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[RP] Un sanglot rôde et court par-delà l’horizon

Matalena
Son Infâme Grandeur lui avait confié la tâche de mener la lance. Mission qui nécessitait qu'elle prit une certaine avance sur le groupe, surveille le terrain, les alentours, vigilance en alerte. Peut-être la noble avait-elle lu, chez la réformé, un besoin de solitude. Peut-être avait-elle souhaité la valoriser en la laissant exécuter un rôle que le basque aurait sans doute été plus à même de remplir. Flattée par la délicatesse de cette attention, la jeune femme s'appliquait au mieux, tous les sens en alerte, tandis que ses pensées filaient sur des cours bien moins précis. Une nébuleuse où se croisaient des regards , des brides de mots, et la douleur insidieuse d'une piqure d'aiguille. Elle agitait alors le bras à leur attention, leur faisant signe d'avancer tout en piquant des deux pour conserver la distance intacte. De loin, ne parvenait à son oreille que le ronflement des sabots sur les chemins. Pas de bruits, pas de voix... Juste le silence...

Decombes l'avait relevée vers le milieu de la nuit, deux heures après que la Lune ait atteint son paroxysme. Elle s'était étendue sur le dos, raide et droite aux côtés de son épée... Puis s'était endormie, les genoux prêts du corps, les bras repliés, comme aux premiers temps de sa vie. L'aube était si proche qu'on pouvait observer les visages détendus des dormeurs qui, débarrassés des masques humains que l'on aime à porter, révélaient les natures des êtres, reflets de leurs pensées. Ceux de femmes blessées qui se voilaient de grandeurs, et d'hommes endurcis par de nombreuses épreuves. Entrouvrant les yeux dans un demi-sommeil, la réformée soupira, desserrant les lèvres.




L'homme se levait doucement, semblant glisser sur le sol tel un reptile, tandis qu'elle restait immobile, figée par la terreur telle une victime espérant se changer en pierre. Lorsqu'il fut tout proche, ses doigts écartèrent les pans de sa chemise, laissant sa peau à nue, pour venir caresser sa hanche. Le battement sourd de son cœur lui noyait les oreilles d'un martellement puissant. La main se fit plus affirmée, empoignant la taille pour la retourner sur le côté, à la fois terrible et sensuelle, lui arrachant un cri entre douleur et plaisir. Il se pencha, comme pour lui voler un baiser, lorsque son bras sembla soudain se couvrir de métal, une pièce d'armure bardée de lames qui, en appuyant contre son corps, déchiquetèrent la peau en des gerbes de sang, libérant de fumantes entrailles sur le sol asséché.


L'estomac au bord des lèvres, la Languedocienne se leva d'un bond, les cheveux en désordre, front en sueur et joues écarlates. Personne ne bougeait. Pas un chat aux environs.
Soulagée, elle reprit peu à peu son souffle, s'éventant les joues pour essayer de calmer la fièvre. Prendre l'air. S'éloigner. Maintenant.
Après un regard à ses camarades, la brune quitta le campement en direction de la forêt toute proche. Les réformés ne pratiquent certes pas la confession, mais possèdent l'avantage de pouvoir s'adresser à Deos n'importe où... Et s'il y avait une personne au monde à qui la femme souhait parler en cet instant, c'était bien lui.

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Iban
Le Basque, encore assoupi, souffla plusieurs fois de ses narines. Sa lèvre supérieure le chatouillait désagréablement. Il finit par ouvrir les yeux. Un petit coléoptère aventureux explorait sans se soucier du danger le pourtour du vaste promontoire nasal du Gascon. D’un vif revers de poignet, Etxegorry envoya voltiger l’imprudent voyageur dans les feuilles mortes et se hissa sur son fondement. Assis, il commença par étirer son dos endolori par cette nuit passée sur la dure.

Le soleil était à peine levé et seuls quelques de ses rayons parvenaient à transpercer la fine couche des feuillages bourgeonnants des vignes au bord desquelles les quatre voyageurs avaient installé leur bivouac. Le pâle éclat de la lune ne s’était pas encore dissipé totalement et quelques étoiles s’acharnaient encore à briller avant que l’éclat brûlant de leur énorme sœur n’occulte bel et bien leur lumière. Jetant un coup d’œil au reste des dormeurs, Etxegorry ne mit pas bien longtemps à s’apercevoir que l’un d’eux était déjà levé. Matalena avait quitté l’épaisse cape qui lui servait de couche. Sans doute s’était-elle isolée pour soulager quelque besoin des plus naturels, à moins qu’elle ne se fut déjà mis en quête d’un peu de bois sec pour raviver le feu qui leur servirait à se réchauffer et à se nourrir avant qu’ils ne reprennent la route.

Iban se leva pour de bon et entreprit d’aller chercher lui aussi quelque branches mortes pour nourrir les braises mourantes. Il avait ramassé un bon fagot déjà lorsqu’il aperçut entre deux jeunes arbres la silhouette agenouillée de son compagnon de voyage. Il esquissa un sourire. Matalena Ladivèze portait en elle quelque chose qui relevait du mystère pour le Basque. Ce dernier avait bien du mal à concevoir que la jeune femme, dont il avait pu estimer la bravoure au soir de l’Affaire Valier et dont il connaissait l’intelligence, se montrât si crédule quant aux bobards angéliques des bons pasteurs et de leur clique d’illuminés. Il l’observa en silence et attendit avec amusement qu’elle se relève.


« Quel tableau touchant vous m’offrez ce matin, Matalena. Un peu plus, et je pensais vous voir vous élever e extase vers les cieux… » l’apostropha-t-il lorsqu’elle se fut retournée en direction du campement.

Il s’appuyait nonchalamment sur le tronc d’un arbre, branches entre ses bras croisés, le sarcasme au visage.

« Le Très-Haut vous a-t-il informé des nouvelles du Royaume ? Tout le monde se porte-t-il bien en la Cour Céleste ? »

Connaissant la réputation de la jeune femme, il ne put qu’ajouter, sachant qu’il perçait là un côté vulnérable :

« A coup sur, Il a de grands desseins pour vous : chasser les Anglois ne suffisait point, voila qu’il nous envoie la pucelle de Montauban pour bouter les mécréants hors du royaume de France. »

Et il se prit à rire d’une voix claire qui brisa en mille éclats le calme du sous-bois en cette fraîche matinée de mars.
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Matalena
Au fur et à mesure que la chevauchée les éloignait du manteau protecteur de la Guyenne, les arbres se faisaient plus grands, leurs branches lointaines et leurs feuilles claires, transparentes comme le jour. Ils pointaient vers les hauteurs tels de délicats esquifs s'avançant à la conquête du ciel, et leurs bois fragiles à la structure aérée n'avait rien de ces saules compactes et grandioses qui ceinturaient leur cité. Sous ses genoux, une mousse moelleuse et vivace grouillait d'une vie minuscule dont le balais semblait obéir à ses lois propres, obscures au genre humain. Agenouillée là, la jeune femme semblait coupée du monde aussi surement que si elle n'avait pas été présente.
Si le basque semblait considérer comme une mission personnelle de se montrer irrévérencieux s'agissant de religion, il patienta tout de même, discret paradoxe. Sans se troubler de sa présence, la jeune femme conserva sa stature sculpturale, les mains à demi-ouvertes vers le haut, les yeux clos. A cet instant, elle faisait montre d'un abandon qui ne lui était rien moins que coutumier, son visage laissant transparaitre tout un panel d'émotions qui s'exprimaient librement, fortes et nues, gravées successivement par un artiste fou désireux d'en saisir l'essence. Alors que ses lèvres se mouvaient en silence, récitant quelque prière choisie, ses traits figés par une indicible angoisse, une terreur d'enfant, semblèrent se détendre, réchauffés et suaves comme une cire dorée.
De profúndis clamávi ad te, Domine : Dómine, exáudi vocem meam... *
En rouvrant sur le monde ses yeux abyssaux, elle posa sur l'impudent un regard acéré tel une lame. Ses lèvres s'étirèrent en un sourire rayonnant, un éclair de pure candeur comme si l'homme, en curieux venu assister à un instant de communion avec Deos, avait reçu le droit d'apercevoir un moment d'allégresse. Puis elle se releva, éteignant le flamboiement par sa froideur coutumière.


Gardez-vous de juger ce que vous ne pouvez comprendre, Etxegorry.

Elle prononça son nom avec difficultés, détachant les syllabes les unes des autres comme on décortique un met inconnu pour en détailler la composition. Débarrassant ses braies des quelques traces de végétation qui s'y étaient logées, la plaisanterie lui arracha un sourire, sarcastique et moqueur. Plus qu'un verre de rouge, il fallait au basque sa dose de dérision pour bien commencer sa journée. La trouver en pleine prière était une aubaine dont la réformée s'assurerait à l'avenir qu'elle ne se présente plus.
Attendant qu'il termine sa tirade et n'éclate d'un rire qui n'avait de sincère que la cruauté dont il souhaitait faire montre, la jeune femme demeura sereine, semblant même le considérer avec pitié. Il rit, et elle franchit les quelques mètres qui l'éloignaient de l'arbre auquel il était adossé.


Si vous passiez moins de temps à vous rouler dans la fange et le stupre pour tenter de donner un sens à votre existence vaine, et davantage à observer, vous vous seriez aperçu depuis longtemps que nous ne sommes pas si différents :

Ne se targuait-il pas, après tout, de pouvoir percer la véritable nature des êtres qui peuplaient son quotidien tout en leur dissimulant la noirceur de son âme ? D'un geste, sa main se porta à sa cuisse d'où elle retira une dague... Pour venir la planter dans l'arbre, tout à côté de l'épaule de son interlocuteur. La vivacité et la précision placées dans un geste hautement provocateur avaient sans doute valeur de démonstration, parmi les nombreux sens qu'on eut pu donner à l'acte.

Vous êtes seul, et personne ne vous aime.



*Des profondeurs, je crie vers Toi, Seigneur ; Seigneur, Écoute mon appel !
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Iban
Le Basque tressauta lorsque la lame vint se planter au niveau de sa tête dans le tronc de l’arbre voisin. Il ne s’attendait pas à un avertissement gestuel si explicite de la part de la jeune femme. Son laïus quant à lui l’avait fait doucement, et sceptiquement, sourire.

« C’est bien… Je vois que faute de mépriser les idées religieuses abracadabrantes dont votre cerveau semble tout engourdi, vous n’en affrontez pas moins le triste lot commun de notre humanité. Hé non ! Vous n’avez point d’amis, tout comme moi… tout comme tout un chacun, en somme. Allons, si, vous en avez peut-être quelques uns tout de même. Quelques joyeux Montalbanais, qui sais ? Et des vaillants encore ! Je suis bien sûr que beaucoup pensent à vous en ce moment… »


Il la toisa un instant, un sourire cynique et légèrement méprisant aux lèvres.

« Je suis sur ce point bien d’accord avec vous, pauvre Matalena, on ne vous a jamais aimé que par intérêt. Tenez, n’avez-vous donc jamais essayé de contredire un de ceux qui se prétendent vos amis ? Je suis bien sur que si vous avez déjà tenté la chose, il vous est apparu soudainement bien froid. A moins qu’il n’ait jugé bon de faire bonne figure, escomptant récolter plus tard les fruits de son amicale persévérance. »


Il retira avec désinvolture le poignard du tronc et le lui tendit.


« Il n’est que l’intérêt ou la bêtise pour motiver les actions de l’homme. Vos dévots compagnons de prière sont en cela plus coupables que les autres, car ils n’agissent que dans le but pitoyablement mesquin de récolter quelques brevets de piété supplémentaires pour assurer leur entrée en d’imaginaires cieux. Et je m’étonne qu’une jeune femme, que dis-je, qu’une fille, intelligente comme vous paraissez l’être se tourne vers le ciel pour y chercher un semblant d’affection.»


Quittant l’arbre qui lui servait jusqu’ici de dossier, il se tint droit puis, joignant les mains et levant les yeux au ciel, imita d’une façon grotesque la gestuelle de quelque statue pieuse. Quittant après un court instant sa caricature, il poursuivit sur un ton calme et assuré :

« Croyez-moi, je comprends tout à fait ce que tant se plaisent à appeler les « mystères » de la Foi. Une habile série de contes destinée à asservir les gens trop crédules. Mais c’est vous qui vous trompez : je ne cherche nullement à donner un sens à ma vie. Comment le pourrai-je en effet, étant bien convaincu qu’elle n’en a aucun ? Et c’est pour cela même que je prends mes plaisirs. »


Il l’envisagea longuement et lui lança enfin cet indescriptible sourire qui le rendait si odieux.

« Mais que peut bien vous évoquer tout cela vous qui ignorez tout de ces plaisirs si doux… »
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Matalena
[«  S'ils avaient appliqué le Livre des Vertus et ce qui est descendu sur eux de la part de l'Unique, ils auraient certainement joui de ce qui est au-dessus d'eux et de ce qui est sous leurs pieds. »]


Mille options se bousculaient dans sa tête en cet instant. L'envie dévorante de lui coller sa main en pleine face faisait blanchir les jointures de ses doigts, contractés et étirés comme des serres prêtes à déchiqueter l'irrévérencieux qui se plaisait à imiter la posture de prière. Entre deux inspirations, elle ferma les yeux quelques secondes de plus que nécessaire, cherchant à retrouver les réponses que Deos avait placées en son cœur pour faire face à cette situation. Lui qui avait su la trouver lors qu'elle était au fond du gouffre, lui montrer une voie pleine de Vérité, lui offrir la foi inconditionnelle d'un Créateur pour son enfant, et qu'elle tentait de lui rendre au mieux, pleine d'imperfections et de doutes, mais jamais de doutes envers Lui.
Le basque ne pouvait pas, ne voulait pas comprendre, préférant jeter sur elle et ses croyances le discrédit de la sotte crédulité, tendant des pièges dans ses mots assassins pour la mieux piétiner une fois à terre. Il était homme à bien connaitre ses semblables et leurs mœurs ; pensait-il sincèrement qu'elle ne pouvait se faire mignonner la louvière par le premier vilain venu si elle en avait eu le souhait ? Non, cela ne tenait pas debout. Alors que cherchait-il ?


" Et l'Unique l'a décidé : Le plaisir est le souverain bien. Il nous aidera à fuir la douleur. Et l'Homme dès sa naissance sera en quête du plaisir."

Récita-t-elle d'une voix pleine de respect pour Sa parole.

Deos n'interdit en rien l'amour charnel. Ne pas m'y adonner est un choix, et non le reflet de la volonté divine, comme nombre de mes actes. Je serai bien prétentieuse de penser répondre à Ses attentes par mon quotidien.

Mais sans doute était-il plus simple, pour tout un chacun, de penser que la jeune femme s'imposait une vie ascétique et stricte pour répondre à de sombres préceptes religieux plutôt que d'envisager d'autres possibilités. Elle sourit à demi, de compassion pour lui, de dérision pour elle, face à une interprétation qu'elle n'avait jamais cherchée à démonter. Il lui tendit sa dague qui retrouva sa place sur sa jambe, avant de la fixer avec tout le mépris dont il était capable, ses yeux au bleu trouble rendus pétillants par l'excitation anticipée de la souffrance.
Tendant les mains en avant, paumes ouvertes, pacifiées de toute présence d'arme, la jeune femme le saisit par les poignets, sans forcer, emprisonnant ses bras l'espace d'un instant. Il n'écoutait pas, et n'entendait dans ses propos que ce qui sonnait suffisamment à son oreille pour être contrecarré d'une habile torsion de langage. Ce débat n'était qu'un inutile jeu de dupe, un passe-temps. Une chanson qu'elle avait entendue, il y a longtemps de cela, et dont elle s'était lassée.


Ce n'est pas parce que vous ne croyez pas en Lui qu'Il ne croit pas en vous. J'espère que vous trouverez de meilleures réponses avant que le peu d'esprit qui vous reste se fut noyé dans vos divertissements orgiaques.
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Iban
Aux derniers mots de la jeune femme, les traits du Basques se détendirent soudainement. Les paroles de Matalena semblaient l’avoir plongé dans un bain salvateur de perplexité et de questionnement. La métamorphose fut soudaine et spectaculaire. Ses mains qui s’étaient crispées lorsque la jeune femme avait touché ses poignets se relâchèrent en signe de sa docile capitulation. Son regard sombre jusqu’ici fut brusquement empreint d’une douceur que peu de femmes avaient jamais eu l’occasion de contempler. Sa moue cynique laissa place à un sourire bienveillant et lumineux.

Il tomba à genoux, bras ouverts, comme si quelque invisible ennemi venait de plonger une lame ardente en son sein. Lentement il se courba jusqu’à ce que ces longs cheveux touchât presque le parterre humide de feuilles mortes.

« Pardonnez-moi » murmura-t-il en un souffle rauque.

Il releva la tête. La jeune femme était restée immobile, hésitante et embarrassée par cette conversion des plus soudaines et sans aucun doute des plus inattendue.


« Pardonnez-moi, Matalena » répéta-t-il avec plus de véhémence.

En un élan plein de douceur, il passa subrepticement ses bras autour des jambes de la Ladivèze et posa son front sur son ventre qu’il sentit palpitant.


« Initiez-moi à ces mystères que les croyants professent. », continua-t-il doucement.

Son ton changea alors aussi soudainement qu’il s’était adouci.


« S’il s’avèrent trop ennuyeux, je pourrai toujours vous en faire partager d’autres… »


Etait-il besoin de relever vers elle son odieux sourire ? Sa comédie n’était que trop claire à présent. Le Basque était néanmoins fier de son habile prestation. L’ardent néophyte se contenta de poursuivre avec un peu plus de zèle ses marques de dévotions en posant ses lèvres sur ce ventre tremblant de désirs.

Qui mieux que le Tentateur sait apparaître sous des dehors angéliques ?

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Matalena
Ainsi s'adapte le rampant qui, constatant l'échec d'une première attaque, revêt l'apparence de l'innocence pour se mieux rapprocher. La réformée accorda-t-elle foi à cette comédie ? L'acteur avait-il su jouer avec brio un rôle dont il ne percevait que la caricature ? Son visage indéchiffrable, éclairé du seul flamboiement de son regard, se figea de stupéfaction lorsque l'homme se plaqua contre ses jambes, tout son être cabré comme pour parer une attaque imminente, mais point assez prompt à réagir. Car c'était bien de cela qu'il s'agissait, malgré l'image de couple amoureux qu'on aurait pu leur prêter en observant la pose. Rien n'aurait pu être plus éloigné de la réalité en cet instant. A travers leurs corps enlacés semblait se cristalliser la lutte de deux âmes, archétypes dérisoires et mortels de la vertu face à une perversion dénuée d'humanité, la souillure pour compagne. Entendait-elle seulement les perfidies qu'il susurrait, alors que la chaleur de son souffle courait sur ses hanches comme un feu démonial ? Frémissante entre ses mains, elle manqua une seconde, fermant les yeux à demi pour exhaler un soupir muet entre ses lèvres entrouvertes.
Son baiser avait l'expertise de ceux qui, pour avoir connu nombre de femmes, savent s'adapter aux désirs de chacune et interpréter ces infimes signes que sème la gente féminine lorsqu'elle souhaite être portée vers les sommets des plaisirs charnels. Elle sentait sa poigne ferme et puissante l'enserrer, électrisant sa peau à travers le tissu de sa tunique. L'efficacité du travail bien fait sans l'ivresse de l'art.
Relâchant le pommeau de l'épée sur laquelle ils s'étaient abattus, la languedocienne glissa ses doigts dans l'épaisse chevelure du basque pour l'empoigner, comme la tacite reddition d'une volonté fléchissant qui traduit en faits ce que le désir réclame en pensées. Elle tira sur sa prise pour lui faire relever la tête, avec cette violence amère de celle qui se sait vaincue, et se pencha vers lui. Face aux yeux bleus glacés, son visage d'enfant se troublait d'un mélange de terreur et d'avidité... A quelques centimètres de ses lèvres, elle susurra d'une voix rauque et suave où le dédain perçait comme une lame :


Il n'est rien de suffisant en vous pour me satisfaire, baiseur de putains.

Avant que son corps, réactif et élastique, ne se cambre en arrière pour venir encastrer son genou sous la mâchoire virile qu'elle s'apprêtait à embrasser. Donner à l'adversaire ce qu'il attend pour savoir le briser : une arme qu'il venait de lui enseigner.
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Iban
Le coup avait été dur et précis. Le Basque demeura plié en deux, la mâchoire plongé dans son coude. Sa lèvre inférieure saignait abondamment. La violence inattendue de la garce venait d’embraser en un instant d’une sourde colère son esprit prompt à s’échauffer. Recroquevillé sur le sol, il tira profit du moment d’apparente faiblesse que lui donnait le simulacre d’une insupportable douleur, et retira à l’abri du regard de la jeune femme son gant gauche, mettant ainsi à nu ses deux griffes de métal. Alors, en rugissement hargneux, le félin embrassa brutalement les deux chevilles de la belle et les tira d’un coup sec de sorte qu’elle tomba elle-aussi sur le sol. Puis, se jetant sur son adversaire surpris, il se saisit de son couteau et le jeta au loin sur le parterre de feuilles humides avant d’empoigner sa victime à la gorge de sa main valide tandis que ses deux griffes vinrent menacer sa joue vermeille. Approchant alors sa lèvre sanglante de son oreille, il lui siffla à l’oreille :

« Je crains que vous ne m’ayez confondu avec un vulgaire tire-laine ou votre partenaire de ramponneau, Matalena Ladivèze. Sachez que je ne suis ni l’un ni l’autre, et que vous risqueriez beaucoup à mal m’estimer. »

Lentement, il traça du bout de ses griffes trois fines égratignures sur sa joue immobile.

« J’ai eu la faiblesse de vous épargner lors de notre dernière rencontre eu égards votre sexe et votre amitié envers notre généreux bourgmestre. Mais je constate à présent que je me suis trompé sur ces deux derniers points : vous n’êtes qu’une loque froide qui ne connaît point la passion et qu’une pitoyable marionnette dans les mains de gens plus avisés que vous. A l’avenir je ne montrerai nulle clémence à votre égard. Alors, vous pourrez implorez votre Dieu du nombre de « kyrie » qu’il vous plaira, cela ne fera pas s’éloigner la coupe que je vous prépare. »


Son avertissement solennel était sinistrement accompagné par l’inquiétant plic-ploc des gouttes de sang qui tombaient de sa lèvre jusque sur une feuille brune à quelques centimètres de la tête de la jeune femme.


« Il y aura des pleurs et des grincements de dents… »


Il relâcha alors sa prise aussi soudainement qu’il l’avait resserrée et se releva.

« Il est bien évident que c’est une branche fourbe à laquelle vous n’avez pas pris garde au cours de votre promenade qui vous a laissé ces vilaines égratignures, n’est-ce-pas ? »


Ceci étant dit, sans plus jeter un regard à Matalena qui restait frappée par la stupeur, il la quitta avec mépris, disparaissant derrière les sombres feuillages.

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Matalena
Au loin, dans le campement, les rêveurs se tiraient de leur odieux sommeil pour profiter de la fraicheur ensoleillée maintenant établie. Les bois perdaient de leur quiétude, agités de bruissements et cris étouffés par les branches. Allongée dans les herbes en friche, elle demeura statique un long moment, fixant le ciel dont la clarté ne heurtait point le regard. Sa main gauche s'était portée à sa joue puis à son épaule pour venir effleurer les blessures successives que le basque semblait prendre goût à lui infliger, marques indélébiles dans la chair comme dans l'esprit. En fermant les yeux, l'on pouvait deviner le pas du mercenaire, rapide et coléreux, qui brisait les branchages pour s'éloigner au plus vite, faisant fi de toute discrétion.
La mort viendrait la trouver en son temps, conformément aux volontés de Deos... Et ce jour n'était pas encore arrivé.
Lorsqu'elle ne parvint plus à percevoir sa présence, la réformé se redressa lentement, délaissant le granulé des estafilades qui ornaient son visage pour ramasser sa dague et la ceindre à son emplacement favoris. La croix d'argent nichée contre son sein s'échappa de sa chemise pour se balancer dans le vide alors qu'elle se penchait. D'une pichenette, la jeune femme la fit tournoyer comme un jouet dans le vent, dévoilant ses canines au travers d'un sourire morbide.
Elle ne dirait rien.
Elle savait qu'elle ne dirait rien.
Mais pour des motifs auxquels la peur était étrangère.
Alea jacta est.

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