vers la fameuse monture immaculée.

      « Je te présente Korc'hwezh. De race andalouse. Korc'hwezh, je te présente Sa Majesté des Korrigans, Aelaïa Ar Moraer. Prenez soin l’une de l’autre. »


    Nom Breton, race espagnole ; cela vous rappellera peut-être quelqu’un. Dans un geste doux et un sourire, Maïwen glissa les rênes de la jument dans les mains de la jeune femme.

      « Une virée à cheval, cela te tente ? Nous avons du chemin, Majesté. »

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Aelaia

« Tu es vraiment... rafraichissante, Aelaïa. Sache-le, voilà. »


Maïwen de Maurroy – On vous a dit que lui aussi était rudement inspiré ? – à Aelaïa Ar Moraer, un soir d’hiver.



    Pourtant bien jeune, Aelaïa avait déjà connu, elle aussi, son lot de déceptions. A chaque espoir, à chaque fois qu’elle avait confié les battements de son palpitant à un homme, cela s’était soldé par un nœud fait de douleurs et de cicatrices à vif. Le cœur Ar Moraer était un cœur en miettes, rafistolé, calfeutré, bricolé de peu et de rien, lorsque le regard de la jeune femme s’était posé sur le Procureur royal. Il apportait la quiétude, la force tranquille, dans les turbulences récentes qui avaient secoué la vie d’Aelaïa. Si d’hésitation, il n’y avait pas eu, elle n’avait pas vu venir l’espoir d’un avenir si radieux aux côtés du Maurroy. Et pourtant, depuis leur rencontre, celui-ci s’était esquissé doucement, mais surement. Aux côtés l’un de l’autre, tout leur réussissait ; comme si l’un était la moitié de l’autre et qu’ils n’attendaient que d’être réunis, enfin.

    Là, aux portes de la ville, au gré des vents, le gant froid frôlant sa peau d’une inlassable tendresse lui tira quelques frissons dont on ne saurait dire s’ils étaient fruits de la fraîcheur hivernale imprimée au cuir ou s’ils étaient l’inévitable résultat de ce geste auquel elle ne saurait jamais s’habituer. Est-ce donc cela, d’aimer ? Ne jamais se rassasier du contact de l’Autre ? De ses mots, de ses douceurs, de ses défauts. De son caractère, de ses manies, de ses sourires. De tout ce qui fait l’Autre, sans exception.

    Entraînée de quelques pas vers les montures... Les ? Les. La jeune femme, minois surpris, s’approcha de l’Andalou, restant quelques instants interdite tandis que ses doigts parcouraient, hésitants, la peau immaculée de l’animal. Touchée. Pleine face. Aelaïa était touchée, réellement. Qui connaît ne serait-ce qu’un peu la demoiselle saurait que rares sont ceux qui réussissent à lui couper le sifflet. Maïwen est de ceux-là ; lui clouer le bec était l’une des compétences de prédilection du chancelier.

      - Korc’hwezh.. C’est.. C’est.


    Il devenait difficile pour l’Ar Moraer de réprimer le sourire qui avait finalement point au milieu de son visage. A défaut de trouver les mots, sinon un faible « merci » soufflé vers Maïwen, elle hocha vivement du menton avant de se hisser, sans se faire prier, sur le dos de l’équidé. Les mains posées sur le col du cheval, elle tenta de jauger le caractère de l’animal qu’il lui faudrait apprivoiser. Pourtant, rapidement, les gestes se firent naturels à l’égard de sa nouvelle complice. Comment en aurait-il pu être autrement, après tout ? Maïwen visait toujours juste.

      - Une tornade. Essaierais-tu, mon Amour, de me faire passer un message ?


    Blondie ne reste jamais très longtemps silencieuse ; c’est comme la question de sa ponctualité, c’est lorsque les choses changent qu’il faut songer à s’inquiéter.

      - Nous avons de la route, donc ? Où prévois-tu de nous emmener ?


    Les deux compagnons, juchés sur leurs montures, commencèrent leur périple nocturne, s’enfonçant peu à peu dans la pénombre seulement perturbée par la blanche et apaisante lueur de la lune veillant discrètement sur eux. Cette soirée serait la leur, comme hors du temps. Qu’il pleuve, qu’il vente ou qu’il gèle, cela n’égratignerait rien de ce moment privilégié qui se profilait devant eux. Ils étaient devenus rares, ces instants-là. Rares, mais pourtant si précieux.

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Maiwen

« Comme lorsque je dis qu'être dans tes bras, c'est le plus bel endroit pour finir ses jours. Un paradis dans les enfers. Qu'envisager ma vie sans toi n'a désormais plus aucun sens. Que t'aimer pour une infinité d'éternités ne sera jamais suffisant pour te prouver à quel point je t'aime. Que tu es mon âme soeur. Mon évidence. Ma raison de vivre. »


Aelaïa Ar Moraer – Si ça, c'est pas de l'inspiration, hein – à Maïwen de Maurroy

    Si leurs cœurs respectifs étaient, au jour de leur rencontre, réduits à l’état de cendres, alors ils seraient le phénix l’un de l’autre ; et de ces cendres naîtrait quelque chose de nouveau, quelque chose de grand, de puissant ; peut-être d’indestructible. Et ce soir, malgré le froid qui lui tiraillaient les chairs et lui rappelaient chaque seconde qu’il ne s’habituerait jamais à l’hiver, le corps de Maïwen était dirigé par une chaude détermination qui, ce soir, serait son guide.

    Aux réactions de la bretonne, il s’était contenté de sourire brièvement. Cette monture, avec un tel nom et une telle allure, serait parfaite pour celle qui était devenue sa Reine. C’est toutefois, si ce n’est avec inquiétude, avec tout du moins beaucoup de vigilance que Maïwen observa les premiers échanges entre la jument et sa nouvelle maîtresse ; car même lui pouvait se tromper (si, si, on vous assure). Et c’est d’une façon un peu énigmatique – qui ne trahissait probablement aucune vérité - qu’il choisit de lui répondre.

      « Au seul endroit qui compte ».

    D’un petit coup de talonnette, le Chancelier incita Volpone à partir au galop, ce que fit la monture sans se faire prier ; il était loin d’être un excellent cavalier, mais il se fiait entièrement à son animal. Il savait bien qu’Aelaïa saurait le suivre, voire sans doute, le dépasser, poussant Volpone – et accessoirement son cavalier – dans ses retranchements, et sur les routes pavées qui jouxtaient la capitale, ils ne risquaient pas grand-chose. Un léger rire traversa ses lèvres alors qu’il se tourna vers sa compagne pour un de ces échanges silencieux dont ils avaient le secret. Le silence est d’or pour qui sait écouter ; c’était assurément le cas de Maïwen et si Aelaïa était généralement plus volubile, il n'avait jamais vraiment eu besoin de longs discours pour qu’elle sache l’entendre et le comprendre.

    Qui aurait pensé, alors qu’ils échangeaient leur premier baiser, au coin d’une taverne bourganiaude, alors qu’ils bravaient ensemble le froid de février, qu’ils en seraient là près d’un an plus tard ? Certainement pas lui. Pétri par les échecs, il n’avait même pas osé l’imaginer, même pas osé se poser la question, préférant profiter de chaque jour, d’affronter chacune des épreuves qui, inévitablement, furent placées sur leurs chemins.

    Maïwen avait longtemps hésité – à ce stade, on pouvait même dire qu’il s’était clairement torturé l’esprit – avant de choisir l’endroit qui, ce soir, serait leur destination. Et finalement, à force de balade, ce choix s’était imposé ; il n’en existerait pas de meilleur.

    C’aurait pu être la mine de fer, lieu de leurs premiers échanges, lieu également de la naissance de la légende de moins en moins fugace des Korrigans de Fer. C’aurait pu être, aussi, l’un ou l’autre de leurs fiefs, à Lugarde ou à Pontarion, lieu de leurs récents combats, qu’ils soient solitaires ou menés de front ; mais non, il fallait à la fois davantage et tant moins ; il fallait un lieu à l’image de la grandeur de leurs sentiments et de la simplicité de leur rapprochement.

    Ainsi, au terme d’une chevauchée qui leur appartiendrait, les ayant menés au plus près de la mine de fer et du château de Pontarion, les deux amants allaient emprunter un sentier qui les mèneraient au sommet d’une colline qui, par sa grandeur, dominait la Marche, et dont la simplicité lui avait valu d’être préservée, alors que déjà, en cette fin de quinzième siècle, on déforestait pour s’étendre sans s’interroger sur les conséquences.

    Les chevaux progressaient avec difficulté, mais Maïwen savait le chemin praticable ; et ils finirent par déboucher sur une clairière, au sommet arrivés. La vue sur la Marche était splendide, même en pleine nuit. La lune laissait entrevoir, en contrebas, la cité de Pontarion. Les premières lueurs du jour, dans quelques heures, leur permettraient également de deviner au loin la mine de fer. Mettant pied à terre, le Seigneur de Pontarion tendit la main à la Dame de Lugarde pour l’aider à mettre pied à terre.

      « L’endroit te plaît ? Je me suis dit qu’il serait parfait pour une nuit à la belle étoile. J’espère que tu n’es pas frileuse. »

    Répartie purement ironique ; des deux, c’était clairement lui qui craignait le froid. En silence, les émeraudes du Maurroy se posèrent sur la lune et les étoiles qu’il réapprenait aujourd’hui à connaître. Ce n’est qu’au bout de longues minutes d’une dernière introspection qu’il se tourna vers sa compagne.

      « Aelaïa Ar Moraer. »

    Elle n’était pas férue de mariage ; il le savait fort bien. Mais tout, à son sens, dans leur relation, les dirigeaient selon lui vers cet instant. Tant restait encore à parcourir, certes, mais ils avaient déjà tant parcouru.

      « Voilà plus de dix mois, à présent, que tu partages ma vie. Tu y as acquis une place irremplaçable, en douceur, presque sans que nous y pensions. En toute circonstance, tu es mon plus sûr soutien. Tu es ma Reine, mon évidence, la personne pour qui je donnerai ma vie sans la moindre hésitation ; je l’affirme d’autant plus que je sais que tu ne me laisserais pas faire. Je t’aime, Aelaïa, j’aime nos échanges philosophiques, ces légendes auxquelles nous donnons vie, j’aime ta force de caractère qui te mènera haut et m’aide à me surpasser. Et bon sang, qu’est-ce que tu es belle. Aucun discours ne sera jamais assez fort pour trahir la force des sentiments que j’éprouve pour toi. »

    Alors, peut-être, si le silence était d’or, la parole pourrait, pour cette fois, être de diamant ? Posant, devant Elle, un genou à terre, Maïwen de Maurroy fit apparaître, depuis un pli de ses vêtements, une petite boite cubique contenant une bague le laissant clairement supposer.

      « Veux-tu unir ton existence à la mienne pour la vie et pour tout ce qui suivra ? Aelaïa Ar Moraer, veux-tu m’épouser ? »

    Et c’est là, là, qu’il fallait clairement se concentrer pour garder le regard bien droit, levé vers celle avec qui il souhaitait s’unir, et ce sans faire d’arrêt cardiaque.

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Aelaia

« Le but de toute rencontre est de faire coïncider deux mosaïques humaines. Des fragments de caractères, d’opinions et de rêves entrent dans un jeu de miroir, les couleurs s’intensifient et le résultat dépasse la somme des deux »


Maria Ernestam – une autre femme inspirée – dans Le pianiste blessé.


    « Au seul endroit qui compte. » Elle aurait pu rétorquer qu’il n’en était pas un seul qui compte sans lui, mais qu’avec lui, le lieu n’importait pas. Les lieux de leur histoire à deux, bien qu’ils puissent se compter sur les doigts d’une main, formaient pourtant un bucolique périple au cœur de la Marche. Et au-delà. Ses premières pensées allaient à l’évidente mine de fer, berceau de leur mystérieuse légende et de leur royaume fictif. Pourtant, non loin, s’étiraient aussi les rives du Verger, paisible cour d’eau qui avait tant cueilli le bonheur que les douleurs, amorçant le ciment et les fondations de cette désormais inséparable paire d’âmes éprises. Outre leurs respectives terres, à l’octroi bien trop récent pour qu’elles soient le théâtre de sublimes souvenirs, cette petite auberge, à deux pas du marché bourganiaud, qui avait vu naître leur complicité, enfoncés dans deux fauteuils, un verre de rouge à la main, aurait pu être leur refuge du soir. Avant leurs Majestés des Korrigans y était née une paire d’alcolytes refaisant le monde à la lueur d’un feu crépitant jusqu’au milieu de la nuit.

    Alors que les pensées de la Bretonne voyageaient de souvenirs en souvenirs, retraçant les étapes d’une douce année à apprendre à croire à nouveau en l’amour et au bonheur, Maïwen en profita pour la distancer de quelques longueurs. Qu’à cela ne tienne, Blondie ne s’en targuait que peu, mais elle était plutôt bonne cavalière. De celles qui aiment sentir le vent fouetter le grain d’une joue au le temps d’une folle course à bâtons rompus, jusqu’à en épuiser sa monture, la pousser au-delà de ses capacités, comme le ferait un pilote, quelques siècles plus tard, pour évaluer les capacités de son véhicule. La prise de la jeune femme sur les rênes de l’animal se serra et le talon vint frapper le flanc de Korc’hwezh. Nerveuse et endurante, la jument partit au quart de tour et ne tarda pas à dépasser Volpone et son cavalier. Le regard complice croisa furtivement celui du Maurroy avant qu’elle ne le dépasse, le défiant silencieusement à s’engager dans cette course effrénée.

    C’est le souffle court, les poumons grands ouverts et les cheveux en bataille que le couple avait ralenti, en plein cœur de la forêt marchoise, au terme de leur furieuse chevauchée. Les dernières lieues furent parcourues avec calme et concentration pour ne pas risquer l’accident sur ces sentiers cahoteux ; et bon sang, lorsqu’elle découvrit la clairière qui les attendait, il était évident que cela en valait le coup. (ndlr : cela vaut toujours le coup, avec Maïwen de Maurroy).

      « L’endroit est parfait. Vraiment parfait, hollgaret. Il se trouve que la frileuse que je suis dispose de la meilleure source de chauffage qui puisse être en sa compagnie. »


    Un sourire se dessina sous ses fossettes tandis qu’elle nouait la longe de l’andalou au tronc d’un hêtre effeuillé par l’hiver. Aussi frileuse soit-elle, elle aimait plus encore la liberté qu’offraient ces escapades en pleine campagne ; loin de la pression du Castel, de ses responsabilités et de l’effervescence des villes. Alors que le Chancelier énonçait son prénom et son nom d’un ton des plus solennels, elle cessa son entreprise pour lui faire face. Il n’était pas rare qu’il use de son nom complet et souvent cela se conjuguait à quelques mots doux. Pourtant, cette fois résonnait différemment. Son palpitant loupa probablement un battement tandis que son regard se posa sur l’être aimé. A mesure que les mots se suivirent, le sourire s'étira, jusqu'à se transformer en léger rire au compliment. Vint enfin la question fatidique. LA question. Celle que tant de femmes attendent, que d'autres redoutent. Elle est de celles-là. A cet instant, Les lèvres s'entrouvrent, mais aucun mot ne sait en sortir. Quelques instants s'étirent et c'est d'une voix peu assurée qu'elle finit par répondre.

      « Tu.. Maïwen.. Je.. Je t'aime. Infiniment. Plus que ma propre vie. Plus que.. Je n'envisage pas de passer le reste de ma vie sans toi. Je n'en serais pas capable. Plus capable. Mais.. Je.. Je ne suis pas sûre que... Maïwen. Je n'ai pas besoin de mariage, pour t'aimer jusqu'à la fin de cette éternité, et pour toutes les suivantes... »


    Elle est bien incapable, touchée à coeur, d'énoncer plus cohérent argumentaire, et sans doute prierait-elle la pénombre de dérober les larmes qui commencent à tapisser le fil de ses paupières du regard de Maurroy.

Quelques instants, alors qu'à nouveau, le silence se fit, le Vicomte resta genou au sol. Son anticipation s'était arrêtée à ce moment, au moment où il se voyait, devant elle, exposer par un diamant le symbole de leur union. Des symboles, il pourrait y en avoir bien d'autres, des plus justes, des plus adaptés. En prononçant ces mots, il s'était jeté dans l'inconnu, parce qu'il savait quelles étaient les craintes de l'Ar Moraer. Aussi, en se redressant, sans faire disparaître la petite boîte ouverte, il reprit la parole. Sa voix, habituellement si sûre, si posée, était teintée d'un tremblement inévitable en ce moment délicat.
    « Aelaïa. Je... j'ai beaucoup réfléchi, tu sais, avant de te poser ce jour cette question. Je sais que tu as peur. Je sais ce que tu as vécu. Moi non plus, je n'ai pas besoin du mariage pour t'aimer plus loin que le temps sera. C'est une envie, que je te livre, qui implique un grand saut dans l'inconnu. »

Lui avait sauté. A pied joint, et pour une fois dans sa vie, sans se poser la question des conséquences ; il avait fait acte de foi. Evidemment, qu'il devinerait sous la lumière de la lune que ce n'étaient pas les étoiles qui faisaient briller les yeux de la bretonne ; parce que ses yeux aussi à lui, brillaient, sous le coup de l'émotion bien trop forte pour être contenue. Néanmoins, dans son regard, ses yeux étaient plongés.
    « Je veux que les cieux et tous les astres sachent, Aelaïa Ar Moraer, que tu es mon épouse, et que je n'en désire nulle autre. Aujourd'hui... et à jamais. Ce sentiment sera toujours beaucoup plus fort que la peur que j'éprouve. »

Parce que lui aussi, avait son vécu.
      « Je n'ai pas.. seulement peur, Maïwen. Enfin. Si.. J'ai peur que cela gâche tout. J'ai peur de ne pas être faite pour cela. Que cela.. brise ce naturel qui s'est installé entre nous. Que les liens du mariage nous emprisonnent dans.. une sorte de bulle qui peut, en chaque instant, éclater, comme du verre. Et.. si je ne suis pas à la hauteur ? »

    Il savait à quel point le mariage était un sujet sensible et douloureux pour elle. Elle y avait cru, comme toute gamine rêve d'un jour épouser l'homme parfait. Elle y avait cru avec force et la chute en avait été d'autant plus rude. Elle avait goûté au bonheur de l'amour avant qu'on ne le lui arrache brutalement. Par deux fois. La laissant ainsi rongée par sa culpabilité de toujours tout foutre en l'air.

De sa main libre, Maïwen vint chercher une de celle d'Aelaïa.
    « C'est un risque que je suis prêt à courir. Parce que je me sens invincible, avec toi. Notre union est déjà... au-dessus de toutes mes espérances. Des tempêtes, nous en avons déjà affrontées. Nous les avons vaincues. Ensemble. Le mariage, Aelaïa, ne peut rien fragiliser. Il ne peut que renforcer. Et si, un jour, tout s'arrête... Sa voix se casse, un instant. Nous en serons les uniques responsables. Et pas les mots que nous aurions, devant tous ceux que nous choisirions, un jour prononcé. Mais je sais que ça n'arrivera pas... Parce que je ne veux que toi, Hollgaret. Et je ne voudrai plus jamais personne d'autres. »

A ces derniers mots, emplis d'une émotion qu'il ne put contenir, le vicomte se détourna doucement, pour fixer les étoiles.
      « Je veux me réveiller chaque matin à tes côtés, Maïwen. Jusqu'au dernier qu'il me sera donné de vivre, conjuguer le moindre de mes souvenirs aux tiens. Je veux pouvoir hurler au sommet des falaises de chaque terre que nous foulerons de nos pieds à quel point je t'aime. Que le monde tout entier sache que je suis tienne, par delà les tempêtes, sous le soleil ou dans les bourrasques. Les regards que je pose sur toi trahissent l'infinie tendresse de mes sentiments à ton égard. Bon sang, Majesté.. Avec toi, j'me sens invincible. J'me sens vivre. Revivre. Je redécouvre la définition du bonheur. Et elle rime avec ton prénom. Et pour cela.. avons-nous.. vraiment besoin d'un prêtre et de trois mots sur un papier pour l'attester ? Avons-nous besoin de l'aval d'un Dieu en lequel je.. Qui n'est pas mien, pour nous aimer ? »
    « Aelaïa. »

Malgré le tambourinement dans sa poitrine, il s'exprime d'une voix redevenue calme ; il s'agit presque d'un murmure.
    « Nous n'avons besoin de rien, pour nous aimer. Nous n'avons pas besoin d'un officiant, ni de Dieu, nous n'avons pas besoin des autres. Notre amour est acté dans les étoiles. Il est éternel. Si tu veux me dire "oui", ne le fais pas pour tout cela. Si tu veux me dire "non", ne le fait pas à cause de tout cela. Tu me demandais si tu étais à la hauteur... la question ne se pose même pas. Tu es ma Reine, tu es mon Âme Soeur. Tu l'es déjà, à la hauteur. Notre amour nous appartient. Nous n'avons pas à le prouver, à qui que ce soit. »

A nouveau, il se tourna vers elle, cherchant son regard.
    « Ne réponds que pour toi. Ne te demande pas si nous en avons besoin. Demande-toi si tu en as envie, et si cela mérite d'être célébré. C'est la seule question qui compte, Aelaïa Ar Moraer. »

    Et parce que le Maurroy sait, en chaque instant et en chaque occasion, trouver les mots. Et parce qu’elle ne sait pas lutter face à lui… En a-t-elle au moins envie ? Non.
      « La réponse est oui. Oui. Oui, je veux unir mon existence à la tienne pour la vie, et toutes celles qui suivront. Il ne peut être d'autres réponses que celle-ci. Parce qu'une vie sans toi, Maïwen de Maurroy, c'est comme une vie sans brioche. C'est fade, et dénué de sens. »

Il lâche un léger rire, non dénué de quelques larmes, la pression est trop grande. Appuyant délicatement son front contre le sien, il souffla.
    « Une vie sans toi ne vaut même pas la peine d'être vécue, Aelaïa Ar Moraer. Alors laisse-toi aller. Et essaie cette fichue bague. »

    Et le reste de cette nuit leur appartiendrait, à eux, et seulement à eux… sous le regard bienveillant des astres.


Ecrit à 10 doigts avec JD Maïwen, bien sûr !

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