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[RP] Sur les traces du manchot perdu.

Finn.
L'arrivée dans un nouveau village voit son lot de rencontres mais aussi de déconvenues. Celle-ci avait la particularité de réunir les deux. Fraîchement débarqué à Montauban, l'Irlandais ne tarda pas à investir le débit de boisson le plus proche. Pas pour y rencontrer la populace locale, mais bien pour y étancher sa soif. C'est précisément quand on s'y attend le moins que les ennuis prennent un malin plaisir à se présenter au portillon. Attablé, l'homme savourait donc sa délicieuse rencontre avec une chope, que la ville n'avait pas mauvaise. Premier signe avant-coureur des emmerdes à pleuvoir. Le second, un calme plat. Pas un rat dans le bouge, le pied. A cet instant, l'homme avisé ne saurait être plus méfiant. Hélas, l'Irlandais n'appartenant pas à cette digne caste où la sagesse prédomine, profitait avec ingénuité d'un de ces rares et précieux moments de paix aussi bien intérieure qu'extérieure.

Le choc soudain d'un pied contre son homonyme de bois le ramena à la réalité. Dure et impitoyable envers le naïf. Le pied de table n'en fut pas moins cruel envers la maladroite petite créature aux boucles blondes ayant infiltré la place. S'ensuivirent de courtes présentations et d'interminables discussions sur le pourquoi du comment des choses. Conséquence attendue d'une telle engeance. La jeune enfant, visiblement noble de surcroît, finit par avoir raison de l'angélique patience de notre étranger. Un « Connais-tu l'histoire de Boucle d'or? Elle finit mal. » s'ingéra malencontreusement dans la discussion qui tourna en eau de boudin. Des promesses de geôles et d'oubliettes faites à notre homme ne sauraient être retenues contre si jeune personne qu'était la fillette. Fillette qui est toujours, rassurons notre lecteur.

De cette conversation riche en couleurs découla une information d'abord sous-estimée. L'enfant en était à la recherche d'un autre, misérable, et de piteuse ascendance quant à lui. Drôle de duo. L'inquiétude marquée de la première vis-à-vis du second ne parvînt pas à émouvoir suffisamment l'Irlandais pour qu'il ne lui proposa pas un compromis commercial. A lui de retrouver le pauvre garçon en échange d'un repas chaud et digne de son exploit: des cailles farcies. Le vagabond affamé et passablement agacé ne put que se résoudre à accepter, à défaut de se voir récompenser par des mèches de cheveux blonds ou la bourse richement garnie de l'indétrônable enfant-reyne.

Voilà pourquoi ses pas, ou plutôt ceux de son baudet, le menèrent hors des murs de la cité des saules. Celle qui avait exigé de l'accompagner afin de s'assurer de la bonne marche de l'affaire se faisait désirer. Le rendez-vous en forêt délaissé, l'Irlandais se mit à converser avec le quadrupède trottinant.


- « A quoi s'adonne un manchot? Crois-tu qu'il aime pêcher? Non, il doit craindre de tomber à l'eau. Imagine-le tourner en rond à battre d'un seul côté. Il eut été plus simple de retrouver un cul-d'jatte. »
- « ... »
- « Mmh... Il est roux aussi, c'est vrai. L'autre petite péronnelle a mentionné qu'il le dissimulait sous une couche de charbon. Quelle idée... La mine alors? »
- « ... »
- « Bien parlé, en route. »

Pour y avoir usé ses chausses, l'Irlandais juché sur sa majestueuse monture s'orienta sans se forcer dans la direction de l'endroit susnommé. A ceci près qu'il en existait deux...
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Gaetan
Où le temps n'a plus de notion... ou vice versa.

Il se souvient. Il y a quelques heures ou quelques jours...

Il avait suivi l'entrainement de la Cheffe, comme tous les matins. Il avait ensuite travaillé un peu au potager, avant de se diriger d'un pas gaillard vers la mine. L'avait beau n'avoir plus qu'un bras, là-bas il savait avoir toujours du travail. En plus, avec sa taille, il passait souvent plus ou moins inaperçu, et pouvait s'octroyer quelques pauses à l'envi.

Bref, comme d'hab, il avait rejoint les pauvres et les mineurs... La masse anonyme des hommes et femmes de bonne ou moins bonne volonté qui descendaient à chaque aube vers les ténèbres pour 15 écus versés en deux fois.

Il aimait bien c'boulot, le môme. D'abord, parce qu'il n'était rien ni personne. Pour peu, on ne remarquait même pas son handicap. Ensuite, c'était quand même le meilleur moyen pour planquer sa rousseur. Une vraie mine de charbon, qu'on y puise pierre ou or, de toute façon, y'avait assez de poussière et de charbon pour s'en foutre plein la tignasse. C'est qu'il était susceptible sur la question, Gaetan.

L'est habitué au noir, le rouquin. Il gère. Mais là, ça fait quand même bien longtemps qu'il est coincé là-dessous. Il n'a plus entendu un bruit depuis celui qui lui a fait perdre la notion du temps.
Même la bosse qu'il arborait sur son crane commence à se résorber, c'est dire. Et pourtant, diantre qu'il avait eu mal en se réveillant séparé des autres par un éboulement.
L'instinct de survie qui lui avait déjà permis d'arriver en vie à Montauban après avoir été chassé de chez ses parents avait de nouveau fait des siennes.

M'enfin ça nourrit quand même pas trop bien son homme -et pas plus son enfant de 7/8 ans- un demi pruneau par crise de faim. Sans compter qu'il ne doit plus rester que quelques gouttes dans son outre, heureusement que trois autres, appartenant au moins pour l'une à une femme vu l'infame gout de tisane, et une autre à un alcoolique vu la teneur en éthanol du breuvage, étaient tombées du même côté que lui...
'Fin là il en avait marre...

La gorge sèche et poussiéreuse, il avait bien tenté de gueuler comme un porc, mais d'abord il ne savait pas trop comment ça gueulait, un porc, et ensuite il avait une voix à la hauteur de son physique malingre, autant dire que ça ne portait pas bien loin.
Gaetan poireautait donc, attendant on ne sait quoi... qu'on s'aperçoive de sa disparition, par exemple, et qu'on vienne le chercher. Matalena n'allait pas l'abandonner quand même ? A moins qu'elle n'ait pensé qu'il était parti à la cloche de bois, lui qui ne savait même pas scier correctement, alors tailler une cloche...

Une qu'en fait une belle de cloche, c'est Raphaelle, elle non plus elle ne le cherche pas. Que de beaux discours, pis en fait, il reste le gueux qu'elle a dit qu'il était...

Tiens il irait bien pêcher là...
Reviens, Louve, j'veux pêcher des écrevisses....
Il fait noir purée...
Venez...

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Finn.
Des lieues qu'il trottait à dos de bête cabocharde. D'abord dans un sens, puis dans l'autre, ayant fait chou blanc à la mine de fer. L'enfant y était tout bonnement inconnu au bataillon. Le vieux couple outrepassant les races triangulait à présent vers l'Est.

- « Ne t'avise pas de me lâcher maintenant! », interpella-t-il son compagnon de route qui menaçait de céder à l'abattement.

Renâclement singulier de l'animal suivi, quelques pas plus loin, de son arrêt formel. La silhouette efflanquée du cavalier regagna l'assurance de ses propres pattes et entreprit de bousculer la croupe boudeuse. Ses efforts visant à mouvoir la créature vers l'avant ne récoltèrent qu'un maigre succès, si bien qu'il dut la mener par la bride jusqu'aux verts herbages à proximité avant qu'elle ne daigne doucement reprendre la route, la panse replète. La bête avait beau l'astreindre à bien des sacrifices, notamment celui l'obligeant à faire une croix sur sa fierté, l'Irlandais ne s'en serait pas débarrassé pour un sous. Elle demeurait un indiscutable allié au transport de richesses. Choses qui n'auraient pas tardé à l'encombrer si l'on en croyait ses aspirations. Un coffre aussi inviolable que la pucelle d'Orléans.


- « Magne-toi l'tronc, on va finir par rater la messe si ça continue. », désespéra-t-il.

Arrivé au bout de ses peines, Finn attacha son complice à l'entrée du caveau et y pénétra sans scrupule. En avait-il besoin? Pas plus que de contrer les plans d'évasion de son baudet. Les mineurs semblaient avoir déserté l'endroit, bien qu'à mesure qu'il progressait sous terre, le fil ténu d'un écho lointain se fit perceptible. L'écoute de la paroi rugueuse accoucha d'un vague renseignement. Il paraissait s'agir des cris éperdus d'une petite fille aux abois, ou d'un vulgaire rongeur. Longeant le mur de terre, l'oreille appliquée, l'homme déboucha sur une issue condamnée par un amas anarchique de pierres en tout genre.
Son unique oreille valide l'aurait-elle trompé? Refusant de s'être rendu jusqu'ici en vain, Finn décida d'en avoir le cœur net. Il se mit alors à siffloter devant l'imperturbable tas de cailloux. Et ce maudit gosse qui restait introuvable... La curiosité avait bien failli le détourner de tout espoir de faire bonne chère. Avait-il vraiment le temps pour ça? S'en aller sauver la veuve et l'orphelin ne renflouait pas les caisses. Prêt à rebrousser chemin, l'Irlandais s'arma d'une torche figée contre une poutre et ramassa sa besace.

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Louve.
Hôte obligé de la vicomtesse de Terrides, la petite louve avait passé la nuit sur le qui-vive, à tourner en rond sur le tapis qui recouvrait le parquet de sa chambre, à écarter les rideaux pour scruter la rue d'un air inquiet, rongeant son frein et piaffant -en silence- d'impatience entre les quatre murs.
Combien de règles d'éducation avait-elle enfreint en proposant un rendez-vous seule à seul à un parfait inconnu -un HOMME ! - ? Sûrement moins de la moitié que celles qu'elle s'apprêtait à violer en y allant. Rien que ça. Ah, si son père l'apprenait... ! Mais il n'en saurait jamais rien, évidemment.

Chainse nocturne froissée, paumes moites et lèvres rougies à force de les mordiller, avec ses nattes lourdes à moitié défaites elle ressemblait vaguement à un... une... à rien en fait.


_ Gaetaaaan.... imbécile-euh !

Alors comme ça il avait décidé de ne plus donner signe de sa présence, hein ? Il jouait les occupés ailleurs, oh il avait sûrement dû l'oublier depuis longtemps, se goinfrer de prunes ça devait bien faire perdre la mémoire autant que toute consistance stomacale !
Comme les autres il allait la laisser de côté après s'en être désintéressé, comme les autres il poursuivrait sa route sans plus se soucier d'elle que si elle avait un amusement éphémère. Insignifiante de taille comme d'esprit, c'était le souvenir invariable qu'elle devait laisser après tout, à ses proches comme à ceux de passage.

Oui, mais non. Pas lui. Lui il resterait qu'il le veuille ou non.
Pourquoi ? Parce que c'était son bon désir.

Alors elle grognait en sourdine la louve, tout en enfilant à l'envers les premiers vêtements qui avaient l'imprudence de lui passer sous la main. Après être sortie victorieuse d'une tentative désespérée d'étouffement de la part d'une chemise mal-intentionnée, elle se hâta de se chausser, remit ses pieds dans le bon ordre puis sortit sur la pointe des chausses de sa chambre.
Tout était plongé dans la pénombre, mais le sentiment d'excitation intense qui l'animait lui permit de triompher des ombres traîtresses qui n'eurent d'autre choix que de regagner le dessous des meubles et l'envers des portes de la demeure. Il existe sûrement une étoile malicieuse qui protège les enfants lorsqu'il se trouvent en plein délit de bêtise, car malgré les quelques grincements occasionnés par les portes réticentes et les moult chocs contre toute sorte d'objets, personne ne sembla remarquer la jeune fuyarde.
Par chance pour notre blondinette, la vicomtesse résidait dans une simple demeure de ville et non dans un quelconque castel bardé de tours et autres ponts-levis, atteindre les écuries et sortir fut donc un jeu d'enfant ou presque car bien que sa monture soit adaptée à sa taille -minuscule donc- et au demeurant fort docile, monter à cru quand on ne sait pas seller soi-même son chev... son poney et qu'on est loin d'être une cavalière émérite relève du tour de force. Mais bon, l'étoile, tout ça...



~


_ Hééééééééé oooooh.... Oh Hé ?

Le corps rongé par un point de côté persistant qui avait déjà failli la faire tomber à plusieurs reprises, les jambes et les mains engourdies à force de se cramponner à son poney, la Margny n'en menait pas large du tout.
Pour commencer elle n'avait trouvé personne au rendez-vous fixé avec Finn, mais après s'être égarée plus ou moins dans la zone elle avait dû se rendre à l'évidence qu'il était parti sans l'attendre. Décontenancée par ce premier échec elle avait bien songé à rentrer retrouver la vicomtesse et se laisser consoler par elle, puis la perspective de ce nouvel abandon l'avait emplie de honte. Non, pas question de laisser tomber, de toute façon à présent il était trop tard, elle se ferait réprimander rudement pour être partie seule, autant que ça en vaille la peine !
Et puis il fallait qu'elle en ait le coeur net. L'avait-il vraiment laissée, hein ? Pour des prunes ? Oh c'qu'il pouvait être bête lui, quand il s'y mettait ! Pourtant...
De profonds remous opéraient un changement secret dans la personnalité de la petite, de ceux qui forgent peut-être le futur d'un être et Gaetan n'était pas ce petit roux insignifiant dont elle faisait semblant de ne plus se souvenir. C'était un petit grain de sable dans un mécanisme improbable et hésitant encore, c'était une touche d'inattendu sur une trame morne et vierge par endroits, c'était, c'était... juste lui, et c'était bien suffisant.

La mine.
Elle considéra un instant l'ouverture béante qu'on lui avait indiquée lorsqu'elle avait donné le signalement de Finn à quelques serfs qui traînaient par là. C'est que cet endroit ne lui inspirait pas confiance du tout, à l'intérieur elle ne distinguait rien et les alentours momentanément déserts ne la rassuraient pas non plus. Juste à côté, un canasson attaché mâchonnait une touffe d'herbes d'un air blasé. Un chouilla enhardie elle en fit les déductions nécessaires et se laissa tomber de son poney qu'elle attacha près de son comparse avant de se diriger d'un pas raide vers l'entrée.


M'sieur Finn ??

Les mains en porte-voix puis en entonnoir autour d'une oreille elle attendit une réponse éventuelle.
Rien, ou alors pas assez vite.
Un énième grognement, autant dû à ses muscles roides qu'à son angoisse naissante, puis elle se décida à avancer. A peine un pas de fait qu'elle se sentit frissonner tant la différence de température entre intérieur et extérieur était brutale. De petites taches colorées dansèrent devant ses yeux le temps qu'elle s'accoutume à la pénombre...
Un pas après l'autre elle s'éloigna du rond de lumière derrière elle qui allait en s'amenuisant, jusqu'à finir par pratiquement disparaître. Hum, elle n'avait pas prévu de se retrouver dans le noir total et elle n'aimait pas ça du tout... mais tout de même, il fallait qu'elle avance plus encore.
Ah tiens, elle distinguait à présent chaque aspérité de la paroi, chaque objet oublié par les mineurs posé ça et là, chaque caillou ! Avait-elle été nyctalope depuis toujours sans le savoir ??
Une lueur vacillante devant elle balaya sa première hypothèse farfelue. Il y avait quelqu'un, non seulement la lueur le lui disait mais ce quelqu'un faisait du bruit, mais elle n'aurait su ire lequel exactement.


M'sieur Finn ? C'est toi ??
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Gaetan
Le silence. Imperturbable. Etouffant. Asphyxiant. Tel un brouillard qui envelopperait les sens, tout les sens. L'odorat de toute façon ne repère que la pierre et le minerai, le gout est obnubilé par le nez. L'oeil ne perçoit rien... Rien que du noir, encore du noir, toujours du noir, un peu plus de noir...

Il étouffe. Il n'en peut plus. S'il était de ces poltrons, il en pleurerait. Mais non seulement c'est un gaillard, pas une chochotte, mais en plus il ne sait pas pleurer. Il ne l'a pas fait quand on lui a coupé son bras, ni même quand ses parents l'ont foutu à la porte, il ne pourrait pas chialer même s'il le voulait.

Il étouffe. Il va craquer. Il ne reste qu'un pruneau, un seul. Dans un coin de la cavité, ça sent fort. Faut dire que le pruneau, ça aide pas à rester propre quand on est enfermé. Sans compter l'outre qui arrive à sa fin. Bientot, la faucheuse passera récupérer ce qu'il reste du môme qui n'était déjà pas bien épais avant l'accident.

C'est sec. ça gratte... La gorge n'en peut plus, elle aussi va craquer. Exploser, imploser... se désagréger... Foutredieu que ça fait mal... Il n'en peut plus...

Il étouffe.


- Aidez moi....

Sont-ce des frottements ? sont-ce des bruits qui lui parviennent ? Sont-ce des voix ?

Il délire... Le coup qu'il a pris devait être trop fort. Il a déjà entendu des histoires comme ça, de gens devenus fous à cause d'un choc sur le crâne. Il n'y croit plus. Des jours qu'il est là, il n'a plus entendu le moindre bruit, qu'il est en train de mourir...


- AIDEZ MOI !

L'instinct de survie prend le dessus. Dans son délire, il imagine même reconnaitre la voix. C'est celle de Raphaelle, elle le cherche, elle est là, elle lui promet les tourtes qu'il n'a jamais goutées...

- JE SUIS LA !

Il a beau crier, ça lui semble un hurlement, c'est un filet de voix qui s'échappe de ses tripes. Petit bonhomme est au bout de sa route. Tout est noir. Noir. Si noir...
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Finn.
- « Shhh..! », siffla-t-il sèchement entre ses dents.

Du bruit.

Si l'on considérait que ses malheureux sifflotements avaient porté leurs fruits, c'était bien sous-estimer la considérable autorité vocale du biniou sur pattes qui s'était embarqué dans la mine. De ce côté-ci de la cloison de pierre et de minerai parvenaient quelques bribes de paroles étouffées. Puis plus rien. Dans l'expectative, l'improbable duo se fixait dans le blanc des yeux, seule partie à peu près visible. L'Irlandais braqua sa torche sur la jeune fille et ponctua d'un abrupt:

- « Alors, c'est lui? »

Après tout, elle devait bien être deux fois plus apte à percevoir les maigres sons filtrés par la barrière rocheuse, possédant encore toutes les pièces de son ouïe. Le tympan mort dans l'oreille gauche irlandaise désavantageait sérieusement l'homme. De là à identifier formellement les différentes tonalités de la voix de son ami, il y avait une sacré marge...

La pioche abandonnée au sol par un mineur fut prestement empoignée par la paume adulte et aussitôt abattue contre l'obstacle minéral. Les secs coups de l'outil se répercutèrent sur toutes les parois de la cavité souterraine et accouchèrent bientôt d'une étroite ouverture. La silhouette courbée sur son ouvrage occulta le fin rayon projeté par la torche à l'intérieur de la sombre geôle lorsqu'elle se pencha pour estimer la profondeur à parcourir. Il reprit des mains de l'enfant la seule source de lumière dont ils disposaient.


- « Vas-y, je te regarde. »

Ne sachant pas depuis combien de temps s'était fait prisonnier l'être qui leur adressait ses suppliques, il leur fallait agir dans l'urgence. Il pria avec ferveur pour qu'il s'agisse du rouquin, et que dans la limite du possible, ce dernier ne leur claque pas dans les mains. Adieu les cailles... Non, il ne pouvait s'y résoudre. Quitte à esquinter un tantinet la gamine.

- « Tu verras, on y rentre comme dans du beurre. »

Menteur.
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--Raphaelle.
A la lueur fragile d'une torche elle reconnut l'homme aux favoris avec lequel elle avait conclu le marché. Pas besoin d'être physionomiste, une trogne pareille ça ne s'oubliait pas.
D'emblée elle lui accorda son entière confiance, pour être venu au rendez-vous, pour l'avoir prise au sérieux, pour ne pas l'avoir oubliée, pour avoir fait bien plus que la quasi totalité des gens qui étaient entrés dans sa vie jusqu'à présent ou qui avaient essayé. A une exception près.


- « Alors, c'est lui? »

Aussitôt elle s'immobilisa et tendit l'oreille, les yeux dans ceux de l'Irlandais, plus concentrée que jamais parce que jamais ça n'avait été aussi sérieux.
Au début elle n'entendit que les coups de son propre cœur contre son crâne et les crépitements de la torche à côté, puis juste la torche, et le silence, encore, de longues secondes où elle ne pense à rien, puis... un chuintement. Non... un couinement ! Un gémissement rauque, si ténu qu'elle met une seconde à réagir.


GAETAN !!!

Le premier réflexe est de se jeter sur le mur de gravats comme si elle aurait pu l'ébranler de son poids, mais Finn a côté avait déjà empoigné une pioche et elle s'écarta juste pour éviter un coup de pioche. L'enfant trépignait d'impatience, d'angoisse, de plein de choses en même temps, la torche à la main. Ça n'allait pas assez vite, et si tout s'écroulait sur son ami juste à ce moment ? Et s'ils avaient pu le sauver s'ils étaient arrivés quelques minutes avant ?
C'était comme si tout dépendait à présent de leur rapidité, comme le temps filait à toute vitesse depuis le premier coup de pioche.


- « Vas-y, je te regarde. »

Compris.
A elle de jouer.

Finn avait réussi à ménager une entrée dans l'éboulis, mais au-delà des trois premiers mètres environ, là où la lumière se raréfiait déjà, elle n'aurait su dire si le tunnel providentiel serait encore praticable.
Pourtant elle n'hésita pas un instant, après avoir enjambé les premières grosses pierres à moitié courbée elle dut se mettre à quatre pattes pour continuer.


Gaetan ?

S'efforcer de ne pas penser à l'état dans lequel elle allait le retrouver...

Tu croyais quand même pas que tu pourrais me bouder et t'en tirer comme ça, hein ?

Elle avançait à présent complètement à l'aveuglette, son propre corps masquant la lumière de la torche, lentement car il fallait s'assurer à chaque fois qu'elle avançait un genou qu'elle ne déplacerait pas de trop gros caillou. A intervalles réguliers des rochers plus gros que les autres semblaient soutenir la galerie dans laquelle elle progressait, avec de plus en plus de difficultés d'ailleurs.

Tu sais quand je disais que j'étais fâchée... c'était pas vrai, hein. Pas vrai du tout...

La petite rampait à présent sur les coudes et devait appuyer de toutes ses forces sur ses genoux pour passer certains endroits. C'était de plus en plus étroit et le couloir faisait des angles improbables, la fatiguant deux fois plus vite à force de contorsions.

Ne pas penser à ce que serait le voyage de retour.


Au bord de l'eau... tu m'as défendue, c'est bien ça ?

Elle n'entendait plus rien du côté du rouquin. Peut-être à cause de la terre qui lui tombait dessus à chaque mouvement et entrait dans ses oreilles, ses yeux. Ou peut-être... Non. Tais-toi, il est là pas loin, quelque part, il te fait juste marcher pour que tu t'inquiètes.

J'oublie pas...

Dans sa gorge le goût âcre de la terre l'écœurait. Quelle distance avait-elle parcouru depuis les coups de pioche de Finn ? Pas beaucoup, une douzaine tout au plus mais elle sentait déjà les forces lui manquer et un début de peur la gagner. Au cœur de la terre elle n'était pas habituée à ne rien voir, à sentir tout autour d'elle prêt à l'écraser comme de rien. Mais au bout il y avait Gaëtan, alors même si elle avait une envie furieuse de se gratter la gorge à vif tellement ça piquait, elle continuait à se laisser avaler par la mine, petit à petit, une proie consentante jusqu'au bout.

Son front heurta alors un rocher plus gros que les autres, et impossible de trouver une voie pour contourner l'obstacle tout autour.

Non.
Pas si près du but, pas maintenant, pas à présent qu'elle en était sûre, elle avait entendu un grattement de l'autre côté.
La fillette se mit à appeler son ami, le sien, tout en essayant de faire bouger la pierre, le martelant et le poussant tour à tour, cédant un bref instant à la panique avant de se retourner un ongle net. La douleur de la chair à vif suffit à la stopper le temps qu'elle se calme et elle s'arc-bouta contre l'obstacle, pesant de tout son poids dessus. Les muscles des bras se mirent à lui brûler tandis qu'elle se râpait la peau des mains sur la surface rugueuse, crispée sur la pierre Louve se maudissait de n'être pas plus forte. Au bout d'un temps qui lui parut interminable il bougea enfin, de quelques centimètres seulement mais à présent il lui suffirait de tirer dessus pour augmenter le jeu et la dégager.
Les mains enfantines empoignèrent un côté de la pierre et tirèrent, tirèrent... Un deuxième ongle céda sans qu'elle ne s'en rende compte cette fois, ni la douleur ni le sang le long de ses doigts, puis un autre sous l'effort.


Gaëtan !

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Gaetan
Noir

Le noir. Absolu. Le néant dans sa plus pure expression. Ne rien voir, c'est un peu comme ne rien sentir, ne rien ressentir. Plus aucune perception, être perturbé ne serait ce que par la texture de ce qu'on a sous la pulpe de ses doigts fragilisés. Par ce silence aussi oppressant que l'air qui vient à manquer. Il fait noir.

Le môme est perdu. Il ne panique pas mais s'inquiète. Il a soif, il a faim, il délire... L'ombre qui n'existe pas sans lumière prend pour lui des allures de mirages. Et les sons qu'il croit percevoir ne sont -ils pas qu'illusions ?

Comment pourrait-il l'entendre ? Elle ? Cette gamine insupportable... imbue d'elle-même, tellement certaine de sa supériorité qu'elle ne se rendait même pas compte quand elle le blessait par quelques paroles lancées en l'air ? Elle qui cachait pourtant un coeur d'or et une ouverture d'esprit que beaucoup pourraient lui envier... Elle qui l'avait accueilli, certes de façon totalement surréaliste, mais accueilli quand même, dans son monde ? Elle qui s'inquiétait pour lui, qui l'appréciait ? Elle qui sous ses grands airs n'était qu'une enfant aussi seule que lui dans ce monde d'adultes.

Même si certains de ces adultes s'avouaient de vrais mentors, de vrais amis, de vrais soutiens. Ils n'étaient que des enfants. Et lui était un enfant plongé dans le noir.

Il l'entendait. Elle était là. Et si ce n'était qu'un rêve, ça ne coutait rien d'y croire. Sans force, il n'avait plus le choix. L'espoir ou la mort.

Alors de sa seule main, maudissant son moignon, il se mit à gratter de son côté. La souffrance ne pourrait jamais égaler celle qu'il avait ressentie à la perte de son bras gauche. Jamais. Ni la peine, ni la douleur, ni le manque.

Il n'a plus rien à perdre... Plus rien, dans cet enfer noir qui l'entoure. Tout ou rien.

Il gratte, et gratte encore. A l'ouïe il se guide, essayant de rejoindre les bruits qu'il entend, essayant de la rejoindre, s'arrachant la main sur le charbon, sur la pierre, tirant sur ses muscles encore sous développés de son bras droit jusqu'à n'en plus pouvoir.

Jusqu'à voir. Il n'y croit pas. Il ne peut plus y croire. Il est aveuglé par un simple rayon de lumière blafard qui transperce le mur, un simple éclat de rien du tout qui lui transperce la pupille et l'aveugle.

Il ferme les yeux. Il ne bouge plus. Il doit s'agir de la lumière céleste venu le cueillir. Le Soleil dont il a entendu parler il y a longtemps. Il s'abandonne et ses forces le lachent.

Couché contre la pierre, la main en sang et l'oeil révulsé, il s'attend à expirer.

Un soupir.


- Raph ... ?
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