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[RP] Et tu tapes, tapes, tapes...

.mahaut.
Avant… Avant le deuil, avant la mer, avant l’attaque corrosive du sel et des ions sur la peau de Sainte Boulasse… Avant la Ker Bretagnec… Avant… Avant, quoi.

- Bon, je sais ce que vous allez dire…
- Je parie que non !
- Si. Vous allez râler.
- Non ! J’allais dire « peigne ».
- Peigne ?
- Ah ah, vous ne l’auriez jamais trouvé. Je mène donc 43 à 1.
- Je n’ai jamais compris votre jeu.
- Rassurez-vous, vous n’avez jamais compris grand-chose. Que vouliez-vous ?
- Oui donc, je viens d’apprendre par votre blonde de demie-sœur que finalemeeeeeent…
- Finalemeeeeeent ?
- Oui, elle l’a dit comme ça, alors je retranscris tel quel.
- Ah, sur un ton aussi faussement guilleret ? Je crains le pire.
- Oui. Nous ne partons pas ce soir comme il était prévu.



Le sac à main à motifs colorés en grosses fleurs roses de la brune tomba bruyamment sur le sol, déversant son improbable contenu de sac de fille. Papiers, maquillage, bouteilles, machins à grignoter, paire de bas de rechange, petit carnet rose, clés, menu n°4, choppe gravée à son nom, morceau de truc datant du mois dernier, ticket d’entrée du spectacle des pousse i catte dole, soit le nécessaire à toute équipée de poneys roses féminins.
Elle ne s’abaissa pas à le ramasser mais fit signe à son écrivain particulier de s’en charger. En soupirant et ronchonnant, il s’exécuta tout en regardant avec méfiance la majorité des éléments, des fois qu’ils se mettent à prendre vie soudainement.
Quand il aperçut un couteau de boucher, il déglutit péniblement.


- Vous l’avez encore volé sur un marché ?
- Je suis vicomtesse, baronne et dame, Anatole. A votre avis, est-ce que je l’ai piqué ?
- J’aurais tendance à dire oui.
- Absolument ! Et le vendeur n’y a vu que du feu ! Ah ah ah, je ne perds jamais la main ! Et je n’ai même pas eu à courir, après ! Cet abruti s’est incliné pour me saluer, il n’a rien vu. J’ai failli le reposer, vous savez. C’était presque trop facile.
- Et finalement vous l’avez gardé.
- Oui. C’est pour ma collection.


Sa collection. Ou plutôt ses collections. Collection de choppes, collection de sous-verres, collections de « cailloux aux formes rigolotes, mais non, celui-là est juste tordu, Anatole, vous n’y connaissez rien, décidément… Là ! Un caillou avec un trou ! Formidable ! », collection de titres, collection de fans, collection de robes immondes à dominante rose froufrouteuse, et bientôt peut-être, collection de maris. Morts. Sinon c’était trop facile.

- Bon bon bon… Il nous faut une chambre à l’hôtel, en ce cas.
- Elle est réservée. J’ai cru bon de le faire ce matin en arrivant, comme à mon habitude. Je sais ce que sont les voyages avec les poneys, hein.
- Fort bien. Avons-nous de quoi manger ?
- Lors de la traversée de S., vous avez tenu à aller cueillir quelques fruits, vous vous souvenez ?
- Ah ouiiii ! Vous faites allusion au jour où j’ai secoué l’arbre où Orka cueillait pour voir si elle était mûre ? Ah ah ah, je m’en souviens bien. Excellente cueillette.
- Elle m’est tombée dessus.
- Comme quoi un bonheur n’arrive jamais seul. Il doit nous rester du jambon de la Forêt noire acheté en Bourgogne ou Berry. Notre repas est assuré. Je ne demande pas pour l’alcool.


Même Anatole ne tiqua pas. Depuis quelques temps, sa collection de fûts augmentait tellement qu’elle-même avait convenu qu’il s’agissait de mieux répartir leur poids en les vidant régulièrement « dans un simple souci d’esthète, qui a à cœur de défendre une vigne française de qualité, uniquement, n’y voyez aucun travers personnel ». Sainte Boulasse réincarnée, quoi.
Assis à la table d’une taverne, Anatole regardait le soleil entamer sa courbe descendante. Restait à venir LE problème. Prenant soin de ne pas regarder la brune dans les yeux, il demanda sur un ton désintéressé :


- Et… Avons-nous de quoi payer nos frais courants ?
- Nos ?
- Ahem. Frais. Comme le froid, mais en plus monnétaire. Les frais. Les dépenses, quoi.
- Ah aucune idée, je ne m’en charge jamais. J’achète, j’achète ! Mais je ne sais pas ce que je touche. Enfin si, là, je touche une table, mais je voulais dire l’argent de mes terres, quoi. D’ailleurs, elles ne sont pas argentées, j’ai vérifié. Je peux porter plainte, vous croyez ?
- Bon. Je vais vérifier dans votre bourse.
- Ma bourse ?
- Oui. Votre argent.
- Ah mais je ne l’ai plus !
- Pardon ??
- Je l’ai égarée depuis quelques jours. Je ne sais plus ce que j’en ai fait, je suis tête en l’air, c’est fou.
- Mais comment payez-vous notre nourriture ?
- Avec vos gages, voyons.
- Vous aviez dit que vous me paieriez demain !
- J’ai dit ça ? Ah. Votre air buté parle pour vous. Mais n’ayez crainte, je n’ai qu’une parole.


Le petit silence qui suivit fut brisé par un petit rire de la vicomtesse.

- C’était presque crédible, vous avez vu ? Bon, ne faites pas cette tête, je sais ce que nous allons faire.
- Vraiment ?
- Nous allons prendre un emploi journalier.
- Vous allez travailler ???
- Ah. Bien que vous soyez spécialisé en écriture, vous ne paraissez pas versé en conjugaison. Qu’ai-je dit ?
- Que nous allions prendre un emploi journalier. Et je n’en reviens pas parce que depuis que vous êtes noble, vous êtes devenue super stricte sur ce que vous pouvez faire et en gros, dès que c’est pénible, il semble qu’une sorte de code semble là pour vous empêcher l’action en question.
- C’est beau, le vivre noblement, non ? Je ne peux décemment pas me salir les mains. D’où l’astuce. Je ne vais pas à proprement parler travailler moi-même. En revanche, vous, vous me paraissez tout à fait qualifié pour ça.
- Je me disais aussi.
- Hu hu hu

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.mahaut.
[Devant la mairie]

- Comment ça « rien » ?
- Ben rien, quoi. J’ai pas d’offres. Rien. Y’avait bien un truc ce matin pour tuer un cochon mais c’est parti vite fait, pensez bien.
- Je me refuse à occire un être créé par la pensée divine !
- Un cochon, Anatole, un cochon. L’animal. Pas un noble entourée de jeunettes.
- Il n’empêche ! Vous savez que la vue du sang me rend malade.
- Tsss. Bon, mon brave, où pouvons-nous trouver du travail dans cette ville ?
- Ben… Là, j’peux point vous garantir qu’j’aurais d’quoi faire avant la nuit… Alors vous reste la mine.
- La mine ? Une mine d’or ?
- Non, de fer.
- Ah. Alors non. C’est salissant.
-Ah, merci de penser à moi, pour une fois.
- Ah mais vous, vous creuserez, peu importe l’endroit. C’est juste que je tiens à vous encourager et que je ne peux décemment m’asseoir dans une mine de fer sans abîmer ma robe en soie sauvage. C’est donc hors de question. Y’a-t-il une église dans le coin brave homme ?
- Y’en a une.
- Fort bien !
- Elle est vide depuis un moment, notez.
- Ah. Impossible d’y rendre de menus services en ce cas ?
- Ben Aristote vous le rendra.
- Houla, croyez-moi, je suis convaincue qu’il me rendra ce que je lui ai fais. Au centuple. Houla la. Il me loupera pas. Mais nous verrons ça à l’heure de ma mort. Il ne m’aura pas comme ça. Je vais piéger mon cercueil, rien que pour retarder la montée.


Elle planta là, le préposé aux offres d’emploi, qui resta un instant à se gratter la tête sur cette tradition étrange qui voulait qu’on essaye de partir dans une gerbe d’étincelles, si possible en emmenant avec soi tout le cortège funèbre, histoire d’être suffisamment nombreux pour la belote céleste.
Marchant au hasard des rues, Mahaut et Anatole devisaient sur un moyen de remplir convenablement leur bourse, en convenant dès à présent d’un partage équitable, 70% pour elle, 30% pour lui, sans compter les frais qu’elle devait déduire et l’assurance chômage dont il devrait s’acquitter en plus des charges sociales. Le léger désaccord qui suivit amusa un instant les enfants du village qui poursuivirent Anatole en le huant férocement, jusqu’à ce qu’il leur lance un caillou qu’il dût aller rechercher sur ordre de la brune en raison de son apparence unique au monde, qui en faisait de fait une pièce maîtresse de la collection de cailloux aux formes rigolotes.
Tout ceci les emmena devant l’entrée de la mine, où des hommes en haillons sortaient pour décharger le minerai.


- Décidément, non, je m’y refuse. Il nous faut autre chose. Ohé ! Appelez-moi le contremaître !
- C’est moi, ma Dame. Que puis-je pour vous ? Vous souhaitez participer à la tombola ?
- Oh oui, j’adore les tombolas ! Je prends tous les numéros !
- C’est impossible. Et il me faut votre signature sur le registre d’entrée de la mine. Vous êtes deux, ça vous fait deux numéros.
- Si ce n’est que ça, je signe de suite !
- Vous prendrez votre pelle et votre pioche là bas.
- Pour ?
- Creuser, pardi.
- Ah il y a erreur ! Je ne peux pas, ma condition me l’interdit.
- Vous êtes enceinte ?
- Pardon ? Pas du tout voyons ! Les femmes enceintes sont dispensées de mine maintenant ?
- Ben y’en a plein qui disent ça pour pas y aller.
- Bande de feignasses. Enceintes ou pas, on peut charrier des morceaux de roche, même à douze mois de grossesse.
- Euh…
- Non, moi je refuse de salir ma robe. Et Anatole… Il n’est pas très doué de ses dix doigts, j’en ai peur.
- Mais vous avez signé !
- Oui. Vous pourrez les revendre, mes autographes valent cher. Ne me remerciez pas.
- Vous devez travailler !
- Oh, vous êtes déjà au courant de nos petites mésaventures pécuniaires. Les ragots vont plus vite que le vent à ce que je vois… He bien oui, il nous faut obtenir quelques piécettes. Rapidement. Il n’y a pas de honte à ça.
- Ben il vous reste le RMI.
- Le ?
- Le Revenu Minimum Interduchés. C’est mal payé, je vous préviens.
- Combien ?
- 5 écus la journée.
- Non mais le salaire, pas le repas qui va avec.
- C’est le salaire.
- Ah oui, quand même…
- Quand même, oui.
- Et en quoi consiste le travail ?
- He bien aujourd’hui… laissez-moi consulter le carnet… Aujourd’hui, il s’agit de « casser en plusieurs petits morceaux les gros cailloux et à enfouir les plus petits dans le sol, dans le but de faire une route. »
- Grands dieux, ça a l’air follement amusant ! Anatoooooooooooole !!!
- NON !
- Mais siiiiii, venez, on va s’amuseeeeeeeeeeeeer !

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.mahaut.
- Alors, où devons-nous commencer ?
- Ben… on n’a qu’à dire à partir d’ici, là. Je vous fais une marque. Et si vous arriviez à aller jusque là, ici, avant la tombée de la nuit, on dira que ça ira.
- Jusqu’où ?
- Sous mon pied.
- Ah mais ça ne va pas du tout !
- Pourquoi ça ?
- Mais si vous vous déplacez alors on aura encore plus de travail !
- Euh… Non mais… En fait, je voulais dire, l’endroit sous ma chausse.
- Ah, vous nous la laissez ?
- C’est que…
- Je crois qu’il veut dire qu’on s’arrête à l’endroit du sol où il vient de planter son talon.
- Voilà ! C’est ça !
lâcha le contremaître avec une nuance de soulagement dans la voix.

Mahaut inspecta le sol en question, l’arpentant à grandes enjambées.


- Hmm… Et veuillez nous repréciser la nature en question du travail, messire le cordonnier.
- Mais je ne suis pas cordonnier…
- Vous avez des chausses admirables, je ne me lasse pas de les admirer depuis que vous les avez mises en avant.
- Ah ? Ben c’est mon ami Michel qui me les a faites parce que les anciennes, je les ai tellement portées qu’elles… Là n’est pas la question. Vous devez donc enfouir les petits cailloux. Et casser les gros.
- En quelle taille environ ?
- Ben disons en petits cailloux.
- Mais est-ce qu’on doit les enterrer, ceux-là ?
- Ben… le papier ne le dit pas… Mais ça semble logique, oui.
- Ah non.
- Ben si… Vous enfouissez les petits et vous cassez les gros.
- Eh bien dans cet ordre là, rien n’indique qu’on doit réenfouir les anciens gros qu’on a cassé en petits.
- Euh…
- Cherchez pas, elle veut vous arnaquer.


Confus, le contremaître farfouillait dans ses papiers, à la recherche d’une éventuelle précision quant à l’ordre logique de succession des tâches du RMI. De mémoire d’homme, personne n’avait jamais cherché à travailler au RMI quand les mines recrutaient à tour de bras. Et personne n’avait jamais demandé des explications soutenues sur l’intitulé des tâches ingrates qu’il ordonnait de faire.
Constatant à regret qu’il ne trouverait aucun soutien dans sa paperasserie, il leva les yeux au ciel dans un appel muet au Seigneur.
En vain.


- Mon brave… Comment vous appelez-vous, au fait ?
- Messire Guillaume.
- Messire Guillaume, quel charmant prénom vous avez là… Le choix de votre maman ?
- Non, dame, de ma grand-mère. Mon grand père s’appelait Guillaume.
- Ah c’est un hommage alors. Il était cordonnier sans doute ?
- Euh… Non. Fermier.
- Bizarre, bizarre… Donc, Messire Guillaume… Avons-nous du matériel pour cette tâche absolument renversante que vous nous proposez ?
- Ah ! Oui ! Merci Aristote. Nous avons à votre disposition une masse et une pelle. Les voici.
- Grands Dieuuuuuuuuuux ! Quels magnifiques instruments que voilà !
- On appelle ça des outils.
- Vraiment ? Ce n’est pas leur faire honneur. Comment procèdent-ils ?
- Alors, la pelle creuse et la masse explose.
- Littéralement ? N’est-ce pas un peu dangereux ? Cela doit vous coûter une fortune.
- Non, non, en fait, elle euh… elle détruit les cailloux, voyez ?
- Un laser bionique ?
- Euh non. La force brute. C’est comme un marteau, voyez.
- Comme un marteau… Quelles sont donc les différences ?
- Ben une masse c’est plus gros qu’un marteau.
- Hmm…
- Et donc c’est euh… bien.
- Une technologie aussi avancée, voilà ce qui distingue l’homme de la bête, je l’ai toujours dit. Auriez-vous l’obligeance, Messire Guillaume, de nous faire une démonstration de ces merveilleux outils à visée pyrotechnique ?
- Non mais ça n’explose pas ! Vraiment ! J’en suis désolé, notez… Qu’est-ce que je raconte ? Donc, il faut les tenir par le manche, en fait. Vous voyez, c’est plus pratique. C’est fait pour, même.
- Ah ! Il y a donc un sens ? N’y a-t-il pas une petite notice explicative, un schéma livré avec ?
- Euh… non. Donc, je vous montre. Vous tenez la masse par le manche. Vous le prenez assez loin.
- Vous voulez dire qu’on l’achète à la ville voisine ? Les minerais y sont meilleurs, sans doute ?
- Hmpff. Non, je voulais dire, vous les tenez par le bout opposé, quoi. Par le bout du manche. Et là vous faites ce que vous voulez de la masse.
- On dirait une métaphore du pouvoir chez l’homme.
- Euh…
- Continuez.
- Donc, je l’empoigne, comme ça, voyez… Attendez, je m’éloigne, je ne voudrais pas vous blesser.
- Ah oui, d’autant que nous n’avons pas évoqué l’assurance inhérente à la tâche.
- L’assur… Houla. Bref. Je choisis ce caillou, là.
- Lequel ?
- Le gros, là.
- Celui-ci ?
- Si vous voulez, oui.
- Je fais une croix dessus pour le distinguer ?
- Ce n’est pas nécessaire.
- Ah mais si, j’insiste ! J’ai de la craie rose, je vais vous faire ça en deux minutes. Qu’est-ce que je représente ?
- Faites juste une croix.
- Oh, c’est un peu simpliste. Tenez, gardez la pose, je vais tenter de vous représenter, la masse levée.
- Gnnnn…
- Je vous avais dit qu’elle vous arnaquerait.
- Souriez, Guillaume, souriez !

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.mahaut.
- C’est absolument ressemblant.

Satisfaite, la brune s’était redressée et regardait son œuvre, la craie encore à la main. A ses côtés, Anatole penchait la tête en regardant, tandis que le contremaître avait fini par lâcher la masse, en lâchant des petits gémissements de douleur.

- Je ne comprends pas. C’est son pied, sur la pierre, là ?
- Oui. Le symbole de sa domination sur l’élément.
- Mais s’il laisse son pied, il va se le broyer sous la masse, non ?
- Anatole, tudieu ! C’est une allégorie ! Pourquoi devez-vous être aussi terre à terre quand nous parlons art !
- Mais vous êtes tout le temps terre à terre, vous !
- C’est faux ! Je suis sagittaire, tout le monde sait que c’est un signe de feu. Et toc. Messire Guillaume ! Qu’en pensez-vous ?
- C’est très bien, très très bien. Pis le chien, là, pfiouuu !
- Ce n’est pas un chien ! C’est un poney !
- Aaaaah ! Ah ben maintenant que vous le dites ! Oui oui, la crinière, toussa. C’est les fleurs géantes partout, ça m’a confusé.
- Je suis très satisfaite de mon soleil.
- Ah ben… il sourit bien, oui. Et il…
- Boit une choppe avec une paille. J’ai pensé lui faire un chapeau mais c’est le soleil après tout, on ne va pas lui mettre un chapeau de paille, ce serait ridicule.
- Ridicule, oui. Alors qu’une choppe et des yeux qui louchent…
- Ils ne louchent pas ! Ils ont une adorable coquetterie, nuance.
- Ahem. Dites, je poursuis avant qu’il ne fasse nuit ?
- Faites, mon brave, faites ! Nous sommes là pour vous admirer.


Le pauvre contremaître reprit donc sa leçon où elle s’était arrêtée et entreprit de viser la pierre.

- Je vais devoir détruire votre dessin.
- Han ! Mais pourquoi ?
- Ben c’est la pierre qu’on avait désignée, vous vous souvenez ? C’est pour ça qu’on l’a marquée.
- Oh, la pauuuuvre. Vous voulez la détruire, sans même lui faire une cérémonie d’adieu ?
- Ben… Je crois que c’est comme ça qu’on fait.
- Adieu, Pierrette.
- Pierrette ?
- Oui, je l’avais baptisée ainsi. Adieu, Pierrette ! Nous t’aimions ! Mais de ton sacrifice naîtront d’admirables cailloux, qui, à leur tour, viendront embellir le monde de leur clarté virginale.
- Ouais. Voilà. Pareil.
- Amen.
- Allez-y, Guillaume !


Le contremaître leva la masse une dernière fois, malgré ses crampes, et la rabattit de toutes ses forces sur la pierre, qui éclata en plusieurs morceaux.


- AIEUUUU ! Je me suis pris un éclat ! Je saigne !
- Faites voir Anatole ? meuh ce n’est rien ! Cinq points de suture et il n’y paraîtra rien ! Et sur la joue ça fait très viril ! Tenez, appuyez un linge dessus.
- Je saiiiiiiiiiiiiiiiiiiiigne !
- Oui, oh, croyez-moi, vous avez des réserves. Prenez ça comme un dernier acte d’amour désespéré du caillou. Dites vous qu’on est mort d’amour pour vous. Que faisons-nous des bébés cailloux ? Y a-t-il un orphelinat, quelque chose de prévu pour les recueillir ?
- On va les enfouir sous terre.
- Ohhhhh, comme une chasse au trésor ! Et après on doit trouver où ils sont !


Elle tapa des mains de joie, les yeux brillants. Face à elle, le contremaître commençait à pâlir, tandis qu’Anatole verdissait à la vue du linge imbibé de sans sur sa joue. Soudain, elle fronça les sourcils et s’agenouilla pour contempler un caillou.
Attentive, elle recueillit quelques orphelins dans sa paume.


- Alors c’est là que la pelle entre en jeu.
- Hmm…
- Parce que vous voyez, ils sont petits, ces cailloux et…
- Hmm…


Plongée dans ses pensées, la brune ramassait plusieurs petits cailloux et les comparait en les approchant de son visage puis en les présentant face au soleil.
Perplexe, le contremaitre la laissa faire quelques instants. Si elle faisait ça c’est qu’il devait y avoir une bonne raison. Aurait-elle vu des paillettes d’or dans les éclats ? Par Aristote, si c’était le cas, alors la région prendrait un nouvel essor en combinant mine de fer et mine d’or, et le prestige du comté remonterait en flèche et il pourrait s’acheter de nouvelles chausses avec fermeture à lacets !
Ravi à l’avance, il ramassa un caillou et se mit à l’inspecter avec concentration. Voyons, comment faisait-elle… Elle les plaçait face à la lumière et… Il l’aperçut qui le regardait.


- Euh… Je regardais les cailloux.
- Je vois.
- Parce que vous le faisiez et…
- Et ?
- Ben ça avait l’air intéressant.
- Oh mais ça l’est.
- Vraiment ? Vous avez trouvé des paillettes c’est ça ? Raaah, moi je n’ai rien vu mais j’ai mon œil droit qui a perdu à cause d’une maladie quand j’étais petit alors… Je peux voir ?
- Non, c’est mon caillou.
- Alleeeeeeeez !
- Vous n’avez qu’à vous en trouver un à vous.
- Mais je veux juste voir combien de paillettes vous avez trouvé ! Pour calculer le rendement !
- C’est mon caillou à moi.
- Raaaah !

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.mahaut.
Rageur, le contremaître se précipita sur les cailloux et les ramassa compulsivement, avec une vague envie de crier « ah ah ils sont à moi, à moooooiiiiiii ! ». Une fois tous dans ses mains, il fit quelques pas en arrière, tourna le dos à la brune et à sa chochotte d’accompagnateur et regarda sa récolte.

- Mais… Il n’y a rien !
- Je ne vous parle pas. C’est très petit ce que vous avez fait.
- Mais je ne vois rien !
- Et en plus, même pas un petit remords, non franchement, si votre maman savait, hein… la honte pour vous.
- Vous avez des paillettes sur votre caillou, vous ?
- Je ne vous dis pas.
- Allez…
- Non. Vous n’aviez qu’à pas piquer les autres.
- Je vous les redonne !!
- Le mal est fait ! Je ne reprendrai pas ce que vous jetteriez parce que vous n’avez plus envie de jouer avec. Ma fierté va bien au-delà.
- Mais… Bon, je me suis un peu emporté, j’avoue… Mais si je vous le demandais gentiment ?
- Gentiment comment ?
- Gentiment avec un sourire, par exemple ?
- Oh. Non. Vous m’auriez dit « gentiment avec 40 écus », je ne dis pas, mais un sourire, hein…
- Ça n’a pas de prix !
- Alors que mon caillou, lui, il en a un.
- Ecoutez, 40 écus, ça fait cher, quand même… Même s’il a des paillettes…
- Hmm. Anatole, quand vous aurez cessé de saigner partout, relevez-vous, nous retournons en ville où nous trouverons, j’en suis sûre, des personnes bien plus intéressées par notre caillou qu’ici.


Elle se releva et épousseta sa robe. Paniqué, le contremaître se releva à sa suite et lui courut après, échevelé.

- Attendez ! 40 écus, c’est d’accord !
- Il est passé à 60, maintenant.
- 60 ??!
- Marché conclu !
- Hein ? Quoi ? Non ! J’ai jamais dit que j’étais d’accord !
- Vous avez dit 60 et je suis d’accord. Entre nous, vous faites une affaire. Il en vaut bien 20 de plus, mais comme je suis un peu pressée, je ne vais pas chipoter. Vous avez l’argent ?


L’homme fouilla ses poches à la recherche de sa bourse et, quand il parvint à mettre la main dessus, se mit à sortir les pièces avec inquiétude et regret à la fois. Mettant la dernière dans la main de la brune, il se permit un regard vers le caillou. La brune resserra la main à temps.

- J’ai payé !
- Je dois recompter. Voyons… Un écu… Un autre, cela nous fait deux… Là, ce sont 5 écus, donc… J’avais dit combien déjà ?
- 2 !
- Ah oui. Donc, 5 + 2, qui font… euh… Anatole, montrez moi vos doigts ! Voilà, 7, merci. Ensuite…
- Ecoutez, croyez-moi, il y a bien 60 écus.
- Hmm. Pouvons-nous vous faire confiance ? Je suis une proie facile après tout…
- Vous trouvez ?
- Mon dieu oui, une femme seule, noble, face à un homme habitué au marchandage du travail et sa revente… J’ai bien peur de me faire rouler…
- Je n’oserai pas, croyez moi. Vous avez bien trop de titres pour que j’essaye.
- Vous voyez Anatole ? Qu’est-ce que je vous disais à propos du respect dû aux nobles ?
- Que vous pouviez en profi…
- Qu’il ne se perdait point et que c’était merveille que de voir un tel dévouement, exactement ! Ainsi donc, nous vous faisons confiance, mon brave. J’espère ne pas avoir à regretter mon geste…
- Vous ne le regretterez pas !
- Auriez-vous l’obligeance de nous raccompagner près des portes des villes ? J’ai peur de ne pas me reconnaître…
- Le caillou d’abord ? Non ? Bien, suivez-moi, dame, vous ne risquez rien.


Parvenus près de la porte de la ville qui s’apprêtait à fermer avec les derniers rayons de soleil, le contremaître s’arrêta et ôta son couvre chef, respectueusement.

- Vous savez, dame, c’est peut-être le début d’une nouvelle ère, pour moi.
- Mais oui. Qui sait, vous finirez peut-être par réaliser votre rêve d’être cordonnier !
- Non mais je ne veux pas être cordonnier…
- PRESSONS ! Les derniers voyageurs sont appelés à rentrer avant la fermeture des portes !
- Bien, nos routes se séparent ici. Merci à vous, messire Guillaume, pour le temps que vous nous avez consacré.
- Je vous en prie, ma dame. Merci à vous… Vous serez peut-être la future bienfaitrice des lieux ! On donnera peut-être votre nom à une mine !
- Oh, rien ne me ferait plus plaisir.
- PRESSONS !
- Vite, le caillou !
- Ah oui, c’est vrai ! Tenez mon brave. Et bonne soirée à vous.
- Merci ! A vous aussi ! Enfin… mon précieuuuuuux.


Mahaut et Anatole rentrèrent dans l’enceinte de la ville tandis que le garde verrouillait les grandes portes derrière eux.
Ils cheminèrent quelques minutes en silence, regardant les dernières lueurs de soleil sur les toits tandis que la brune sifflotait.
A bout, Anatole finit par s’arrêter.


- C’était pas de l’or, hein ?
- Hmm ? De l’or ? où ça ?
- Dans le caillou… C’en était ?
- De l’or ? Dans de la pierre ? Je pense que ça se saurait si on trouvait de l’or aussi facilement dans la région.
- Vous l’avez arnaqué…
- Moi ? Un caillou avec une véritable arrête bicolore ? Mais c’était une merveille ! Un côté gris et un côté noir ! Et quelle brillance ! Non, vraiment, je vais regretter ce manque dans ma collection. Et vous avez vu l’étincelle de joie dans ses yeux ? Non, il me remerciera pour cet instant de bonheur, j’en suis persuadée.


Ils poursuivirent un instant leur route.

- Et demain, quand on quittera la ville ?
- Je pense qu’on s’habillera autrement et qu’on sortira par le côté nord, quitte à faire un petit détour. Il faudra prévenir les autres. 60 écus ! Voilà une journée rondement menée ! Allez, on va sur le marché ? J’ai vu des bas en dentelle à ma taille tout à l’heure, je suis sûre qu’en négociant un peu… Oh, cessez de faire la tête ! Vous n’avez même pas creusé ! Mais oui, on va trouver un médicastre pour votre joue. Regardez, un charcutier ! C’est pareil, non ? On lui demande de vous recoudre ? Oh la la, vous prenez vraiment tout mal aujourd’hui.

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