Elle accuse le coup encore une fois. Même si elle le fait de plus en plus mal. Blêmissant à mesure des paroles de son fils. Culpabilisant encore plus qu'il ait été si malheureux par sa faute.
La jeune femme lui porte un regard interrogateur. Sans nom ?
Tu as un nom... mais je ne sais si le dire serait de bon augure.
Forme de résignation qui s'installe, comme si tout était malgré tout inscrit dans les gènes de l'enfant, qu'il ne pouvait y échapper quoi qu'elle y fasse. Elle se penche à son oreille et lui murmure le nom, avant de reculer à nouveau, scrutant levisage de son fils.
Alors qu'il s'imprègne d'un simple nom, elle croise son regard. Déjà si frappant. Qui la troublait chaque fois. Clair et pourtant elle savait qu'avec l'âge viendrait cette sévérité et ce côté si intimidant... Le regard de son père. Le croiser était presque douloureux, ne pas le croiser avait quelque chose d'insupportable. Un court instant elle se laisse aller mais sentant elle une violente montée lacrymale, elle s'ébroue et se relève.
Sans un mot, elle saisit au col le chiot assis au pied du lit et sort de la pièce en fermant la porte. Lançant à l'enfant l'ordre de ne pas bouger.
Dans la pièce à vivre elle croise le regard de Berthilde. Etonnée la nourrice ne pipe pas mot en la regardant sortir dans l'arrière cour.
Là elle enferme le chiot dans la réserve, lui balançant un os à rogner pour qu'il la ferme. Puis elle rejoint sa monture que Berthilde n'a pas dessellée.
A l'arrière de la selle, un panier ni gros ni petit. Sans intérêt quelconque. Mis au sol et ouvert il met au jour un sac remuant. La jeune femme dont le visage est maintenant éclairé d'une pâle froideur enfile ses gants de cuir, le regard vague sur le sac. Elle s'accroupit pour délacer le cordon qui le maintien fermé, avec soin et lenteur. La main leste et ferme, elle se saisit de ce qu'il contient. Un chiot, quasiment identique à celui de son fils. De la même portée, il n'avait pas eu la chance d'avoir maître généreux ou aimant. Mordu par un renard il avait été infecté par sinistre maladie. L'oeil injecté de sang, écume aux babines, il tente de la mordre, mais les mâchoires claquent dans le vide.
Au fond du panier, une chaîne, qu'elle lui passe autour du cou, avant de le tirer au fond de la cour et de l'attacher à un piquet.
Ce sera jour funeste. Jour d'apprentissage. Après les leçons de choses, le fourmilion passe aux leçons de vie.
Elle retourne dans la maison, ôte ses gants qu'elle pose sur la table avant de s'asseoir.
Berthilde, pourriez vous me servir à boire je vous prie ? Et après allez chercher mon fils dans sa chambre...
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