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[RP] La croix et la bannière

--Baudouin.


[Abbaye de Lucq, Béarn]

Depuis son arrivée au monastère, Baudouin avait vieilli, terriblement vieilli, pourtant il s'était écoulé à peine plus d'un mois, mais les évènements passés avaient fait de lui un vieux moine aux cheveux blancs, au teint cireux, aux rides creusant son visage. Il n'était plus le jeune soldat parti guerroyer en Orient, il n'était plus le fringuant portier de la Rose. Certes, il avait gardé sa stature et ses muscles, s'acharnant à la tâche quotidiennement pour le plus grand plaisir de tous. Il était zélé, efficace et s'épuisait le corps et l'âme à tout type de travaux, les plus ingrats et les plus difficiles.

Voûté, une fois complies* achevées, il avait prit le chemin de sa cellule, retrouver ses démons, encore... Tourmenté, il l'était. Depuis qu'il avait quitté Amy en Bretagne après qu'elle l'ait chassé, il ne trouvait plus le sommeil. Remords... pourtant il ne regrettait pas, il s'en voulait surtout de l'avoir fait souffrir. La tromper avec sa meilleure amie était tout sauf une bonne idée.

Il était reclus, seules quelques lettres lui parvenaient de temps à autre. Istar l'avait informé de la naissance de son enfant, ce qui l'avait plongé dans une mélancolie perplexe. Les moines le fuyaient tant il était lunatique, oscillant entre des crises de violence aiguë et une mélancolie dépressive inquiétante. Son confesseur lui avait conseiller d'user du fouet, pensant sans doute que ça l'apaiserait. Erreur... La douleur de sa chair ne faisait qu'amplifier ses tourments, ses peurs, et la nuit était synonyme d'une déferlante de démons sur lui, le pire étant sans doute celui de Cerdanne, riche de tout ses actes manqués.

Dans la journée, il avait reçu une missive d'Amy lui annonçant qu'elle portait son enfant. Ce soir là, il se trouvait donc dans un état lamentable, couché sur sa maigre paillasse, tant de se raccrocher fébrilement à une prière vaine.

Dieu était mort. Il n'existait pas ou il laissait pitoyablement les hommes dans leurs tourments, dans leurs torpeurs, dans leur défection!

Baudouin était vidé et haletant, en sueur, une nouvelle nuit d'horreur s'annonçait.


*Complies: office du soir chez les moines.

Cerdanne
Citation:
Vivre … Ce n’est demander ici-bas ni paix ni trêve.
Vivre, c’est porter la bannière de la croix presque dans les mains de Dieu.

Guido Gezelle



[Les forêts…Béarn…]


Cela faisait plusieurs semaines qu’elle taillait la route. En compagnie d’une joyeuse bande, la plupart du temps .
De ripailles en rapines et de rapines en poursuites, les compères avaient finalement décidé de se séparer.
Et puis la brune avait eu envie de retrouver une autre brune. Pas la première fois qu’elle cheminait seule. Mais peut-être une des rares fois ou la raison avait été laissé pour compte.
Juste la force de l’envie.
Elle avait parcouru pratiquement toute la distance qui la séparait de la Bella, et s’apprêtait à s’octroyer une pause. Petit ruisseau, mousse verte et l’aube qui se pointe…
Ah ! La pause elle l’avait eu mais pas comme elle l’espérait, la Provençale.
Elle eut juste le temps de descendre du cheval. Ils l’attendaient ces fumiers et ils eurent vite fait de la laisse raide sur le carreau.

Combien de temps, elle resta là…
Elle ne sait plus. Une éternité surement.
De recroquevillée qu’elle était sur sa douleur, elle finit par allonger une jambe puis l’autre et parvient à ramper jusqu'à la flotte qu’elle entendait murmurer.
Elle crevait de soif. Puis le noir à nouveau, opaque, et le temps encore passa sur elle.

La haine surement, la rage aussi de s’être fait surprendre.
C’est ce qui la ramena sur la mousse toujours plus verte et plus douce. Et la soif encore, énorme. Les abrutis !
Ils lui avaient laissé sa besace, dans leur précipitation à finir le boulot.
Les fiers soldats courageux n’avaient qu’un seul ordre : tuer...

Les plantes l’aidèrent à parer au plus pressé, flacon vite ouvert, bouche avide sur le liquide sirupeux, huileux …
Merci tata.
Sa tête, sa misérable tête lui faisait un mal de chien.
Il lui aurait fallu des soins, Elle vida une fiole…
Le crane par moment résonnait encore et hurlait tout seul mais sa folie restait coincée …en dedans.
Le cheval, son cheval, fidèle entre les fidèles. C’est le premier à qui elle parla. Le premier qui approcha du corps piétiné. C’est contre lui qu’elle se glissa pour avoir chaud et sur lui qu’elle se traina.


Va…

Abbaye de Lucq, Béarn…

Combien de temps depuis l’attaque…
Elle ne savait toujours pas. Les migraines s’espaçaient, le sang avait regagné son antre.
Le regard de la Provençale était presque clair.
Les murs devant elle se découpait dans l’ombre du soleil qui se couchait. Des moinillons…
Toute la journée, elle les avait observé.
Le dernier flacon lui avait donné ses dernières larmes. Il était temps de regagner le monde.

Amaigrie, les cheveux fous, elle l’avait vu…
Son fantôme.
Sur le moment, elle en avait tremblé au plus profond de sa chair. Mais non, c’était lui.
Le rire, le fou rire. La folie du destin qui prend et ne rend pas.
Elle se goinfra de sa silhouette, savourant ses rides, happant son regard vide mais fou. Le ventre noué, le feu dans le regard, elle l’étudia encore et encore et le fit sien.

Une nuit, un jour et enfin, enfin une nuit de pleine lune digne d’ appeler le loup.
Cerdanne la silencieuse rompait le vœu d’un ermite volontaire. Un caillou, puis un autre. En plein dans le mille ! Direct dans la taule de l’ermite en mal d’amour.
La reine des frondeuses, c’est elle.


Ou tu pointes ta mine, moinillon de mes deux ou je hurle à la mort…..
_________________
--Baudouin.



[Ô mort, où est ta victoire? (St Paul, I Corinthiens 15 : 55)]

Du bruit à la fenêtre. Comment était-ce possible! A cette heure, l'abbaye était d'un calme olympien et tous les moines dormaient en prévision de la dure journée qui s'annonçait. Pourtant, Baudouin avait bien entendu un bruit à sa fenêtre! Surpris, l'air las, il ouvrit la petite ouverture et passa sa tête pour regarder en bas.

Cauchemar ou rêve? Cerdanne était là, en chair et en os. Elle ne ressemblait pas vraiment à un fantôme!

A mi-voix pour ne pas réveiller les frères et surtout pour ne pas avertir le Frère tourier qui avait tendance à suivre ses moindres gestes de façon bien désagréable, il murmura.


Cerdanne! Que fais-tu là! Tu es folle!! Si un moine te surprend! Ne bouge pas, je viens t'ouvrir!

Il faut savoir que le bâtiment des moines était séparé du lieu ou se trouvait le commun des mortels et où il y avait une hôtellerie, une infirmerie et une salle à manger pour les pèlerins de passage et autres vagabonds de passage.

Il attrapa négligemment sa robe de bure, autant ne pas descendre nu, ça pourrait porter à confusion, il sortit prudemment de sa cellule et à pas de loup, descendit les marches avant d'atteindre la porte. Il fit légèrement grincer les veroux du bâtiment conventuel et attrapa vivement Cerdanne par le bras, l'attirant à l'intérieur, à l'abri des regards indiscrets.


Dieu du ciel! Tu as l'air de sortir du tombeau! C'est bien toi!

Il passa sa main sur sa joue, se demandant encore s'il ne rêvait pas, mais non, il tâtait bien une joue chaude et vivante. Il ne put s'empêcher de sourire, la voir lui mettait du baume au coeur et le sortait de sa torpeur habituelle. Mais si on leur mettait la main dessus, ils allaient certainement passer une sale quart d'heure.

Je n'ai pas le droit, mais tu vas me suivre dans ma cellule, si on nous trouve là, ça va chauffer pour moi. Surtout ne fais pas de bruit, tu veux?

Il regravit les escaliers et se faufila jusqu'à sa cellule, fermant à double tour l'huis, derrière eux. Il la dévisagea un instant dans la pénombre et, d'un coup, il se rendit compte que la situation était extrêmement inconvenante. Si quelqu'un frappait, ce serait certainement très mal vu qu'un moine, même vieux comme lui, ait fait entrer une jeune fille dans sa chambre et la nuit de surcroît!

Il lui indiqua sa couche.


Assieds-toi, je t'en prie. Pardonne la modestie du lieu. Nous sommes censé faire voeu de pauvreté et je n'ai rien à t'offrir non plus.

Il lui tendit malgré tout une pomme, maigre reste de son dîner et s'appuya contre le mur, sans la quitter des yeux. Elle avait l'air fatigué mais tellement vivante. La lumière de la chandelle dansait dans ses yeux et lui donnait l'air encore plus mystérieux. Il ressentait quelque chose d'étrange à se retrouver là, avec elle. Alors qu'il avait déjà un pied dans la tombe et que son passé le hantait et lui collait à la peau comme une mauvaise odeur. La vie était étrange, venait-elle le tirer de son lent déclin vers la mort?

Cerdanne
Citation:

[…il s'est humilié lui-même, se rendant obéissant jusqu'à la mort, même jusqu'à la mort de la croix….. (St Paul, Ph 2: VIII.)]


Dans l'antre de l'ours.

Folle ? Qu’est ce qu’il dit lui ??…Elle plissa les yeux et marmonna pour elle-même. T’as encore rien vu, vieil ours
Pourvu qu’il se magne et lui ouvre les portes, elle lui montrera sa folie…
Et pour se presser, il se presse le moine et la tenaille de ses doigts la tirent d’autorité vers l’intérieur.

Premières phrases et rien que des compliments.
La Provençale retient sa grogne et docile se laisse faire…

Je sors peut-être du tombeau, mais toi, toi tu y vis.
Bordel !…T’as l’air d’un mort Baudouin...
Qu’est ce que tu….
Des doigts, il l’effleure et le flot de paroles cesse. L’heure n’est pas au batifolage.

Elle savait être sage, La brune, et comme il le lui demandait, elle resta silencieuse, se contentant de suivre la robe de bure.
Seul son regard allait et venait tandis qu’il la guidait dans le bâtiment et l’escalier, étroit, la fit grimacer.
Un vrai piège la caverne de l’ours.
Mais qu’est ce qu’il foutait là….

Le silence pesait sur leurs ombres et elle ne le lâchait pas des yeux tandis qu’il l’amenait dans son antre.
La pomme tendue...
Cerdanne se contenta de sourire et sans le quitter des yeux, mordit le fruit avec force.
La faim...Elle crevait de faim et la pomme fut croquée avec avidité. Juste quelques pépins qu’elle cracha négligemment sur le sol de la petite cellule.
Trognon entre deux doigts, elle lui sourit et s’approchant de la fenêtre, le balança dans le vide.

Son regard se fixa sur lui et embrasa la minuscule cellule.


Tu fous quoi dans ce trou à rat ? T’as vraiment perdu la tête.

Elle se rapprocha de lui et grimaça.
On te repère de loin avec ton auréole de cheveux blancs.
Remarque, ça te va pas trop mal…T’inquiète pas, je ne vais pas faire de bruit.
Besoin de prendre un peu de repos. De me laver aussi.
Faut que je me planque le temps de me refaire une santé. …
Le temps de refaire le plein de belles plantes et de bouffe.
Dormir aussi, peut-être...
Une petite semaine, ça devrait suffire...Mon cheval a l’habitude de mes disparitions mais il aime pas quand ça dure…


Elle se mit à rire et se dirigea vers la porte. ..

Sont ou les étuves ici ??
_________________
--Baudouin.


Le petit chardon n'avait pas changé avec ses bonnes manières... Elle crache par terre, balance son trognon de pomme. Tellement charmante...

Il sourit à ses dires, il la recevait dans son tombeau, il le savait, il l'avait choisi ainsi. Passant une main dans ses cheveux blancs, il sourit et hocha la tête, elle devait être silencieuse en effet, sinon... Il n'osait imaginer comment réagirait le prieur à cette intrusion féminine dans la clôture.

Il posa sa main sur le bras de Cerdanne, les sourcils froncés, avant qu'elle n'ouvre la porte.


Il n'y a pas d'étuves, pas pour toi, Cerdanne! Imagine qu'un moine t'y trouve! Tu veux que je me fasse chasser où quoi?

Grognement d'ours qui revient au galop.

Si tu veux te laver, tu te contenteras de ça!

Il lui montre un broc d'eau fraîche et une bassine en terre cuite.

Tu ne veux pas que je t'aide?

Mais quel idiot! Et quelle idée de lui poser une telle question. Il déglutit et se tait, se détournant d'elle.

Lave-toi vite et au lit, je te prête ma couche, quand tu pars, tu sors aux aurores et tu reviens pendant les offices.

Il s'assied dans l'angle de la cellule, à même le sol et du coin de l'oeil, la regarde.

Cerdanne
Citation:
Ancien Testament Les livres poétiques Ps [19:13]
..Qui connaît ses égarements? Pardonne-moi ceux que j'ignore...



La brune voulait bien être aimable, discrète et tout et tout.
Mais fallait pas pousser…
Comment ça pas d’étuve pour elle....
Cerdanne le regarda l’œil mauvais et sa grimace s’accentua.


J’ai passé l’âge d’être aidé, et de recevoir des ordres.
Lave toi vite et au lit ! Tu veux ne pas non plus me border et me raconter une histoire de princesse, tant que tu y es….

Ça fait des jours et des jours que je n’ai pas vu un bout de savon, mon ours…
Et il me faut changer de frusques.
Si un de tes moines me trouve, que je sois au moins à mon avantage. J’ai l’air d’une sorcière avec tout ce sang séché……
Tes collègues, à l’heure qu’il est, ils rêvent à dieu et à diable.
Celui qu’est debout à cette heure, c’est péché.

Bordel…..T’as rien d’autre à faire que de t’asseoir, comme au spectacle….


Elle le pointa d’un doigt menaçant…


Tu ne crois pas que je vais me mettre nue devant toi, là maintenant ??…Si ??
Si …
De toute façon…. Le chemin des étuves, je le trouverais bien toute seule. Si ce n’est pas cette nuit, ce sera une autre.

Tourne-toi, mauvais moine !


La Provençale en ronchonnant commença par enlever sa chemise et finit nue devant sa misérable bassine.
La dague bien en vue sur la table, elle soupira et attaqua de faire une toilette sommaire.
Grommelant à chaque mouvement, elle jetait de temps à autre un regard furtif vers l’angle du mur.
Les blessures tout juste refermées de son épaule, les ecchymoses qui marbraient son corps, lui arrachait des grognements et sa rage allait croissante…


Tu bouges, tu t’approches, je te saigne.

Même pas un bout de savon dans cette piaule.
Baudouin, t’es vraiment devenu taré hein…
Tu cherches quoi ici…
Leur absolution à la con ??

_________________
--Baudouin.


Il ne peut que retenir une moue amusée. Non, il ne l'a prend pas pour une gamine, pourtant, c'est vrai qu'il agit un peu comme un père. Elle est si jeune, si vivante, lui si vieux, si... déclinant. Il sourit. Et dire qu'ils ont été amants, et dire qu'il l'a aimée. Il sent le fossé se creuser entre eux et la laissant à ses dires, il se lève, ouvre un petit tiroir et lui tend un savon et un petit pot d'onguent, tout en se retournant contre le mur.

Tiens, ça t'ira? Garde l'onguent, tu en as plus besoin que moi à ce que je vois.

Il regarde le mur et s'amuse à suivre du bout des doigts les jointures de la pierre.

Cerdanne, voyons, tu me prêtes des intentions que je n'ai pas. Je n'ai plus vingt ans et je pense d'avoir déjà vue maintes fois nue. Je ne te savais pas pudique, pardon d'avoir outrepassé mes droits.

Il s'amusait de la voir ainsi en pétard, pour... rien du tout... Il était loin le temps de ses frasques et il n'avait ni le luxe, ni l'envie de s'épancher sur ses désirs ou ses ardeurs passées. Il était moine, vieux et se sentait définitivement fini.

Tu as peur de moi? c'est étonnant... tu sais que je ne te ferai pas de mal et puis, tu sais... je suis moine.

Il serra les dents au mot absolution. C'était vrai, que cherchait-il? LEUR absolution, l'absolution divine, ou plutôt sa propre absolution? Un peu des trois peut-être. En s'enfermant dans ce lieu d'austérité, ses mauvais démons étaient réapparus, sa culpabilité aussi.

Il avait laissé Istar à son choix de noblesse et de pouvoir, sachant pertinemment qu'elle n'en serait pas satisfaite. Il l'avait fui, fui leur amour, fui la possibilité d'espérer encore... Il se reprochait de n'avoir pu protéger Cerdanne et l'enfant qu'elle portait, désormais, elle avait la marque de la mort inscrite en ses chairs et il ne pouvait pas ne pas s'en vouloir. Enfin, Amy, qu'il avait lâchement trompé et qui l'avait chassé après son méfait. Amy qui aujourd'hui était seule et enceinte.

Il soupira. Trois amours, trois échecs. Las, il se laissa à nouveau glisser par terre, tournant le dos à la jeune femme qui faisait ses ablutions et prit un petit couteau et un bout de bois pour s'occuper les mains. Il n'était plus temps de remords ou de regrets, ce qui était fait, était fait, il lui fallait assumer. Assumer et... mourir, si le Très-Haut lui permettait.

Il restait ainsi silencieux, ses mains s'agitant, tentant d'apaiser son esprit troublé. Il était bien loin de là.


Cerdanne
Citation:
[…Je suis resté muet, dans le silence; je me suis tu, quoique malheureux; et ma douleur n'était pas moins vive...]
(Ps [39:3] Ancien Testament Les livres poétiques - Psaumes 39)



Elle ne l’écoute plus, tout ce qu’elle voit c’est le bout de savon.
Un large sourire illumine sa bouille et c’est d’une main avide qu’elle s’en empare.
Elle dépose le pot sur la table et sans un mot mais non sans bruit, se lance dans un décrassage en règle.
Et l’eau sale est sans vergogne balancée par la fenêtre.
Le broc d’eau est vite à sec, mais la Provençale soupire de bien- être…
Râle un peu de son désir de bain avorté mais le regard qu’elle jette à la silhouette avachie contre le mur a retrouvé tout son brillant.

En un instant, son visage se fige devant la forme qui ne pas peut être celle de son ours…
Non, non non…Ce n’est pas lui...
Ce n’est que l’ombre de celui qu’elle a tant aimé et de le voir ainsi la laisse muette de stupéfaction.

Elle n’avait, depuis son arrivée, fait attention à rien.
Comme d’habitude.
La vie la poussait et un pas après l’autre, elle emplissait assez bien son espace. Pas besoin de voir plus loin que ses bottes et pas besoin de réfléchir.
Les cauchemars avaient disparus, ou n’en étaient plus. Elle ne savait plus trop au fond.
Mais là devant lui, qui humblement, qui docilement …qui indifférent même, lui tournait le dos, elle restait coite.

La brune grommela.
A croire que le destin prenait un malin plaisir à écorcher, à tourmenter. A réunir pour mieux déchirer ensuite.
Il y avait dans la courbure de ses épaules et de son dos, tout le poids d’une vie de malheur et ça, ça, Cerdanne ne pouvait le supporter.
Pas son ours. Et ses mains, se s mains, elle les voyait tremblantes et agitées. Ses mains qui l’avaient si souvent tenu contre lui.
Maudit monastère, foutus moines, chienne de vie.

Elle ne le laisserait pas s’enterrer vivant sous cette bure grossière.
Faisant fi de sa nudité, tout à son idée de l’arracher à ses silences, la Provençale d’un geste vif ouvrit le pot d’onguent et d’abord méfiante, y colla son nez d’un geste enfantin.


Il sent bon ton baume…Ce sont les moines qui le font ?
Hummm….Le bon moine Baudouin, voudrait bien aider la pénitente que je suis ….
Le dos et l’épaule…là…
.

Que se taisent immédiatement les mauvaises langues, là-haut dans le ciel …
Juste une main tendue, que son ours se tienne droit enfin et applique de quoi faire taire la douleur qui revient, furieuse d’avoir été oubliée un instant et qui s’acharne à nouveau sur la brune.
Son sourire l’attend lui, l'ours et son regard est clair, limpide.
Pas l’ombre d’une mauvaise pensée.
Il lui fallait être en forme. Les fantômes sont de valeureux combattants…

_________________
--Baudouin.


[Rien n'est jamais acquis à l'homme, Ni sa force
Ni sa faiblesse ni son coeur. Et quand il croit
Ouvrir ses bras son ombre est celle d'une croix - Louis Aragon]


Il se retourne légèrement, presque timide, les yeux noirs glissent dans les yeux clairs, il lui sourit, las et tendre à la fois.

Oui, ce sont les moines qui le font, il est très efficace.

Ses yeux glissent sur le corps svelte, tout comme les doigts dans le pot d'onguent. Un peu de baume et la main s'égare doucement sur l'épaule, frôlant la blessure, il la regarde, se repaissant de sa beauté. La chandelle danse dans la pièce, les ombres jouent sur la peau devenue pâle dans l'obscurité nocturne, elle devient velours et le moine fond. Doucement, il soigne, concentré sur les plaies, l'épaule, la nuque, doucement sa main caresse son dos, son souffle chaud caressant son cou et faisant frémir la peau.

Il lâche un soupire. Devant lui, il voit une jeune femme, vivante, rayonnante et lui le vieillard, le vieux moine au corps si las, à l'âme lourde, il l'enlace et, courbé, pose son front sur le sien, continuant de masser l'épaule endolorie.


Je ne te fais pas mal?

Il s'applique, consciencieux, attentif à elle, se perdant dans ses pensées. Il se souvient... leur rencontre, les doux jours d'un amour passionné et l'enfant qu'elle portait... Tout cela lui semblait si loin. Peut-être n'était-ce qu'un rêve?

Et là, maintenant, être avec elle, nue, dans une cellule de moine, situation plus qu'inconvenante, était-ce un rêve? Il la regarde, un peu hébété, l'air ahuri, surpris de se sentir vivre, encore, à son contact. Un frisson lui parcoure l'échine et brusquement, il se recule, l'envie qu'il sent naître, le désir soudain, lui fait peur. Peur de faire mal, peur d'avoir mal. L'ours sommeille encore, même si, en lui, son sang bouillonne.



Cerdanne
Citation:
[…La nuit me perce et m'arrache les os, la douleur qui me ronge ne se donne aucun repos…
Ancien Testament .Les livres poétiques Job [30:17] ]



Une idée qui en vaut une autre, mais qu’il se lève.
Et puis le baume, elle en a bien besoin. La réflexion, c’est ce qui lui a toujours manqué, face à lui.
Elle agit, spontanément, sans aucun soucis pour l’après.
Et la grimace signe une douleur bien plus profonde que les marques des épées et des coups reçus.

Toute la volonté de la brune y passe.
Ne suivre que le chemin de ses plaies et bosses et uniquement celui là. Balayer la caresse de cette main chaude et douce.
Vite…Le regard bleu reste fixé sur un point situé par là…entre mur et mur.
Nulle part ou chasser les images d’eux, dans cette misérable cellule.
Alors se faire humble et baisser les yeux.
Le seul refuge pour le trop plein qui l’envahit.

Elle déglutit en silence et se maudit, ses poings rageurs se serrent sur la pulpe de ses mains.
Mais elle n’a pas encore assez mal et la chaleur qui lentement la gagne n’est pas due au mirifique baume des moines.


Tout ça parce que t' as voulu jouer au bon samaritain. Regarde-toi !
Ta culpabilité est seule responsable de ta bêtise.
Et tu vas t’enfoncer avec, tu vas vous enfoncer..
Non…ne t’appuie pas, Baudouin…


Sa mâchoire est tellement crispée qu’elle a du mal à lui répondre...

Pitoyable...
Tu te pointes, la gueule haute et tout à coup tu te rends compte…
Le chemin des plaies et des bosses ….le seul à suivre….
Suis le !


….

Il recule…
Jamais, elle n’aurait pensé avoir aussi mal.
Mal de le sentir contre elle, mal de le voir reculer…

Parce que tout à coup c’est d’une telle évidence….

Il faut bien le regarder pourtant. Il faut bien aller au bout de l’idée.
C’est quoi l’idée déjà…La brune reste figée et pâle sous les reflets.
Bien trop pâle.
La voix rauque l’est plus encore, atone, volontairement.
Juste le léger geste d’une main qui s’ouvre suppliante…


Non, pas mal..mon ours..

_________________
--Baudouin.


[Si tu n'agis pas bien, le péché, tapi à ta porte, est avide de toi. Mais toi, domine-le.-Genèse IV;7]

Une main tendue, sa main... sa vieille amie, sa douce amante, celle qui portait son enfant, celle avec qui il a eu l'impression de vivre une vie. Il lui sourit, prend sa main et dépose un baiser. Oui, il se sent lourd de ses fautes, mais il se sent si léger de l'avoir ici, présente, amie, tendre, douce.

Il se souvient de leurs querelles, leurs déchirures, comme leur amour était destructeur... et pourtant.

Il glisse le vieux moine, il glisse à ses pieds, à genoux, il fourre son visage contre son ventre, dépose des baisers sur la peau douce, la peau tant aimée, il la respire. Dieu qu'il a aimé cette odeur, poivrée, pimentée, sa provençale.

Il fourre son visage contre la toison brune, la respire un peu plus, fragrance de son intimité puis il relève la tête et la regarde. Son visage est pâle, ses cheveux épars, la lueur de la chandelle danse dans ses yeux et joue avec son corps, faisant des ombres et lumières sur ses seins. Il lui sourit tendrement et murmure.


Cerdanne... ma vieille amie, mon petit chardon de toujours, merci d'être là...

Ce sont des demis-mots, lourds de sens, lourds de ce qu'il porte, des mots qui voudraient tant lui dire. Il ne peut s'empêcher...

Lentement, ses bras passent autour de sa taille et ses mains caressent les collines fermes, la peau douce.

Non, Baudouin, non, tu ne dois pas! TU NE DOIS PAS!!!

La conscience parle, sans concession. Un fait. Mais pourtant le désir est autre. Le désir est là.


Cerdanne
Citation:
[…Qui est celle qui apparaît comme l'aurore, belle comme la lune, pure comme le soleil, mais terrible comme des troupes sous leurs bannières?…]
(- Ca [6:10]- Ancien Testament
Les livres poétiques –)



Elle pourrait …
Il lui suffirait de fermer encore un peu les yeux.
De laisser s’échapper encore les souvenirs et de ne garder que la mémoire de sa main sur lui.
Pour se retrouver tirer en arrière.
Loin, loin... Le sud ouest revisité. La chaleur, les rires, eux...

Elle voudrait…
Il lui suffirait de figer le temps.
De laisser les doigts avides sur elle.
Ces mains qui la connaissent par cœur. Ses mains qui, immanquablement la plient à leurs moindres désirs.

D’un geste brusque, elle se recule.


Tu es le diable…

La brune se tapie contre la pierre rugueuse et frissonne.
Le mur et son ombre, refuge glacé qui la soustrait à ses mains.


Ne me remercie pas d’être là.
Je…le hasard, surement hein…
Je ne sais pas s’il fait bien les choses celui là mais bon….


Les yeux cherchent un secours, une aide divine qui ne vient pas.
Qui ne viendra pas.
Pour une fois que la Provençale arrivait innocente, débordante de bienséance et tout et tout.
Pas maligne pour deux misérables écus.

T’es à poil ma belle. Faut être con, mais con.

Le froid la transperce maintenant.
La froidure diabolique la redresse, l’éloigne du mur protecteur.
Ses mains, ses bras cherchent à couvrir un brin de sa nudité.
La pudeur ! Ou va-t-elle se nicher par moments, celle-là.
Cet homme la connait par cœur et elle joue les prudes…

Elle finit par le regarder et ce qu’elle lit là, finit de la figer...
Ce regard noir qui hésite entre clair et obscur…

Un instant, elle hésite…
La silhouette vive et légère bondit vers la couche du moine et arrache le drap grossier.
Jamais voilure n’a été aussi vite portée..
.

Merci à toi, MON AMI pour ton aide…

Elle voudrait clouer ces mots entre eux, comme une herse magique.
Un merci pour gommer les palpitations de sa chair et lui accorder miséricorde.

_________________
--Baudouin.


[Si vous vivez selon la chair, vous mourrez; mais si par l'Esprit vous faites mourir les actions du corps, vous vivrez. - Romains 8:13]

Il pourrait...
Se perdre en elle, retrouver l'ardeur des ébats charnels.
Oublier qu'il est moine et n'être plus qu'à elle.
Reprendre vie à mesure que le plaisir monte en lui.
Il pourrait.

Mais ce qu'elle murmure, le glace.
Le diable?... Elle enfonce sa lame dans la blessure et, à genoux, ses yeux sont dirigés vers elle mais ils sont vides. Le diable... Il veut être tout sauf le diable. Baudouin, l'ancien croisé, qui a côtoyé maintes fois la mort, qui fut portier d'un bordel, Baudouin est devenu un pleutre et il tremble à ce seul nom. Le diable... Un frisson lui parcoure l'échine et ce n'est pas du désir...

Il se relève et se recule à son tour, la regardant. Elle lui fait peur. Et le mot lâché le rend malade. Il prend une cape en laine qu'il lui tend.


Prends ça, les nuits sont fraîches.

Et à nouveau, il se recule jusqu'au mur, se laissant glisser le long de la paroi froide. Dans la pénombre, elle ne peut pas voir la main qu'il glisse sous sa robe de bure. N'allez donc pas imaginer ce qui n'est pas! C'est un silice que les doigts attrapent, attaché à sa cuisse, il tire pour resserrer l'instrument qui entaille un peu plus les chairs. Il se calfeutre dans le coin. Il passera la nuit ainsi, à veiller dans le noir, à prier et à expier, le sang coulant le long de sa jambe. La douleur est telle qu'il en a la nausée mais peu importe. Non, il n'est pas le diable. Jamais.

Souffle sur la chandelle quand tu voudras dormir. Bonne nuit.

L'ours est ours. Peu de mots et son esprit déjà s'envole. Son ami... Est-il son ami? Un amant peut-il être aussi un ami? Ne la désire-t-il pas encore? Les images se bousculent dans sa tête: la chaleur de son corps, la douceur de sa peau... ses baisers, ses caresses... et à nouveau la main tire. Peu importe s'il se vide de son sang, il expiera jusqu'à la moindre pensée malsaine et plus jamais, jamais il ne la touchera.

L'oeil noir et brillant scrute la paillasse où elle repose. Plus rien ne peut être comme avant. Serait-il déjà mort?


--Evinrude_le_pigeon


Pigeon du soir ! Bonsoir

Rouu ! Rouu

Bien tranquille dans mon pigeonnier, je mangeais mes grains quand une main ferme vient me prendre !

Le travail, toujours le travail ... Z'en n'ont pas assez d'envoyer des messages à la fin ? !!!

Vélin accroché et voilà que l'homme me lache pour que je prenne mon envole ! Aile au vent, je file comme jamais en direction de l'Abbaye de lucq !!

Wahouuuuuu !!!

En quelques heures l'Abbaye est en vue et je me pose sur bord d'une fenêtre où la lueur d'une bougie brille.

Rouu ! Rouu ! Rouu ! Et oh j'suis là !! Courrier expresse !!


Amarante. a écrit:


D'Amarante
A Baudouin

Je t'écris ces quelques mots, juste pour te dire que je quitte Chalon ce jour pour aller à Genève ... Si tu as besoin, tu pourras me joindre là-bas ... ... ...

Prends soin de toi
Amy




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--Pere_fide



[Le fanatisme est aveugle, il rend sourd et aveugle. Le fanatique ne se pose pas de questions, il ne connaît pas le doute : il sait, il pense qu'il sait. - Elie Wiesel]


Lucq, Comté du Béarn, sa quiétude, son Abbaye ...

Les journées ressemblaient les unes aux autres.
On se levait aux aurores, on commençait par des prières collectives, on répartissait les multiples tâches entre les différents moines, on nettoyait les sols, on bêchait au jardin, on cultivait les légumes, on réécrivait les livres sacrés, ...

A midi précise, les hommes mangeaient.
Oh rien de très copieux, le plus souvent une bouillie de légumes du potager, la viande était trop chère et puis de toute façon, on avait fait vœu de pauvreté; ne l'oublions pas.

Après de nouvelle prières, les moines qu'on était, devaient étudier les saintes écritures, débattre des sujets théologiques, ...
Cela peut sembler simple, mais ça ne l'est pas.

Les règles étaient nombreuses, le moindre écart au code de l'Abbaye pouvait entraîner de lourdes sanctions.
C'est notamment cette discipline de fer, qui faisait la réussite et la réputation de l'Abbaye.

Mais ce soir là, rien n'était plus pareil ...

Alors que les derniers rayons du soleils s'éteignaient au loin derrière les collines, commençait le règne des ténèbres.
La lune était déjà à son zénith, éclairant ses créatures démoniaque de sa froide lumière.
L'obscurité n'était pas propice aux méditations d'un homme de dieu et d'ailleurs seul le soleil inspirait Fide, le révérend Père.

L'obscurité le rendait anxieux.
Il était d'ailleurs encore plus irritable depuis qu'il était persuadé d'avoir croisé la route du Sans Nom, par une fraîche soirée de printemps.

Après la prière, et avant d'aller se coucher, le Père, fit le tour de l'abbaye.
Les cellules étaient fermées, quelques lumières bien ténues, des pauvres chandelles semblaient parfois danser de l'autre coté des portes chez les frères finissant leurs méditations et prières quotidiennes ...
Tout semblait en ordre.
Il était temps d'aller se reposer.

Dans son sommeil, Fide entendit des voix, les hérétiques avaient infiltré la région, l'abbaye allait être attaquée ...
Les démons du sans nom criaient dans le cloître ...

... moinillon de mes deux ... à mort...

Et le vieux moine de se réveiller en sueur !
Où était-il ?
Ses frères avaient-ils pu échapper aux assassins ?
Pourvu que la chapelle n'ait pas été profanée !

Il lui fallut quelques instants pour reprendre ses esprits.
Lorsqu'il se rendit compte que tout cela n'était qu'un mauvais rêve, un rictus déforma son visage.
Le démon avait encore échoué, il n'avait pas pris le contrôle de son âme.
Reconnaissant envers le Très Haut et ses prophètes, le vieil homme se leva et pria, rendant grâce au Seigneur de l'avoir protégé.


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