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Le retour en Franche-Comté de Daresha et Rhuyzar.

[RP]Les tribulations d'un Vicomte en SRING

Rhuyzar
Le soleil se levait à peine quand la petite troupe arriva en vue du village de Poligny. Les dix cavaliers avançaient en silence, bien moins fringuant qu'à leur départ de Millau malgré leur halte de quelques jours en Bourgogne. Ils n'avaient pas beaucoup discuté en chemin, Thenestohs visiblement pressé de repartir vers le sud leur avait fait presser le pas jusqu'à Mâcon.

Le Vicomte avançait en tête, à côté d'Ali. Il avait tenu à ce que ce dernier l'accompagne dans son périple vers l'Est. Le vieil homme avait accepté de bonne grâce, il avait si souvent entendu parler de ce pays qu'il espérait le contempler de ses propres yeux avant la fin. Rien à voir avec sa contrée natale malheureusement. L'automne avançant, apportant les premières froideurs de l'air, avait obligé le vieux berbère et ses hommes à sortir leurs capes les plus épaisses et s'y emmitoufler pour se protéger de ce climat inamical.

Rhuyzar observait la campagne environnante. Les travaux des champs n'avaient pas encore commencé et ne se trouvant pas à Dole, ils n'assisteraient pas au spectacle de la capitale s'éveillant, s'emplissant peu à peu du bruit des affairistes et des commerçants préparant leur échoppe.

Un peu derrière, Daresha et Adrian suivaient. Le jeune garçon les avait rejoints à Châlon et c'était entre autres pour ses affaires qu'ils avaient pris la direction de Poligny. En queue de groupe, disciplinés comme à leur habitude, les six cavaliers berbères coiffés de leur cheich et leur cape enroulée autour d'eux avançaient en scrutant le moindre centimètre carré d'espace. L'un deux portait la bannière du Vicomte. Les armoiries de Delle avec en leur centre celles de la famille de la Louveterie, brisées, en raison de sa bâtardise.

Malgré lui, le Licorneux ne put empêcher les souvenirs de remonter à la surface. Ces années passées dans cette contrée. Son travail accompli au service de ce peuple. Ces conflits, ces trahisons, ses amis morts à cause de bureaucrates insensibles à l'honneur et la noblesse. A force de patience ces derniers avaient gagné. Ils s'étaient accaparés une région autrefois noble et puissante. Dont l'armée faisait trembler chaque voisin. Dont les gestes étaient épiés comme on observer un fauve, en priant intérieurement pour sa survie. Et ils en avaient fait un pays médiocre, faible, concentré sur son trésor national moisissant au fond de coffres. Et au fond de lui, même si sa lame servait depuis longtemps le Roy de France, il ne parvenait pas à chasser cette impression de gâchis, ce goût amer dans sa bouche et ces "et si..." entêtant.

Sirius devait normalement les retrouver bientôt. Surement l'un des rares qu'il avait envie de revoir. Non pas qu'ils aient toujours été d'accord sur tout, mais le désaccord n'empêchait pas le respect. Seuls le mensonge et la trahison brisaient un lien de confiance.

Les sabots claquaient sur le pavé tandis qu'ils entraient dans le village encore en partie endormi. Ils avancèrent jusqu'à une proche auberge où Rhuyzar donna le signal d'arrêt avant de descendre de sa monture. Son premier geste fut de remettre l'épée posée sur sa selle à sa ceinture, proche de sa main. Un réflexe, une sécurité, tout comme vérifier que ses gantelets imposants étaient bien fixés. Ces formalités faites il inspira une grande bouffée d'air frais, jetant un oeil alentour afin de déceler une quelconque présence humaine, ou connue.

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Daresha
Longue fut sa réflexion à peser le pour et le contre, à trouver une raison valable, à se demander si elle en aurait le courage, à se décider tout simplement. La proposition avait éveillé chez elle un intérêt certain auquel elle n'aurait jamais songé. Qu'avait elle à perdre? Rien. Elle n'avait rien à gagner non plus, ou du moins pas quelque chose dont elle eu conscience sur le moment. Il était peut être tout simplement temps. Rien ne la retenait en Rouergue, aucune charge, aucun engagement. Grand Dieu! Qu'être à la retraite était une bien agréable chose. Allégeance avait été prêtée au nouveau Comte, les travaux du manoir avaient été enfin achevés avant que le temps ne cède à la dégradation. Elle était donc libre de partir pour ce voyage. Sans regret, elle rendit une réponse positive au Vicomte. Et le tour avait été joué, les dés avaient été jetés et les affaires préparées avec une précipitation attentionnée. Le seul point délicat était la petite demoiselle de Jeneffe. Il fut décidé qu'elle viendrait avec eux, mais c'est avant le jour officiel de départ que l'enfant pris la route avec sa nourrice et en bonne escorte. A destination ils se retrouveraient tous. Oui tous car il n'y avait pas que cette petite héritière aux grands yeux bleus teintés d'éclats verts qu'elle retrouverait. Il y avait ce premier fils, son aîné, ce petit garçon qui avait du bien grandir depuis tout ce temps et qui était né de son ventre semé avec amour par son premier époux. Le Vicomte...

Prêt de six ans. Déjà six ans. Pourtant elle n'avait qu'à fermer ses paupières blanches pour revivre ce pan important de sa vie. Imparfaite fut leur relation, mouvementée, violente mais terriblement passionnée même si son coeur s'était détourné pour une Licorne aux yeux bleus. Un sourire de tristesse se dessina sur son visage lorsqu'elle cingla son épais et long manteau. Le vêtement avait beau être d'une riche facture de qualité, elle n'en ressentit pas moins un long frisson de fraîcheur. Tant de choses avaient changé, qu'en était il des autres?

Contre la selle, les étrivières claquèrent alors qu'elle descendit ses étriers. L'heure a sonné, le ciel sera avec eux. D'une gestuelle gracieuse, elle se hissa à cheval et attendit que ses compagnons de voyage donnent l'ordre de départ. Et il ne lui fallut attendre guère longtemps, juste le temps eut elle d'ajuster ses chauds gants de cuir vieilli et de refermer ses doigts sur les rênes. Le trajet fut étrangement silencieux; mais à quoi bon parler pour ne rien dire de toute façon? Le silence est d'or et vaut bien plus que des mots. Elle resta d'ailleurs tout du long un peu en retrait, en prenant garde toutefois de ne pas donner une impression de ralenti à « son escorte » particulière. Mais elle soutenait l'allure sans se plaindre et avec aisance certaine malgré une douleur au coeur qui ne cessait de se rappeler à elle. Heureusement, la Panthère n'avait rien su du léger incident, ce très cher Milo avait réussi à tenir sa langue. Mais pour combien de temps encore? Mais qu'importe, elle savait très bien jouer la comédie. Cette pensée quitta rapidement son esprit qui préféra s'occuper de la Mesnie de Jeneffe, incluant le jeune Faucon.

Jeune Faucon retrouvé en cours de chemin. Etranges retrouvailles entre la mère et le fils; si jeune mais bientôt en âge d'être un homme... Peu de paroles furent échangées, peut-être à cause d'une timidité mal venue, d'une gêne infondée. Elle n'avait su si elle devait l'étreindre dans ses bras comme s'il était encore un tout petit garçon ou si elle devait commencer à mettre ces distances qui tomberaient indéniablement entre eux sous peu. Elle avait opté pour ce second choix: était-ce le bon? A dire vrai, elle ne le savait pas. Aucun des deux choix qui s'étaient posés à elle n'était une solution satisfaisante. Mais la seconde avait cet avantage d'être une fuite, un détour vain pour éviter la souffrance à venir: il était bientôt un homme et un grand avenir l'attendait.
Elle ressentit un grand vide mais tenta de ne pas y penser. Et puis, elle retrouverait bientôt sa fille, qui elle était encore un bébé qui avait toutefois bien grandi. Le temps des premiers pas et des premiers mots était arrivé lui aussi. Mais elle avait encore le temps de devenir une femme et de remplir les obligations que ses parents avaient déjà posé sur ses épaules, sous réserve que le Très Haut lui accorde une longue vie. Bientôt, bientôt elle aurait les deux enfants qui s'étaient vus accordé le don de vie.

La petite lionne flamande connaitrait – du haut de ses très jeunes années – les terres maternelles après avoir connu celles de son père. Et Adrian connaitrait les terres qui l'avaient vu naitre. Connaître... il les connaissait déjà. S'en souviendrait-il? Et... Le brouillard se dissipa sur une grande et effroyable évidence : une grande et effroyable discussion devrait avoir lieu. Quand? Son moment arriverait bien assez tot.
Comme si une main invisible s'était posée sur son épaule, elle sortit de ses songes prenant alors que la troupe franchit la frontière qui séparait la Bourgogne de la Franche-Comté. Elle referma un peu plus son manteau sur elle, réflexe pour le moins étrange. La saison froide est bien avancée pour cette époque de l'année... Sa respiration se fit plus hésitante, l'anxiété remontant dans la même danse que ses souvenirs à son esprit. Elle se laissa finalement glisser à terre. Flattant l'encolure du frison qui ne la quittait plus lors de ses périples équestres, elle regarda la ville somnolante et se dirigea finalement vers l'auberge pour y réserver quelques chambres.

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Fauconnier
Oui, le jeune Faucon était là. Et Non, il n'était pas encore un homme.

Mais le temps fait son travail, lentement et sûrement, couvant le jeune garçon de ses regards, le façonnant peu à peu. Adrian Fauconnier de Riddermark grandissait, c'était certain. Oh, pas qu'il fut devenu un géant en comparaison du jeune oisillon qui restait sous les ailes de sa mère. Mais on devinait une différence, dans le regard. Une flamme propre à la noblesse était née. Pas forcément la flamme dédaigneuse des nobles qui savent qu'ils sont au pinacle de l'Ordre Céleste, non. Mais celle de qui sait que son sang bleu est advenu par labeur, bravoure, courage et honneur. Cela, il n'en doutait pas une seconde. Et ce travail de ses parents, il le revendiquait, clairement et fortement.
La période à Saulx, chez son cousin, l'avait changée sur bien des plans. Il était toujours aussi taciturne, aussi concis dans les paroles comme dans les actes. Mais il était devenu plus... politique. L'influence du vicomte avait été partie prenante dans son évolution, et le fait d'avoir passé du temps avec lui, de l'avoir vu lui expliquer les rouages politiques, de l'avoir parfois accompagné à quelque réunion d'importance, avait jouée. Adrian était devenu calculateur. Il réfléchissait vite, et bien. Termes d'intérêt, de besoin, il comprenait ce langage. Il ne pensait pas aux désirs. D'ailleurs, qu'étaient les désirs, pour ce jeune Faucon qui avait un distributeur à graine près du bec? Il n'avait jamais eu besoin de rien. Qu'il claquât dans les doigts, et c'était une veste chaude, la plus belle poulinière des écuries, ou une pomme bien mûre, juteuse et goûtue, qui atterrissaient dans sa main. Aussi n'avait-il pas vraiment de désirs réels. Il avait des envies, bien sûr. Pas de l'ordre des envies charnelles qui nécessitent épanchage hâtif et preste, bien qu'elles ne tarderaient pas à subvenir. Mais de l'ordre d'une promenade, parfois, le soir tombant, dans les forêts de Saulx. Il connaissait le plaisir gustatif, visuel, auditif. Mais le plaisir intime, qu'il connaîtrait sous peu, je vous en fais promesse, n'était pas encore là. Gageons-donc, mes agneaux, qu'il changerait assurément beaucoup de choses...

Politique, calculateur. Pas l'expérience des intrigues de cour, mais déjà les prémices.

Il avait quitté Saulx avant son cousin, retenu pour ses affaires, et avait chevauché accompagné d'hommes d'armes qui, après lui avoir fait rejoindre le groupe constitué de cet assemblage hétéroclite de chevaliers, d'hommes d'armes sarrasins et d'une dame, s'en retournèrent à Saulx rendre compte de l'accomplissement de leur mission. Voyage paisible, sans encombre. Près de Chalon, il avait récupéré le groupe, avant de continuer à leur suite.
On aurait pû croire un bonheur de retrouver sa mère. Mais c'était sans se rappeler qu'elle l'avait abandonnée à Saulx. Avec un cousin déprécié. Et, de surcroît, sans même lui en avoir parlé au préalable! L'adaptation avait été rude. Il en voulait beaucoup à sa mère. Ils s'étaient promis de rester ensemble, et cette entorse à sa promesse l'avait fait se sentir trahi, trompé. Après plusieurs semaines de morosité en territoire Franc-Comtois, il avait commencé à vouloir tirer parti de sa situation, et apprendre le plus possible. Sirius de Margny-Riddermark, à cet égard, s'était avéré un professeur patient et assez enjoué. Et même si leurs relations étaient toujours très protocolaires, le jeune Faucon appréciait comme un cousin celui qu'il n'aimait pas auparavant car traître à sa famille en allant coucher avec une Adams.

Il avait été très déçu de ne pas voir sa mère lui dire bonjour comme avant. Cela lui avait laissé penser qu'il n'était plus son fils, qu'elle ne l'aimait plus. Cela l'avait beaucoup chagriné. Et alors qu'il avait très envie de lui montrer ce qu'il avait appris à Saulx, elle s'était montrée distante, peu enjouée. Froide. Le jeune garçon s'en était trouvé conforté dans sa solitude, et sa mélancolie. Le soir, il restait assez seul, passant de Rhuyzar à Thenestohs pour entendre les histoires de chevaliers sans peur et sans reproches, avant d'aller avec Ali et ses hommes. Il aimait beaucoup les Maures, qui chantaient des chansons d'une langue qu'il ne comprenait pas, le soir au coin du feu. Toujours joyeux et enjoués. Et qui l'avaient naturellement admis. Chez eux, les enfants sont des dons de Dieu. Le temps avait dû passer, un jeune noble ne se mêlant pas si facilement au vulgaire. Mais la solitude l'avait poussé. Et il ne le regrettait pas.

L'entrée dans le village encore endormi lui fit dresser l'oreille. Et, arrivé à l'auberge, il sauta lestement à terre, et entra dans la taverne, laissant son cheval dehors, non soigné, non déssellé, non bouchonné, la longe dans la gadoue, les sacoches de selle non vidées. Il avait tellement l'habitude des palefreniers que cela lui paraissait normal. Il ne s'occupa pas de sa mère, mais alla droit à ce qui lui paraissait être la cuisine, avant de prendre avec autorité une pomme qui traînait par là.
Le cuisinier, un grand-gros homme (on peut d'ailleurs trouver comique que le cuisinier soit toujours un grand-gros homme, mais passons), voulut lui filer dessus, pour le réprimander. Mais il suffit d'un regard du jeune noble, avec la démonstration ostensible de son tabard orné de ses armoiries, de sa dague à la ceinture, et surtout du regard de celui qui est obéi, pour que le cuisinier étouffe le:


" Hééééé ! "

Qui lui montait dans la gorge. Yeux charbonneux, avec sourcils légèrement froncés d'un côté, relevés de l'autre, à la "tiens? Que comptes-tu faire, manant?". Petit sourire, et croquage dans la pomme. Laissant faire, il regarda le jeune seigneur de Parcey ressortir, la pomme entamée entre les lèvres, et se poster dans la taverne, entre sa mère et la porte. Il espérait que le voyage ne serait plus long, qu'il dormirait cette nuit, et appréhendait déjà le jour suivant, où il devrait suivre son cousin à Dole, pour remettre personnellement l'allégeance familiale pour les terres de Scye, Montbarrey, et Saint-Laurent. Longue journée, que celle qui l'attendait demain...
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- Seigneur de Parcey

- Fils de Bralic Fauconnier et de Daresha de Riddermark

- Bannière en attente de réalisation
Sirius7
Une Rose. Non pas de chair et de sang comme sa tante, mais de métal et de bronze. Voilà ce qui avait retenu le Vicomte dans les entrailles de Saulx, en présence d'invités prestigieux, désireux de découvrir ce que cette Rose allait encore leur apporter. Si les activités du Margny semblaient bien secrètes en ce moment, il n'en était pourtant rien pour quelques personnes, soigneusement choisies. Et nul n'avait pu mettre la main sur ce morceau de métal travaillé puis récupéré lors d'une cérémonie d'anoblissements, certainement pas le jeune cousin Fauconnier dont Sirius avait la charge depuis maintenant quelques temps. Si l'envie avait certainement pu prendre au jeune homme de s'aventurer dans les sous-sols, l'accès lui avait été tout simplement refusé. Peut être qu'un jour il l'autoriserait à ouvrir la porte, mais pour le moment même ses propres fils n'avaient eu ce privilège.

Une fois la poignée de nobles s'étant retirés du domaine, le Vicomte avait immédiatement fait préparer l'attelage qui prendrait la direction du sud-ouest de Saulx, à la suite d'Adrian Fauconnier de Riddermark. Si certains évènements peuvent attendre, il en est d'autres qui ne souffrent d'aucun délai. Leur venue en Franche-Comté était une véritable satisfaction, malgré le temps qui s'était écoulé. Sirius se préparait donc à voir de nouveau le Vicomte de Delle et la Comtesse de Scye, bien des années après cet été meurtrier, et qui restera à jamais dans les mémoires. Le Margny-Riddermark n'était pas prêt d'oublier.

Il eut fallu être complètement ignare pour ne pas connaître cette histoire. Même le plus demeuré des ermites avait eu connaissance de la plus terrible des guerres pour la Franche-Comté, entre deux camps dont on distinguait avec discernement, encore aujourd'hui, les limites. Certains auraient pu croire que le retour de Daresha signifiait obligatoirement la vengeance d'une veuve, mais pourtant d'autres mourraient bien plus d'envie de planter une lame dans le cœur de certains Adams. Avec le temps passé en la présence d'Adrian, Sirius avait largement reconnu en lui l'aura de son père disparu, et surtout la même fierté. S'il en était un dont il ne fallait pas approcher d'un Adams c'était bel et bien lui. L'avenir pourrait bien réserver quelques surprises, fortes agréables.

Après s'être rassasié, plus que suffisamment, le Vicomte et sa garde purent enfin prendre la route.
Celle-ci fut longue, bien qu'elle passa plutôt vite, dans la tête d'un Margny songeur. Le convoi s'arrêterait en Dole, dans une attente qui paraitrait bien plus interminable que le trajet. Puis une chambre serait réservée au Vicomte, et à lui seul, tandis qu'un de ses hommes de main patienterait à l'entrée sud afin de repérer Daresha et les autres pour les mener à lui. Le lendemain sera le temps des allégeances, et Adrian y effectuera ses premières.

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Daresha
Il est le plus beau moment de sa vie même si l'enfantement fut anxieux et douloureux; douleur physique d'un corps qui libère après de nombreux mois, la petite boule de chair, d'os et de sang qu'il a hébergé contre toute espérance. Elle l'aime ce fils qu'elle a choyé bien avant qu'il ne voit la lumière du jour et que ses poumons ne s'emplissent de cet air vital. Combien de nuits à elle passer à le veiller, à le contempler, à s'interdire de dormir, juste pour se perdre dans sa vue de bébé, de petite garçon endormi paisiblement? Oui il y en a eu, mais finalement, trop peu. Que ne donnerait-elle pas pour inverser le cours du temps et pour changer une partie du passé? Mais donner tout serait bien chose inutile car personne ne peut modifier le cours du temps : il court, s'écoule, impassible, allant toujours et inévitablement de l'avant. C'est ainsi.
Il est là, se prenant pour l'homme qu'il n'est pas, petit noble à l'impolitesse flagrante. Si le Vicomte était en vie, nul doute que le jeune Faucon aurait reçu une magistrale correction. Sans doute en aurait-il été de même si la licorne teintée d'or royal avait été là. Mais le premier est mort, et le second remplit ses charges pour l'honneur et la grandeur d'un Roy. Et elle, sa mère ne bouge pas, se contentant de le regarder. Parce que de toute façon, pourquoi dirait-elle quelque chose? Elle n'a pas tenu sa promesse faite le jour de ses noces à son petit faucon et elle le sait. Mais c'était pour son bien... Brûle en elle cette envie de le serrer contre elle, contre son sein, de lui murmurer tant de ces mots d'amour qu'une mère peut dire à son enfant. Mais non, il ne faut pas.

-Adrian... murmure t elle entre ses lèvres tremblantes avant de détourner son regard et de hausser les épaules en soupirant tristement.

Parler, acte simple au premier abord. Il suffit d'utiliser de ses cordes vocales. La nature a bien fait les choses. Mais encore faut-il arriver à assembler des mots en des phrases compréhensibles. Les mots; simple assemblage de lettres, consonnes et voyelles qui s'alternent. Les mots; formés au cours d'âges lointains, par des civilisations éparses entrées en contact les unes et les autres, contact confrontation, ou contact assimilation. Ils sont là, attendant d'être prononcés. Mais la réflexion fait souvent barrière, entrainant une grande hésitation: les mots sont souvent sources de douleurs, même s'ils n'ont pas été pensés, chaque esprit les interprétant à sa manière, en fonction du coeur avec lequel il forme un couple particulier. Et les résultats peuvent être d'une incroyable intensité.
Alors elle se tait et se détourne. Il fait froid; prêt du feu à moitié entretenu, elle sera mieux, même si l'assise miteuse du siège qui se trouve a coté de l'âtre ne donne guère envie d'y poser son séant. Cela donne une idée de l'état des chambres qui les attendent. Le confort sera pour plus tard, mais au moins ils peuvent se poser. Ses émeraudes restèrent figées dans les flammes fragiles quelques instants avant qu'elle ne détourne son visage vers l'enfant en train de mordre dans sa pomme. Sa main se lève en direction du jeune vicomte et d'un seul geste elle l'invite à venir prêt d'elle. Que se diront ils? Ce n'est pas parce que l'on sait parler que l'on est obligé de parler. Il y a bien d'autres langages, celui du corps, celui des yeux. Le silence est également un langage à lui seul. Juste le sentir prêt d'elle, c'est tout et c'est déjà bien. Et que fait donc la servante qui avait la charge de la petite lionne?

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Rhuyzar
Le silence avait accompagné leur arrivée en la bourgade comtoise. Cela suffisait au chevalier. Il avait toujours détesté le bruit et l'agitation des palais, des réceptions, de Paris... et bien que cette contrée soit pour lui un curieux mélange de rancoeurs et de joies, il trouvait son compte dans cette tranquillité. Il avait désormais passé l'âge de ne pas s'accommoder des choses.

Adrian était encore un enfant et le prouvait dans chacun de ses gestes, son attitude, ses regards. Il avait l'arrogance de son père sans son armure et ses hauts faits. Un bon précepteur en armes voila ce qu'il lui faudrait. Le dresser et l'en faire baver un bon coup. Qu'il comprenne que la vraie noblesse se mérite et se paie cher, très cher... Il aurait bien reproché à Daresha son manque d'autorité mais le mal-être de la Comtesse était flagrant. Etait-ce en rapport avec Guillaume ? Avec son fils ? Il s'était posé la question sur la route mais n'avait pour l'instant pas osé lui faire part de ses inquiétudes.

Il avait pour l'instant de plus urgentes choses à régler. Laissant sa monture en garde à Ali il passa d'un pas ferme la porte de l'auberge. Un vieil homme ronchonnait derrière son comptoir, surement de voir tant de tapage si tôt. Le Vicomte s'approcha et jeta une lourde bourse sur le bois mal entretenu.



Pour toi. En échange je veux trois chambres et de la place pour mes hommes dans tes écuries. Et pas de la chambre de croyant en pélerinage sinon tu tâteras de mon fer. Je veux aussi du fourrage à bête, de l'eau et une bonne pitance pour tout le monde. Y'a point d'embrouille, je t'ai mis bien plus que le compte dans le cuir. Et active, nous sommes fourbus.


Fut-ce la vue de la bourse ou celle des armes et des hommes dehors mais la mine renfrognée du tenancier se transforma en un large sourire de juif. Il se répandit en "bien sur mon bon seigneur, tout ce que vous désirez" et fila préparer les chambres et les écuries par ses garçons. Satisfait Rhuyzar ressortit et d'un signe de tête avertit Ali qu'ils pouvaient mener les bêtes à l'écurie.

Le petit Adrian croquait toujours sa pomme sur le pas de la porte, sa monture laissée pour compte dans la boue devant la bâtisse. Le Licorneux s'approcha du garçon et le toisa d'un air sévère.



Eh petit prince, tu crois que ta monture va se rentrer toute seule ? Je serais toi j'irais m'en occuper avant qu'elle se dessèche et crève sur place. Tu serais bien marri de devoir courir sur tes p'tits pieds quand on repartira. Et si t'attends que quelqu'un le fasse à ta place, compte pas sur mes gars ou sur l'aubergiste. C'est pas un aimable et en sus tu lui as piqué une pomme.


N'attendant nulle réponse, le chevalier rentra dans l'auberge. Le seuil passé il se retourna une dernière fois:


Et si tu sais pas t'occuper d'un cheval demande à Ali. Il t'apprendra.


Il se détourna ensuite pour aller s'installer dans la grande salle en attendant les alcools. Dénichant un fauteuil point trop moisi pour y déposer son chevaleresque derrière.
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--Bertille
Schbam! Schbam! Schbam!
- Hum... Oui.... J'arrive...
Schbam! Schbam! Schbam!
- Oui!
Je repoussais en soupirant la couverture miteuse et trouée sous laquelle je trouvais un bien maigre renfort et une bien fraiche chaleur lorsque j'allais enfin me coucher. Je ne dormais que quelques heures : les journées étaient fort longues, commençant bien avant le levé du soleil et finissant bien après que la lune ait commencé sa descente. Quelques heures de repos avant qu'une autre journée de travail ne recommence. Une énième journée était ainsi sur le point de commencer. Je me levais, trainant mes pieds nus sur le plancher de bois sali et poussiereux. Je m'approchais de la fenetre pour y regarder dehors - une fenetre, c'était loin d'en etre une, simple ouverture faite dans le mur tordu laissant passer tous les courants d'air, mais je l'appelais fenetre. C'était la fenetre de ma chambre; c'est tellement plus optimiste que de parler d'appentis. On peut être un peu présomptueux même quand l'on ne possède rien ou peu de choses. Je possédais quelques écus que je cachais dans un coin de ma chambre, bien à l'abri de la convoitise. L'aubergiste - qui était soit dit en passant mon oncle, ne me donnait rien. Il me donnait déjà le logis, le boire et le manger, cela faisait bien assez pour lui. Mes piécettes, c'était quelques rares clients généreux de l'auberge qui me les avaient données. Que les hommes pouvaient être généreux lorsqu'on leur donnait ce qu'ils voulaient, même s'ils prenaient d'eux mêmes ce qu'on hésitait à leur donner; ce que j'hésitais à leur donner. Mais j'appris à faire fi de tout cela; il me suffisait de fermer les yeux et de ne pas penser à tout cela. Je voyais en cet argent de quoi acheter ma liberté. N'était-ce qu'un rêve d'enfant?

L'année touchait à sa fin et les saisons avaient encore changé: l'été avait laissé sa place à l'automne et désormais, je devinais difficilement le trait d'or sur l'horizon annonçant le lever de ce beau soleil. Je me dêpechais pour ne pas subir les foudres de mon oncle et de sa taulière. Je retirais ma chemise de nuit rapiecée, la repliais et la posait sur la paillasse défraichie ou je dormais, après avoir remis la couverture en place. Puis je me débarbouillais avec l'eau que j'avais ramené la veille et dont j'avais rempli un petit bol ébréché. Je passa enfin mon jupon et ma chemise froissés, sur lesquels je posa un tablier dont on pouvait aisément douter de la blancheur. Je nattais mes longs cheveux blonds et enfilais des petites chausses usées. Soupirant une dernière fois, je me précipitais au bas des escaliers ou la rombière attendait déjà, ses mains fermés en poings serrés, posées sur ses hanches larges et grasses. Elle me montra de son menton pointu, un bout de pain qui se trouvait sur la table de la cuisine et me donna les ordres pour la matinée. Nous avions reçu du monde la veille - période d'allégeance oblige - et il fallait que tout soit prêt pour leur réveil.
Une fois le bout de pain venu remplir mon estomac criard, j'attrapais les deux seaux pret de l'entrée et sortie au dehors.

L'air du matin était frais et un long frisson me parcourut le corps. J'avais froid, mais j'étais bien: j'avais cette sensation d'être libre même si une dure journée de labeur s'était à nouveau levée sur ma vie. Enième jour de travail, comparable aux précédents et comparables à ceux à venir. Je ne sais combien de jours se sont ainsi écoulés depuis que mon père m'a laissé ici. Lui ce n'est pas d'une vieille popote qu'il s'est entiché, mais d'une galante se prenant pour une étoile de théatre. Je me suis toujours demandée si je lui en voulais mais je n'ai jamais trouvé la réponse. Cela m'importait peu; je n'avais pas le temps de ressasser cette question de toute façon: l'aubergiste ne m'en laissait pas le temps et le peu dont j'en disposais, je le passais à rêver.
Tout en allant chercher l'eau au puit, je rêvais à une vie moins monotone. Je ne songeais pas au bonheur, je n'avais aucune idée de ce que cela pouvait bien être, tout comme le malheur : je vivais, j'avais de quoi manger et dormir. Que pouvais-je donc demander de plus? J'aspirais seulement à un peu plus d'animation du haut de mes treize ans. J'attendais patiemment que Dieu réponde à mes prières tout en remplissant les taches difficiles qui étaient miennes.

Au fil de mes allées et venues, - deux tout au plus, c'est que le puit était assez éloigné et j'avoue que je prenais un peu mon temps - le ciel commençait à s'éclaircir. La journée serait belle et ensoleillée; cela changerait de la pluie incessante de ces derniers jours. Cette pensée attisa le feu de mon coeur et l'enjoua. Alors que je ramenais ma troisième fournée d'eau pour la journée, je vis un peu d'animation devant l'auberge alors que j'en approchais. J'accelerais l'allure de ma marche tout en prenant garde à ne pas reverser les seaux; je n'aurais guère voulu faire d'autres voyages. L'ensemble pesait déjà bien assez lourd sur mes petites épaules endolories. Je n'étais peut être pas à un voyage prêt; mais malgré mon manque d'éducation, je savais un peu compter. Il fallait bien que j'utilise ces chiffres et ces nombres pour surveiller la monnaie que l'on me rendait au marché, ou celle que l'on me donnait à l'auberge; il fallait également que je surveille toutes les marchandises que je ramenais. S'il manquait quoique se soit, je le remboursais à coups de baton et par encore plus de travail. Cela ne me disait donc guère, alors que rongeais mon frein: ma curiosité serait satisfaite assez tot, me rassureais-je.

Je restais à quelques pas du groupe, pour l'observer : des cavaliers, immenses sur leur chevaux. Il me sembla que l'un d'eux était toutefois plus petit que les autres. Je les regardais, rassasiant ma curiosité indiscrète autant que faire se peut. Mais je dus me rendre à l'évidence : j'étais encore trop éloignée. Je repris donc ma marche et enfin je ne me trouva plus qu'à quelques pas. Je m'arreta à nouveau pour laisser mes yeux verts d'eau se poser sur une frele silouhette qui s'était détachée de ses accompagnant. Lorsque la capuche retomba en arrière, je pu reconnaitre une femme au port altier. Que venait faire une noble dame icelieu? Je ne pu la regarde que quelques secondes, mais je sus, à sa démarche que dans ses veines coulaient le sang de la noblesse. Le bruit d'un cheval qui se secoua me fit sursauter et je manqua de lacher mes seaux. Je sentis alors un regard sur moi et je me tournais dans la direction d'ou il provenait . Il y avait un homme, grand, large d'épaules avec un foulard sur la tete et la peau... si sombre; ayant eu peur de recevoir des remontrances, je me précipita a l'intérieur non sans avoir salué les personnes du groupe: m'eurent ils entendus? je ne le pense pas: j'avais baissé la tete et j'avais à peine murmuré quelques mots.

De toute façon, je n'avais qu'une idée en tete: déposer mon fardeau et il ne fallait pas que je tarde j'avais encore à préparer la pate pour faire le pain avant d'aller faire les courses pour faire les repas de la journée, si tant est que l'on pouvait appeler ça des repas : du ragout de legumes avec de la viande venue d'on ne sait ou accompagné d'un mauvais pain. Un bonheur pour les papilles. Alors que je déposais mes deux seaux au pieds de la petite table de la cuisine, je vis une silouhette inconnue arriver comme si elle se trouvait chez elle, et se servir d'une pomme sous le regard mauvais du "cuisinier" qui n'en décrocha, à ma grande surprise, pas une. Il s'agissait d'un garçon, plus si petit que cela, mais pas encore un jeune homme. Sans doute devait-il avoir mon age, ou un peu moins, mais pas plus, je l'aurais parié. Je devinais qu'il avait du arriver avec le reste du groupe et que c'était là le petit cavalier. Je ne pouvais détacher mon regard de lui, retenant difficilement un sourire lorsqu'il croqua sa pomme en guise de provocation. Puis il partit comme il était venu. Sans réfléchir je le suivi ; je n'arrivais pâs à m'en déctacher et je ne savais pourquoi. Un jeune noble à de quoi être repoussant, mais je lui trouvais un certain charme. Pauvre folle! Il est noble, tu es une pauvre souillone... Mais cela ne me coutait rien de le regarder. Je me recula toutefois lorsque s'approcha un homme qui se mit à parler à ce jeune garçon. Un prince...
Fauconnier
Reniflement agacé. Le Vicomte n'est certes pas la personne qu'il apprécie le plus, mais assurément pas celle qu'il apprécie le moins.
Leurs rapports ont été faibles, en fait. L'avis du petit garçon sur le Chevalier venait de l'avis de sa mère, qui en avait fait son meilleur ami. Autrement dit, le petit bonhomme ne pouvait pas avoir d'avis négatif sur lui. Mais il y avait des aspects du Loup Blanc qu'il n'appréciait pas du tout. Son austérité. Son inflexibilité immuable. Sa toujours patente maussaderie, et sa mauvaise humeur fréquente. Adrian connaissait peu Rhuyzar. Il en savait surtout ce que sa mère lui en avait dit, corroboré par des discussions avec Ilmarin, sa fiancée. C'était aussi l'un des "successeurs" de son père, lui avait-on dit. Il ne comprenait pas comment. Mais cela le poussait d'autant plus au respect. Un résumé approprié aurait montré qu'il ne détestait pas le chevalier, qu'il appréciait même de l'accompagner, mais qu'il n'y aurait jamais de proximité intime entre eux. Adrian n'avait pas encore, à cette époque, l'habitude des esprits malmenés caractéristiques des Chevaliers de la Licorne...
Le jeune Faucon ne bougea pas, sur le moment. Analysant la situation en quelques secondes. Surtout, en terme de punition/récompense. Rhuyzar ne pouvait pas lui botter le cul. Mais il pouvait le forcer à le faire. Aussi le jeune vicomte opina-t-il du chef, pour un résultat assez proche d'un "Meeeuuuuuuh ouais que j'vais le faire, c'ça, parle à mon cul, la têtasse est en panne, troufion! ".
Il se détourna, notant sur un calepin mental de se souvenir de cela pour plus tard, et sortit avec un regard absolument brûlant à l'aubergiste qui se gargarisait de cette petite vengeance que le chevalier faisait poindre au jeune garçon.

Arrivant dans la cour, il n'eut aucune envie de s'occuper de son cheval. Son poney de monte était brun, la crinière emmêlée de la crasse du voyage. L'on y voyait au séant les restes d'une défécation incongrue sur la route, associée avec quelques simili-gouttes d'un liquide doré qui, s'il l'avait eu en son verre, eut pû ressembler à du vin blanc. Devant ces reflets malodorants de la nature animale de son petit palefroi, on peut imaginer le manque d'enthousiasme à se rapprocher d'une bêtasse crottée, qui puait la mort, l'urine et les fèces, et avait une crinière et un pelage rappelant plus volontiers les forêts noires de Germanie que de souples longueurs de poils brun, évoquant le sarrasin (blé noir) se couchant sous le vent. Si l'on rajoutait à cela que son poney avait entre les pattes la preuve disproportionnée de son appartenance à la gente masculine, étendue à l'extrême par la vue de la jument de sa mère, et de surcroît un petit filet de bave coulant de sa bouche vitreuse le long de son mors piqueté d'un peu de rouille, et les yeux exorbités et injectés de sang de qui a plus envie de compagnie femelle que de mangeaille rapide, on comprendra ainsi aisément que le jeune petit n'avait absolument AUCUNE envie de mettre les mains au paquet.
En même temps, la cause en était simple: il n'avait aucun palefrenier avec lui, et son cheval était sans entretien depuis une bonne semaine. Hormis Rhuyzar, personne n'aurait osé lui imposer de nettoyer son cheval. Quiconque connait les chevaux comprendra donc aisément que, sur une longue route, surtout en ce début d'automne, son état se révéla donc absolument LOGIQUE.
Ali et les Maures rentraient les montures, et les bouchonnaient. Mais l'absence de cette solution provoqua un réel déplaisir au jeune noble, qui réfléchit ainsi très vite. Il regarda autour de lui. Et oh! surprise! remarqua la petite derrière lui. Elle avait bonne tournure, des bourgeons de seins s'épanouissant en pointes encore peu apparentes sous la vesture peu valorisante qu'elle arborait. Ses cheveux blonds étaient par contre propres, ainsi que ce qu'elle portait. Le visage n'était pas beau, mais avait ce petite "quelque chose" qui laissait présager, plus tard, d'une enfant qui serait courtisée sans difficulté. Elle pourrait probablement trouver un bon mari. Et Adrian aurait eu quelques années de plus, il aurait probablement eu envie de la foutre sur le champ, dans le foin, à l'arrière de l'écurie, ou encore ailleurs, qui sait? Une chose était sûre: malgré l'absence évidente de désir sexuel, et le fait qu'il ne relia point encore une jolie fille à son bas-ventre, et qu'il fût même dans la période où les filles répugnaient plus qu'autre chose par leur différence, il avait là matière à se dédouaner.
Il porta la main à sa poche, et en tira une bourse en cuir, dont il extirpa 4 écus. Les prenant en main, il la regarda. Et il vit qu'elle l'observait, bras balants, sans rien faire. Le fait l'énerva. Plus tard, encore une fois, cela lui plairait sûrement. Actuellement, cela l'énervait prodigieusement. "Nan mais, t'veux ma photo?".


- " Hé, toi! " C'est ainsi qu'il l'apostropha, et qu'elle cessa son reluquage pour se concentrer sur lui, rosissant presque.
La petite phrase ramena néanmoins les convenances, et le respect qui lui était dû. La décontenance qui suivit le fit poursuivre:


- " Ca te dirait, 4 écus faciles? "Sans même attendre la réponse:
- " Occupes-t'en. Alors, je te baillerais ça. Pigé? "Concis, clair, comme à l'habitude. Et désignation du poney. On n'est pas là pour tergiverser.

Il n'attend pas qu'elle ait répondu: ses paroles ont valeur d'ordre. Et si elle ne le fait pas, il peut très bien s'arranger pour lui administrer une trempe. Pour une pécore, ne pas écouter un noble, c'est vraiment se moquer du monde.
Puis, se faisant, il se détourne et repasse la porte. Arborant un large sourire, il voit sa mère assise, au même endroit. La place désignée précédemment l'attend. Il tourne la tête vers le tavernier. Claquement des doigts, avec signe de la tête en direction de sa mère accompagné d'un index impérieux. Signe clair "Deux verres, et du vin. Fissa!". Il n'attend même pas. Il sait que l'homme est déjà parti. Sans même prendre garde à qui est présent autour de lui, il s'avance vers sa mère, et s'assoit près d'elle. Si longtemps qu'il n'a pas été proche d'elle. Si longtemps...

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- Seigneur de Parcey

- Fils de Bralic Fauconnier et de Daresha de Riddermark

- Bannière en attente de réalisation
Rhuyzar
Il faut bien l'avouer, le Vicomte n'avait pas pour ambition de s'occuper de l'éducation du gamin de Daresha. Il s'était contenté d'un conseil, à sa manière, sur ce qu'il pourrait se produire si Adrian ne se préoccupait pas de la bête qui lui permettait de voyager. Le fait que le mioche délègue avec force monnaie l'accomplissement de cette tâche ingrate était la preuve d'une certes fainéantise mais doublée d'une certaine réflexion ou tout du monde du besoin de trouver une solution convenable pour ne rien branler.

L'idée durant quelques instants l'avait traversé de le prendre comme écuyer mais il s'était alors rappelé du dernier qui avait eu le malheur d'être accepté dans ses pattes. Qui plus est il n'était pas persuadé que la Comtesse souhaite que son rejeton ressemble par trop à son père. Ce qui ne manquerait pas d'arriver si Rhuyzar se chargeait de son éducation. Le Commandeur était en partie responsable de ce qu'il était devenu. C'eut été le schéma du serpent mordant sa propre queue.

Ainsi, une fois cette affaire réglée (dans son esprit), le Licorneux était-il parti s'installer dans l'auberge. Trouvant rapidement un siège en attendant les rafraichissements qu'il avait commandés au tenancier. Il préférait laisser son amie tranquille. Il la savait suffisamment grande pour venir le trouver si elle avait besoin d'un soutien quelconque.

Il ne s'intéressait pas vraiment à ce qu'il se passait tout autour. Il avait cru comprendre qu'Adrian avait quelques affaires à régler dans la région. Après quoi ils pourraient repartir. Son seul projet dans l'immédiat était de trouver un forgeron acceptant de prêter son atelier afin qu'il fasse aiguiser sa lame et celle de ses hommes. On n'était jamais trop prudent dans le coin et ça l'occuperait en attendant la fin de toute cette histoire.

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--Bertille
Un prince... Ainsi c'était un prince que mes yeux s'évertuaient à regarder sans pouvoir s'en détacher. Il me plaisait à le regarder, cette moitié d'homme dont le caractère se devinait dans son regard. Il était différent des autres enfants de notre âge. En avais-je déjà croisé d'ailleurs? A y réfléchir, il était le premier. Tous les autres étaient beaucoup plus petits, marmaille bruyante de la rôture environnante. Ensuite il y avait ces autres, eux qui étaient dejà des hommes mais n'étaient pas encore très murs. Les premiers, je les évitait car j'aimais le calme. Les seconds avaient des pensées que je ne souhaitait pas partager avec eux; oui je les partageais avec d'autres hommes des fois, mais ces derniers savaient vider ces bourses que tant rechignent à ouvrir. Et puis, je n'aimais pas leurs moqueries; on ne choisit pas forcément sa vie et certains rêves demandent des sacrifices. Puisse Dieu me pardonner lorqu'enfin je me présenterais devant lui.

Je suivis le petit prince au dehors, n'entendant pas le vieux Ban m'appeler en râlant pour que je remplisse ma seconde tâche de la journée. L'idée des courses avait déserté mon esprit obnubilé par le jeune noble. Quel intéret avait-je à le suivre au dehors, excepté à me prendre quelques coups de fouets pour n'avoir pas obéit à la rombière? Cela m'importait peu,; comme pour autre chose, il suffit de fermer les yeux et d'attendre que ça passe. Le temps se chargera d'adoucir les blessures physiques; le plus important est de sauvegarder son esprit. Je savais au fond de moi que je ne reverrais pas d'enfant comme lui, non pas qu'il n'y eut pas de noble dans cette région, mais parce qu'ils n'avaient pas cette même noblesse. Et ce n'était qu'un enfant...

J'étais peu discrète dans ma filature. Etait-ce voulu ou non? Je ne saurais le dire. J'avais toutefois, peut etre envie qu'il me remarque: il y a toujours en vous une part de naiveté qui s'exprime contre votre gré. Mes mains se croisant nerveusement sur mon giron, je l'observais, lui et chacun de ses gestes. Lorsque je sentis son regard se poser sur moi, je baissais le mien pour vite le relever en rougissant. M'avait-il appeler? Je m'inclinais nerveusement en signe de respect: il avait mon âge, ou moins mais il avait un rang bien plus elevé que le mien. Je mis quelques secondes à reprendre mes esprits et m'approcha timidement lorsqu'il reprit ses propos. Je sentis mes jambres vasciller lorsqu'il me proposa de gagner 4 écus facilement. Une fortune pour une jeune fille de ma condition! Mais ce ne fut pas ce détail non négligeable de mon point de vue qui me troubla; mon esprit s'emballa. Il était jeune. Tous ceux qui s'étaient jusque là approprier ma personne le temps d'assouvir un besoin charnel, étaient beaucoup plus vieux. C'était des hommes... Mon coeur finit par se calmer lorsqu'il me désigna un petit cheval hirsute; je soupirais de soulagement et me moquait intérieurement de moi d'avoir eu une telle idée.

J'acquiesçais en baissant la tete, sans dire un mot à l'attention du prince. Je n'aurais pu prononcer quoique se soit, de toute façon. Je n'aurais pu refuser et je ne voulais pas refuser. Et je ne pu même pas accepter de vive voix sa proposition, qu'il était déjà reparti. De longues secondes s'écoulèrent avant que je n'arrive à m'approcher du poney. Qu'allais-je faire? Pour avoir peu cotoyer ces animaux, ils me faisaient peur. Je ne savais pas monter à cheval : à quoi bon d'ailleurs? Et la tache de veiller au bien etre des montures des voyageurs de passage était revenue à ce fainéant Norbert. Je tendis mon bras en tremblant légèrement et attrapa une des rennes qui pendait par terre, puis j'entrais dans les écuries. Mais il y avait un détail que j'avais oublié : ces autres hommes étranges à la peau sombre.
Je me sentis mal à l'aise. J'aurais peut etre du refuser. Je pouvais faire marche arrière; je devais aller au marché chercher de quoi préparer la potée. Mais très certainement n'aurais-je jamais à nouveau cette opportunité. De plus, je pouvais courir assez vite en cas de problème. Je jetta un coup d'oeil rapide aux étrangers, cherchant à imiter leurs gestes discrètement. Le poney d'un prince, je n'aurais pu rever mieux comme honneur!
Daresha
Comme elle aurait aimé que son Comte soit ici, avec eux. Avec elle. Si elle tirait une partie de sa force dans les yeux de ses enfants, elle en tirait la majeure partie de sa présence. Etrange vie incensée que la leur: des engagements semblables mais défendus de manières fort différentes; la vie de politique n'est pas la vie d'un chevalier. Sa place à elle était derrière un bureau; sa place à lui était sur les routes et les champs de batailles. Mais ils ont tout de même liés leur vie et ils ont essayé de construire un foyer, une famille. Etranges notions que ces deux derniers termes, qui servent à définir un ensemble d'individus liés par des liens de sang et d'affectivité, dont le but est d'évoluer ensemble, dans un monde incertain et d'une complexité infernale. Une famille... Notion abstraite dont la teneur ne tient finalement qu'aux perceptions que se fait chaque esprit individualisé. Chacun de ces deux époux lui en a offert une, à sa façon; chacun dans la limite de ses moyens. L'un a aimé les femmes; l'autre aimait un Roy. Furent ils tout deux à blamer pour n'avoir su concrétiser son reve à elle? Point bien sur: les reves sont faits pour etre révés et non pour etre réalisés, ou alors en partie. Et ils ont réalisé le sien en partie: pour un fils et pour une petite fille. Reste à savoir si elle en fut digne. Pourquoi ne l'aurait elle pas été?

Les mains sur ses genoux, elle leva son regard en direction du Vicomte mais s'en détourna rapidemment, de peur qu'il ne se détourne et qu'elle croise son regard. Peur d'un jugement, peur d'y lire des reproches. Et il aurait sans doute bien raison, quoiqu'il en soit. Elle l'a vu, la chair de sa chair, ce petit bout d'homme se prenant pour un homme qu'il n'est pas encore! Elle l'a vu, son audacieuse impolitesse! Et elle a vu dans son regard les fantomes d'un passé révolu et qu'elle ne supportait plus. Eviter son propre fils, mais elle l'invita tout de même à le rejoindre. Finalement, elle n'aurait peut etre pas du venir; ce n'était pas une bonne idée. Mais que fait Nane? Serrer sa petite fille pour reprendre le courage de l'affronter parce qu'elle ne peut pas le serrer lui contre son coeur. Comme la vie est une chose étrange et comme le destin peut etre joueur : la dépendance s'inverse au fil du temps.

Le tavernier revint avec un plateau chargé des alcools demandés, offrant ainsi à la Comtesse un certain répit. Posant sa charge sur une tablesse ni trop proche, ni trop loin de l'âtre vascillant du jaune vif à l'oranger intense, il s'inclina très legerement devant la Rose, laissant promener un regard un brin pervers sur les formes féminines fermées dans un carcan de cuir épais, qui étaient désormais offertes à une vision certaine, lorsque la Rose avait posé son chaud mantel. D'un signe elle le remercia et lui fit signe qu'il pouvait disposer. Elle prit dans ses mains l'une des coupes rustiques et la regarda, réfléchissant à ce qu'elle allait bien pouvoir faire. Il y avait tant de chose ; la première était au moins de lui demander comment il allait, de lui dire qu'elle était heureuse, qu'elle avait hate de lui montrer sa petite soeur qui avait bien grandi, que son père se portait bien aux dernieres nouvelles. Son père, son beau père plus tot. Elle avait souhaité une adoption, mais n'en avait jamais parlé, n'ayant jamais pu deviner si c'était une bonne ou une mauvaise idée et si le petit garçon se serait mieux intégré ou non dans sa nouvelle famille. Alors elle avait gardé cela pour elle mais l'idée n'avait pas filé aussi vite qu'elle lui était venue. Adrian resterait donc Fauconnier Riddermark. Puisse-t-il lier malgré tout un grand lien de fraternité avec la toute jeune de Jeneffe...

Elle ouvrit ses lèvres rosées et finit par les refermer dans un soupir discret. Sa main libre se prit à aller en direction du jeune faucon; étrange hasard que celui ci, qui voulut que les deux vieux fauteuils ne soient pas trop éloignés l'un de l'autre. Lorsqu'elle en prit conscience, elle se ravisa et la reposé sur l'accoudoir; peut etre oserait-elle plus tard. Son visage blême s'orienta vers son fils, un sourire timide dessiné sur les lèvres.

Tu m'as manqué... murmura-t-elle comme si cétait là une chose inavouable.Je suis heureuse que tu sois à mes cotés mon fils. Commen s'est passé ton séjour chez ton cousin?
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Rhuyzar
Le tavernier vint déposer des pichets de vin et des gobelets sur les tables près des sièges qu'occupaient ses invités temporaires et financièrement en règle. Il sembla s'essayer à une gestuelle courtoise, laquelle, venant d'un homme habitué à rabrouer ses garçons et rire grossièrement à propos des miches des servantes, le fit davantage ressembler à un bouffon de cour qu'à un gentilhomme.

Le Chevalier ne s'en occupa pas. Il assistait de loin aux retrouvailles d'une mère et d'un fils. Même mort, le souvenir de ce vieux brigand de Bralic semblait encadrer la scène. Sa disparition avait radicalement changé le chemin d'Adrian. Du jeune noble courtois que voulait en faire sa mère voila qu'il s'essayait à marcher dans les traces de son père. Certes c'était peine perdue. Personne ne serait jamais comme lui et Rhuyzar souhaitait à peu d'hommes de vivre ce que celui-là avait enduré avant de devenir Le Destructeur.

En cet instant il se trouvait fort aise de n'avoir aucune descendance. Comment aurait-il pu l'élever sans être un spectre vénéré pour son absence et les légendes courant à son sujet. S'il avait un fils il se créerait un culte et cela il ne l'avait jamais voulu. Déjà que Luthi...

C'est ce moment de profonde réflexion où d'un côté une mère tourmentée essayait de renouer le contact avec sa progéniture et de l'autre un vieux chevalier aigri songeait à tout et rien que choisit un des berbères accompagnant le Vicomte pour entrer en la salle et s'approcher de ce dernier. Il tenait dans sa main gantelée un parchemin enroulé et cacheté. Sans un mot il le tendit à Rhuyzar qui s'en saisit et remercia d'un signe de tête l'homme du désert. Il commença par examiner le sceau, ces armes ne lui étaient pas inconnues même s'il ne les avait pas vues depuis fort longtemps.

Curieux et intrigué il décacheta d'un coup de gantelet la précieuse missive et déroula dans un bruissement le parchemin. Ses yeux parcoururent l'écriture fine et élégante. Son visage se figeait et se durcissait au fur et à mesure qu'il lisait. Quand il eut fini il se leva brusquement, froissant violemment le message dans son lourd gantelet d'acier et marcha jusqu'à l'âtre de la grande salle où crépitait un faible feu. Il y jeta le parchemin qui se consuma instantanément. Accoudé au rebord supérieur de la cheminée le Fils de la Licorne resta pensif quelques instants, ses poings serrés trahissant la colère qui l'envahissait.

Après quelques secondes de cette posture digne des meilleurs mélodrames il se dirigea à grands pas vers la porte, sortant sur le seuil et criant en direction de l'écurie:



Ali ! Trouve-moi un forgeron, un bon et fais aiguiser toutes tes armes ainsi que celles de tes hommes ! Faites provision de flèches et de tout ce qu'il nous faut pour la route ! Et tenez-vous prêts !


Son ton était sec mais non méchant ou agressif. Il avait le timbre de l'homme déterminé, rattrapé par quelque chose d'imprévisible et de terrible, mais on ne sentait ni peur, ni trouble dans sa voix, il savait ce qu'il avait à faire, parce qu'il voulait depuis longtemps l'accomplir.

Ses ordres donnés, il retourna dans la salle et s'approcha des fauteuils qu'occupaient Daresha et Adrian. Debout derrière le siège de la Comtesse, il fixait le garçonnet, ses bras recouverts de l'acier de ses gants de la Licorne croisés sur son torse.



Comtesse, voulez-vous m'accompagner quelques instants ? J'ai à vous parler. C'est urgent.
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Fauconnier
Gêne. Mal-être. Appréhension. Elle a peur.

Il le sent, mais n'en montre rien. Il n'est pas là pour juger. Ni pour condamner. Il est avec sa mère. Et voilà bien longtemps qu'ils ne se sont parlés, mes gentils sires ; aussi, une fois l'office du taulier accomplie, laisse-t-il sa mère reprendre les rênes. Il la trouve encore si belle, dans sa robe si simple, ni élégante ni dérangeante, avec cette coiffure sans artifices, et ces manières sans rodomontades. Il la regarde, et son esprit s'envole...

- " Adiiiii ! Adiiiii, viens ici!"

Le souvenir de feux de bois, dans un vieux castel mal éclairé. Souvenirs d'odeur de pin, de terre humide. Souvenirs de la vue depuis Montbarrey, ou Saint-Laurent, il ne sait plus. Les tours crénelées si rustres et tristes, au vue de la propreté, de la blancheur immaculée et de la grâce de Condé, voire même de Marchiennes. Il se souvient... Fumée. Feu. Premiers instants dans une cuisine assez petite et restreinte, au milieu des cuisiniers et des servantes, à faire ses premiers pas, accrochés aux tabliers et aux jupes comme un enfant de la nature de lianes en lianes. Les cris de sa gouvernante, bonne matrône à l'allure de chouette qui le poursuivaient au milieu des cuisines, provoquant l'hilarité générale.
Matrône qui l'attrape, comme un gros sac de fruits, comme une chatte attraperait son petit par la peau du cou pour le ramener aux pieds d'une mère, devant un feu si semblable, avec un plateau si semblable...
Une robe, encore. Une robe verte, avec des motifs simples aux poignets, à la gorge, et à la ceinture. Une mère attentive qui l'observe, et dont il se sent tout amour. L'envie d'étreindre, d'être étreint. Il s'imprègne, respire, hume, se colle, se love. Alors qu'elle est en train d'étudier quelques missives, assises devant le feu sourdant dans l'énorme cheminée de Montbarrey, où un cheval en train de rôtir aurait pu se faire suspendre sur une broche...

Retour. Il n'a pas 3 ans, mais presque 4 fois plus. Il ne se fait plus dessus, mais a appris l'usage des latrines. Il ne se traine plus, et exige même que l'on ne lui apporte aucune aide. Il n'est plus le tout jeune bébé que tous prennent en affection : Il est le jeune noble au port altier qui a appris à commander. Il a des bottes aux pieds, il est sale, peut être hirsute, et ne sent pas la rose. Il aurait besoin d'un bain.

Il s'approche. Il s'installe. Elle tient une coupe, mal à l'aise. Il se sert, la prend en main. Il s'apprête à boire à sa santé, lorsque une main touche la sienne. Celle de sa mère...
Epreuve de vérité. Va-t-il entamer cette première discussion par un rappel rapide de tout ce qu'il y a entre eux? Non...
Il enkistera. Il enfouira au plus profond. Plus tard, sans doute, il regrettera de ne pas avoir étalé ses cartes noires et dégoûtantes devant sa mère. De ne pas lui avoir plus parlé... Pour l'heure, il ne veut pas le conflit. Il la veut juste elle. En un oedipisme mal dégrossi, où il voudrait tant se lover dans ses bras et ne plus faire qu'un avec elle. Ce serait une erreur, bien sûr: il avouerait ainsi lui pardonner, et tout oublier. Mais il en avait tellement envie...
La main repart. Peut-être se morigène-t-elle de son audace ? Qui sait? C'est lui qui fait le pas, en retour. Il pose sa main, paume vers le haut, sur l'accoudoir de celle de sa mère. Il ne l'a pas regardée depuis qu'il est arrivé, plongé dans les souvenirs qu'il était. Le contact de sa main a attiré ses yeux, et son repli l'a reporté vers le feu. Là, il l'observe réellement. La belle petite maman de ses souvenirs a des cheveux blancs, épars et dispersés, sur les tempes ; la belle petite maman a des mains pâles, et des ridules sur le visage ; elle accuse, petit à petit, le poids de la vieillesse venant et des problèmes ; pauvre petite maman. Il lui sourit à son tour. Il est heureux, maintenant. Il entend le murmure. Il entend la question. Mais ne veut pas répondre à tout... Il hoche la tête, à l'énonce du manque. Petit être solitaire qui ne peut même pas avouer à sa propre mère à quel point elle lui a manqué... A quel point il avait besoin d'elle. Il hoche la tête, lentement, en la regardant et en lui souriant, des diamants dans les pépites de charbon. Il inspire un peu, avant de boire une gorgée de goutte*. Ca lui réchauffera la gorge, lui donnera du répit, et du temps pour répondre. Il boit trop vite. Le liquide brûlant manque de descendre dans ses bronches, et manque, réflexe persistant, de ressortir violemment par sa bouche. Il la ferme, serre les dents, mais se cabre en avant, la surprise s'exprimant sur le visage.

Foutredieu! Il avale finalement, et se frappe le poitrail. En d'autres circonstances, il en aurait voulu à sa mère d'avoir vu ce signe de faiblesse. Là, il ne peut pas ; il est heureux. Il a un petit rire chevrotant qui lui sort des lèvres, comme celui d'un petit enfant qui vient de faire une bonne farce. Il retourne son visage vers celui de sa mère, et commence enfin à parler:


- " Suffisamment bien. La bouche fût agréable, les leçons aussi. L'idée n'était point mauvaise. "

Point. Il ne dit pas qu'il est heureux de la voir. Il ne dit pas ce que représente ce moment pour lui. Il ne dit même pas la vérité: qu'il s'est senti encore plus seul, et que cette fois, il a pleuré de se sentir trahi, seul dans son grand lit d'une aile de Saulx. Ca ne l'intéresse pas. Ca n'a pas d'importance, et ce n'est pas son caractère. Il récapitule simplement ce qu'il sait avoir de l'importance pour elle: qu'il ait été bien traité (et donc qu'il ait bien mangé, pour la bouche), et qu'il ait bien appris. Ce n'est même pas forcément vrai: il avait horreur des leçons prises auprès des domestiques de Sirius. Mais il faut être consensuel. Donc il se tait, et dit ce qu'elle a envie d'entendre.
Il termine en la confortant dans son idée. Consensuel. Pas de guéguerre. Pas de conflits. Ce n'est pas le moment. On peut simplement lire deux signes, sur son visage: la pomme d'Adam naissante, tout d'abord, qui a déglûti avant l'énonciation de l'idée qui n'était pas mauvaise: contenance donnée par un simple geste. Puis les sourcils, enfin, qui, même s'il ne la regarde plus en face en parlant, se sont très légèrement plissés à l'énonciation. Il lui ment, oui. Ou bien il n'est pas très content d'en parler, au choix. Il tient la coupe en main, et regarde le liquide ambré. Il aime sa mère...

Il doit lui retourner la question. Continuer la discussion. Alors allons-y, dans les banalités:


" Et vous? Comment vous portez vous? "

Il ne peut faire plus. Il ne lui demandera pas, pour le Rouergue. Il ne lui demandera pas, pour ses problèmes récents. Il est trop timide, trop intériorisé, trop timoré, trop polissé pour ça. Il a tourné son regard vers elle, en attendant une réponse.

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* : La goutte correspond, pour le néophyte, à de l'eau-de-vie basique (mirabelle, prune, poire, on s'en tamponne après tout, n'est-il pas vrai?)
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- Seigneur de Parcey

- Fils de Bralic Fauconnier et de Daresha de Riddermark

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Fauconnier
[Quelques instants plus tard, une fois la conversation finie:]

Le vicomte faisant irruption et intimant une demande, le jeune faucon ne réfléchit pas. A la suite de sa mère, il repose sa coupe, et lui emboîte le pas. Si quelque chose doit se dire, il veut en être témoin. Petit signe de la tête au tavernier, genre "Tu vas m'enlever ça de là, et fissa!". Celui-ci ne se fait pas prier, et va débarasser. Sortant dans la petite cour de l'auberge, il se rapproche des deux nobles, se tenant derrière sa mère, sur la droite, comme à son habitude.
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Daresha
Le Ciel avait voulu que des deux enfants nés ce jour là du même enfantement, seul le garçon reçoive le droit à la vie ; du moins avait il au moins eu ce droit d’affronter toutes les épreuves destinées aux nourrissons, dont bien peu - qu’ils fussent nés entre les murs de pierre du riche castel d’une famille de haute noblesse ou entre les murs de chaux d’une pauvre ferme – arrivaient à surpasser. Et il les avait toutes réussies, jusqu’à devenir un petit garçon. Il faut dire, que dans les mystères du Destin joueur, il n’avait pas hérité de la santé fragile de sa mère. Il avait hérité de cette force de la nature qu’était son père. Mais les qualités physiques héréditaires ne sont pas tout : n’avait elle pas joué une part importante dans sa survie en ce bas monde ? Elle s’était détournée un temps du conseil pour se consacrer à lui, et se tenir à l’écart de la tromperie naissante mais qui taisait encore son nom. Elle avait veillé à ce que sa chambre soit toujours chauffée pour éviter le froid, elle avait veillé à le montrer à son médicastre à chaque éternuement suspect ou à chaque pleur pour lequel elle ne trouvait de justification plausible, malgré la présence confortante de la nourrice qu’elle avait pris à son service et qui s’y connaissait à propos des enfants pour en avoir mis cinq au monde, tous exceptionnellement viables et vivants. Mais cela remonte a bien des années, le temps s’est depuis écoulé avec les conséquences qu’on lui connaît et auxquelles personne ne pourrait prétendre échapper. Trois décennies seulement s’étaient allongées sur elle depuis le jour de sa naissance ; trois décennies c’est à la fois tellement long et tellement court, surtout lorsque la Grande Lumière ne vous a pas toujours éclairé de ses rayons. Mais ne faut-il pas connaître la noirceur des choses pour justement mieux reconnaître et mieux aimer le Dieu Bon et Grand ?Dans ses moments de doute et de brume incandescente, elle la savait prêt d’elle pour encourager son espoir et sa croyance. Et elle était toujours là malgré les quelques envies à préférer la facilité de la fuite par la mort. A quoi bon cela aurait servi à part déshonorer le présent vital et sacré offert par Dieu et à satisfaire la volonté de gens sans intérêt.

Alors elle était là, aux cotés de son fils duquel elle s’était s’éparée il y avait de longs mois déjà. Sa main, obéissant à une force mystérieuse, finit par venir se mêler à celle du jeune Faucon, ses doigts croisant les siens avec une délicatesse comparable à celle dont elle faisait preuve lorsqu’elle serrait la main de sa Licorne d’Or. Sauf qu’en lieu et place d’un couple marital, était un couple d’une nature maternelle. L’étreinte manuelle était d’une profondeur sans égale, surpassant le tabou de leur relation étrange, dictée par les nécessités de cette vie qui attendait le jeune faucon et de son rang reconnu bien avant qu’il ne naisse, et non par les sentiments. Son regard se posa sur sa main refermée en une prison d’amour. Elle devrait, elle aurait du… Finalement, elle détourna ses yeux, comme si de rien n’était, n’osant prendre en compte ce geste aisément qualifiable de déplacé. Parce que les sentiments fragilisent l’individu, le détourne de ses obligations, le rend faible, tout simplement. Cette idée était encore présente en elle, ancrée dans son for intérieur. Même cette tempête flamande qui était venue bouleverser ses amarres n’avait pas totalement réussi à arracher ses attaches profondément attachées. Bien au contraire même, elle l’avait conforté par instant à sa vision singulière des choses : elle le détournait de ses engagements et quand bien même il lui avait toujours prétendu le contraire, elle savait qu’il n’osait lui dire pour ne pas la blesser. Chevalier, si tu as avais su les doutes de ton épouse… Mais tu ne les connais point, tant elle te les cachera par pure pudeur et pas pure volonté de ne pas te détourner plus de ton chevaleresque chemin.
Et ce petit bout d’homme, élevé en vicomte depuis sa plus tendre enfance, comme tout enfant issu de la noblesse se doit d’être élevé, elle ne voulait pas l’empêcher de prendre le chemin qui lui était destiné avant même qu’il ne soit conçu. Dans son lit, soigneusement blottie dans les bras de son amant endormi, elle aspirait à une grande vie pour l’enfant qu’elle ne portait pas encore. Elle voulait un enfant de lui, sachant qu’il n’en voulait pas ; la nature, secondée par quelques mixtures naturelles et quelques procédés bien connus des femmes, permettant de le conforter dans son choix. Mais les mystères du corps humain sont bien impénétrables et sa matrice fut finalement et doublement bénie. Un fils… Elle lui donnerait un fils ! Elle porterait son fils ! Elle aurait cet honneur elle ! Elle serait privilégiée au milieu de ses autres compagnes. Un fils… Le soir, brodant au coin du feu, son regard pétillant de bonheur, elle le voyait grandir et devenir à son tour un Chevalier à l’image plus ou moins conforme de son père. Etait-ce une pensée égoïste ? Sûrement, parce qu’elle ne voulait le savoir engagé dans le monde politique des rapaces en furie. Mais elle l’avait vu à Paris lors d’un chapitre de l’Ordre ; et elle avait vu son regard sur les armes de son père ; et elle l’avait revu à Ryes…C’était là son chemin ; et si elle l’avait rêvé, c’était là une prémonition. Alors elle ne pouvait être un obstacle à la réalisation de cette réalité. Elle avait donc fait ce que toute mère aurait fait : envoyer son fils chez un éminent seigneur pour qu’il apprenne une partie de son éducation. Ce choix avait été dur et finalement le Vicomte de Saulx avait été jugé apte à recevoir à sa cour son jeune cousin. Il avait cet avantage d’être apprécié et connu de la Rose impériale ; le jeune Faucon apprendrait les bonnes manières et aurait un aperçu de la gestion de ses terres, sur lesquelles il aurait également un œil. Car il n’était pas certain que la Comtesse ait le courage de venir visiter avec son aîné, ses propriétés détenues en propre et les propriétés anciennement maritales. Et puis… Ce n’était que temporaire, juste le temps pour lui de recevoir quelques bribes d’un enseignement nécessaire à sa condition, avant de gagner le giron d’une Licorne Royale pour apprendre l’art de la chevalerie, parce que c’était au sein de cet ordre qu’elle voulait le savoir, et non d’un autre.

Froide et distante fut la discussion, courtoise et baignée d’impersonnalité. Des murs s’étaient dressés entre eux, des barrières encore plus grandes que celles qu’il y avait eu un temps entre le Comte et elle. Il y avait tant à abattre, pour qu’ils retrouvent enfin cette complicité qui n’aurait jamais du les quitter ; parce qu’il aurait encore besoin d’elle et qu’elle aurait besoin de lui, dans cet avenir qui se dessinait sans se poser de question et qui bientôt viendrait se révéler à eux d’une marquante manière. Car les sentiments permettent beaucoup de choses malgré tout, il suffit juste de l’accepter et de ne pas se perdre dans des perceptions trop faussées par la douleur passée. Avec un peu de chance… Mais qui vivra verra et rien n’est prévisible. Mais l’on peut déjà deviner que leur tête à tête n’aura pas plus de profondeur que leurs blessures intérieurs ; plus tard peut être, lorsqu’ils seront entourés d’un cocon d’intimité plus protecteur, ils sauront se parler, comme avant ; qui sait ?
Une présence, une aura toute autre, à la fois étrangère et si proche, se fit sentir, comme un signe impromptu pour faire mettre à cette insupportable scène aux banalités qui n’auraient jamais du être. Elle le reconnut bien avant que le son de sa voix ne se fassent entendre ; le loup promis à une tempêteuse féline. L’amitié a cette particularité de ne pas avoir besoin de mot pour s’exprimer, ou alors seulement lorsque le besoin s’en faisait sentir. Et la blonde savait savamment en user lorsqu’elle s’y mettait. A cette pensée un sourire se dessina et son visage se tourna légèrement sur le côté. Il faudra bien qu’un jour… Bientôt, bientôt. Il y avait un destin a forcé un peu. Au propos du capitaine, elle posa son verre et se releva, non sans avoir rendue sa liberté à son fils qu’elle dévisagea encore quelques secondes avant de se tourner avec la Licorne.


Bien sûr Capitaine. Qui a-t-il ? Vous me semblez soucieux, lui répondit elle seulement, lui indiquant d’un simple signe de tête qu’elle se tenait prête à le suivre pour échapper aux oreilles indiscrètes alentours. D’une main un brin autoritaire, elle fit signe au jeune rapace de les suivre tous les deux. Avoir un œil sur lui, tenter de rattraper le temps, autant que faire se peut.
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