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[RP] Enfant: Fruit qu'on fit.

Lestan
Ils sont beaux. Deux enfants en amour, tombés au champs de la bataille de leurs corps offerts, l'un pour l'autre. Ils ont inventé des nuits d'une longévité que l'humanité ne connaissait pas, dessiné aux griffures de l'exaltation une douceur qu'ont ne lui soupçonnait pas. Ils se sont sentis précurseurs, inventeurs fous d'un genre nouveau, perdant la mesure du nombre et de la quantité. La notion de répétition a disparu. Combien de fois ont-ils refait le monde...Dix fois, quinze fois? Assez certainement pour que l'une d'entre elle voit se lever sur leur éteinte un sens nouveau. Les enfants dans l'obscurité font des erreurs. Les erreurs dans l'obscurité font des enfants.

***

Quiétude.

Mon coeur bat, emballé, saccadé, contrastant avec la douce mélopée de celui qui me berce jour et nuit. Je suis petit, infime poussière de vie qui tangue et se balance avec nonchalance, accrochée à l'insignifiance de mon existence ignorée. Caché, reclu, tapis chaudement roulé d'incertitudes je vis. Je ne suis qu'une conséquence. Croissant avec méthode j'écoute. Ils m'environnent, ces bruits diffus et ces rumeurs que je ne comprend pas. La vie est simple à l'aurore de sa vie...

Je l'entend rire, pleurer aussi. Qu'elle doit être belle cette femme que je connais si peu et si bien à la fois. Son visage se dessine dans les délicates expressions du mien, je me construit à son image, car au debut il n'y a qu'elle. Créature qui m'accueille en son sein. Le commencement a pris une forme inattendue, je ne l'ai pas vu venir.

Chaque jour qui passe m'invente une lucidité insoupçonnée, je commence à connaitre les moindres de ses détails. Elle se meut autour de moi comme si j'avais toujours été là, insouciante. Au travers de la fine paroi je me figure dejà ce qu'est la vie de l'autre coté, je la devine sans bien la distinguer. Je ne suis qu'un spasme de vie. Enveloppé de secret je me bat en silence, je veux rester là, à jamais. Je ne lâche pas ce besoin d'être quelque chose, je m'y agrippe avec une force que je me découvre. Au fil des jour tout est moins frêle, moins incertain. Il est certain que désormais... Je demeure

Là haut c'est la houle, je n'y peut rien, je sens qu'elle est malade. Nous sommes seuls. Ne serais-je donc qu'un parasite qui donne des haut le coeur et se dissimule avec adresse pour ne pas être découvert? Je veux être remarqué. Ecoute-moi... Ne me renie pas. Ne me désavoue pas. Je suis là. Je suis un fruit. Votre fruit.

Ecoute-moi.

Ecoute-moi.

Ecoute-toi!
Blanche_
Tap. Tap. Tap. Tap.
Dieu bénisse l'inventeur du fauteuil long. Et les baronnes qui s'y vautrent les pieds abandonnés sur des kilomètres de soie.
Tap. Tap. Tap. Ta-ta-ta-tap...
Main gauche claque les ongles sur la table de bois. Une, deux. Une, deux. Ça s'ennuie à Donges, il faut l'avouer, il n'y a rien à y faire... Rien. Rien. Riiiiien...

Tap. Tap. Tap.


- Dites à Clémence que je veux lui parler !

Tap. Tap. Tap.

- Et que j'ai envie qu'on sorte ! Qu'on se balade.
Silence.
Tap. Tap.

- Et amenez moi de quoi me faire passer cette saloperie de mal de crâne ! Et des crêpes !
Tap. Tap. Ta-tap. Ta-ta-ta-ta-tap...
Silence.
Bouffe. Beurk.
Tap. Tap. Tap.
Silence.

- Oubliez pour le repas, j'ai plus envie. Mais quelque chose pour ma tête, un massage, quelque chose...
Sucre. Su-uu-cre. Slurp.
T...T...tap. T....ap. Ta... T. T. Schpoung.


- On est quel jour ?
Lundi. Tap. Mardi. Tap. Sept jours. Tap-tap-tap-tap-tap-tap-tap. Lundi. Ta-tap. Une semaine, deux... Trois. Tap, tap...



Silence.
Tap. Tap. Tap. Tap...
Stress. Ta-ta-ta-ta-ta-pp. Oh putain merde je fais quoi c'est pas ça non je rêve c'est pas possible j'ai faim non si mal outch c'est quoi ce bruit et là mon ventre oh secours mon Dieu fais quelque chose bordel tu sers à quoi et ce crétin d'angevin toujours se méfier d'eux bandes de cons sale parigot j'le savais je vais lui faire sa fête non ne stressons pas tout est normal je sais juste pas compter.

Tap-tap-tap-tap-tap-tap. Tap-tap-tap-tap-tap-tap-tap. Tap-tap-tap-tap-tap-tap-tap.
Silence.
Tatatatatatata. Tatatatatatata. Tatatatatatata. BAM !

Silence.


- MERDE !

Consternation.
_________________
Lestan
Et oui. Je suis là. Je suis empreint de la poésie de ma création, mais je sens que je ne vais pas le rester longtemps. Neuf mois à apprendre tous les jurons de la terre, ça instruit. Je suis à bonne école.

On me croit asexué, il n'en est rien. Tout est écrit. Je fais des ganses dans cette panse d'hermine, sans imaginer les réactions de causes à effet. Ici le temps n'est pas long, j'ai tellement à faire. Me voir pousser des doigts et d'autres appendices bien saugrenus entre autre. Ses soupirs m'endorment, je vis dans une somnolence toute subjective. Ici pas de saisons, seules les humeurs de mon hôte font la pluie et le beau temps.

Pour l'heure, je suis sage. Rien ne laisse penser à une folie latente ou à quelques tares en dormance. Pourtant, je m'imprègne du mystère dont j'ai hérité aléatoirement. Au grand jeu chromosomique, j'ai tiré quelques fameux numéros... D'un géniteur-enfant et d'une génitrice-injurieuse, vous vous doutez bien que j'aurai quelques prouesses à accomplir... Héréditaire mon cher Watson. J'ai le sang bleu, pourtant j'ignore qu'au dehors je ne serai qu'un bâtard. Je suis l'inattendu; c'est une affaire à suivre.

Je suis nourri, Blanchi et logé. Plus belle ma vie. Sous mes paupières, l'infini. Nulle lumière encore, de toute façon l'étincelle c'est moi. Petit à petit je découvre l'usage de tout ce petit monde. Je gravite, tout en tâtant mon environnement. J'appuie, je pousse, j'enroule. Il me viendrait presque des envies de broder le fil de mes pensées naissantes. Je suis insignifiant mais je me sens exister. Pas de raison, la créature doit le sentir aussi.

Je l'exige!

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Je ne débats pas, je ne tergiverse pas; je joue (et avec qui j'veux).
Clemence.de.lepine
Elle veut… elle veut… elle veut !

ASSEZ ! Elle se lève en hurlant et fracasse au sol un vase qui n’avait rien demandé à personne. Cela lui rappelle une scène qu’elles ont vécue il n’y a pas si longtemps que ça où, encore sensiblement touchées par le passage angevino-bourguignon elles se sont laissées à boire et à lever le ton. Souviens-toi…

FlashBack a écrit:
Je dis juste que, culturellement parlant, la Bretagne c'est pas non plus ... je ne dis pas qu'il n'y a pas eu une grande période bretonne, ça, d'accord… je dis simplement qu'aujourd'hui ton peuple est décadent et que la Bretagne ne sera bientôt plus qu'une province de France.
Une province ?
Et… oui.
Jusqu'à nouvel ordre, ô Clémence, ce ne sont pas les Français qui ont construit les menhirs…
Ces trucs phalliques, là ?
Et Carnac ? Et Brocéliande ? C'est quoi ? De la gnognotte ?
Oui ben ça date pas d’hier…
Que ce soit hier, ou aujourd'hui, mon peuple est le plus grand de tous les peuples !
Dis-donc ton peuple ton peuple, t'es quand même presque devenue française, à la longue, alors comme spécimen breton j’ai vu mieux, excuse-moi...
ASSEZ ! et explosion de vase sur le sol.


D’où la réminiscence.

Bref. Il n’a pas fallu longtemps à Clémence pour arriver jusque chez Blanche et entrer avec fracas, regard fulminant et cheveux épars.

Quoi ?! fait la Marquise, mal aimable comme peut l’être une femme que l’on a piquée au vif. Elle n’a pas frappé : on est en Bretagne, on fait comme on veut. On est à Donges et c’est encore pire : on aime faire comme on veut. Blanche a une mauvaise influence. Il est temps de bientôt rentrer à Paris, non ?

Tu veux me parler, tu as envie que l’on sorte ? Madame a-t-elle d’autres exigences ? scande-t-elle, d’un ton plus narquois qu’irrité. On me demande, j’accoure, j’espère que cela sied à Sa Majesté, Reine de Donges ?

Elle la regarde, la toise, lui rôde autour pour finalement venir se poster derrière elle. Vas-y, fais donc l’effort de te retourner ! Elle a envie, elle, de lui tirer ses cheveux trop blonds et de maltraiter ses épaules trop fières. Mais elle a aussi envie de se jeter à ses pieds et d’acquiescer, avec toute la vigueur qui lui emplit le sang : « Oui, partons, courons, fuyons ! ».
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Blanche_
Voir Clémence et mourir.

- Oh Clémence ! chouine t'elle quand la tête est martelée une fois de plus. Elle s'abandonne, complètement, à ces mains pâles qu'on dessine dans son dos. Et la silhouette aux coquelicots, qui sent le sucre d'Ella Durée, c'est une touche exotique et noble à laquelle on ne peut qu'obéir.
Si tu savais, si tu savais....

Làà, oui. Créer un peu de suspense, d'émotion, transfigurer l'instant en propulsant la Marquise au centre d'un drame potentiel. Car tout est incertain, n'est-ce pas ? Ce n'est qu'un murmure, engendré par un souffle, une graine qui germe et dont la pulsative sève bat à sa peau ; tout pourrait être faux, aussi rien n'est dit, juste une main posée là, rapprochée du ventre par la liberté d'une robe ample, et qui vise, soit à y cacher le vice, soit à y guider l'oeil alerte de Nemours.

- Je crois que je regrette qu'Aimbaud soit jamais venu en Bretagne !

Oubliées, les certitudes. Face à cette angoisse du connu qui vous ronge les tripes, celle qu'elle sait pour l'avoir déjà affrontée, Blanche perd sa raison et son assurance. Plus de dogme, plus de croyance, plus de foi à son amant, elle qui croit en lui plus que tout ! Peuh. Du zèle impie et païen, elle retourne à la bassesse de sa culture. On ne croit en rien, juste à la peur.
Et celle d'être grosse est pire que tout.

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Clemence.de.lepine
On a envie de rire, dans un éclat bref et puissant. On a envie de basculer la tête en arrière, de livrer au monde sa gorge pure et vulnérable, et de poursuivre sans discontinuer ce rire sonore et moqueur. On en aurait presque envie de sentir, piquantes, les larmes qui inévitablement surviendraient au rire et puis de se tenir le ventre et de se tordre à n'en plus pouvoir. Rouge, si rouge, à s'en étouffer, à s'en éclater les poumons et les zygomatiques. S'arrêter, pour l'effet, et puis reprendre de plus belle en faisant fi des regards et des cœurs que l'on pourrait froisser. Rire, parce qu'on l'avait prédit, et qu'on n'avait voulu écouter.

Mais non.

Davantage, on a envie de blêmir, de laisser le silence s'installer, le temps durer encore, toujours, et peut-être qu'à un moment, las, il ferait demi-tour et enchainerait sur un couplet différent. Alors Blanche jamais ne dirait qu'elle regrettait, jamais on n'aurait surprit ce timbre hésitant et craintif et jamais on n'en aurait pris peur également. Il serait facile de rétorquer maintenant, d'une voix fluette, "je te l'avais bien dit". La facilité n'a jamais été preuve de subtilité.

Les doigts viennent rencontrer une épaule, légers et curieux. Ils s'approprient en douceur cet élément encore étranger et tour à tour le caressent ou le travaillent selon la pensée qui traverse l'esprit songeur de la Marquise. Rassurant, ou blâmant sans mot dire.

Et puis, elle lâche son emprise. Contrairement à l'éternité, mordante, qui semble s'être tout à fait immiscée dans chacune des pores de leur peau. Jusqu'à ce que chacun de leur sens ressente cette oppressante constatation : le temps semble si long quand on ne sait pas quoi dire. Silencieuse, Clémence s'assied aux pieds de la Baronne. D'abord, elle pose son front contre le genou de l'Hermine, le regard perdu si loin qu'on ne saurait sur l'instant s'il pourrait un jour en revenir. Et puis, quand la position par trop lui meurtrit la nuque, elle lève les yeux vers le visage adoré.


Pourquoi ? fait-elle enfin. Innocente à en pleurer.

C'est une amie qui ne veut pas comprendre et qui préfère croire à un amour déçu.

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Lestan
[Comptine d'un autre été]

Je suis un être sans passé, et c'est bien là tout le mystère de mon sourire. Je suis l'innocence, pourtant je suis la faute. Paradoxe qui me bâtit. Ca commence par un baiser, ça finit par un bébé. On pas du leur raconter ce passage, aux deux pêcheurs. Mon avenir? Je le dessine au gré des heures, d'une menotte à cinq doigts parfaitement formée. Je suis presque un bébé. Bébé. Créature difforme à l'âge, au sexe et à la condition indéterminés, hautement remarquable par la violence des sympathies et des antipathies qu'elle provoque chez les autres, sans exprimer elle-même de sentiment ni d'émotion.

Elle geint la créature, sa complainte m'agace, j'ai envie de lui faire mal. Je ne m'en fais pas, cela viendra bien assez tôt. La femme est la dernière chose que Dieu a faite. Il a dû la faire le samedi soir. On sent la fatigue. Le seul moment où une femme réussit à changer un homme, c'est quand il est bébé... La créature à de quoi faire. Il me faudra me battre pour me faire accepter. Ce n'est pas pour rien que les bébés qui viennent au monde naissent avec les poings fermés : ils savent déjà instinctivement qu'ils auront à lutter. Si petit et déjà révolutionnaire.

Bébé. Beaucoup de bruit d'un côté et aucun sens des responsabilités de l'autre. Tiens, vous aussi ça vous fait penser à quelqu'un? De toute façon, maintenant que je suis là, j'y reste... Tremblez. Il faut dejà penser à ma sortie, pauvre de vous. Dans cet utérus d'occasion, on croit a tort que je n'occasionnerai pas trop de dégâts... La créature saura-t-elle au moins comment s'occuper de moi?

- On rince les bébés dans deux eaux de rinçage tièdes, puis on les sèche dans un linge éponge. Ne jamais les frotter ni les tordre. Laisser reposer, surveiller régulièrement -

Soudain le sérieux m'assaille. Ne suis-je pas trop petit pour m'y plier? Je veux m'y soustraire. J'ouvre un oeil. La beauté d'un monde submergé me laisse pantois. Je pense. Il faut quelquefois se promener au fond de l'abîme pour mieux se connaitre. J'ai rendez-vous avec moi même, abandonne la créature et ses suppliques de femelles. Bonjour terre nourricière, paysage in utero. C'est une balade qui me révèle bien des choses, moi qui n'ai fait que vivre comme un aveugle, tâtonnant dans ma soupe. J'avance, tourne et vire, je vois. Lueurs ajourées, elles se découpent au travers pour mieux me percer à jour. Je vais et je viens, même si je descends jusqu'en enfer, le bras de Dieu est assez long pour m'en retirer. Ou celui de l'accoucheuse.

Mais j'ai le temps, ce n'est pas demain qu'on m'arrachera à cette vie aquatique chérie. Faut il encore que la créature me remarque, à défaut de m'accepter.

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Je ne débats pas, je ne tergiverse pas; je joue (et avec qui j'veux).
Lestan
[ Au fil des mois]

Dans mon cocon, je me meurs. Ou peut-être est-ce ma pensée, cet esprit que l'on prédestine brillant. La créature me renie, elle vit dans le déni. Pourtant je suis là, chair de sa chair et aujourd'hui j'ai décidé de frapper un grand coup... Rageur ou désespéré. Il m'a couté, il m'a épuisé, mais j'ai frappé comme on frappe à une porte dont on ignore ce qu'il y a derrière. J'aurai crié si j'avais pu, si j'avais su , j'aurais hurlé. Faire vriller la luette, briser quelques écoutilles, d'aucun pense que je le ferais plus tard et avec brio... Peut-être.

Moi qui naquit vif et transi d'énergie je me sens désormais malade. J'ai cessé les galipettes, me suis recroquevillé mains sur la tête pour ne plus l'entendre penser. Je me sens las, mon coeur bat la mesure d'un enfant sans armure. Mes jours s'étiolent , mes yeux se flouent. Je n'ai que mon air pour pleurer. J'ai le mal de l'eau. Le lien qui me lie à la créature me fait une écharpe et un bel oreiller, je le tiens dans ma paume comme un fier chapelet. Ne me regardez pas, je prie un dieu dont vous ne vous souvenez pas.

Entre deux vagues, la houle a cessé. Je ne fais plus souffrir ma créature. Je suis comme le bon vin, je me bonifie... Ou je suis un bon vinaigre, qui n'existerait point sans sa mère. Qui d'elle ou de moi est l'origine? J'ai passé le cap des crises, je suis paisible, bien trop paisible. Laissez-moi forcir, je me sens mourir. J'ai tant de requêtes à formuler à mon dieu nourricier! Accorde-moi l'existence, je ferai ma résilience. Mais dès lors fais-toi une raison, si je viens à naître c'est définitif... Je serai chétif. Fragile enfançon...

Frêle Garçon.

    Et en plus, mi Bourguignon - mi Breton.

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Je ne débats pas, je ne tergiverse pas; je joue (et avec qui j'veux).
Blanche_
Laudes.
Grâce est rendue à Donges, d'où le tocsin blafard pétarade une complainte religieuse. Les simples moines à la bure brune vont et viennent au pied de leur Eglise, tels des fourmis, et moi du haut de mon donjon de pierres, j'entrevois la félicité de ma noblesse. C'est le petit jour en Morbihan, et Lugnasad sonne à peine que me voila réveillée. Pâle au crépuscule, moribonde au petit matin, j'ai des cernes grandes à mes yeux, des traits tirés si fort, qu'on eût presque distingué une main vile m’aplatissant la face et la rendant si laide. Cette main, celle-là, elle me fait souffrir et m'empêche de dormir ; tout le jour je plisse les yeux, parfois je gémis, mais il n'est ni son ni force qui m'ôte le déplaisir. J'ai mal, par cette Main, j'ai mal, et me gardant de tout repos elle me fait même, l'Audacieuse, goûter au plaisir d'un Bénédictus emprunté à mon sommeil.
Je capitule. J'avais, auparavant, la main serré à mon coté, en pince ultime pour coincer mon flanc, mais puisque rien n'y fait, ni les mots de mon amant, ni les maux de mes médecins, alors, alors il faut se résigner et la laisser nous envahir, l'enjoindre à partager notre quotidien.


- Griet, prépare-moi une tisane s'il te plait.
Murmure psalmodié, avec une ferveur indistincte. Moi je capitule ; et les Capitules sous le ciel sombre m'accompagnent aussi.
Je me tais, la main desserre son étau ; elle est belle cette trêve, et j'en profite pour sortir du lit bouilli, pour vêtir avec lenteur un peignoir gris. J'ai les viscères en miette, un coeur aux battements accélérés, tout cela fruit de mes entrailles et des soubresauts inexpliqués, qui renversent tour à tour la mère et l'estomac. J'ai craché jusqu'à l'humeur verte et maussade, d'une bouche nauséabonde ; l'odeur-seule me faisait gémir. J'ai traversé des torrents de sueur, bravé l'indomptable courroux de boyaux emmêlés. Parfois, au gré d'un mouvement involontaire, une escarmouche entre mes reins réveillait la flamme et ramenait à la guerre : il fallait geindre, serrer les dents et tendre le ventre, j'aurais même mitraillé mon propre coeur si j'avais pu, pour qu'une grâce soit accordée. C'était la vaste plainte d'une guerre où je perdais ; j'avais mal.

La main n'est plus. Le silence dans mon coeur s'abat en chape de plomb ; je me laisse choir sur un fauteuil, main à mon sein, sentant à l'oreille les psaumes tendres. Et je sens, tout aussi tendrement, le choc de mon organe à mon sein, qui y cogne avec amour.


- Je me sens soudain mieux, dis-je doucement à ma dame, lorsqu'elle amena le bol. Tu avais raison, ce devait-être la viande trop faisandée. J'ai eu mal pis que si j'avais été tranchée en deux.

Livide, j'ai toutefois des gouttes de sang chaudes qui reviennent à mes joues, et tachent la grosseur sous mes yeux. Pommettes en chair, un peu roses, et tout semble déjà mieux.

- Là, chuchotai-je en serrant ma main plus en bas, sous la gorge, là où j'ai redonné tout mon manger en pitance aux cochons. Là, c'est presque parti.

Mais l'effort m'a fait fermer les yeux. J'ai l'air d'une Madone.
Je sens encore le sang contre mes doigts. Sans remarquer, l'air de rien, la descente en caresse de ma paume vers les reins. Il fait tiède sous le satin, et le velours de ma peau chaude attise si bien mon ancienne douleur, que je ne remarque rien. Non, rien, pas même avant que l'oeil expert de Griet n'en fasse le conseil, rien et surtout pas le second battement de coeur qui bat double mesure au mien.


- Fermez votre ventre, le petit va attraper froid.

La main qui se resserre.
Laudes. Un soleil se lève, et moi j'ai les yeux fermés. Plissés et clos, obstinément déniés. A renier mon engeance, j'avais presque gagné.
Mais les Capitules dansent encore, j'entends la parole de David chantée en latin. Non, non, et eréxit cornu salútis nobis, non, non, ut liberaret nos ab inimicis nostris, et à la main de tous nos oppresseurs, non, non, cela ne se peut, non, non, Κύριε ελέησον, non... Non !
J'ai resserré la main près de la sienne. Quelque chose bute, je le sens. C'est une grande joie que cette frayeur.
Quelque chose touche. Chut.

C'est mon enfant.

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Lestan
[ Passe, passe le temps...]

Le temps passe, Laudes, sexte, matines... La mesure du temps n'existe pas ici. Je suis entre deux eaux. J'écoute le sommeil de la créature. Lorsqu'elle dort, c'est tout un monde qui s'éveille. La symphonie sous-marine sub-gastrique m'amène a des réflexions toute naturelles... Et si je pouvais m'évader, aller plus haut, me faire la belle? Changer d'endroit, juste un petit tour du propriétaire. Triste conclusion. Enchaîné je suis de mon ventre au sien, m'échapper je ne puis. ça gargouille creux par delà la paroi opaline, je me questionne sur mon horizon d'hémoglobine. La quiétude qui règne au dehors ne se trouble pas du vacarme interne qui berce mon corps.

Lorsqu'elle s'anime, ma divine hôte tempête et peste, ordonne et désavoue avec une grâce magnanime. Le dedans se tait, le dehors subit. Je reconnaitrais ce timbre entre mille. Ainsi j'apprends l'art de la vocifération, et avec une certaine application. Entre deux partitions je forcis, mais point trop , je gagne en taille mais pas en lard. Faire du gras, je découvre, et dieu que c'est plaisant. Remplir cet espace que je ne connais que trop bien, prendre ma place, avec l'aisance d'un souverain. Je joue des coudes et optimise mon nid, il me faut l'emplir d'une imagination infinie.

Je me fais beau en miniature, chérubin fruit d'amours immatures. J'ai quelques cheveux bruns, fin duvet qui couronne le haut de ma tête poupine et de longues mains fines. Mes réflexes archaïques font sursauter la panse maternelle, j'ai un bon crochet et entre mes jambes un appendice non apprivoisé. J'ai repris le dessus, tout en comblant le vide. Maintenant la créature se sent vraiment ronde du bide. Hé non! inutile d'essayer de me dissimuler, comme le nez au milieu de la figure j'ai insidieusement poussé.

Les jours qui défilent me laissent impatient, chose nerveuse aux grimaces énigmatiques. Mon environnement s'étroitise, ha si seulement je pouvais percer le mystère de cette barrière! Je suis un poids, sous l'estomac. Même plus un petit pois, je pèse bien 6 livres. Et j'en suis fier.

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Je ne débats pas, je ne tergiverse pas; je joue (et avec qui j'veux).
Lestan
[Change change l'enfant...]

Une petite révolution. C'est une mutinerie, au sein même de la matrice maternelle. Au petit matin je suis agité, un inextricable voile d'excitation étreint mon corps encore maigrelet. Quelques heures de divine comédie, je me sens si... Petit. Sans m'en soucier je me sens poussé, trajectoire délicatement déviée. Aux prises de ses filets la vie à décidé pour moi d'abréger son manège banalisé. Moi qui pensait croitre jusqu'à crever ma bulle, je me sens emporté dans un courant ridicule. Rien ne me laisse penser que la créature a mal, si ce n'est quelques plaintes devenues habitudes, elle au moins ne connait point solitude... Il règne ici bas une tension bien surprenante, je tâtonne, dans l'expectative. Je n'ai pas la nature rétive, aussi c'est curieux que je cherche des réponses à mes mystères. Il faisait bon vivre dans mon espace restreint, moi qui la tête a l''envers expérimentait les lois de la gravité, mais ce soir je sens mille choses m'échapper.

Puis le calme revient, la douce torpeur d'avant les tempêtes... Je suis presque en dormance, je me sens partir dans une étrange léthargie. Sans que je ne le sache, un processus redouté s'est mis en marche pour me déloger. Il est tôt, c'est un fait. Je gage que je serai là, bientôt. Que tremblent les hères, pauvres personnes qui ont peuplé avant mon arrivée cette terre... Tremble, tremble ma meyre. Du mouron, tu auras tant de nuits pour t'en faire! Souffre, souffre ton fils d'amours délétères. Aime comme je t'aime, qu'un jour je t'offres mon bras masculin, qu'un jour ce soit moi qui te protège, féroce. Aime-moi comme on tue, moi, ton fruit précoce.

Ne sens tu pas cette fièvre intense perclue au sein de ta panse? Ha ma meyre, mon amour , mon enfer! Je te causerai du soucis plus tôt que tu ne le penses. Ne renie pas les passions qui me dévorent, tu m'as pétris de tant de coups du sort! J'écraserai ceux qui te causeront du tort, je suis le seul à disposer de ce droit... A disposer de toi, me dissimuler sous tes jupons, me couvrir de tes cheveux blonds.

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Je ne débats pas, je ne tergiverse pas; je joue (et avec qui j'veux).
Blanche_
Crossac, ils y étaient enfin. La vieille forteresse, bien austère, allait offrir à l'héritière des vicomtes de Donges un décor absolument nouveau pour passer la fin de l'été, et l'arrivée de l'automne. A Donges-même, la bâtisse seigneuriale n'était pas prévue pour les prochains changements familiaux ; et Blanche souffrait trop de la promiscuité des murs, de leur étanchéité passée, et des suintements frais au petit matin contre les fenêtres de papier. Depuis l'enfance, elle n'avait jamais profité d'autre maison que d'un château ducal, qu'il soit de Rohan ou d'Ancenis, lorsqu'elle vivait chez ses parents puis chez ses grands-parents à la mort prématurée des deux duc et duchesse du Rohannais. Elle n'avait vécu que dans des belles pièces, agrémentées de tentures délicates et souvent renouvelées, que l'on changeait autant que ses toilettes ; un appartement qu'elle n'avait partagé qu'avec sa soeur et sa cousine, une triplette de domestiques qui lui étaient réservée...
Le luxe.
Même à Pannecé, son ancien fief, il avait été souvent question de réduire le personnel sans que le projet n'aboutisse. Sa grand-mère, dont elle était la vassale, insistait pour qu'elle jouisse des privilèges dû à son rang ; et cela avait mené, in fine, au terrible tableau d'une égoïste brimée, cloîtrée dans une fermette à peine habitable. Madame de Donges -tel qu'elle était appelée depuis quelques semaines où sa grossesse, trop voyante, aurait conduit à l'impolitesse du célibat- ne supportait plus les étroits couloirs pleins d'odeurs animales, ou les souvenirs qu'un paysage ou un horizon était à même de lui rappeler. Aimbaud à un coin de fenêtre, Aimbaud sur un fauteuil...
Elle n'en pouvait plus.
Aussi, et pour toutes ces raisons, la baronne ruinée avait quitté avec ses gens la maison de Donges, pour s'établir dans le vieux château médiéval de Crossac. Un donjon carré, aux murs très épais, et une largeur étonnante. Il était situé sur une grosse butte faite par l'homme, et recouverte d'herbes courtes et de mousse. Tout était vert, sauf le petit escalier qui courrait le long des murs, entre les tapis de feuillage, et qui permettait au seigneur dans sa promenade du matin de faire le tour de son château sans se mouiller les pieds. Une semaine plus tôt, Blanche y était arrivée, mais elle avait dû attendre à quelques minutes de sa demeure, toujours arrêtée dans son carrosse, que l'eau finisse de s'éloigner pour permettre à la petite troupe de traverser les marécages. C'était ainsi, il fallait attendre que le sable puise toute la mousse blanche, et puis après les heures longues, quand la terre avait bien tout aspiré, les gens s'avançaient prudemment sur la ligne courbe connue des passeurs, les gardes en chevaux tout devant, qui testaient le passage, et la dame, toute grosse et bien lourde, qui assistait à la traversée depuis la fenêtre de son véhicule.
Il avait fallu une bonne demi-heure pour traverser. Un peu moins pour défaire les bagages, Blanche ayant dû faire rapatrier son équipage quelques jours avant elle ; aussi elle n'était pas du tout fatiguée lorsqu'elle posa son premier pied à Crossac.

"Tá sé go hálainn." murmura-t'elle en chutant du carosse. Elle fut attrapée par les mains lourdes de son intendant, qui lui sourit en arborant une mâchoire noire par endroits.
En tournant les yeux, sa dame fit mine d'observer le haut de son château, et les mouettes qui campaient aux créneaux en criant de son arrivée. Les pierres étaient grises et dures, bien différentes de celles de Rohan, aux teintes orangées et couvertes de bois. Là où elle avait connu des symboles équestres partout, à la mémoire de sa mère, il n'y avait aucun étendard, aucune couleur déployée au vent. Elle se demanda si le vent les aurait arrachés ; Thiercelin, en broyant un bout de bois entre ses dents malades, baragouina une explication différente. Puis, dans son dialecte paysan, à écorcher les voyelles pour les faire disparaître parfois, il raconta qu'amener les pierres depuis la terre avait été très difficile, qu'il avait fallu monter les murs en recrutant tous les fermiers, et qu'ils n'avaient pas eu le temps d'agrandir tel qu'il était prévu en amenant un bras de granit direct, depuis la cour du château jusqu'au village de Crossac.
L'écoutant que d'une oreille, Blanche parvint cependant à être assez attentive pour tourner sa masse ronde vers la village et ses toits de chaume fumants, tandis que ses mots résonnaient.

"...Et le vicomte est mort bien avant que l'on n'arrive à la construire, cette digue. Pas qu'on a pas essayé ! On a bien commencé, une fois par Crossac, une fois par l'château. L'eau, l'a tout englouti !"

D'ailleurs, déjà un tapis luisant revenait, aspiré vers le ciel comme il l'avait été vers les tombes, à charrier sa pureté lumineuse. Les traces des sabots devinrent flasques et puis disparurent ; cela prit plus de temps pour les lignes droites des roues du carrosse, qui s'amoindrirent au moment où Blanche entrait au château.
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Lestan
La créature est partie se cloitrer, dans un lieu moins austère qu'un couvent. Quelque chose à cacher, Blanche? L'enfant s'en fiche, lui , il est cloitré depuis toujours. Son grappin autour du ventre, il a bien songé à s'échapper par delà les murailles vascularisées. Petit être s'empêtre dans des tergiversions toutes avortées. Alors en attendant, il guette. Le jour J peut-être, ou même la nuit.

L'enfant s'ennuie, il s'invente une vie. Des amis, des badauds, des marauds tout autour de sa panse-maison. Dissimulé aux yeux de la plupart, il imagine des visites. De petites mains bien curieuses qui viennent sonder le souple de sa cage. Des mains potelées qui courraient tout autour, là haut sur la toiture. Et des questions , bien légitimes, qu'un jeune ainé pourrait se poser. Fort de se sentir moins seul, le bâtard imagine cet autre , ce concurrent.

"A quel moment avez-vous su que le bébé était un garçon?"
"hé bien, quand on a ouvert les langes!" »

« Mère, je veux un petit frère maure...»
«Ah, dans ce cas, il va falloir changer de papa...»
«Ah non, je veux pas en changer... On va le faire cuire alors... »

« Bientôt, tu verras ton petit frère, ou ta petite soeur.»
« montre?» * collant son oeil sur le nombril boursoufflé *

* Montrant ses testicules dans le bain * « Mère, à quoi ça sert?»
«c'est la réserve à bébés.»
«Alors je pourrai en n'avoir que deux !?" »

« Tu sais que bientôt tu vas avoir un petit frère hein...»
« Oui, m'enfin... J'aurai préféré un cheval de bois !" »

c'est beau la fraternité.

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Je ne débats pas, je ne tergiverse pas; je joue (et avec qui j'veux).
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