Kathryn.brehnian a écrit:[nuit du 15 juin, campement de l'armée Thor Aïe]
Quel contraste entre la chaleur de la tente qui lui brûle le dos et la fraîcheur de la nuit qui lui glace le visage. Adeline hésite à se retourner, de peur d'avoir imaginé, d'avoir cru, d'avoir pensé, une seule seconde...
Derrière elle, elle les voit encore, si proches.
Et si elle avait encore trop bu ?
Ô temps, suspends ton vol.
Kathryn est dos à lentrée de la tente mais la culpabilité décuple ses instincts. Ou cest juste le courant dair qui a trahi larrivée dAdeline. Suivi de la voix trop familière dont la fausse neutralité est plus acérée quun hurlement.
Kathryn se redresse vite, trop vite, la tête lui tournant un instant et balbutie, la gorge sèche :
- Ad, attends, ce nest
Malheureusement, elle na pas le temps de sembrouiller dans ses explications qui ressembleraient plus ou moins à « Si, cest exactement ce que tu crois mais cela naurait pas été plus loin. Enfin il me semble. Tout est ma faute, il ny est pour rien. » Car, à ce moment, le vertige saccroit et elle se sent chuter sans rien pouvoir faire pour léviter.
Une dernière pensée lucide « Oh non, pas maintenant » puis cest le fondu au noir pour la Duchesse.
Frissonnant lors de ce chaste baiser empli de tendresse que Kathryn venait de déposer à la commissure de ses lèvres, le Prince neut même pas vraiment le temps de réaliser ce qui venait de se passer quAdeline entra dans la tente. Prenant alors conscience de leurs positions respectives, et reprenant quelque peu ses esprits, il faut bien le dire, Julien eut furieusement envie de se lever pour se taper la tête contre le montant du mat de la tente.
Mais à défaut, son regard passa dune cousine à lautre pendant quelques trèèèèès longues secondes, impossible de dire quoi que ce soit.
Alors quil ouvrit la bouche comme une carpe, il remarqua que Kathryn semblait tourner de lil. Il se précipita pour la rattraper et se retrouva face à Adeline, tenant Kathryn dans ses bras.
- euh.... Liline, ce nest pas ce que tu crois. Même si ça lest. fin je sais pas ce que tu crois en fait.
Finalement, c'était peut être plus simple de se dire et croire qu'Adeline avait décidément trop bu encore ce soir. Que son imagination lui jouait des tours et qu'elle avait cru voir ce qu'elle avait parfaitement vu.
Son esprit sautait d'une remarque à une autre, jouant dangereusement avec ses nerfs et son estomac.
Parce que forcement... celui là se réveillait maintenant !
Comme si c'était le moment !
Regardant Kathryn, inquiet, toujours dans ses bras et sadressant de nouveau à Adeline, Julien demanda :
- cest normal quelle soit toute molle?
Julien face à elle, le regard de la marquise allait et venait entre le prince portant dans ses bras sa cousine inconsciente, et sa cousine, dans les bras du Prince.
Le Prince, sa cousine, sa cousine, le Prince.
Dans ses bras ?
Sérieusement ?
Elle n'avait pas trouvé mieux comme excuse ?
Levant les yeux au ciel tellement ses propres propos étaient débiles, tout en lui permettant de conserver une certaine contenance, Julien porta Kathryn telle une jeune mariée pour la déposer sur son lit.
Suivant toujours du regard la scène, le Prince, sa cousine dans ses bras, et les deux s'approchant du lit, Adeline secoua la tête en s'approchant à son tour, tout en se disant quand même, que sa cousine aurait pu trouver autre chose que le coup de la panne...
- Liliiiine! Cest toi la médecin ici. Moi à part lui mettre une paire de claques et lui jeter un seau deau, je ne vais pas être très utile. Aller, hop hop hop!!!
Une paire de claque...
Un sourire machiavélique se dessina sur le visage d'Adeline songeant qu'elle n'allait peut etre pas exclure totalement cette option
Une paire de claque...
Ou peut être deux même.
Juste a des fins médicales bien-entendu !
- Apporte moi un peu de calva et de l'eau fraîche ! finit-elle enfin par lâcher, la voix légèrement éraillée.
- Kate réveille toi ! Tu m'entend ? Ouvre les yeux maintenant.
Et si elle s'était promis de ne plus jamais exercer la médecine, l'ex-doyenne de la Faculté de l'Hotel-Dieu retrouvait bien malgré elle ses vieux réflexe, cherchant un battement de cur, une respiration, un signe quelconque responsable du malaise.
Hein? Du calva? Non mais faut pas gâcher non plus! Quoi que, c'est pour la bonne cause comme on dit. Et Kathryn en était une particulièrement bonne. De cause, voyons, bande de malappris avec un esprit mal placé!!!!
S'exécutant, le Prince attrapa la bouteille qu'ils avaient d'ailleurs déjà attaqué, en pris une bonne rasade et la tendit à Adeline.
Attrapant la bouteille de Calva qu'il venait de rapporter, Adeline porta le goulot à sa bouche et avala, une, puis deux, puis trois, quatre, cinq, bonne gorgée avant de reposer la bouteille à côté de la bassine. Si vous pensiez que le calva était pour la malade, c'est raté !
Mais le médecin, lui, en avait bien besoin pour canaliser ses pulsions et garder la tête froide.
Ou pas....
Il fila ensuite chercher une bassine d'eau et revint en courant avec, la déposant à côté d'Adeline.
Se mettant à genoux à côté du lit, il attrapa la main de Kat et murmura :
- Fais pas l'imbécile Kat, réveille toi. J'ai déjà perdu deux épouses, je ne résisterai pas cette fois en perdant l'une de vous deux.
[i]Ah? Tiens ça bascule sur du tutoiement tout d'un coup. A croire qu'il était vraiment inquiet pour en oublier leur vouvoiement habituel.
Adeline plongea alors machinalement un linge dans la bassine d'eau, non sans jeter une illade vers Julien lorsque ce dernier prit la main de Kate.
« Ne dit rien
. Ne répond pas
Cest normal
Cest-tout-a-fait-normal
il est inquiet
Et toi aussi.
Mais-quand-même ! » Se répétait, intérieurement la marquise tout en poursuivant son examen.
Relevant la tête vers Adeline, attrapant aussi sa main, il s'adressa à elle.[/i]
- Elle n'a rien de grave? tu vas nous la ramener? tu ne me fais jamais ce coup là toi non plus!!!
Surprise par le contact de Julien, Adeline lâcha le linge qui sécrasa, gorgé d'eau, sur le visage de l'inconsciente, l'inondant presque. Si être prêt de mourir noyée-étouffée ne la réveillait pas, cela aurait au moins le mérite de la rafraîchir.
-Euh.. Je ne sais pas... Elle a bu ou mangé quelque chose avant de s'évanouir ? Demanda-t-elle en se retenant quand même de lui demander ce qu'ils avaient fait tous les deux dans cette tente avant qu'elle n'arrive.
"Allez Kate... réveille toi que je puisse t'étriper..." Pensa-t-elle intérieurement en essuyant doucement le visage de sa cousine avec le linge humide, tout en songeant, de plus en plus à lui mettre quelque claque.
Ahhhh la bonne vieille méthode des claques !
Apres tout.... pourquoi ne pas joindre l'utile a l'agréable ?
-Kate ! Ouvre les yeux.
Tant pis... Elle l'aurait voulu.
-Bon... et bien je crois que je n'ai pas vraiment le choix.
A la guerre comme à la guerre... Tous les coups sont permis ! La marquise leva alors légèrement la main, prête à commettre l'irréparable.
Ou comment comprendre tous les sens du mot malaise en une nuit
Revenons donc là où cela reprend pour Kathryn.
Un déclic soudain, et comme une sensation d'humidité, une vague pression autour de l'une de ses mains alors que tout son corps qui semble lourd même si elle en regagne peu à peu le contrôle.
Les paupières sont pesantes mais elle parvient - péniblement - à les soulever.
Entre la pénombre de la tente et la scène assez surréaliste qu'elle a devant les yeux, Kathryn referme les yeux, profondément convaincue qu'elle est encore endormie, évanouie ou qu'il s'agit là d'une hallucination. C'est au final plus crédible que la réalité.
Elle respire, toujours allongée, tentant de réunir les bribes d'informations. Un malaise
c'était bien sa veine. Pas comme si elle était coutumière du fait. Cela ne lui arrivait quasiment jamais, la dernière fois c'était pendant
bref, c'était il y a bien longtemps. Et puis, où est-elle allongée ? La question est rhétorique, les options ne sont pas si nombreuses. Comment est-elle arrivée là en revanche ? Et pourquoi est-elle trempée ? Trop d'interrogations et de doutes dans son cerveau encore léthargique. Mais une certitude néanmoins, celle qu'elle est dans de beaux draps. Pas littéralement bien sûr, même si, bien que partiellement mouillé, elle est rassurée de sentir le poids du tissus épais de sa robe contre sa peau. Il ne manquait plus qu'un examen en règle et elle, en petite tenue, pour parachever le sentiment d'humiliation. Elle cligne de nouveau les yeux, pour confirmer ce qu'elle a brièvement capté la première fois. Oui, c'est bien cela, une main beaucoup trop proche de son visage à son propre gout. Mais qu'elle n'aurait probablement pas volé.
A propos de main
qui tient la sienne ?
- Je vais bien
ne vous en faites pas, articule t-elle sans conviction, les yeux toujours fermés. Sur l'instant, elle considère très sérieusement la possibilité de ne plus jamais croiser leur regard, ni à l'un ni à l'autre.
Gwenn lui avait pourtant dit d'aller se coucher directement. Non pas que celle-ci savait ce que Kathryn avait en tête, mais tout de même, quand on en vient à regretter de ne pas avoir écouté les conseils de Gwenn, c'est que vraiment la soirée a mal tourné.
Et clac !
Trop tard...
Prise dans son élan, la main de la marquise venait de partir toute seule avant de sécraser - avec délicatesse, quand même - sur la joue délicate de la traitr... duchesse !
-Oup's ! Désolée....
"Menteuse !" Lui cria alors sa petite voix intérieure.
Le Prince regarda la scène comme si elle se déroulait au ralenti. Il se réveilla en entendant le bruit bien sonore de la claque. Il ne put que grimacer en constatant que cétait la main où Adeline portait la bague quil lui avait offert. Certes ce nétait pas une arme à proprement parler, mais ce nétait pas non plus une babiole. De là à voir lincrustation des petites pierres sur la joue de la duchesse de Normandie... il ny avait quun pas.
Adeline remit ensuite délicatement le linge humide sur le front de sa cousine.
- "Je vais bien... Je vais bien..." Tu viens de tétaler comme une carpette, mais tu vas bien. A d'autres hein...
Kathryn se massa instinctivement la joue, sonnée par la gifle, et encore embrumée du malaise et de l'alcool absorbé. Même si elle sait l'avoir mérité, cela fait tout de même mal. Elle s'épargna une tentative de réponse laborieuse qui confronterait leurs mauvaises fois respectives. Etrangement, comme l'impression que tout ce qu'elle dira sera retenu contre elle.
Adeline adressa un sourire qui se voulait rassurant vers Julien avant de lui demander doucement.
-Julien ? Est ce que tu pourrais m'apporter un verre d'eau, et... si tu as... Un peu de soupe aussi.
- De la soupe? Non mais je ne suis pas si vieux que ça non plus. Jai encore mes dents et en bon état! De la soupe. Non mais je ten ficherai de la soupe.
Se levant, il sortit en grommelant de la tente et rapporta finalement opportunément de la soupe... et de leau quil tendit à Adeline
Puis attrapant la bouteille de calva, jamais bien loin, la marquise avala quelques rasade avant de se tourner vers la malade-mouillée-réveillée.
- Ouvre les yeux Kate.
Et comme c'est demandé si gentiment, Kathryn finit par sexécuter, et se redresse sur le lit de camp tant bien que mal tout en déplaçant le chiffon humide de son front à sa joue.
- Tu as toujours le vertige ?
- ...
- Tu as mal quelque part ?
- ...
- Tu as des nausées ?
- ...
- Tu as mangé quelque chose aujourd'hui ?
-...
- Tu n'as pas abusé de cidre ou calva ?
...
-Tu n'es pas enceinte par hasard ?
...
Et son regard d'Adeline de glisser en coin entre la malade et le Prince...
Puis au Prince de regarder la Marquise puis la Duchesse, et vive versa sans vraiment imprimer les derniers propos ni sans en mesurer tous les tenants et les aboutissants.
Quant à Kathryn, elle a laissé la litanie de questions se tarir, ne réagissant presque pas à la dernière, presque attendue, et ce en dépit de la colère qui la gagne malgré elle. Un instant de fugace compassion pour Julien qui la ferait presque douter et puis un simple mot.
- Oui.
Alors celle là... celle là...
Celle là, elle ne l'avait pas vu venir.
Un retour de manivelle comme on les aime, et pouf ! Une marquise qui tombe le séant par terre, la bouche ouverte, comme une gargouille assis sur le toit d'une église.
"Non ! Elle n'a pas fait ça quand même ?"
"Si si ! Elle l'a fait !"
"Mais non, pas lui, pas elle !"
"Si si ! C'est flagrant quand même !"
Lui martelait la petite voix intérieur tandis que le regard d'Adeline allait de Kate à Julien, puis de Julien à Kate, et de re-Kate à re-Julien cherchant quelque part sur leur front une réponse à ses questions.
Le regard gris de Kathryn s'égare lui aussi un instant la direction du Prince. Puis revient se planter dans les prunelles de l'ainée Courcy, assorti d'un infime haussement de sourcil. Le silence est un art familial quand il faut aborder les sujets qui fâchent, même si Adeline le maitrise mieux qu'elle. En toute honnêteté, elle préfère jeter des pavés dans les marres et recoller les morceaux ensuite.
Mais leur échange, tout silencieux qu'il soit, n'en est pas moins lourd de sens et complètement opaque pour le commun des mortels, ou juste pour le principal intéressé.
écrit par les 6 mains et 3 cerveaux des jd Adeline, Julien et Kathryn