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[RP] Le Sud au Nord, les lois de la Providence...

Adriendesage
L'aube était humide à Escoeuilles. Le jour pointait, gris et trempé par une pluie qui ne cessait pas depuis trois jours. C'était une de ces pluies interminables, qui, accompagnées par des vents froids et capricieux, vous trempent jusqu'aux os et vous font connaître douloureusement des parties inconnues de votre corps. Folie que cette pluie en plein mois de Juillet, c'est ce que pensait rageusement le cavalier qui venait de mettre pied à terre devant la porte d'une vieille batisse du village. Il tenait par la main, une fillette blonde et frêle, aux épaules voûtées par trop d'efforts et cela lui donnait l'aspect d'un épi d'avoine bien mûr. L'enfant n'avait pas l'air autant contrariée par le temps maussade que son viril accompagnateur, qui se pelotonnait sous une capuche d'un tissu épais, gris et grossier. C'était comme si le ciel du Boulonnais avait lui-même enveloppé cet homme là pour lui faire un cafardeux manteau.
L'homme frappa vigoureusement le bois de la porte et, d'une voix puissante, chantante et chaude, lança dans un français à l'accent mal assuré:


"Ohé la chaumière! La fille de la maison est à la porte!"

La porte s'entrouvrit et une grosse figure d'homme hébétée apparu dans l'embrasure. L'homme était grand, large, hirsute. Il avait des traits fins, que le temps et l'âpreté de la vie avaient burrinés, lui donnant l'aspect d'un vieux bouleau à l'automne. Il y eut quelques effusions diverses, la fille retrouva son père et le père retrouva une bouche et un ventre de plus.
On proposa au voyageur un peu de lait chaud et un tabouret au coin du feu, mais il refusa cordialement. Il demanda simplement la route d'Alquines, où il devait se rendre prestemment. On lui indiqua cordialement pendant qu'une grosse dame -sûrement la mère- donnait du grain à son cheval. On ne chercha pas plus à retenir le cavalier, ni ces paysans là, ni aucun autre curieux du village qui avait ouvert sa porte sans se préoccuper de la pluie qui tombait encore bien dru.

Qu'était-ce en fait que cet homme là, qui n'était visiblement pas du pays? Il fallait pour en deviner quelque substance, avoir vu à sa taille le pommeau doré et brillant qui avait dépassé de sous son sale manteau, lorsqu'il s'était hissé en selle. Et il fallait avoir vu sur ce pommeau, sertie dans le métal, la croix qui frappait les armoiries du comté du Languedoc.
Adrien Desage - c'était son nom - tenait cette lame d'Enduril de Noumerchàt, au temps où elle fût comtesse régnante du Languedoc.
Sur ses terres natales, Adrien Desage était l'Hibou du Vivarais, le baron de Crussol, l'ancien général des armées comtales, une épée crainte et respectée.
Que diable venait-il foutre dans cette galère? Adrien avait accompagné Actarius d'Euphor, un languedocien bien plus illustre car Pair de France et jusqu'alors Grand Chambellan de France. Ces deux hommes là étaient des amis comme parfois l'amitié peut se faire fraternité. Ils avaient avec leur compagnie traversé le royaume de France du Sud au Nord, à la recherche d'aventures, mais n'avaient trouvé que débacle. Leurs quelques compagnons avaient soit péris, soit s'étaient arrêtés en route. Et Nanelle d'Euphor, l'épouse du vicomte du Tournel, avait péri suite à une attaque de brigands. Après une longue halte en Normandie, les deux compagnons étaient redescendus au Mans, à l'appel du Maine contre les armées du Ponant. Une guerre s'ouvrait, c'était l'aventure tant cherchée qui débutait. A d'autres, le coeur aurait faillit face à de grands périls annoncés. Mais c'étaient là des coeurs d'Oc et deux parmis les plus vaillants. Il n'y avait guère plus entiers et brûlants que les caractères d'Actarius et d'Adrien. Fiévreux et passionné, Adrien Desage était un digne fils du Languedoc et il transpirait sa terre natale depuis les ongles jusqu'au bout de ses cheveux - qu'il avait d'ailleurs assez longs.
Au Mans, Actarius avait trouvé un costume tout neuf, splendide, mais cher... Et il fallait qu'il honore sa dette. Comme il y avait avec eux Mélisende d'Euphor, la fille du vicomte, Adrien s'était proposé pour remonter le prix des vêtements jusqu'en Artois, maudissant secrètement tant de coquetterie. Il avait trouvé en chemin, dans une taverne d'Hesdin, une fillette qui était venu vendre deux boeufs de son attelage, mais qui avait bêtement vendu les trois, restant ainsi avec une charette sans boeufs et nul moyen de retour. C'était cette fillette qu'il venait de remettre à ses parents.

Il est ainsi aisé de comprendre le malaise qui rongeait le baron de Crussol, emprisonné dans la grisaille, le froid, la pluie et l'interminable plaine du Boulonnais. Quand il était habitué au grandes tempêtes ou aux impitoyables sécheresses, il était éprouvé par une pluie ni violente, ni douce. Quand il chevauchait d'ordinaire sur des crêtes accidentées, il trouvait là une plate étendue, qui lui semblait éternelle...


"Mordious, ce pays ressemble à une table de négociations!" maugréait-il en sortant d'un bois touffu pour se trouver dans un vaste champs de blé.

"N'Y A-T-IL RIEN D'AUTRE QUE DU BLE ET DES BOIS DANS CETTE CONTREE?!" cria-t-il en levant le poing vers le ciel.
La pluie redoubla de vigueur...


En milieu de journée, après avoir bivouaqué dans un énième bois, il arriva enfin dans un village aux maisons groupées comme celui d'Escoeuilles. Et lorsqu'un passant lui annonça qu'il se trouvait à Alquines, il se balança en arrière et s'étendit sur la croupe de son cheval, de joie et de soulagement.

"Mercè meu amic! Plan mercè!" s'exclama-t-il, les bras levés au ciel.

Le passant n'entendit rien à son charabiat, mais loucha sur l'hibou d'or qui ornait la tunique verte du cavalier. En se couchant en croupe, ce dernier s'était découvert de son manteau gris et laissait ainsi paraître vêtements et épée.

"Je dois remettre cette cassette à la demoiselle d'Alquines. Mon brave, pourriez-vous me faire annoncer auprès d'elle?"

Le gaillard lui répondit qu'il n'était pas serviteur de la dame, mais qu'il pouvait bien l'emmener jusqu'au manoir où quelqu'un se chargerait bien de l'annoncer. Le portier au manoir demanda, hésitant:

"Mais qui dois-je annoncer?"

"Dites que c'est de la part d'Actarius d'Euphor. Cela devrait suffire."
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Ayena
La veille, Ayena était rentrée en début d'après midi en Artois, en urgence. Un message était venu l'avertir au Louvre que ses terres et ses cultures, ou plutôt celles de ses paysans, venaient d'être décimées par une pluie de grêle. Terminant rapidement le travail entamé au Palais pour la préparation des funérailles Royales, la Demoiselle de Chambre avait pris congé de ses obligations parisiennes pour venir pleurer avec ses vassaux. Car que vouliez vous qu'elle fasse d'autre que de pleurer ? Rien ne peut faire relever un champ de blé. Sauf miracle.
Avec eux, donc, elle avait fait le tour des dégâts alors qu'une pluie diluvienne semblait les narguer tout au plus. Des décisions avaient été prises, comme de miser sur le bétails plutôt que sur les récoltes. Mais s'il n'y avait point de blé, il n'y aurait point de farine, et s'il n'y avait point de farine, ça serait la famine. Et ce n'est pas parce que ça rime que c'est chouette. Ayena avait offert quelques écus aux paysans les plus malheureux pour qu'ils achètent des chèvres, une valeur sûre de tout temps.

Le soir, trempée jusqu'au os, la jeune femme d'à peine 17 automnes n'avait pas veillé tard : se tenir debout tout le jour lui avait donné des crampes et boiteuse qu'elle était, cela la fatiguait.
Pour conclure, le résultat n'était pas encourageant en ce début d'été : la Reyne venait de mourir, le deuil s'abattait sur le royaume et les cultures des environs étaient fichues. Et, intuition féminine, il allait encore lui arriver une tuile. Une grosse tuile.

Un matin tout aussi gris se leva avec Ayena qui passa, encore une fois, son habit de deuil.
Elle s’apprêtait à donner quelques ordres pour s'en aller quérir des nouvelles des paysans qu'elle n'avait pu visiter la veille lorsqu'une certaine agitation anima le seuil du manoir. Amusée de ce genre de choses, elle prit place dans un des modestes fauteuils qui faisait face à l'âtre dans lequel crépitaient joyeusement quelques bûches et patienta jusqu'à ce que l'on annonce un visiteur ou que sa servante crie au meurtre, ce qu'elle faisait pour un rien.

Or, c'est autre chose qui se passa : elle entendit l'huis se refermer et un valet lui annonça avec un ton interrogateur Actarius d'Euphor. Ayena d'Alquines marqua un temps d'arrêt. C'était là une visite qu'elle n'attendait pas. Pas du tout. L'ancien Grand Chambellan, remplacé depuis quelques jour, avait dirigé l'Office dans lequel travaillait la demoiselle depuis plus d'une demie année à présent.


- Et bien, faites le entrer, voyons. Et...

Elle voulut ajouter quelques recommandations sur la façon de se tenir devant un Pair ce qui n'eut pas été inutile étant donnée la rustrerie de ses domestiques quelquefois. Mais elle ne sut comment formuler tout ceci et ne termina pas sa phrase.
Poupette se leva et fit quelques pas boitillants à la rencontre de son visiteur.

Un rictus.


- Vous n'êtes, ce me semble, pas Actarius d'Euphor...

Ouai. Elle est perspicace, notre poupette, parfois. Elle resta donc sur ses gardes, se demandant bien ce qu'il se passait sous son toit. Ou bien était-ce encore un tour de son valet, cet imbécile qui ne comprenait rien à rien...
Ses prunelles bleues rencontrèrent celles de l'inconnu. Elle le jaugea, un instant...

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>DECO pour bannières et tenues !
Héraldique
Adriendesage
Le coffret sous le bras, Adrien s'était donc fait conduire à l'intérieur du manoir, jusqu'au salon, ou la pièce était chauffée par un feu. Un feu, le matin, en Juillet, c'était une aberration! Pourtant, l'air de la pièce était chaud et sec, c'est qu'il fallait bien ça pour s'échaper de l'humidité extérieure.
Vous l'aurez compris, Adrien Desage n'était jusque là qu'enclin à haïr ce qu'il avait vu du Boulonnais... Mais il n'était point si blamable, car il est difficile, même pour un joyeux tempérament, d'apprécier la nouveauté lorsqu'on est trempé jusqu'à la moelle et que l'on est transi par le froid. Ses bottes étaient gorgées d'eau et à chaque pas qu'il avait fait il y avait eu un bruit d'eau qui avait résonné. C'était comme si dix ménagères trempaient leurs draps dans un lavoir en même temps... Mais pi, il gouttait, d'à peu près tous les endroits d'où un homme peu goutter après être passé quatre jours sous des trombes d'eau. Il y avait bientôt y avoir un étang dans le manoir et le baron se sentait zieuté de pied en cap par tous les servants qui étaient présent. Il était comme une sardine sur le cul d'un boeuf, la curiosité d'un siècle...

Aussi lorsque la dame d'Alquines s'adressa à lui, il ne pu retenir un large sourire de fendre sa courte barbe. Pour sûr, il ne ressemblait présentement pas le moins du monde à Actarius d'Euphor, Pair de France... On l'eut même plutôt mal jugé s'il avait eut gardé sur les épaules son sale manteau gris. Adrien, dont les yeux étaient également d'azur, se laissa docilement scruter par la jeune femme, sans répondre avant un instant de silence.
Le baron ne s'attendait pas à trouver là une demoiselle si jeune, et surtout, la démarche et l'allure de la dame d'Alquines, l'avaient interpellé. Elle boîtait. La même démarche que Maëlie de Lauzières, celle à qui Adrien avait jadis dévoué son épée. Et il se mit lui-même à la dévisager inconsciemment.

Qu'était-ce encore, que le baron de Crussol? C'était un homme dont la trentaine d'année avait passé, mais dont nul -pas même lui- ne connaissait l'âge exact. Il était de bonne taille, mais pas aussi grand et imposant que ne pouvait l'être Actarius d'Euphor, qui lui, était une sorte de montagne. Son visage ne portait guère les marques de son âge. Sa barbe seulement commençait à grisonner près des tempes. Mais ce que le temps avait oublié de dessiner sur Adrien, c'était une vie de guerre qui s'en était chargé. De visible sur l'homme vêtu, c'était une large cicatrice au front et une autre, plus discrète, qui fendait sa barbe sur sa joue droite.
Adrien Desage était un soldat, un guerrier et il le portait dans son allure. Tant et si bien que même trempé et miteux, il y avait quelque chose de martial et de sévère qui transpirait de lui.

Il s'inclina pour saluer et sa chevelure bouclée goutta de plus belle. Puis, d'une voix chaude et riante, il s'exclama:


"Non, je ne suis pas Actarius, mordious j'en serai fâché, il a de moins beaux cheveux que les miens!"

Adrien Desage était franc comme le sont les gens du Languedoc. Et son regard d'azur portait cette même franchise. Il fixait la jeune dame d'Alquines avec une douceur empreinte de fermeté.

"Je me nomme Adrien Desage, je suis un ami d'Actarius. Il a reçu de vous un fort bel habit et il m'a confié le soin de vous en remercier et de vous offrir ce qui était convenu en échange. Vous trouverez ainsi dans ce coffret sûrement de quoi acheter quelques sacs de farine, il semble que vos gens en auront bientôt besoin..." dit-il avec un sourire ironique.

Il déposa le coffret aux pieds d'Ayena - en se baissant, il eut l'impression d'être une grenouille - et l'ouvrit en tournant une petite clé de cuivre dans la serrure. Il y avait à l'intérieur la somme convenue en écus.
Puis, il tendit à la jeune femme un vélin scellé par les armes d'Euphor.


"Voici, madame, ce qui doit normalement me servir de gage à vos yeux."

Actarius a écrit:


De Nous, Actarius d'Euphor, Pair de France, Vicomte du Tournel, Baron de Florac, Seigneur de Saint-Dionisy et d'Aubemare,

A Vous, Demoiselle Ayena d'Alquines,

Humbles et respectueuses salutations !



L'intendant de nostre Hostel de Clisson nous a prévenu que la tenue avait été livrée et nous vous en sommes gré. Las, il semblerait que durant ces prochaines semaines, nous n'aurons que peu l'occasion de quitter notre armure. Cela n'empêche qu'elle nous sera apportée et que nous la revêtirons avec plaisir en des circonstances idoines.

Il se trouve que nous ne manquons nullement de richesse, aussi en ces temps de guerre qui s'avèreront difficile pour la caisse royale, nous vous faisons amener la somme de 1050 écus en Artois par un ami de confiance. Nous ne pouvons nous-même vous l'apporter et le regrettons, mais ne doutons pas un instant que le Seigneur Adrien Desage, Baron de Crussol, saura nous remplacer avec talent.


Que le Très-Haut veille sur Vous et Vous préserve de l'engeance ponantesque !




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Ayena
Un silence un peu tendu empli la pièce après la remarque de la demoiselle. Tendu parce que la jeune femme se demandait qui pouvait bien être cet homme qui ne ressemblait pas à un vaurien mais qui eut pu passer pour un bandit avec la large cicatrice qui lui barrait le front. Mais tendu, aussi, parce que la jeune femme tentait de garder son sérieux et de ne point se mettre à rire devant l'homme-grenouille... D'autant que quelques serviteurs gloussaient d'ores et déjà.

Enfin il s'inclina et elle osa sourire, ce qui fit apparaitre deux fossettes dans le creux de ses jeunes joues. Cet énergumène lui plaisait bien : son accent du Sud (elle l'avait reconnu en l'assimilant à celui du Pair d'Euphor) et son ton jovial avaient tout pour détendre l'atmosphère.
Mais, sinon son sourire et les quelques étincelles amusées qui pétillaient dans ses yeux, Ayena ne dit mot jusqu'à ce qu'elle eut terminé la lecture du pli : c'est toujours ainsi que réagissait feu Sa Majesté et avouez le, ça en imposait. Enfin, c'est ce que trouvait d'Alquines qui avait été à bonne école.

Le morceau de parchemin à la main, elle regarda le coffret contenant, il fallait le croire, plus de 1000 écus. La jeune femme restait perplexe : pourquoi confier à un Baron une si piètre mission ? Elle même avait bien fait transporté la fameuse tenue avec un seul valet.


- Et bien, Baron, nous devons vous remercier d'avoir fait un si long voyage. Malheureusement, cet argent n'est point à nous, mais à la Royauté. Les sacs de farine attendrons...

Ha ! Cet homme ne savait donc même pas de qui il transportait les fonds. C'était amusant, à y penser, car s'il avait été brigandé en route, c'était sur elle que cela serait retombé : c'était elle qui avait pris le risque d'avancer la somme sur la caissette royale...

- Quoi qu'il en soit, nous vous sommes gré d'être... Arrivé en toutes pièces avec le coffret. Sa Seigneurie a bien de la chance d'avoir un ami vaillant.

Nouveau sourire. Puis, elle balaye le tout de la main et ramasse le coffre pour le tendre à un valet.

- Mettez ceci en lieu sûr. Et apportez nous du vin de Savoie, nous avons un Baron à requinquer !

Car les amis des amis à Ayena étaient aussi ses amis. Et la jeune femme, un peu naïve sur les bords car le coeur débordant de gentillesse, avait facilité à considérer quelqu'un comme un ami. Preuve en était d'Euphor qui n'avait pour principe été que son supérieur. Et puis, cela lui donnait une occasion pour gouter ce vin envoyé par son Suzerain. A espéré qu'il soit bon, sinon le baron penserait qu'elle le recevait mal.
Alors, à l'adresse d'Adrien :


- Je vous en prie, profitez du feu. Le pays ne vous a pas épargné...


Elle darda un instant son oeil sur l'épée. Fichtre, elle ne savait point s'il était d'usage de proposer à un inviter de se désarmer...

- Mettez vous à l'aise. Mais, parbleu, attendez d'être sec pour prendre place dans un fauteuil..., lança t-elle sur le même ton ironique qu'il avait utilisé un peu plus tôt.

Au fur et à mesure que l'homme se réchauffait, ses cheveux reprenaient ses droits et ses boucles se re-bouclaient. La jeune femme, en coin, regardait ce phénomène curieux : petit à petit, la figure de l'homme se faisait plus étrangère. Étrangère car même dans le physique, un Languedocien reste un Languedocien. Et en Artois, il était bien loin de sa patrie.
Sa curiosité féminine mise à rude épreuve, elle osa une petite question dont le ton, malgré tout, demandait plus de réponses que ce qu'en impliquait l'interrogation.


- Et d'où nous venez vous, exactement ?

Sa voix était douce, pimentée par la jeunesse et la joie d'avoir un invité incongru et inattendu. Pourtant, elle était tout en retenue dans la façon de se tenir, de le regarder : c'est que recevoir un être du sexe masculin ne lui était pas familier. Encore moins lui était familier d'être seule avec cette "race"...

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Héraldique
Adriendesage
Le feu qui égayait la cheminée était un jardin d'éden et l'invitation d'Ayena à venir s'y réchauffer fût pour Adrien une sorte de bénédiction. Il haussa les épaules en apprenant que le coffret portait des écus royaux. Le baron de Crussol, c'était notoriété en Languedoc, était un homme rude qui ne prenait guère garde aux frivolités de la vie. Aussi l'idée même qu'Actarius avait pu se faire livrer une tunique neuve, alors qu'ils étaient presque à nus après de si longs mois de pérégrination au travers du royaume de France, lui avait été lointaine, voire saugrenue. Loin d'un détail protocolaire que peut constituer l'habillement d'un Pair de France, Adrien n'avait pas non plus trop refléchit quand à l'idée de la somme d'écus qu'il avait prit sur lui de transporter.

"En vérité, dit-il en se frottant les mains au dessus des flammes, j'arrive du Mans, ou nous avions, Actarius et moi, rejoint les armées françoyses qui doivent prendre part à la guerre contre le Berry et le Ponant. Mais avant cela, nous avions été en Savoie, puis en Bourgogne, et enfin, en Normandie. Lorsque nous avions quitté le Languedoc, car je suis moi-même un fils du Languedoc, nous avions forte compagnie. Un vicomte voyage bien accompagné, surtout lorsqu'il est Pair de France..."

Là, Adrien fit une pause, posa ses yeux sur le visage de la jeune dame d'Alquines et lui offrit un sourire distrait. Certains hommes sont comme le blé. Ils sont prompt à voyager au gré de quelques vents et ils s'enracinent peu. D'autres - c'était entendu, le cas du baron de Crussol - sont des chênes et plantent leurs racines dans leur sol d'origine à des profondeurs qui parfois dépassent l'entendement. A ceux là, les longs voyages sont rendus pénibles non pas par la fatigue du corps, mais par la mélancolie qui prend l'esprit. Il y avait dans ce manoir, chez la jeune femme qui le recevait, quelque chose de doux et de familier qui lui jettait en plein visage des souvenirs mêlés, quelque chose entre le bonheur et la douleur et qui fait la mélancolie.

"Tous nos gens ont soit péris en chemin, où ont rebroussé chemin, et nous ne pouvions les en blâmer, car après que Nanelle d'Euphor, l'épouse d'Actarius, trouva la mort en Bourgogne, nous avons errés comme des âmes en peine jusqu'en Normandie. Qui n'a point de but, n'est point suivit et n'est point à suivre... Actarius est resté au Mans avec sa fille et il ne voulait pas monnayer un inconnu pour transporter ce coffret. C'est ainsi que me voilà." continua-t-il laconiquement.

Quelques douleurs aux mollets le tirèrent de sa torpeur et lui rappelèrent ce qu'il avait engrangé de fatigue physique.

"Madame, je ne voudrais vous faire défaut d'un de vos admirables fauteuils. Ils sont bien beaux, c'est vrai et j'en ai de semblables dans mon chateau de Charmes. On les a faits venir d'Italie pour y installer les invités, j'aime mieux moi la dureté du bois. Auriez-vous un tabouret, une chaise, qui ne craindra pas l'humidité de mes vêtements? J'ai connu peu de repos depuis la dernière messe dominicale, mordious et votre pays m'a effectivement offert rude accueil!" s'exclama-t-il avec un sourire redevenu franc et joyeux.

"Cela rend votre feu fort doux. Mais Actarius ne m'a guère parlé de vous. êtes-vous fille de ce plat pays?" continua-t-il.

Ce faisant, il avait débouclé son ceinturon et avait posé son épée contre la cheminée, d'un geste qui était un devenu un automatisme avec le temps.
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Ayena
Elle était restée debout le temps qu'il se réchauffe car elle trouvait discourtois de s'asseoir en présence d'un homme en pied dont elle ne connaissait que le nom, le titre et les origines.

Elle l'écouta en penchant légèrement la tête, pour montrer qu'elle était attentive. En vérité, elle buvait les paroles chantantes d'Adrien qui contrastaient fort avec son parler de Cour. C'en était presque choquant de voir leurs deux mondes se rencontrer. Lui qui vouait sa vie aux armes, si elle avait bien compris, et elle, habitante du Ponant qui n'en connaissait que de loin les attaques menées au nom de l'alliance. Pour le coup, elle se sentit un peu coupable de savoir que certains mourraient et que si on lui avait demandé d'expliquer le pourquoi du comment, elle n'aurait su le faire.
Ayena tentait de se convaincre que la guerre était une affaire d'hommes, bien qu'elle sache que des femmes aussi allait périr dans les marres de sang. Mais elle avait du mal à concevoir qu'une chose aussi fragile puisse avoir le courage de prendre une épée pour l'enfoncer dans le flanc de l'ennemi. Trop délicate, sans doute. Ou alors avait-elle gardé un mauvais souvenir de la dernière armée qu'elle avait vu et à qui elle devait d'avoir failli mourir et de boiter à présent. Elle frissonna.

C'est ce moment qu'il choisit pour lui faire comprendre qu'il poserait volontiers son séant. Rougissante de n'avoir point anticiper la fatigue du Baron, elle s'excusa et s'échappa un moment. Elle revint avec deux verres, une bouteille, et un valet qui tenait une chaise de bois brut dont le dossier était sculpté aux effigies du Comté de Thérouanne.


- Allez-y, prenez place.

Elle versa rapidement la boisson dans les récipients et en tendit un à son visiteur.

- Peut-être voudriez-vous accompagner ce vin de quelques terrines ? Nous sommes le matin, mais votre voyage a été long...

Le valet attendit la réponse alors que la jeune femme prenait place dans un fauteuil à côté d'Adrien.
Elle trempa ses lèvres dans le breuvage, qu'elle trouva fort. Il apprécia alors de vive voix la douceur de son feu et elle le remercia en rosissant. Puis, comme c'était à son tour de répondre à une question, elle baissa la tête. Se souvenir de son passé, n'était jamais chose aisée... C'était trop douloureux. Mais comme, depuis qu'elle avait refait sa vie, c'était le premier à s'enquérir de ses origines, elle tenta une petite explication.


- Je ne suis point née ici. J'ai échoué en Artois il y a presque... Mh, un an et demi à présent.

Oui, échouée, c'était le cas. Elle était arrivée là enceinte jusqu'au cou, encore bleue des coups que son feu mari lui infligeait et veuve d'à peine un mois. Or cela, personne d'autre qu'elle, aujourd'hui, ne le savait.
Son regard c'était fait plus profond, exprimant la douleur de ressasser ce qu'elle fut.
Elle cacha son trouble en buvant une grande lampée du vin. Si jeune et déjà si couverte de cicatrices... Intérieures, comme extérieures.


- Après quelques déboires, je me suis mise au service du Comte de Thérouanne, qui depuis la Savoie où il a grandit, recherchait une Intendante pour ses terres artésiennes. Et, en début d'année, il m'a donné un fief, comme gage de son merci.


Ayena n'était donc pas de sang noble et expliquait sa couronne de façon simplifiée à son visiteur. Parce qu'elle était humble, quoique très fière d'en être arrivée là où elle était. Très fière de sa terre, du Comté dont elle prenait soin, aussi, et dont elle était un peu la Comtesse de substitution.
Cette pensée en entrainant une autre, elle osa demander :


- Vous tenez votre baronnie d'héritage ?

Elle replaça une de ses mèches brunes derrière sa crispinette et darda sur Desage un regard de jeune fille devant un conteur. Raconte moi encore une histoire, avec ta voix qui chante...

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Héraldique
Adriendesage
Le feu, c'était un jardin d'Eden, la chaise était l'Olympe, le vin fût un nectar et l'idée d'engloutir du pain accompagné de terrine c'était comme d'être aux portes du Valhalla. Pour couronner le tout, la demoiselle d'Alquines laissait le baron songeur.
Heureusement, ou malheureusement selon le point de vue, un grand fracas vînt rappeler au Hibou qu'il n'était ni au Paradis, ni entrain de jouer au ramponneau avec Zeus, ni entrain de cordialement serrer la pince d'Odin.
Son épée, qu'il avait mal ajustée contre le mur venait de s'effondrer sur la dalle et c'est en catastrophe qu'il s'élança de sa chaise pour la ramasser, en étouffant un "mordious" rageur...
Après cette aventure malencontreuse - et sans oublier d'indiquer au serviteur que la terrine serait la bienvenue - il écouta le récit d'Ayena avec attention. Le trouble de la jeune femme à l'évocation de son passé ne lui échappa pas, alors il convînt de ne point insister dans cette voie. Elle lui offrit d'ailleurs de se découvrir à son tour, ce qu'il accepta volontier: Desage avait la langue liée au coeur, comme tout bon languedocien...
S'il y avait eu quelque personne connaissant un peu l'homme, celle-ci aurait lancé à la dame d'Alquines un regard qui aurait signifié: "T'es sûre? Commande du pâté toi aussi, t'en a pour jusque midi!"


"Que non mordious, je n'ai eu de famille qu'une grand-mère, et je n'ai reçu d'elle en héritage que ma tignasse et une paire de sandales qui m'ont permis de descendre des hautes Cévennes jusqu'à la bonne ville de Béziers. C'était il y a fort longtemps... J'étais va-nu-pied, alors lorsqu'un sergent à l'armure clinquante m'a tendu un parchemin d'engagement dans l'armée comtale, j'y ai dessiné une belle croix! Dans mes montagnes, je n'avais appris qu'à chasser, pauvre bougre!
L'armée du Languedoc m'a tout offert et je lui ai voué toute ma vie, jusqu'à tout récemment. J'ai combattu longtemps à Béziers, nous étions une vaillante troupe. Puis j'ai été sergent à Montpellier, capitale de notre comté. J'étais sous les ordres d'un géant qui était originaire de votre pays. Fauchart... Le commandant Fauchart... Une légende. Le minotaure était un homme avec une tête de taureau, eh bien voyez-vous, Fauchart était un taureau avec une tête d'homme! Une montagne. Il était aussi le bourreau du comté. Lorsqu'il a quitté l'Ost pour se consacrer à cette funeste tâche, j'ai pris le commandemant de la garnison de Montpellier. J'ai par la suite été capitaine, sénéchal, puis enfin général de l'armée du Languedoc. Entre temps, j'avais épousé une narbonnaise, Esme, qui m'a donné une fille avant de se faire lâchement assassiner sur quelque route bourguignone. A croire qu'elles sont maudites... Esme avait reçu la baronnie de La Voulte, que ma fille Liloïe possède maintenant. De mon côté, j'ai reçu pour mes actes de guerre et mon investissement dans la défense languedocienne, le château de Crussol, qui est baronnie..."


A ce point du récit, Adrien fît une pause durant laquelle son regard se perdit dans l'âtre brulant. Son âme devait à se moment survoler quelques hauteurs de la montagne de Crussol... Il reprit à mi-voix, songeur:

"Crussol... Huit villages et deux châteaux... Depuis la montagne de Crussol, jusqu'aux vignobles de Saint Péray... Et nous dominons toute la vallée du Rhône, mordious, existe-t-il meilleur endroit..."

Les terrines arrivèrent et Adrien rendu gaillard par ces chauds souvenirs, s'en fît servir copieusement.

"Mais à parler de ma terre, nous pourrions y passer des jours et vous y feriez des cheveux blancs!" s'exclama-t-il en riant.
"Ma foy, votre vin est bon et votre terrine est excellente! Il fallait que j'endure toutes ces épreuves, pour connaître ces douceurs!" continua-t-il gaiement.

Rassasié, il passa ses mains dans sa chevelure épaisse et bouclée, comme il aimait à le faire lorsqu'il se trouvait en paix.

"Madame, me pardonnerez-vous l'audace de vous mander l'hébergement pour quelques nuits? Vous n'aurez pas à vous inquiéter de moi si ma compagnie ne vous plaît pas, juste un coin d'écurie pour moi et mon cheval. Je veux qu'il me porte encore jusqu'au Mans, qu'il charge avec moi les félons et si Dieu le veut, qu'il me porte encore jusqu'à Crussol, pour le retour. Mais il ne traversera pas deux de vos champs de blé si je ne lui offre pas du repos..."
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Ayena
Alors qu'il parlait de la façon dont il était devenu ce qu'il était, la jeune femme se permit de l'observer tout son saoul à la dérobée. Il avait une carrure solide qui soutenait des traits francs. Il respirait la santé et la joie de vivre, c'est à dire qu'il n'avait point sombré dans l’opulence oisive dans laquelle se trainaient d'autres barons. Sans doute était-ce justement parce qu'il n'était point héritier, mais méritant : Ayena avait une théorie selon laquelle la noblesse se perdait au fil des générations. C'était d'ailleurs selon elle un grand péché que de s'éprendre du luxe et de prendre du gras lorsque les petites gens mourraient de faim et de maladies en se tuant à la tâche. Ça, c'était son côté Robinette des Bois. Personne n'est parfait !
D'autre part, et elle l'en aurait remercié, il était assez délicat pour ne pas avoir insisté sur ses origines douteuses. Il était sensible, c'était un fait, bien que parler de sensibilité pour un homme puisse être pris avec humour. Ce n'était pas le cas, ici.

Elle goûta elle aussi des terrines, continuant de boire ce vin si fort mais si savoureux qui commençait à lui donner chaud aux joues. Elle remarqua alors qu'elle ne faisait que chercher des qualités à son visiteur. Elle s'était laissé emporter par la gentillesse et la jovialité dont il faisait montre.
La demoiselle fit une marche arrière mentale. Il ne fallait point se laisser abuser. C'était un homme et un homme restait un homme, c'est à dire une créature à ne fréquenter que de loin. Point.

Pourtant, elle ne pu que sourire à le voir évoquer son Crussol chéri : il aimait sa terre, visiblement autant qu'elle aimait la sienne,bien que ce ne soit qu'une terre vassale. En à peine une heure, voilà qu'elle se surprenait à apprécier un homme pour sa compagnie et son caractère, elle d'habitude si méfiante.


"Ma foy, votre vin est bon et votre terrine est excellente! Il fallait que j'endure toutes ces épreuves, pour connaître ces douceurs!", lança t-il.


Elle répondit par une rougeur aux joues qu'elle même ne su à qui ou à quoi attribuer : au vin, à la chaleur du feu ou à l'envie qu'il avait de lui faire des compliments sur la façon dont elle le recevait. Reprend-toi, ma fille, reprends toi, répétait à l'arrière et aux tréfonds de son crane une petite voix sibylline.

"Madame, me pardonnerez-vous l'audace de vous mander l'hébergement pour quelques nuits ? Vous n'aurez pas à vous inquiéter de moi si ma compagnie ne vous plaît pas, juste un coin d'écurie pour moi et mon cheval. Je veux qu'il me porte encore jusqu'au Mans, qu'il charge avec moi les félons et si Dieu le veut, qu'il me porte encore jusqu'à Crussol, pour le retour. Mais il ne traversera pas deux de vos champs de blé si je ne lui offre pas du repos..."

L'Alquines posa sur lui son regard. Son instinct lui criait de refuser : depuis quand une femme seule offrait-elle l'hospitalité sous son propre toit à un homme aussi... viril ?
Mais sa bouche pris l'initiative de répondre sans lui demander son avis :

- Baron, je vous héberge avec joie à la condition que vous ne me donniez plus du "madame". J'ai la chance d'avoir encore mes ailes, autant en profiter... Ca sera Demoiselle, ou Ayena, comme bon vous semblera.

Elle lui sourit, sincèrement.

- J'ai une chambre libre, au dessus des cuisines. Il y a un peu de bruit avant l'heure des repas, mais vous y serez bien mieux qu'à l'écurie.

Poupette avait inconsciemment ou non choisit la chambre la plus éloignée de la sienne, comme une protection. Bien sur, dans le manoir, il n'y avait pas trente-six pièces, nous n'étions pas au chastel de Thérouanne, mais il y en avait encore quelques unes de disponibles et qui n'avaient point le désagrément de recevoir toutes les odeurs de cuisson.


- Quand à votre cheval, nous le soignerons comme un fidèle destrier le mérite. Cependant, s'il est encore fatigué lors de votre départ, vous pourrez l'échanger contre une de nos bêtes, cela ne nous pose pas de soucis.

Elle enleva quelques miettes de pain qui s'étaient glissées dans les broderies de sa tenue.

- Et votre compagnie est agréable, j'aurais tord de m'en passer...

Nouveau regard.
Et, alors que l'on ne s'y attendait pas ou plus, la foudre tomba. Ce genre de décharge électrique ne prévient jamais. C'est le coup du destin. Un éclair prolongé, accompagné d'un tonnerre agressif firent sursauté Ayena. Au dehors, le temps vira au noir, les nuages s'étant amoncelés en couches si épaisses que l'on se serait cru la nuit.


- Oh, mon Dieu.

Paniquée, elle se leva et se dirigea vers une petite fenêtre aussi vite que sa jambe folle le lui permettait.

- Oh, lalala...

Une fumée sombre que la pluie ne semblait pouvoir arrêter montait d'un bâtiment éloigné d'à peine une demie lieu du manoir. Elle se signa et son visage pris la couleur de l'éclair un peu plus tôt : elle devint pâle, très pâle.

- La réserve de paille...

La foudre tomba à nouveau, sur un chêne centenaire à l'orée du village.
La Demoiselle tendit son visage vers celui d'Adrien et souffla :

- Je dois y aller... Il faut que j'y aille.
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Héraldique
Adriendesage
Bien qu'il n'y portait jusque là guère d'attention particulière, l'Hibou eut une étincelle au fond de l'oeil, lorsqu'elle lui annonça sa liberté maritale. Il ne su trop que faire de cette satisfaction qui s'éveilla au fond de lui alors qu'il ne l'avait point cherchée et se serait lui même embarassé avec sa propre conscience si elle n'avait pas prit le devant de rapidement poursuivre au propos du logis et de sa monture. Adrien était très pieux et presque chaste, depuis qu'il avait perdu son épouse. Après un deuil qui avait duré presque dix années, il avait retrouvé quelque chose de l'adolescence dans ce qui est de l'Amour et du Désir. Ce feu limpide et puissant, mais contenu dans quatre murs épais, que l'on a peur de faire tomber. Ces murs qui contenaient une telle fougue, il les avait consolidés avec ardeur. Il avait fait de la Chasteté son mortier et de la Courtoisie sa pierre de taille. Et comme cela n'avait à ses yeux pas suffit, il avait creusé tout autour de profondes douves, qu'il avait rempli avec la Solitude.
Maëlie de Lauzières avait comblé ces larges fossés qui isolaient le coeur du baron. La perte de la lodévoise avait affecté l'Hibou, mais ces douves étaient restées définitivement sèches. Cependant, mortier et pierre restaient intacts et dictaient au soldat une ligne de conduite qui ressemblait à la destinée de Perceval de Galles.

Au demeurant, il venait d'essuyer au coin de ses lèvres une miette de terrine et il se rendit compte qu'il n'était pas rasé depuis plus de trois semaines, lorsqu'il avait quitté Honfleur...
Par ailleurs, comme il ne se jugeait pas le moins du monde assez de familiarité pour appeler la dame d'Alquines par son prénom, il prit le parti d'user des deux propositions qu'elle lui offrit:


"Demoiselle Ayena, s'il vous plaît que je dorme au dessus des cuisines, cela me convient fort bien, alors. Quand à mon destrier, c'est un bon cheval. Il est fort et vigoureux et il a le sang chaud des contrées d'Oc. Même malade, je ne l'aurais pas échangé contre cinq poulains des haras royaux. Mais je vous suis désormais redevable, alors s'il vous plaît de le conserver, j'accepte volontier l'échange." dit-il souriant.

Alors eut lieu le grand fracas de la foudre et la jeune femme s'alarma. Adrien, qui avait l'habitude de grands et violents orages du haut de ses ardéchoises montagnes, n'y avait presque rien entendu, mais fût interpellé par le désarroi d'Ayena.
Il attrapa au vol son épée - reflexe idiot, quel ahuri irait défier la foudre avec une épée au poing?! - et ceignit son ceinturon à sa taille.


"Mordious, lâcha-t-il en jettant à son tour un regard par la fenêtre, voilà un ciel pour les braves!"

Quelque inquiétude pointa dans le regard du baron. Des vieux souvenirs d'incendies lui revinrent et le firent frémir. L'Eglise de Béziers avait dévasté un quartier avec elle en brûlant. Et qui habite la montagne, sait les dangers de la foudre. Il fallait d'ailleurs conseiller à la jeune femme, faire changer l'emplacement de sa réserve de paille...
Alors, il se tourna vers Ayena.


"Demoiselle Ayena, si le feu a pris sur de la paille, nous n'y ferons rien, surtout si vous en avez beaucoup et qu'elle est abritée de la pluie... Il vous faut bien sortir cependant, car vous êtes la protectrice de ces braves gens. Alors, comme vous m'offrez toute votre hospitalité, permettez-moi de vous offrir mon bras et d'être, à vous, le protecteur." déclara-t-il en s'inclinant.

C'était une demande qui n'en était pas une, le baron étant trop courtois pour ne pas secourir une dame et c'était de toute façon sa vocation de soldat, que de s'offrir pour protéger. Et il allait y avoir, sûrement, dehors près de la réserve de paille quelques secours à porter...
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Ayena
Un ciel pour les braves ? Mais elle n'avait rien de brave notre Ayena ! Surtout en l'instant où, son cœur s'étant mis à battre n'importe comment dans l'affolement, elle aurait bien eu besoin de se sentir forte et courageuse. La foudre... Ça n'était pas n'importe quoi !

Il y eu un passage à vide dans l'esprit ayenien. Tournée vers l'homme d'armes qui lui disait qu'elle devait agir pour ses gens mais que de toutes façons, elle serait bien inutile, elle aurait voulu qu'il lui dise qu'il était là, qu'il allait tout prendre en main et qu'elle pouvait s'apaiser. Il lui proposa sa protection et elle faillit en fondre en larmes de soulagement.
Pourtant, elle le savait, elle franchirait la limite de l'hospitalité en lui demandant d'en effet la suivre alors même qu'il devait être usé par le voyage et ne penser qu'à un bon lit. Elle hésita et cela dû se lire dans ses yeux qui avaient la propriété de refléter pratiquement chacun des sentiments de la Demoiselle.

Or en l'instant, fatiguée des évènements qui ne cessaient de bouleverser son quotidien, elle n'avait besoin que d'une chose : quelqu'un pour l'aider à son tour.

Ayena, gênée qu'il se soit incliné, s'approcha.


- Venez, alors. Je ne sais si nous serons utile, mais je ne peux rester au chaud quand peut être une catastrophe est encore en train de se produire.

Et puisqu'elle n'était plus à une incartade près, elle lui toucha l'avant bras, signe de sa gratitude. Le tonnerre gronda alors et elle paniqua de nouveau en s'en allant vers l'extérieur.

- Nous irons en coche, je ne peux pas marcher assez vite pour être là bas avant que je ne meurs d'impatience.

Et monter à cheval lui était impossible : la position imposée rendait les douleurs atroces.
En moins de temps qu'il ne fallut le dire, la voiture aux armes de Thérouanne fut apprêtée et le couple improvisé parti en une ballade encore plus improvisée.

A à peine une demi lieue, donc, le feu s'était irrémédiablement emparé de la paille réservée au coups durs qui était stockée en une grange de bois. La pluie battante, qui avait détrempée les chemins et qui rendit donc le voyage bien compliqué, n'avait aucune force en comparaison des flammes bien ingrates qui dévastaient tant de travail. Les paysans se relayaient déjà pour tenter d'éteindre l'incendie à coups de seaux d'eau tirés du puits ou pour sortir autant qu'ils le pouvaient quelques bottes de pailles qui seraient des rescapées détrempées. Un de ses dévoués imbéciles resta coincé sous la charpente qui s'écroula mais cela marqua heureusement l'étouffement des flammes.

Dans la voiture en marche, Ayena se contorsionnait pour tenter d'apercevoir depuis les ouverture l'avancée des évènements.


- Je suis navrée que vous voyiez mes terres en de si funestes circonstances, murmura t-elle, entre deux "Dieu nous garde".
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Adriendesage
Chaque cahot de la voiture sur le chemin arrachait au baron de Crussol un froncement de sourcil qu'il tâchait tant bien que mal de masquer. Il haïssait les voyages en attelage, qui lui donnaient la nausée s'il ne regardait pas vers l'avant du véhicule... Rien ne valait, pour lui, le cuir épais d'une selle et le dos d'un cheval. Mais il faisait -comme toujours- mauvaise fortune bon coeur, et n'avait ni protesté, ni rechigné à monter dans le véhicule. Quand il s'agissait de bravoure, Desage ne regardait pas au danger, aussi avait-il bravé son dégoût.

C'était une drôle de situation, à laquelle Adrien avait été loin de s'attendre. Evènements et sentiments contraires se succédaient à un rythme fol, et il ne savait plus trop à quoi se vouer. Il avait eu presque de la gêne à se trouver si bien près de la demoiselle d'Alquines, tandis que ses compagnons se trouvaient au Mans, peut-être à l'aube de quelques grâves dangers. Voilà qu'il était maintenant lui-même pris dans une crise assez grâve. En effet, malgré que l'orage s'était dorénavant éloigné lorsqu'ils arrivèrent au bâtiment enflammé, le paysage était chaotique. Outre la grange qui s'effondrait, emportant avec elle un malheureux, les gens d'Alquines étaient en effervescence. Des hommes couraient, portant de l'eau que la pluie amenait déjà en abondance, quelques femmes pleuraient qui du malheureux qui venaient de se faire engloutir, qui des réserves détruites, qui annonçaient des jours de crise. Un trois enfants poursuivaient un âne qui avait quitté son enclos, terrorisé par le vacarme du bâtiment en feu. La demoiselle d'Alquines elle même semblait bouleversée par les évènements, aussi Desage tentait-il de se montrer rassurant. Ces orages dévastateurs étaient monnaie courante dans les montagnes du Vivarais et il avait appris depuis longtemps à s'accomoder des caprices du ciel.


L'attelage s'arrêta enfin, Adrien sauta dehors avec un soupir qui était presque de la satisfaction. Nombre de villageois se pressèrent près du coche, rassurés par la présence de leur Dame. Le baron tendit son bras à Ayena, lui offrit un sourire doux et franc, et de la confiance qui débordait de son regard.

"Allons aider vos gens. Le tonnerre est passé, rassurez-vous."

Et pendant qu'elle descendait à son tour de l'attelage, il continua:

"Un proverbe languedocien dit: I a un temps que trampa un autre que destrampa! Cela signifie dans votre langue, quelque chose comme : Il y a un temps qui mouille et un autre qui sèche. On ne peut rien d'autre, face aux colères du ciel que de courber l'échine, mais il y a toujours un temps meilleur qui succède aux catastrophes."

Derrière eux, l'âne en fuite s'était arrêté et, comme un symbole qui venait souligner les paroles du languedocien, s'était mis à arracher les feuilles d'un jeune chêne.
Alors qu'ils s'approchaient des restes fumants de la grange, le baron déclara:


"Il faut jeter de la terre sur les braises qui consument encore votre grange, l'eau de vos puits n'y fera guère plus que la pluie. Permettez-moi de prêter main forte à vos gens. Il faut dégager le corps du malheureux de là dessous, qu'il puisse trouver un repos paisible."
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Ayena
Égoïste, notre poupette. Elle n'avait pas pris garde au bien être de son visiteur qui était devenu un peu plus tôt son invité. Mais à certains moments, il faut bien faire quelques concessions. Elle garda tout de même à l'esprit, en descendant de la voiture après lui, qu'elle lui serait grandement redevable. En s'appuyant sur le bras de son chevalier servant, elle osa à peine regarder les paysage cauchemardesque qui régnait tout autour.

- Merci, Baron...

Ayena finit par reprendre un chouya de confiance grâce aux paroles rassurantes du Langedocien.


- Oui. Chez moi on dit, après la pluie, le beau temps. Prions pour qu'il arrive...

Aussi à l'aise que si la catastrophe avait été habituelle pour lui, il commença à donner des conseils. Bien sur. Bien sur. Il fallait garder son sang froid.


- Et bien, prenez la direction des efforts. Je... Je vous fais confiance. Je vais me rendre utile ailleurs.

Et hop. Elle fit un tour sur elle même et regarda les femmes qui se groupaient autour d'elle, comme des moutons autour d'un berger. Leurs têtes étaient connues à la Demoiselle qui, loin d'être du genre à rester enfermée dans son manoir, avait des relations privilégiées avec ses vassaux.

- La Madeleine, où donc est le curé ? Vas-le chercher, veux tu, nous allons avoir besoin de lui

- J'y va, j'y va, Damoiselle.

- Dites lui aussi de sonner la cloche, nous allons avoir besoin de bras forts.
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Avisant un jeune homme qui, pas assez fort encore pour être accepté par le groupe d'homme à la tâche, restait près des femmes.

- Tit gus, il va nous falloir des pelles, pour recouvrir les braises. Tu aideras le Baron, là bas, il te diras quoi faire.

L'enfançon acquiesça. Et la jeune femme continua, ainsi, donnant quelque chose à faire à chacun de ceux qui, démunis, venaient près d'elle. L'un fut envoyer chercher des tissus pour envelopper les quelques brulures, l'autre alla vérifier que le chêne qui avait reçu la foudre ne brulait point, untel s'en alla faire du vin chaud pour réchauffer les âmes.
Les forces conjointes tirèrent le malheureux de dessous la charpente. Il était mort, en partie brulé. Le prêtre le béni et le corps fut rapidement emmené pour être pleuré, plus tard.
Enfin, Ayena comme elle pu à enterrer les restes de la grange.

La pluie, petit à petit, se calmait, pour ne plus offrir à présent qu'une sorte de crachin typique de la région.
Notre poupette, dont la tenue était maculée de boue, de sang et de cendre, avait perdu sa crispinette dans le feu de l'action. Ses si jolies macarons avaient perdu de leur cachet et ses cheveux bruns collaient, de désespoir, à son crane.

L'animation décrue alors que l'après midi était entamé d'une bonne tranche. Ayena s'en alla rejoindre le Baron, piteuse.


- Je crois qu'à présent, nous ne pourrons plus rien.

Une goutte de pluie qui pendait au menton de la jeune femme s'écrasa au sol.

- Et je ne sais pas vous, mais moi j'ai l'intime conviction que je vais finir par fondre...

La pression retombait. La magie du ciel orageux s'était éloignée et il était temps, à présent, pour chacun, de retourner au bercail. Là haut, dans les méandres de l'esprit ayenien, une solution pour remercier Adrien Desage était en recherche. Il ne serait pas simple de lui faire comprendre que sans son aide, les dégâts auraient probablement été pires.
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