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[RP] "Tu dois chasser le lémurien qui est en toi"

Gnia
La Comtesse s'adossa à la chaise qui faisait face à sa table de travail, visiblement satisfaite. Elle observa un instant la première page faite d'un vélin de qualité d'un manuscrit relié d'un riche cuir sombre de Cordoue. Elle s'était appliquée des heures durant à en habiller le haut de la page d'une miniature et d'enluminer la grande lettre qui ouvrait l'ouvrage.

Elle avait découvert dernièrement que c'était en s'absorbant dans une activité qui lui faisait oublier le reste qu'elle parvenait le mieux à repousser ses démons.
La veille, elle avait confié ses inquiétudes à Matalena, ces crises subites ou bien extrêmement longues où elle entendait et voyait des choses qui sur l'instant semblaient si réelles.
Elle esquissa une grimace et s'emparant d'un petit sachet de terre aussi fine que le sable, entreprit de la saupoudrer sur les pigments encore frais pour en boire le surplus.

Le temps de passer un surcot léger sur ses robes et elle revint à son ouvrage, chassant délicatement la fine poussière déversée à petits coups de pinceau. Une fois assurée que ses heures de travail ne se verraient pas gâchées par trop de précipitation, elle referma soigneusement le manuscrit, nouant autour du cuir une large bande faite du même et le rangea dans une large besace.


La haquenée avait profité de l'envie de sa cavalière de se baguenauder, humant, comme elle, la vie frémissante de Montauban, profitant des rayons d'un soleil qui ne brûlait point encore, longeant non sans plaisir le chemin de halage qui sinuait le long du Tarn. Ainsi la bête était encore fraîche et vaillante pour entamer l'escalade de la butte escarpée qui menait au Manoir Albar.
Arrivée devant les lourdes grilles de la bâtisse, Agnès fit faire un instant volte face à l'animal et s'abîma dans la contemplation de la Cité des Saules sous elle, du ruban mordoré de la rivière, de la forêt à perte de vue.
Ce fut la grosse voix de l'un des valets étranges qui peuplaient le Manoir qui la tira de sa rêverie.

L'immense Cairn esquissa ce qui pouvait s'apparenter à un sourire sur sa gueule cassée alors qu'il menait la Comtesse à la bibliothèque après avoir confié la monture à un autre déchet de l'humanité.


J'ai rapporté La Conduite.
Une miniature pour introduire chaque chapitre et les titres enluminés.
J'espère que les rares lecteurs apprécieront.


Elle déposa l'ouvrage sur un lutrin, tournant lentement les pages pour les montrer au géant balafré, amusée de l'attention enfantine qu'il mettait à découvrir le manuscrit doté d'une nouvelle vie. Fière de son travail, elle appréciait d'autant plus trouver cette admiration simple chez la brute.
Toutefois, elle s'apprêtait à ranger le manuscrit lorsqu'une odeur âcre se fraya un chemin jusqu'à la bibliothèque, accompagnée d'un léger brouillard qui piquait le nez et les yeux.
Nez froncé, front plissé, elle interrogea le gros Cairn


Si ça puait pas la charogne, je dirai que vous êtes en train de faire cramer le dîner...

Grognement de l'homme de main qui se contenta d'une laconique explication. C'était le Maure que le maître logeait qui passait son temps à préparer des choses étranges et à parler une langue bizarre dans ce qu'il appelait son laboratoire.

Le front toujours plissé la Saint Just semblait plongée dans une intense réflexion tandis qu'elle serrait l'ouvrage avant de le déposer soigneusement sur une étagère. Puis prise d'une subite inspiration, elle s'adressa à Cairn


Faites donc savoir à... Son nom lui échappait, elle tentait de se souvenir l'unique fois où elle avait croisé l'homme... Faites savoir au Maure que je souhaite l'entretenir.
Je l'attends icelieu, sauf s'il préfère son antre.


Impassible, Cairn quitta de sa démarche pesante la bibliothèque y laissant la Saint Just qui triturait nerveusement la fine ligne blanche qui ourlait sa joue.




[HRP : Titre tiré du sketch d'Elie et Dieudonné, Grand Gana]
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--Salem_ibn_hayyan



[J'ai fait l'con.]


Depuis qu'il s'était installé dans cette ville de déglingués, Salem en avait avalé des couleuvres, mais jamais encore on ne s'était permis de l'interrompre durant l'une de ses expériences. Cette entracte forcée l'avait rendu impatient. En attendant que Cairn lui amène la Comtesse, il reprit une allure présentable. Tout juste espérait-il ne pas avoir à partir en déplacement. Sancte était un homme prompt à entrer dans son bureau pour le lever de ses activités, en l'envoyer résoudre on ne sait quelle querelle ou intrigue de vieux bandit. A l'entrée de la Comtesse, il s'aplatit vigoureusement, et n'ignorant pas la réputation de son invitée, il ne tarda pas à lui servir une liqueur couleur de neige, dans un verre étrange, qui semblait avoir été roulotté sur lui même après avoir été concassé par la force d'un masséter de loup sauvage. Chose curieuse, il semblait étonnamment solide. Par habitude, sans doute.

Soyez la bienvenue dans mon laboratoire, Comtessa.
Que puis-je donc faire auprès de vous pour me rendre agréable ?



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"La merde est l'avenir du monde ; et je voue mon existence à la changer en or."
Salem Ibn Hayyan
Gnia
La présence de Cairn à ses côtés tandis qu'ils traversaient les couloirs du Manoir avait quelque chose de rassurant. Le Manoir Albar trainait une histoire mystérieuse et sanglante et la Saint Just avait toujours craint le lieu, ses habitants étranges, ses décors de sépulture gigantesque.

Le laboratoire de Salem - Cairn avait éclairé sa lanterne au sujet du nom de l'Infidèle - ne dérogeait pas à cette impression générale, bien au rebours. Et bien que l'homme soit obséquieux au possible, la Saint Just n'était visiblement pas à l'aise, tant par la présence du Maure - condition humaine qui soulevait de fait la méfiance de la Comtesse, quoique celui-là ne fut pas de peau trop sombre - que par le laboratoire avec ses alambics, récipients aux formes étranges, odeurs inconnues et fumées suspectes.
Elle avait accepté le verre mais n'avait même pas plongé ses lèvres dans le liquide qu'il contenait. Prenant une profonde inspiration après avoir détaillé les yeux légèrement écarquillés l'antre du Sarrasin, elle finit par répondre au salut.


Merci de me recevoir avec tant de diligence... Se rappeler son éducation, les titres qu'il convenait de donner à chacun... Effendi Salem.

Se lancer, aborder le point dont elle devait parler, maladroitement évidemment, puisque justement elle devait mais ne voulait point.

Effendi... Je vois que vous êtes savant et il est connu de par le monde que les Sarrasins ont plus de sapience que quiconque dans tout ce qui touche à la médecine, aux herbes et aux remèdes...

Mais qu'entendez-vous aux démons, aux esprits malins, aux mauvais sorts et aux malédictions ? Savez-vous les chasser, les éloigner, les faire disparaitre ?


Louée soit la faculté de la Saint Just a aller droit au but, elle avait évité à Salem un long chemin tortueux pour en venir au but de cette entrevue. Attendant avec une certaine appréhension la réponse, Agnès finit par se souvenir le verre offert.

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--Salem_ibn_hayyan



[Évènement Montauban: la valise Marocaine.]

La seule raison pour laquelle la Comtesse à cet instant, n'avait toujours pas changé de crémerie, était sans doute qu'elle n'en trouverait point d'autre sur des lieues à la ronde. Pour l'occasion, Salem lui avait néanmoins choisi sa meilleure liqueur, contre laquelle il n'aurait pas échangé un couple de vigoureux chameaux. S'estimant chanceux de cette visite, il se fit honneur de répondre à la demande de la Comtesse avec la docte assurance d'un Prince.

Dites-moi d'abord ce qui peut vous laisser à penser que vous soyez l'objet du mauvais oeil, Comtesse. Et nous verrons ensuite ce qu'il en est.

Avec la question, naquit la curiosité. Pendant qu'elle méditait sur la suite à donner, il se força à ne pas oublier de renforcer le vitrage de son laboratoire. Dans sa prodigalité de mécène, Son Altesse Royale le lui avait généreusement accordé.


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"La merde est l'avenir du monde ; et je voue mon existence à la changer en or."

Salem Ibn Hayyan
Gnia
Elle laissa le liquide réchauffer l'intérieur de sa poitrine, lui brûler la gorge, en évitant de se demander ce qu'elle buvait. Pour qui ne veut dévoiler de faiblesse, avouer ce qu'elle avait à avouer était une torture. Mais il convenait également de prendre le mal à la source plutôt que de persévérer à le cacher.
Elle reposa le verre vide sur un établi, posa les mains sur le bois patiné, les doigts s'y agrippant comme un naufragé à une planche pourrie, puis, esquissant une moue gênée, elle finit par plonger son regard glacial empreint d'inquiétude dans celui du Maure.


Je... Je vois... Et j'entends des choses.

Un soupir, profond, exprimant toute la lassitude d'un être malmené.

Des choses et des voix qui n'existent que pour moi...

Et une ultime précision qui s'impose, la réputation d'Agnès n'étant plus à faire en matière d'excès en tout genre.

Et ce, même sans le concours de l'alcool ou de plantes...

Le regard se fait interrogateur, ne pouvant retenir cette lueur si fragile d'espoir.
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