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[RP] En corps raccord

Baile
[Nevers, le début de la fin.]


Au commencement, étaient une lettre et un désir. Les mots, ironiques comme à leur habitude, presque cyniques dans leur provocation, eurent immédiatement l'effet sans doute escompté par leur brune expéditrice. L'esprit se mit en branle-bas de combat dans la caboche de la militaire, mais le corps, lui, rendit les armes sans aucune résistance. L'affrontement était inégal. Cependant, avant de céder à son tour, l'esprit eut un dernier sursaut d'orgueil. La Baile coucha rapidement sur le vélin les mots qui lui martelaient les tempes, et se donna l'illusion, le temps de l'écriture, que Sadnezz n'avait aucun pouvoir sur ses sens, et qu'elle contrôlait tout, comme toujours.

Mais cette femme était dieu et le diable en même temps. La rebelle se débattait dans une toile d'araignée qu'elle avait elle-même contribué à tisser, et les tentacules de l'Italienne l'atteignaient inexorablement, quelle que fût la distance qui les séparait. Une fois sa réponse partie, elle s'adossa contre le mur de sa chambre semuroise, et marmonna, dans une grimace de colère contre elle-même: Tu l'auras ta cape, la vieille, et je serai à Nevers à ton retour…

Les jours ont passé, comme prévu, et la jeune capitaine enchaina les rencontres nocturnes, rien d'étonnant, se libérant de la rage et de la frustration emmagasinées depuis quelques temps. Accompagnée de Karyl, elle finit par se rendre à Nevers lorsqu'elle apprit le retour de la mercenaire. Lettre laconique cette fois, annonçant un retour, et une blessure. Le jeune garçon la quitta néanmoins, sitôt arrivé, pour retourner sur ses pas, l'information de l'état grave de sa mère venant de tomber.

La Baile hésita longtemps, ne voulant pas le laisser voyager seul, se sentant légèrement responsable de sa sécurité, mais ne pouvant se résigner à abandonner à son triste sort celle qui avait silencieusement chamboulé ses sens et sa vie. Elle finit par choisir Nevers, et décida de noyer sa culpabilité dans l'alcool. Sadnezz l'attendait dans l'antre du Mal', et le borgne n'étant pas là, la Baile y entra sans hésiter. Balançant sur la table la cape blanche qu'elle avait trouvée non sans mal à Autun, elle s'assit, non loin de la mercenaire, et la provoqua du regard.

Dis donc, tu as bien vieilli depuis notre dernière rencontre! Et tu m'as l'air salement amochée, ma foi... Une armée t'es passée d'ssus ou quoi?


Pas de délicatesse avec la Corleone. Droit au but, et si possible en défonçant tout sur son passage. C'était le seul moyen de s'en sortir plus ou moins intact, au niveau de l'ego…

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Capitaine de l'Ecu Vert.
--Sadnezz.
[Nevers, la fin d'un autre début]

Lorsque Baile fit son entrée, elle sortit la Corleone d'une longue réflexion. Depuis son arrivée à Nevers, elle comptait ces moments d'intense cogitation comme les poux sur une tête... Bien que la comparaison ne soit pas flatteuse, cet état en restait tout aussi tenace, voir permanent. A ses flancs, une plaie béante et sale recouverte de couches de vêtements tous aussi souillés les uns que les autres. Oui, l'italienne avait une étrange façon de panser ses plaies. Mais avec la fièvre permanente qui l'étreignait, l'étranglait, il lui était difficile de profiter de ses rares moments de lucidité. Parfois l'insolente lui laissait croire à une trêve, égayant ses gestes d'un regain d'énergie et ses phrase d'un brin de cohérence mais.. Il y a toujours un mais. Infectée.

Matalena Ladivèze, l'auteure de sa blessure purulente trouverait en elle la plus froide des colères vengeresses. Mais pas pour aujourd"hui. Non, peut-être pas pour demain non plus finalement. Cette rixe qui naquit au coeur du tripot de L'advocatus Diaboli avait révélé bien des choses à une Sad vieillissante. La force n'était plus compagne fiable, l'adresse amie fidèle... Sous ses mouvements se cachaient cette étrange lenteur des vieux, comme si le temps ne se situait pas sur la même échelle que les autres. Aigrie.

La cape attira son regard, cette fameuse cape. Sa dextre n'osa pas l'attraper, trop occupée a serrer les frusques tachées pour retenir dieu savait quoi... Du sang? C'est qu'il n'y en avait plus tellement dans ce corps meurtri, les évanouissements ne cessaient qu'avec la lancinante douleur qui la ramenait à elle, toujours. La chaleur au front, elle voyait des ombres tourner sur sa tête comme autant de corbeaux attendant leur heure... Les maudits corbacs. Incapable de bouger, elle restait des heures avachie sur un siège a regarder le ballet des soiffards. De la cape c'est aux yeux de la jeune Rebaile qu'elle s'accrocha avec un air de mourante. Usée.


Une rixe. Juste une rixe...


Et tellement plus que ça.
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La tolérance n'existait PAS au M.A / Je ne débats pas, je ne tergiverse pas; je joue.
Baile
Pas un geste vers le vêtement pourtant désiré, pourtant demandé avec insistance. A défaut de poux dans les cheveux, la Baile tiqua et eut immédiatement la puce à l'oreille. L'abîme dans lequel plongèrent ses noisettes lorsque Sadnezz la regarda la glaça d'une étrange réalité: le vide.

Celle qui lui faisait face ce soir n'était plus celle qu'elle avait rencontrée au coin d'une rue parisienne, qui brulait d'une énergie particulière et dévastatrice, et qui l'avait consumée avec elle. Elle resta un instant pensive, fixant l'Italienne, se laissant prendre aux tripes par quelque chose qui ressemblait à la fatalité. Mais sa nature "combactive" reprit rapidement le dessus.

Elle était tout simplement incapable de laisser les choses qui lui importaient se faire ou se défaire sans qu'elle n'y prenne part. Alors elle s'approcha de la mercenaire et découvrit le pansement de fortune sur le flanc. La Corleone se laissa faire, presque comme une enfant, lorsque la jeune capitaine chercha à regarder la blessure de plus près. Elle retint un haut-le-coeur à la vision presque putride qu'offrait le corps tant désiré.

Et tu n'veux pas voir de médicastre?

Devant la réponse farouchement négative de la mercenaire, elle eut d'abord, malgré elle, une esquisse de sourire, comme si la fierté et la hargne contenues dans la voix de Sadnezz suffisaient à effacer la réalité de l'instant. Mais son visage redevint rapidement grave, au diapason de l'état physique qu'elle avait devant les yeux.

Laisse-moi m'en occuper, alors...

Non, elle n'était pas herboriste, elle n'était que militaire. Mais oui, elle connaissait les rudiments en la matière, pour avoir suivi des cours quelques semaines, et surtout, pour avoir rencontré les bonnes personnes sur les routes de sa vie, notamment Anne, si jeune et si érudite à la fois, et en qui elle avait une confiance quasi aveugle pour certaines choses.

Tu n'bouges pas d'ici hein?

L'ironie de sa phrase ne la toucha même pas, et elle sortit de la taverne. Tout se déroula rapidement, ensuite. Elle trouva non sans peine les plantes dont elle avait besoin, et s'affaira à préparer l'achilée millefeuille qui servirait à juguler, du moins l'espérait-elle, l'infection galopante. Ses doigts effleuraient avec douceur le corps martyrisé, tandis que son esprit brûlait de mille questions. Lorsqu'elle eut fini, elle se redressa et rapprocha une chaise de la Corleone.

Sad ta blessure est gravement infectée, tu l'sais hein?.. T'as trop trainé pour te faire soigner, et si tu n'vois pas de vrai médecin, tu n'pourras plus compter que sur ta chance pour que ça n'dégénère pas...

Elle avait dit ces mots sur un ton neutre, presque détaché, mais tout se bousculait dans sa tête. Aimait-elle cette femme? Sans doute pas de la même manière qu'elle avait aimé un Ange mort ou un chevalier encore vivant. Ni même comme elle avait aimé Ayerin, il y a une éternité de cela... Mais le terrible désir qu'elle ressentait pour cette femme, l'histoire de sa vie dont elle ne connaissait que des bribes, l'avaient rendue rapidement unique à ses yeux. Et en ce jour où la fatigue et la vieillesse de la Corleone se faisaient sentir avec force, il y avait autre chose qui prenait doucement place en elle. Détournant les yeux, elle lâcha, presque innocemment:

Elle s'appelle comment, ta rixe?...

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Capitaine de l'Ecu Vert.
--Sadnezz.
Pansée, de l'exterieur. La surface, si peu lisse... Abrupte. Mais en dedans, sous les yeux sous les frusques, le chaos. Quelque chose s'est rompu, quelque chose apparenté au fil de la raison, du bon sens. Là dedans ce sont des maux dépassant l'entendement. Des mots incohérents qui se heurtent les uns aux autres, éclatent conte les parois abimées d'une conscience altérée. Ils se bousculent, s'étripent et s'émasculent. Comme poupée de chiffon, elle laisse Baile gérer le désastre. Elle gère toujours tres bien les choses, Rebaile. Sad refuse obstinément de regarder, comme si le déni pouvait lui apporter une sorte de réconfort ou l'illusion que rien n'est si grave. La douleur transperçait parfois, crispant ses muscles morts, sur son corps maigre, décharné. Serrer les dents, toujours..

Sa peau transpire, sous les mains de la jeune femme le feu. Que dit-elle? Sad ne sait pas vraiment, se contentant d'exécuter les ordres, de jouer de cette multitudes d'expressions pour s'exprimer. Elle regarde celle qui fut son amante avec un air las, absent. Que fait-elle là? A panser les plaies d'une vieille folle? Que lui avait apporté cette dernière, durant ces derniers mois? Rien... Peu. Quelques corps à corps, quelques mots et promesses toutes fallacieuses. Assise là a se faire soigner comme une enfant elle eut pour la première fois une bouffée de remords. Souvent elle avait manipulé sa cadette, par plaisir ou par besoin. Besoin d'elle, parfois, lorsque sa vie ne s'égarait pas interminablement sur les routes. Besoin d'elle quand ça lui prenait, caprice de chair et de sang, jouvence par procuration.

Cette fois encore, elle était venue. Mais la confusion lui faisait oublier tout ça. Ces mensonges, ces trahisons. Rebaile venait se faire jouet d'une marionnettiste qui s'était empêtrée dans ses fils, certains coupés nets, enchevêtrés dans d'inextricables noeuds. La rixe, ce n'était peut être qu'un prétexte au fond... Pour la revoir de nouveau, affairée à sa personne comme une fervente au pied de son prie dieu.


J'sais plus... Une brune avec une longue tresse. Une croix, reformée. Dans le tripot de montauban... J'crois qu'elle accompagnait une noble.


Réformée. La pucelle de Montauban avait pourtant réussi à lui mettre la fièvre au corps, et pas de la façon la plus agréable qu'il soit. La noble, Gnia. Mais Sad n'avait pas reconnu ce visage déja rencontré pour la chasse a l'homme de Griotte. Trop absorbée par la créature impie. Un vertige la fit tanguer un peu, les yeux levés vers le plafond. Que voyait-elle ... Des Corbeaux. Maudites bestioles, comme celles qui venaient tourmenter les ruines d'Arquian. Une nuée sombre de corbacs mortuaires, planant au dessus de sa tête comme Damoclès la belle. Imaginaires... Nébuleusement inexistants. Sauf dans son esprit.


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La tolérance n'existait PAS au M.A / Je ne débats pas, je ne tergiverse pas; je joue.
Baile
Les questions se multipliaient dans l'esprit infatigable de la Baile. Cependant, les mots ne sortaient plus. Le succinct récit de cette rixe qui avait mis à mal l'indéniable charisme de l'Italienne la laissait pensive. Non, la vieille mercenaire n'était pas tombée du piédestal où elle n'avait jamais été mise par la jeune capitaine, mais la Blanche cherchait désespérément à retrouver, dans les obsidiennes de la brune, ce défi à la vie qui l'avait attirée comme un aimant.

Le corps en vrac à la vue de ce regard perdu dans le vide, qui lui faisait face, elle détourna ses yeux et se concentra alors sur les informations qu'elle venait de recevoir. Elle ne connaissait ni la Guyenne, ni la Réforme. Et la fille dont parlait la Corleone ne lui disait rien. Elle nota néanmoins les informations dans un coin de sa mémoire pour plus tard, en bonne militaire, et se frotta les mains, hésitante.

Sa présence dans cette taverne avait quelque chose d'incongru et de pathétique à la fois. La rebelle qu'elle était n'avait qu'une seule fois auparavant baissé les armes de sa fierté devant une femme. Jamais une amante. Elle n'avait pas été un seul instant dupe de la relation qu'elle entretenait avec la mercenaire depuis quelques mois. Une relation de chair, une relation de sens et pourtant insensée. Et elle avait répondu sans hésiter au double appel de l'Italienne. Parce que cette dernière savait mettre le doigt là où il fallait pour avoir ce qu'elle voulait...

Il était temps que la Baile mette fin à cette situation. Mais le voulait-elle seulement?... Les mains se séparèrent et se glissèrent dans ses cheveux, les rejetant en arrière. Puis, n'y tenant plus, elle se leva et s'approcha de la blessée. Penchant le visage jusqu'à frôler le sien, elle respira quelques instants le parfum sauvage et enivrant de cette peau burinée. Sa bouche vint mordiller les lèvres closes qui semblaient la narguer, une main enserrant le cou brûlant de fièvre, tandis que l'autre prenait rageusement possession d'un sein à travers les vêtements. Se détachant légèrement, elle murmura:

Je vais prendre l'air quelques minutes, et trouver de quoi te calmer cette fièvre...

Elle laissa sa main remonter lentement le long du tissu, comme une caresse d'adieu, avant de glisser, aussi agile qu'un serpent, dans le corsage baillant de la brune, et de se saisir de la précieuse fiole qu'elle y entreposait. Elle recula vivement d'un pas aussitôt son méfait commis. Sad était diminuée, mais elle n'en demeurait pas moins dangereuse, fauve qu'elle était.

C'est ma paie, pour t'avoir soignée..

Maintenant que tu ne me donnes plus ton corps... Elle l'aurait eu si elle l'avait demandé, cette fiole, mais la Baile avait parfois des regains de fierté dérisoire avec Sadnezz, et elle mit dans les mots qu'elle lança autant de provocation qu'elle pouvait, avant d'ouvrir d'un geste impulsif le flacon, et d'inhaler violemment les effluves qui s'en dégageaient. Elle le referma puis le posa sur la table, non loin de la vieille.

J'pars pour le Limousin cette nuit. A mon retour, si tu n'as pas survécu à ta blessure, j'mets le cap sur Montauban...

Histoire de casser une obsession en la remplaçant par une autre...
Elle tourna les talons sans plus rien dire et sortit. Se rafraîchir les idées, sa seule option avant de passer peut-être une dernière nuit avec celle qui l'aura marquée plus sûrement qu'un fer rouge.

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Capitaine de l'Ecu Vert.
--Sadnezz.
Il y avait cette tension, tapie dans les gestes de sa jeune amante. Inhabituelle, elle détestait ça. Finalement elle cultiver son indifférence n'était pas toujours aisé, parfois l'effort était détestable. Si seulement la nuée volatile cessait de la tourmenter , elle y verrait plus clair dans le langage tactile de Baile. Une goute de sueur perle au creux de ses seins, soudainement effacée par la main de la soldate. Sad tique. Ces lèvres, ces doigts, ils parlent ... Trop. L'italienne hait ces démonstrations publiques, ou simplement susceptible d'etre vues par de mauvais yeux. Cette vie n'est pas faite pour eux, mais Baile refuse obstinément de l'entendre. Les déviants finissent toujours au feu, Corleone veut bien s'accorder une mort plus douce... Le feu de la fièvre. Cette fille lui ressemble et pourtant elle se sent tellement loin d'elle.

Immédiatement, un coup d'oeil furtif balaye la taverne et ses fenêtres. Personne ne les épie, mais l'obsession d'être dénoncée est omniprésente dans le délire de son état. Elle baisse les yeux, à la recherche de ce que la jeune femme lui a volé. Le peu qu'il lui reste pour oublier ses malheurs, ses douleurs. Assaillie de pensées confuses elle imagine un instant ce que serait la vie exclusive avec elle... Mais n'y parvient pas. Ses oreilles filtrent, attentives, le flot doux et diffus de ses paroles. Aucune réaction, juste deux paupières baissées en quête d'une vérité qui lui a été arrachée. Souvenirs altérés, surinés... La tresse brune, cette façon de la jauger.. Cette voix, pénétrante et si posée. Que est son nom... Quel est son nom? Intense effort, revoilà Belladone repartie, quelque part, dieu sait où. Les secondes s'écoulent sur elle, lavent le massacre cérébral.


Ladivèze.

Elle releva la tête franchement avec une expression presque plus vive, presque plus ... Présente?


Elle s'apelle Matalena Ladiveze!

Mais la Baile s'était fait la belle. Un oeil vide de tout éclat fixa la porte close de cette taverne aussi glauque que sa situation. Que c'était doux.

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La tolérance n'existait PAS au M.A / Je ne débats pas, je ne tergiverse pas; je joue.
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