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[RP] Si tant est que le Ciel le veuille !

Della
Il y avait bien longtemps que mes pensées ne s'étaient pas tournées vers Anibas.
Et ce jour-là...Son souvenir me percuta.



La rencontre avec Anibas avait eu lieu alors que je n'étais encore qu'une enfant fugueuse, pas encore une bien sage brebis rentrée dans le rang des enfants modèles.
J'avais pris la route, un matin, laissant Toul et ses sorciers liseurs de pensées derrière moi.


Au détour d'un bosquet sombre, j'avais été la proie d'une bande de malfrats qui heureusement s'étaient contentés de me dérober les quelques sous qui avaient pu tinter dans ma bourse. Mise à part une vilaine blessure au bras qui saignait abondamment, j'étais sauve.
En fin de journée, encore apeurée, j'étais arrivée à Argonne.
Seule et ne connaissant personne, j'avais cherché un médicastre pour soigner mon bras.
Mais Argonne était bien déserte et je n'avais trouvé qu'une petite vieille rabougrie qui m'avait envoyée chez un guérisseur, un certain Anibas.

Je pris la direction que l'on m'avait indiquée, vers l'est, vers la forêt.
Le printemps avait entamé son retour, encore discret, bien sûr, mais certain. Le fond de l'air était doux et je trouvai la promenade plaisante, oubliant presque le but de ce petit périple. Quelques oiseaux entamaient à nouveau leur chant, semblant me suivre tout le long du chemin. Je me surpris à en observer un, à la gorge rouge feu qui annonçait ses ardeurs printanières et sa décision à dominer sur les autres prétendants.
Enfin, après une bonne demi-heure de ce qui était devenu une balade, je vis un toit couvert en partie de lierre annonçant la maison que je cherchais.
Prudente, j'avançai sans bruit, observant, cherchant à savoir s'il y avait quelqu'un ou pas, dans cette petite maison au demeurant fort accueillante.
Lorsque je ne fus plus qu'à quelques pas, je m'arrêtai, pris une grande respiration et envisageai d'aller frapper à la porte.

_________________
--Anibas


Lorsque le visage d'Anibas se reflétait dans l'eau calme de l'étang proche de sa maison, il était tantôt jeune et fringuant, tantôt vieux et usé. Son visage pouvait être à la fois lisse et juvénile ou ridé et affreux. Ses mains subissaient le même sort selon son humeur. Car tout était question d'humeur chez Anibas. Il ne savait plus depuis combien de temps son humeur dirigeait son corps mais au plus loin de ses souvenirs, il se voyait changer et changeant de la sorte. Loin des villages, loin des hommes, il se contentait de continuer à percer des secrets bien gardés. L'âme humaine avait depuis bien longtemps livré ses secrets au sorcier. Oui, Anibas était un sorcier. Ou tout au moins, aurait-il passé pour tel aux yeux de n'importe quel autre individu. Rien que son regard était impressionnant. Ses yeux étaient d'un bleu intense, tel le ciel de plein été et le relief qu'on y trouvait avait bien failli amener plusieurs à la folie. D'autres avaient fini dans sa couche après avoir croisé son regard. Et d'autres encore avaient souhaité lui arracher ce bleu. Tous avaient un point commun, ils n'oubliaient pas le jour où leur route avait croisé celle d'Anibas.
Il releva la tête, il sentit, il savait.
Quelqu'un arrivait. Une femme, jeune, blessée, apeurée mais que la peur ne faisait pas reculer. Il trembla. Depuis longtemps, il n'avait pas senti une force aussi pure, aussi vraie. Elle venait pour lui, parce qu'elle était demandeuse. Avant même de sortir de chez lui, il la vit. Blonde et petite, au visage fin même si banal. Et il sut !
Sans même avoir eu à se lever, il se trouvait derrière la porte, la main sur la poignée avant qu'elle ne frappe. Il ouvrit la porte presque brutalement.

- Que la paix habite ton âme.
Della
C'est étrange comme les souvenirs nous habitent sans que même on ne s'en rende compte.



Avais-je frapper à la porte ? J'en avais eu l'intention mais il me semblait que mon geste n'avait pas eu à aboutir, que la porte s'était ouverte avant même que mon poing fermé vienne cogner l'huis.

Et ce fut comme si le temps suspendait sa course folle. L'air parut plus doux et le chant des oiseaux devint plus cristallin. J'entendais le chant d'un ruisseau sautant par dessus les pierres, je sentais l'odeur de la forêt qui emplissait mes narines pour venir dessiner les sous-bois dans mon esprit. Je vis un cerf au regard bleu qui me regardait intensément.

L'homme qui se tenait là était jeune. De longs cheveux aussi blonds que les miens encadraient son visage aux fins traits. Ses lèvres, parfaitement dessinées venaient de laisser échapper ces mots.
Je le trouvai beau.
Je lui souris, oubliant ma crainte et même la blessure.

Quelques instants plus tard, j'étais assise devant lui, près d'une grande cheminée où crépitaient quelques bûches.
Il me sembla que je n'ouvris pas la bouche, que la seule force de mes pensées suffisait à lui expliquer ce qu'il paraissait déjà connaître.

Je lui confiai l'épisode douloureux de cette rencontre violente avec l'homme. Je lui dis le but de ma présence, des soins. Je lui fis confiance et me perdis dans des limbes inconnues.

Il me parla, doucement, avec une certaine tendresse dans la voix.
Chacun de ses regards avait la force de persuasion qu'il me manquait.
Il prit soin de moi, effaçant de mon âme tous les fardeaux que je portais, ceux du présent et ceux de l'avenir.
La paix habitait enfin mon âme.

_________________
--Anibas

Il l'attendait depuis longtemps déjà, celle qui serait la suivante, celle qui deviendrait dépositaire de son savoir et de ses secrets, de sa force et de sa puissance, celle qui appréhenderait autant le bien que le mal, ces deux faces de l'être humain qu'il faut savoir maîtriser pour garder le frêle équilibre de la paix parmi la création.
Et elle était venue, poussée par une épreuve endurée pour mieux entrer en communion avec l'invisible.
Anibas trouva chez la jeune femme le réceptacle nécessaire à ce que certains hommes appellent malheureusement magie mais qui n'est rien d'autre que la connaissance.
La jeune fille était prête. Ils ne parlèrent pas, c'était inutile. Seules, leurs pensées se touchèrent.
Délivrée de la tache originelle, elle pouvait entamer l'initiation.
Les jours et les nuits se succédèrent à la vitesse des dieux et Anibas fut fier de son apprentie.
Rapidement, elle maîtrisa les différentes connaissances, plantes et minéraux n'avaient plus de secrets. Plus aucun végétal n'eut de secret pour elle. Chaque herbe et chaque racine lui délivraient ses bienfaits ou ses poisons. L'eau des ruisseaux se purifiait dans ses mains et les minéraux eux-mêmes se laissaient découvrir sans retenue.
Della ne déçut pas Anibas.
C'était bien celle qu'il attendait.
Six lunes passèrent pour eux deux. Seulement quelques jours, pour les autres.
Vint le moment de l'épreuve qui annonçait aussi la fin de l'apprentissage et la séparation d'avec ce monde derrière la brume.
Della
Et s'il pouvait m'aider, lui ? Et si j'invoquais la déesse Mère, qui le saurait ?



La paix était en mon âme, à jamais.
Je n'aurais pu expliquer, je n'avais pas de mots pour le faire. Mais je savais que je venais de recevoir un don exceptionnel, un cadeau rare et précieux qui ne se donnait qu'avec parcimonie.
Jamais, durant les temps que je passai auprès d'Anibas, je ne sus pourquoi c'était à moi que revenait cette initiation. Je pense qu'il n'y a pas d'explication à cela. C'est ainsi parce que cela doit être. Il est parfois des questions qu'il ne faut pas poser et des réponses qu'il ne faut pas chercher.

A certains moments, Anibas m'apparaissait vieux et fatigué et lors, je savais que je devais être son soutien. Je savais aussi qu'il ne m'abandonnerait jamais et que si vie terrestre finissait, son âme resterait liée à la mienne.
Il me serait difficile, à présent, de trouver autant de plaisir à apprendre.

Sous son enseignement, les jours filaient. Il me sembla que je venais à peine d'arriver et pourtant, tout avait changé en moi.
Les arbres n'avaient pas plus de feuilles qu'à mon arrivée et les oiseaux ne chantaient guère plus pourtant j'avais le sentiment d'avoir vieilli, grandi.
L'on touchait à la fin de l'initiation.


Lorsque le temps de quitter le monde derrière la brume fut venu, Anibas me ramena aux abords de la forêt, là où je retrouverais mon chemin vers le monde qui m'avait vue naître, celui où j'avais à être.
Je m'en allai, riche. Riche de tout ce que mon coeur, mon corps et mon âme avaient appris. Riche de ce que je pourrai donner aux êtres humains.

Je redevenais une femme parmi les hommes.
Une dernière fois, je me retournai pour recevoir le sourire d'Anibas.

_________________
--Anibas

L'homme sorcier avait mené bien d'autres apprentis sur le chemin de la vérité et des secrets. Lorsque Della l'avait quitté, pour repartir vers son monde, il l'avait suivie jusqu'à la limite de la ville où il n'entrait jamais.
Elle allait vivre, elle serait libre dans un monde d'hommes.
Ils leur arrivèrent encore de penser l'un à l'autre. Ils pouvaient se parler par l'esprit. Cela faisait partie de l'apprentissage qu'elle avait subi.
Un jour, il sut que les hommes l'avait rattrapée et qu'elle était perdue pour lui et l'ancienne religion.
Della avait failli mais ce n'était pas grave car tout ce qui arrive devait arriver. Il le savait qu'elle reviendrait un jour.
Il sut qu'elle revenait avant même qu'elle le sache elle-même. Elle avait pensé à lui, Anibas, vieux sorcier des âges anciens. Elle avait demandé son aide. Elle voulait la Vie.
Della
Anibas ? Est-ce toi que j'entends, dans le vent ?


Railly, aujourd'hui.

La main court. Rapide, sûre d'elle.
Elle sait ce qu'elle veut dire. Les mots coulent comme une source d'eau vive.

Citation:
Anibas,
Mon maître, mon ami.

Me pardonneras-tu de n'être jamais revenue à la clairière ?
Tu avais raison, la Vie est belle.
J'ai trahi.
Mais tu le sais, j'en suis certaine.
Mes pensées, tu les connais.
Je le sais, je t'ai entendu, hier.
Tu murmurais dans le vent.
Tu savais que je te cherchais.

Je veux la Vie.
Mais cette Vie est empêchée par mes entrailles blessées.
Donne-moi la Vie, mon ami.

J'ai perdu la magie, tu sais.
A l'instant même où je me suis agenouillée devant Eldwin, j'ai senti la magie me quitter.
Rends-la moi, je t'en prie.
Guide-moi vers la Vérité.

X.

Il devenait maintenant plus qu'important que personne ne tombe sur cette lettre.
A cela, deux raisons.
Elle représentait le dernier espoir que j'entrevoyais de pouvoir un jour porter la vie.
Les semaines et les mois avaient passé depuis mon mariage et mon corps refusait obstinément de devenir le refuge d'un enfant. A chaque lune, mon corps me livrait l'atroce constatation. Pas encore...
La seconde raison était que je risquais gros si jamais l'on interceptait ce courrier et que l'on le livrait à un clerc bourguignon. Ceci expliquait que je ne signai pas la lettre. Anibas saurait de qui elle venait, il reconnaitrait l'origine.
Personne ne devait savoir qu'un jour, moi, Della de la Mirandole d'Amahir-Euphor, née Volvent, j'avais été apprentie d'un magicien-sorcier adepte de l'ancienne religion.
Un bûcher ne m'amuserait pas surtout si c'était moi la bûche.

Je confiai le précieux vélin à un espion que j'avais croisé un jour, dans un lieu secret, une Tour où certaines affaires étaient traitées.
Nous avions sympathisé et il m'avait déjà rendu quelques services contre écus bien sûr mais aussi contre mon silence. Je savais certaines choses qu'il valait mieux que je taise, le concernant.
Comme c'est beau, ce monde.

_________________
Della
Anibas avait-il réellement existé ? Ou quand l'imaginaire cogne la réalité.


Cosne, Auberge du Coin.

Je ne reçus pas de réponse de la part d'Anibas à ma lettre.
Peut-être s'était-il volatilisé ?
Ou était-il mort ?
Ou était-il le fruit de mon imagination puérile d'enfant traumatisée par la vie monacale ?
Je ne le saurai probablement jamais.
Seule me restait cette angoisse qui au fil du temps devenait de plus en plus précise : Railly serait terre stérile. Et je ne faisais pas allusion aux coteaux de terre riche du fief que ma Duchesse m'avait octroyé.
Tant pis !
Je ferai sans son aide et sans l'aide de cette magie qui émanait de lui.

Déjà, il me faudrait me confesser.
Ca, ce serait un bon début.
Oui mais à qui ?
Car cela n'avait rien à voir avec une confession habituelle et banale...non, il s'agissait d'une confession...particulière qui devrait peut-être me permettre d'attirer les bonnes grâces du Très Haut resté sourd jusque là.

Un nom me vint à l'esprit...Tutu !
Tutu était un ami.
Il était aussi un auxiliaire efficace à la Basilique Saint André, un Vice-Chambellan en or, un maire responsable ayant réussi à faire de sa ville un lieu agréable, un clerc très apprécié aussi.
Il gérait très bien tout ce qu'il entreprenait.
Mais où allait-il chercher une telle énergie ? Ca devait être la main de Dieu qui était sur lui ! Et si le Très Haut le bénissait, nul doute qu'il bénisse aussi les pauvres épouses éplorées qui venaient chercher de l'aide dans sa jupe...enfin, dans son aube.

J'entrepris aussitôt de lui écrire.
J'étais à Cosne, justement, tout cela tombait on ne pouvait mieux !


Citation:
Cher Tutu.
Mon ami.
Mon Père.

Le bonjour vous va !

C'est au Père Turinge que je m'adresse aujourd'hui.
J'ai besoin d'aide, mon Père.
Pourrais-je vous rencontrer, discrètement, un de ces jours ?

D'avance merci,
Que le Très Haut vous bénisse.

Amitiés,
Della.

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Turinge
[Dans la sacristie]

Le père Turinge avait terminé sa messe dominicale en l'église Sainte Nitouche de Cosne. Il y avait eu pas mal de fidèles à l'office aujourd'hui.
Il avait rangé son matériel liturgique et se préparait à quitter les lieux lorsque de la fenêtre supérieur de la sacristie, une ombre apparut, voilant le soleil couchant.

Turinge tourna le regard vers l'orifice et se rappela que le vitrail avait été cassé, il y a quelques temps. Dans la lumière il ne pouvait distinguer ce qui masquait le soleil.
Une apparition ? un ange venait vers lui ? A moins qu'un démon ne lui soit envoyé du ciel ?
Le curé se signa. L'ombre grandit et remplit la fenêtre.
Dans un immense vacarme, le volatile franchit la fenêtre cassée et atterrit le bec le premier sur le dallage devant Turinge. Ouf, ce n'était qu'un pigeon.
Un message.
Une lecture rapide.
Une fidèle qu'il fallait confesser. Une amie avait besoin d'aide.

Ma foi, Turinge était connu pour ses confessions bienveillantes.
Il recevait de nombreuses fidèles dans son confessionnal. Il se doutait bien que beaucoup de femmes ne venaient le trouver que pour profiter de ses beaux yeux. Mais le curé savait faire la part des choses et savait résister. C'est qu'il connaissait l'âme humaine, le père Turinge et l'esprit féminin n'avait plus de secret pour lui.
Ce discernement était peut être dû à son célibat consacré ou à un quelconque don du ciel mais cela lui était bien utile pour guider les âmes en peine.

Dame Della, la chambellan de Bourgogne, la secrétaire d'état et plein d'autres choses encore, son mentor et son guide dans plein de domaines avait besoin de parler. Il saurait écouter.
Il enfila sa cape et se dirigea vers la porte de la sacristie.
Direction, l'auberge du coin où logeait la dame.

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Diplomate Bourguignon, Prêtre et Maire de Cosne
LE COEUR DE LA BOURGOGNE FAIT BOUM !
Della
Serait-ce la réponse du Ciel qui arrive, là ?


L'on venait de frapper à la porte de ma chambre. Je laissai le recueil de poèmes que je lisais et allai ouvrir la porte au Père Turinge que j'accueillis avec bonheur.

Mon Père...vous êtes déjà là !
Merci à vous...Mais venez, entrez, ne restez pas sur le pas de la porte.

Je m'effaçai et laissai entrer Tutu.
Qu'il réponde aussi vite à ma demande me touchait énormément et je voyais cela comme une réponse du Très Haut à mes prières.
J'étais soulagée, j'allais pouvoir parler et partager mes craintes, peut-être aussi, je l'espérais, les apaiser.

Après avoir invité le Père à prendre place, je vaquai à mes devoirs en lui proposant un verre de verjus et en déposant sur la table, un plat garni d'oublies.
Enfin, je m'assis à mon tour et les mains croisées sur les genoux, j'adressai encore une prière au Ciel afin que cette entrevue avec mon confesseur-conseiller-prieur soit bénie et ouvre sur une nouvelle espérance.


Père Turinge, je suis tourmentée.
Ca, c'était dit...la suite serait plus difficile...
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Turinge
[A l'auberge, logement de Della]

Turinge arriva à l'auberge.
Après s'être renseigné sur l'endroit où logeait son amie Della, il monta à l'étage et frappa à la porte indiquée.
Della l'accueillit de suite : elle le fit assoir et lui proposant un verre de jus de raisin semblait-il et quelques friandises.
C'est qu'elle savait recevoir, la dame de Railly.

C'est qu'elle semblait tout de même tourmentée la pauvre...
Le prêtre en eut confirmation bien vite lorsqu'elle s'assit et qu'elle commença à lui parler.
Il déposa le verre près de l'assiette de pâtisserie et ôta sa cape, afin d'être plus à l'aise pour écouter ce que la belle allait lui révéler.


Bonjour Della.
Tu es tourmentée... C'est bien triste. Le Tout Puissant ne veut pas cela.
Je comprends que tu m'aies fait venir. Tu peux parler, je t'écouterai en toute discrétion. Je tâcherai d'apporter un peu de réconfort à ton âme avec l'aide du Très Haut.

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Diplomate Bourguignon, Prêtre et Maire de Cosne
LE COEUR DE LA BOURGOGNE FAIT BOUM !
Della
Pas facile de dire ce qui empêche de vivre...


Les paroles de Turinge étaient déjà un apaisement en soi et je le remerciai encore une fois d'être venu jusqu'à moi.
Tout cela était assez facile, banal en quelque sorte.
Accueillir les gens, les installer, les mettre à l'aise, tout cela faisait partie de ma vie de tous les jours, j'étais dans mon élément.
Parler de moi était déjà beaucoup plus difficile et ce que je m'apprêtais à dire au Père Turinge n'était pas des plus aisés.
Reconnaître mon incapacité à prolonger la lignée des Amahir était reconnaître une défaite. Chose à laquelle je n'étais pas habituée. Et cette défaite-là, j'ignorais encore comment pouvoir m'en nourrir pour grandir et en prendre des forces.
On m'avait souvent dit, comme à tout le monde : "Ce qui ne te tue pas te rend plus forte".
L'Angevin ne m'avait pas tuée mais jusqu'à ce jour, je n'avais encore trouvé aucune force dans l'épreuve que je traversais depuis le jour où ma chair avait été martyrisée par l'acier. Seule une haine tenace de tous les Angevins avait gagné mon coeur.
Etait-ce cette haine que le Très Haut voulait me faire payer ? Voulait-Il que je pardonne à celui qui m'avait blessée ?
Qu'en dirait Turinge ?

Je plongeai mon regard dans celui du Père.

Mon Père, je suis malheureuse, je suis meurtrie en mon corps, mon ventre fut ravagé par une lame angevine et je suis incapable de donner un fils à mon époux parce que je hais les Angevins !
Ma voix se brisa alors que je continuai :
Mais je n'arrive pas à pardonner à celui qui m'a...cruellement et mortellement blessée...Car j'étais morte, mon Père ! Oui, je l'étais mais le Très Haut n'a pas voulu de moi !
Et depuis, je voue une haine féroce aux Angevins, à tous les Angevins !
Maintenant, dans ma voix planait un écho de colère et de rage que je ne pouvais dissimulé, mes poings se serrèrent et j'avalai avec peine avant de reprendre :
Partout où je peux casser de l'Angevin, je le fais ! J'ai fait tout ce qui était en mon pouvoir pour nuire à ces chiens ! Je les hais, mon Père, je les hais !
J'aurais bien pu taper le poing sur la table si seulement j'en avais eu une sous la main, je dus me contenter de crisper les mâchoires.
C'est de leur faute tout ça !
Mon regard devait refléter ma colère à travers un bleu devenu couleur acier, nulle larme ne scintillait au coin de mes paupières, je n'étais que rage et rancoeur.
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Turinge
La pauvre Della souffrait visiblement dans son corps et dans son âme.
Alors qu'elle s'effondrait en repensant aux événements qui l'avaient conduite à ce présent douloureux, le Père la regarda avec douceur et Bienveillance. La situation était délicate... Il lui prit la main et la caressa doucement.

Que dire qu'un esprit aussi vif que le siens n'ait pas déjà pensé ?
Mais elle était venue le trouver lui, un prêtre. Il devait lui parler, lui apporter le réconfort spirituel qu'elle attendait.


Ma pauvre enfant, je comprends tout à fait ton trouble...
Je compatis même. Tu as bien fait de m'en parler. Je souhaite t'apporter un saint éclairage sur cet événement. Peut être cela t'apaisera quelque peu.

Si je comprends bien, tu ne peux plus enfanter à cause d'une blessure reçue lors de la guerre contre les angevins.
Et pire que cela, tu leur voues depuis une haine farouche...

Je peux te livrer l'interprétation spirituelle que je fais de cette histoire. Mais es-tu prête à l'entendre ?

Il lui tendit le verre d'eau qu'il n'avait pas touché afin quelle reprenne un peu de ses eprits.

Tout d'abord, dis moi, as-tu consulté un médicastre, en as-tu parlé avec ta famille, tes parents, ton époux ?
Et puis je ne connais pas trop ta famille : as-tu déjà des enfants ?

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Della
La voix de Turinge me parut particulièrement douce et réconfortante.
Avait-il cette voix lorsque nous parlions à la Basilique ou au Château de Dijon ?
Je n'avais jamais remarqué cette douceur.

Je saisis le verre qu'il me tendait et trempait mes lèvres sèches dans le liquide rafraîchissant, sans relever les yeux, l'écoutant encore poser les terribles questions qui entrèrent une à une dans mon âme, lames éternelles de mon malheur.

Je secouai doucement la tête, répondant négativement.
Puis, relevant doucement le regard, je respirai profondément et me lançai :

Je n'ai pas d'enfant. Je n'avais jamais connu d'homme avant mon mariage.
Je n'ai avoué ce souci à Kéridil, mon époux, que après notre mariage...J'avais peur qu'il refuse de m'épouser s'il avait su...
Mes doigts trituraient le verre...Je sais que je n'ai pas été honnête avec lui mais il m'a pardonnée, heureusement.
Je m'arrêtai un instant, respirai encore pour calmer les battements de mon coeur qui résonnaient à mes tempes, douloureusement.
Je n'ai pas vu de médicastre depuis l'Anjou...La honte m'empêche d'en parler.
Mais j'ai peur...j'ai tellement peur que mon époux me renie, que notre mariage soit un échec...Un homme veut un héritier, c'est normal !
Pensez-vous que je sois punie pour cette haine et cette colère qui m'habitent, parce que je n'arrive pas à pardonner ?

Je bus encore une gorgée d'eau qui passe difficilement tant ma gorge était serrée par l'émotion.
Je suis prête à tout entendre, mon Père.
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Turinge
Toud'abord, le prêtre rappela gentiment à Della qu'ils pouvaient se tutoyer.

Turinga avait en face de lui une femme très intelligente qui comprenait les subtilités du message Divin.
Il lui sourit encore avant de baisser les yeux et de parler sérieusement :


Que tu aies avoué à ton époux ton incapacité à porter la vie, est une bonne chose. Qu'il t'aie pardonnée est une meilleure chose. C'est signe qu'il t'aime réellement.

Il lui adressa un regard encourageant, avant de reprendre :

Pour ce qui est du problème lui-même, il m'est impossible de le résoudre.
Tu dois d'abord savoir s'il s'agit d'un problème physique ou pas.


Puis fermant légèrement les yeux, il regarda sérieusement la jeune femme, comme pour lire dans son âme. D'une voix lente, grave mais douce, il lui révéla :


Il arrive parfois qu'une telle épreuve nous soit envoyée pour tester notre Foi. Le Très Haut t'a octroyé de grands dons. L'intelligence, la beauté, et que sais-je encore. Cela s'accompagne parfois de grandes épreuves car le Soleil est réservé aux plus vertueux. C'est la loi du juste milieu...

Toutefois, notre créateur nous aime et ne veut que notre bonheur.
Peut-être ne vis tu là qu'un empêchement temporaire, après tout.
Tu pourrais très bien retrouver tes pleins moyens lorsque tu auras guérie ton âme de ce qui l'empoisonne.
Tu dois continuer à espérer qu'un jour un miracle pourra se produire pour toi.


Après ces mots, Turinge se rembrunit.
Il savait bien ce que Della avait sur le coeur.

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