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[RP] Hommages mainois – mandat second de Michel de Villefort

Ingeburge
[Note préalable : le RP a initialement été ouvert sur un forum externe, le présent sous-forum n'étant pas accessible quand ledit RP a été lancé. Pour le moment, il s'agit d'un transfert de messages, le RP est donc considéré comme fermé. Une fois que tout aura été rapatrié, il sera ouvert à tous, dans le respect du cadre et de la date. Merci et bon jeu.]


        CEREMONIE D'HOMMAGE – MANDAT DE MICHEL DE VILLEFORT
        COMTE DU MAINE
        DIMANCHE 24 JUILLET 1459



Citation:


    D'Ingeburge von Ahlefeldt-Oldenbourg, Héraut d'Armes royal généalogiste dit Phylogène et Héraut plénipotentiaire du Maine,
    A la Noblesse du Maine,
    Salut.



    Le Conseil comtal du Maine ayant reconnu Michel de Villefort comme comte régnant à l'issue des dernières élections comtales et celui-ci ayant vu son hommage à Sa Très Aristotélicienne Majesté Béatrice de Castelmaure-Frayner, Reine de France, accepté par les autorités royales ad hoc :

    Qu'il soit su que la cérémonie d'hommage à la Couronne de France se tiendra le dimanche vingt-quatre juillet de l'an de grâce mille quatre cent cinquante-neuf en la Salle du Trône du palais des comtes du Maine et que les vassaux mainois sont aimablement invités à ladite date à venir renouveler leur hommage au représentant de Sa Majesté reconnu;
    Qu'il soit également su qu'en cas d'empêchement, missive datée, scellée et signée doit nous être mandée afin que celle-ci soit présentée au comte au soir de ladite cérémonie;
    Qu'il soit enfin su que tout noble ne remplissant pas ses devoirs dans les temps se verra être signalé au comte qui pourra, le cas échéant, demander destitution du ou des fautifs.


    Recevez, nobles du Maine, nos respects.


    Rédigé et scellé le vingt-deuxième jour de juillet l'an de grâce MCDLIX.






Citation:
Précisions sur l'hommage

Citation:
Chapitre I – La noblesse du Royaume de France

[...]

3 – Système Vassalique ayant cours dans le Royaume de France

Préambule :

Le Royaume de France est divisé en deux régions aux statuts différents qui doivent donc garder leurs spécificités.

  • Le Domaine Royal qui appartient au Roy qui y délègue son autorité aux Ducs et/ou Comtes en exercice et est soumis aux règles, us et coutumes, édités au nom du Royaume par les institutions royales.
  • Les autres Provinces, dites Provinces vassales, ralliées à la Couronne de France pour lesquelles l’investiture des Ducs et Comtes en exercice est validée par le Roy garant de l’unité du Royaume. Ces Provinces ne sont pas possessions Royales mais ont choisi de se placer sous l’autorité de la Couronne, admettant et respectant ainsi les règles, us et coutumes édités au nom du Royaume par les institutions royales.


L’allégeance est un serment de fidélité à une province ou à une institution, telle que la Couronne de France.
L’hommage est serment de fidélité à une personne, telle que le Roy.
La vassalité est un lien entre une personne en position supérieure (Suzerain) ou inférieure (vassal). «Le vassal de mon vassal n'est pas mon vassal».

[...]

En cas d’incapacité, l’hommage peut éventuellement se faire par courrier daté et signé, adressé au Héraut. Il n’est cependant valide qu’une fois qu’il a reçu réponse du régnant. Ce courrier pourra être montré aux yeux de tous lors de la cérémonie d’hommage qui se tient en lieu public.

Système Vassalique :
    Au sein du Domaine Royal, terre du Roy :

    • Les Ducs et Comtes en exercice prêtent l’hommage au Roy en ce qu’il est le suzerain du Domaine Royal et en retour de l’autorité qu’il leur cède. De ce fait, ils sont vassaux du Roy. Le serment se fait à Paris en présence du Roy ou de son représentant désigné.
    • S’ils le souhaitent, à leur retraite ils ont un fief issu du Domaine Royal et confirment ainsi leur vassalité au Roy.
    • L’hommage des nobles ayant des terres dans le Domaine s’y fait au Roy suzerain du Domaine Royal et détenteur de la terre. Ils sont donc considérés comme vassaux du Roy. Cet hommage est renouvelé à chaque changement de Duc ou Comte en exercice en tant que tels comme Représentant du Roy.



[...]



Les barons et vicomtes jurent fidélité (obsequium), aide et service armé (auxilium) et conseil (consilium)




Citation:
ANNEXE HRP

- La cérémonie se déroule sur une journée RP, celle du 24 juillet, du matin jusqu'au soir
- Cette journée RP correspondra à une période HRP s'étalant du 24 juillet au matin au 24 août, 23h59, heure à laquelle je posterai qu'Ingeburge fait fermer les portes de la salle du trône.

_________________
Ingeburge
Citation:

      NOBILIAIRE DU MAINE



  • Jeff de Emessène [Jef_lebeug]
    Comte de Montsûrs

  • Lys de Monty & Arnaud de Saint-Pierre [Lysesl & The_Undertaker]
    Comtes de La Ferté-Bernard (Lysesl)
    Seigneurs de Launay (Lysesl, vassale de Beaumont-sur-Sarthe)
    Seigneurs de Rouez (The_Undertaker, vassal de Sillé-le-Guillaume)

  • Mathilde de Vaucanson & Silec Joncheray [.mathilde. & silec]
    Ducs de Saint-Nectaire (Silec, Bourbonnais-Auvergne)
    Comtes de Bresteau (.mathilde.)
    Barons de Loué (.mathilde.)
    Barons de Mercoeur d'Auvergne (Silec, Bourbonnais-Auvergne)


  • Athena de Lavallière & Mikelange [Athena44 & Mikelange]
    Vicomtess de Montdoubleau

  • Aubane Sandrelune [Aubane]
    Vicomtesse de Champagné

  • Lisa-Marie de Penthièvre & Charles de La Croix de Bramafan [Fifounijoli & Strakastre]
    Comtes de l'Isle-Jourdain (Strakastre, Armagnac-Comminges)
    Vicomtes du Grand-Lucé (Fifounijoli)
    Vicomtes de Romfort (Anjou, Fifounijoli)
    Barons de Beaucouzé (Anjou, Fifounijoli)
    Barons de Montmeyran (Strakastre, Lyonnais-Dauphiné)
    Seigneurs de Claveyson (Strakastre, Lyonnais-Dauphiné)
    Seigneurs de Russé (Fifounijoli, Anjou, vassale de Montsoreau)
    Seigneurs de Savigny-sur-Orge (Strakastre, Ile-de-France)
    Chevalier de France (Strakastre)


  • Elianor de Vergy & Chlodwig von Frayner d’Azayes [Elianor_de_vergy & Chlodwig_von_frayner]
    Ducs de l’Aigle (Chlodwig, Alençon)
    Ducs de Bellesme (Elianor, Alençon)

    Vicomtes de Jublains (Chlodwig)
    Barons de Carlat (Chlodwig, Bourbonnais-Auvergne)
    Barons de Castelnau-du-Médoc (Elianor, Guyenne)
    Barons de Lesparre (Elianor, Guyenne)
    Barons de Château-Rouge (Chlodwig, Lorraine)

    Barons de Mulsanne (Elianor)
    Barons de Sillé-le-Guillaume (Elianor)

  • Eymerick de Châteaucerf [Eymerick]
    Vicomte de Lassay-le-Horps

  • Maelia D'Vlaanderen [Maelia...]
    Vicomtesse de Sablé-sur-Sarthe

  • Oldtimer & Feuillle de la Louveterie [oldtimer & feuillle]
    Vicomtes de Bonnétable (Oldtimer)


  • Marylune de la Mirandole [L0velune]
    Baronne d'Entrammes

  • Zender [Zender]
    Baron de Montfort-le-Gesnois
    Seigneur de la Massonière (vassal de Loué)


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Ingeburge
De bon matin, après avoir consacré le temps nécessaire à ses dévotions, la duchesse d'Auxerre se rendit en Salle du Trône du Palais des comtes du Maine. En ce dimanche de juillet se tiendrait la cérémonie d'hommages des nobles mainois et, avec un soin tout particulier, elle avait pris le temps de se préparer à l'événement. Le nobiliaire avait été lu et relu, le codex héraldique de maintes fois compulsé, les archives consultées et elle se sentait prête à accueillir les vassaux mainois. Et il lui avait été particulièrement bénéfique de se consacrer ainsi à son travail, elle venait d'enterrer l'un de ses plus proches amis, après avoir organisé pour celui-ci des funérailles privées mais aussi, pour lui et son épouse, une procession funèbre solennelle et des honneurs civils. De fait, depuis la mort de Béatrice et de Guise, elle travaillait sans relâche et évitait ainsi de trop penser; c'est donc sans rechigner et même, avec un certain soulagement, qu'elle avait délaissé les Cérémonies où elle n'avait pour l'heure pas grand chose à faire pour le Maine et sa cérémonie d'hommages. Malgré tout, la duchesse d'Auxerre, en cette matinée, était quelque peu morose car elle était pour l'instant désœuvrée et qu'elle se sentait exténuée, son visage habituellement indifférent s'était paré d'un léger voile d'affliction et son regard mort était plus lointain que jamais.

Faire les cent pas ne servait de rien, cela ne faisait que la rendre plus impatiente de voir Michel de Villefort et les nobles mainois apparaître. Elle cessa donc de marcher de long en large et finit par aller prendre place derrière son pupitre. Celui-ci avait été installé à proximité du trône, mais en retrait néanmoins, c'est là qu'elle assisterait aux échanges, prenant garde aux mots utilisés; un tabouret avait été mis à côté du sien, pour Leha Giffard. En dessous du plateau de bois incliné, l'on pouvait apercevoir le caducée fleurdelysé surmonté d'une couronne fermée d'or et on y voyait aussi un pan du tabard héraldique de Phylogène. Ingeburge ne le portait jamais, il était bleu, violemment bleu et par là, bien trop coloré pour elle qui depuis des années ne portait que du noir. Doucement, elle s'assit sur son tabouret, prenant garde à la traîne de sa houppelande de taffetas qui, une fois qu'elle se fut assise, forma une sombre corolle autour d'elle. Oisive pour un temps, elle porta ses mains à ses tempes enserrée par le bandeau d'orfèvrerie ceignant sa tête à hauteur du front et retenant sa huve de mollequin noir. Il était temps que les personnes attendues arrivent car elle savait que bientôt, elle ne pourrait contenir plus longuement ses douloureuses pensées.

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Actarius
Les battants de la porte s'ouvrirent lentement. Nulle annonce ne vint troubler la quiétude, nul mot, nul autre son que le léger grincement boisé. Se dessina alors une grande silhouette, dont les perles de Sienne transperçaient l'ombre jusqu'au pupitre, jusqu'à la ténébreuse Bourguignonne assise. L'oeil rapace aurait pu déceler un léger tressaillement. Durant toute sa folle et nocturne cavalcade, il avait espéré la voir, il n'avait vécu que pour cela. Car la seule idée d'aller au combat sans un ultime regard lui était insupportable. Mourir ne l'effrayait plus, mais quitter ce monde ainsi, sur une missive saignante et cruelle... jamais. Mais lorsqu'il la vit, l'assurance fomentée dans les ombres défilantes du Royaume de Sélène, s'estompa. Elle était à quelques dizaines de pas. Elle était là, fidèle à elle-même, belle, infiniment belle. De sa sénestre, il caressa la petite bourse de velours qui pendait à son flanc. Dissimulée dans ce tissu, se tenait la véritable raison de sa présence. Il savait pertinemment que dès qu'elle le verrait, il ne serait plus que souffrance pour elle, il savait qu'il agissait envers et contre tout bon sens, mais il était persuadé également que sa place était là, près d'elle. Une dernière lueur d'éternité avant de se perdre dans le sang.

Il avança...

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Ingeburge
Et elle eût voulu reculer.

Mais cela lui était impossible, prisonnière du pupitre derrière lequel elle avait pris place. Pour s'éloigner, il lui faudrait se lever, contourner le meuble de bois et dans tous les cas, donc, réagir, et Dieu seul savait comment il prendrait ce mouvement car il était pris de folie, quelle autre raison pouvait rationnellement expliquer qu'il fût là, juste devant elle, ou presque, et non partout ailleurs si ce n'est la démence? Le monde connu n'était-il donc pas assez vaste pour qu'il se trouvât ici là où elle était persuadée qu'il était à des centaines de lieues et là où elle voulait qu'il fût?

Ses yeux se fermèrent. Quand elle les ouvrirait à nouveau, elle découvrirait que la salle était vide, qu'elle était seule, comme quelques minutes plus tôt, comme lorsqu'accablée, elle avait penché sa tête en avant, juste avant qu'elle n'entendît avec une netteté toute sinistre désormais les vantaux de bois grincer. Oui, ses paupières remonteraient et elle verrait que nul n'avait poussé les portes, que celles-ci demeuraient closes et que ce n'était qu'un mauvais rêve. La réalité reprendrait ses droits, elle s'agacerait quelque peu de ne voir toujours personne mais ce serait bien, hein, car à tout prendre, elle préfèrerait dépérir toute cette journée en salle du trône pourvu qu'il n'apparût jamais. Sourcils froncés, mine butée, elle tâcha de faire le vide et elle compta, mentalement, lentement, égrenant les chiffres pour reprendre le contrôle, et parvenue jusqu'à dix, quand elle se sentit prête, elle laissa le jour reprendre ses droits. Mais tout n'était en fait qu'obscurité, le cauchemar était réalité car elle le voyait s'avancer, inexorablement, comme il s'était déjà avancé, une autre fois, implacable. L'accablement dans lequel était plongée avant qu'il n'arrivât céda alors tout à fait la place à la colère et raidie, elle le regardait avec froideur. A quoi bon se montrer urbaine quand il faisait fi tant de ce qu'elle disait que de ce qu'elle lui écrivait? La compréhension était inconnue de cet homme, tout comme la pitié lui était étrangère. Elle l'avait supplié, en vain, puisqu'il refusait de répondre à ses prières, elle l'ignorerait complètement désormais et, délibérément, elle ne le salua pas, discourtoise comme elle ne l'était jamais, cessant de le considérer pour examiner le parchemin sur lequel elle avait calligraphié le nom des vassaux mainois.

Quand elle avait indiqué au nouveau Roi d'Armes qu'elle était prête à prendre en charge la marche du Maine, elle avait bien perçu l'amusement chez certains et la pitié chez d'autres. Elle savait bien ce que l'on disait de la noblesse mainoise, le premier mot étant prononcé avec plus ou moins de commisération, elle avait appris les rumeurs, avant même de devenir héraut et même en arrivant ici, pour se présenter à cette noblesse mainoise dont on sentait les guillemets encadrant les mots quand ils étaient prononcés par ceux la méprisant et la condamnant sans au final la connaître, elle avait reçu des mises en garde plus ou moins explicitement formulées et avait perçu les mines étonnées quand elle avait fait savoir qu'elle avait été nommée à sa demande. Au final, elle pouvait dire qu'elle les appréciait ces terribles nobles mainois, elle pouvait même affirmer qu'elle les aimait beaucoup. Mais pour l'heure, ses sentiments étaient bien autres car la colère présidait à son comportement et elle était prête à les maudire sur trois générations car ils étaient absents et donc responsables de ce tête-à-tête insupportable, et oui, elle les maudirait, assurément, si au moins l'un d'entre eux ne se pointait pas. Immédiatement.

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Actarius
Il avança irrémédiablement conservant toute sa superbe, toute sa contenance malgré la fraîche attitude de la Prinzessin. Il s'était préparé à cela, il savait pertinemment ce à quoi il aurait à faire face. Bourreau sans le vouloir, il s'arrêta devant le pupitre. Sa sénestre glissa alors jusqu'à la bourse qu'il délia et déposa sur ce même pupitre. Pas un mot, un regard bas, honteux désormais de la mettre en pareille souffrance. Il ne demanda rien, ni par le geste, ni par une oeillade, ni par une parole superflue. Il bénit un instant ce silence précieux qui lui offrait le lointain écho du souffle cardinalice, puis le brisa par le murmure puissant de ses bottes. Il se retirait déjà, le coeur meurtri, mais l'esprit tranquille. Non, elle n'aurait plus à souffrir sa présence et pourrait même jeter cette bourse, peu importait. Il l'avait vue, une dernière fois.

Mais alors qu'il s'apprêtait à sortir, il s'arrêta soudainement, se retourna et jeta un ultime regard vers cette Phylogène ténébreuse. Et sa voix résonna. Douce comme le soleil d'oc, mélancolique comme les frêles vagues du Lot qui s'échouaient au bas de l'éperon rocheux du Tournel, puissante et irrésistible comme le cours du temps.


Adieu.

Et ce fut tout. Splendide de résignation et de renoncement, il poursuivit son inéluctable marche en avant. Celle qui le mènerait bientôt au dehors, aux écuries, à Chinon, puis sur le champ de bataille.
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Ingeburge
Les yeux résolument baissés vers le parchemin qu'elle tenait entre ses doigts blancs, elle tâchait de se concentrer sur ce qu'elle y avait écrit et qu'elle connaissait par cœur, et elle espérait de toutes ses forces que cette lecture imposée lui procurerait la même illusion que celle dans laquelle elle vivait depuis qu'elle avait vu le tombeau de pierre se refermer sur Guise. Depuis cet instant funeste où elle s'était retrouvée désœuvrée puisque les Cérémonies avaient mené leur tâche à bien, elle s'était investie dans son travail héraldique, se brûlant les yeux sur de vieux cartulaires et d'anciens aveux seigneuriaux, se cassant le dos à rester des heures durant penchée sur un vélin qu'elle armoriait, s'abîmant et se maculant les doigts à force de manipuler les pigments et de manier les pinceaux. Cela faisait maintenant plusieurs jours qu'elle ne visait que l'engourdissement de ses pensées et il faudrait que ce faux-fuyant fonctionnât à nouveau alors qu'il avançait toujours; elle n'avait pas besoin de lever les yeux pour en être certaine. Oui, il le fallait car il compromettrait son équilibre déjà bien vacillant comme il avait perturbé sa tranquillité et sa sérénité avec des mots si lourds de sens; depuis, elle avait l'impression de les entendre toujours, elle sentait son regard insistant la suivre en permanence et elle avait ses mains qui la brûlaient, bien trop souvent.

Il s'arrêta, il était tout à fait devant elle maintenant et elle lui refusait toujours ses prunelles, fixée sur une résolution qui n'avait de la fermeté que la rassurante apparence. Elle se savait sans force devant lui, elle n'avait réussi qu'à en appeler à sa miséricorde là où avec d'autres, elle aurait laissé libre cours à son mépris et ne se serait pas gênée pour le repousser vertement. A tout autre que lui, elle aurait opposé un rire cinglant et aurait jeté des remarques pleines d'un orgueil glacé; à tout autre que lui, elle aurait lancé sa main baguée en avant pour le souffleter; à tout autre que lui, elle aurait proposé d'ouvrir les coffres d'Auxerre pour qu'il pût s'y servir à son aise et acheter à celles qu'elle n'était pas ce qu'elle ne lui donnerait jamais. Elle en avait les capacités et elle sentait des violences lui venir aux doigts et des paroles acrimonieuses monter à ses lèvres. Mais elle était épuisée, affaiblie par les doutes qui l'assaillaient depuis cet entretien vespéral au Louvre, par la disparition du von Frayner et par les nuits de veille consacrées à la préparation des funérailles royales; ses forces la quittaient. Et puis, il y avait à nouveau cette étrange sensation de quiétude qu'elle ne s'expliquait pas quand il l'enveloppait de son attention chaleureuse et c'était certainement ce qui la déstabilisait le plus, ce mélange d'hostilité et de bien-être éprouvé à quelques reprises et mis clairement en évidence quand elle avait senti ses mains sur les siennes. Il était son tourmenteur et sa paix, et elle n'aspirait qu'au repos... la tentation était grande de s'y laisser tomber.

Aussi, fut-elle surprise de voir une bourse atterrir sur son pupitre et elle resta fixée sur la main qui l'y avait déposée. Stupeur également quand il se retira aussitôt, ne s'attardant pas là où elle commençait déjà à se préparer à l'assaut. Quoi, c'était tout? Un don qui pour l'heure ne la préoccupait pas et un départ, sans un mot? Pour important que fût son étonnement, elle s'efforça de ne toujours pas poser les yeux sur lui, craignant la ruse, imaginant la chausse-trappe, effrayée à l'idée d'apercevoir son visage si franc et si ouvert. Son entêtement ne l'aida pas, il l'entraîna au contraire aux confins de la stupéfaction quand Actarius prit congé d'elle d'une manière qu'elle comprit définitive. Cette fermeté dans le ton, cette concision dans le salut mais aussi la douceur qui en émana la poussèrent à cette conclusion qu'elle croyait attendre depuis qu'il s'était confié à elle et qui, en vérité, ne lui convenait pas. Soufflée par cet adieu et éberluée par ce qu'elle constatait, elle s'accrocha à son pupitre. Sa main tremblante se posa alors sur la bourse qui avait quitté ses pensées aussi vite qu'elle avait été jetée sous ses yeux frondeurs, et sans réfléchir, oubliant toute prudence, elle en desserra les liens pour en découvrir le contenu. Ce qu'elle y vit l'intrigua au lieu de la renseigner et elle demeura un instant à contempler l'objet, ne pouvant qu'en supputer une valeur purement marchande elle qui était connue pour son amour bien peu modéré des pierres, puisqu'elle ne pouvait en comprendre la signification. Le piège qu'elle avait craint se refermait sur elle, sans qu'elle en eût conscience, la seule vérité s'imposant à elle étant qu'elle ne pouvait le laisser partir ainsi.

Sautant sur ses deux pieds, elle se lança à sa poursuite, retenant d'une main les lourdes jupes de sa houppelande et de l'autre, pressant la bourse contre son cœur, le voile léger recouvrant ses cheveux tressés voletant derrière elle. Parvenue au seuil de la Salle du Trône, elle s'immobilisa, comme retenue par une invisible frontière et elle le regarda enfin, déçue de ne voir que son dos. Elle ne pouvait aller plus loin, le comte du Maine, les nobles, tous pouvaient arriver d'un moment à l'autre, elle était tenue de rester là. Aussi, descella-t-elle ses lèvres incarnadines et lui lança d'une voix faiblement essoufflée :

— Attendez... revenez, je vous prie.

Qu'il revienne, oui, qu'il revienne, maintenant, tout de suite et qu'il revienne à chaque fois, toujours.
_________________
Lysesl


Encore une fois était venu le temps du renouvellement de l'hommage.
Convocation en main, elle se dirigea vers la salle du trône, un peu machinalement, pensant à tout ce qu'elle avait à faire en cette journée.
Elle espérait que Miche serait déjà arrivé mais, en prévision, elle avait réglé les affaires de la mairie, espérant qu'il n'y ait pas d'urgence. Pour le reste, elle ne pouvait qu'espérer que tout se déroule bien.

La période de grand deuil étant terminé, elle avait troqué sa tenue monochrome pour une bicolore. Enfin, si on peut appeler le noir et le blanc des couleurs. Le voile avait également été retiré de son visage, laissant paraître ses long cheveux bouclés, d'un brun-roux marqués ci et là de quelques mèches blanches.

Un étranger avançait dans le couloir et elle s'apprêtait à le saluer tout en se demandant s'il était perdu lorsqu'elle entendit :
Citation:
— Attendez... revenez, je vous prie.


Phylogène se trouvait dans l'embrasure de la porte de la Salle du Trône, cherchant, de toute évidence, à retenir l'étranger.
Son regard alla de l'homme au héraut et elle ralentit considérablement le pas. Continuer ? Retourner sur ses pas et revenir dans quelques minutes ? Elle hésitait...
Elle opta finalement pour le premier. Elle passerait plutôt tout droit à la Salle du Trône et reviendrait un peu plus tard, laissant un peu de temps à la duchesse et à l'étranger.

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L0velune
À Entrammes.

Marylune faisait les cent pas dans ses appartements, Suzanne sur ses talons, robe de deuil dans les bras. L'air pensive, la rouquine hésitait.

Je ne puis pas porter de rose, la France est en deuil. Ce serait un affront envers Sa Majesté l'amie de Della.

Quelques personnes étaient au courant de son inquiétude pour l'état de sa cousine. En effet, le chambellan de la Bourgogne avait prit des vacances de l'ambassade pour un temps indéfini, ce qui était tout à fait normal et compréhensible en vérité. Mais comment se rassurer qu'elle allait bien sans la croiser dans les couloirs ou la voir dans son bureau?

Il me faudrait donc porter du bleu, mais je déteste cette couleur.

Effectivement, la baronne croyait sincèrement que le bleu était la couleur du deuil. Qui blâmer: Lynette. Et sa servante, fidèle et dévouée, se faisait du soucis. Que penserait la noblesse de voir sa maîtresse vêtue de bleu en période de deuil??? Rho la la!

Mais madame, c'est le noir la couleur du deuil.

Et Marylune répétait sans cesse:

Le noir? Mais qui donc t'a mise cette idée en tête?

Et la servante ne répondait pas et ravalait un soupir.

Et si vous portiez du bleu marin?

L'art de lui apporter une robe noire et de lui faire croire que c'était un bleu très très foncé.

Bleu marin?
Oui madame.
Mais je n'ai pas de robes de cette couleur.
Votre mère en a madame. Avec un peu de chance ça vous ira...
Faites donc! Je suis curieuse!


Suzanne quitta les appartements de la baronne et revint une dizaine de minutes plus tard avec une pile de robes noires et bleues marines. Marylune haussa un sourcil et saisit la robe du dessus.

Suzanne... vous avez un problème de vue je crois. Celle-ci est noire.

Erf, raté. Marylune jeta par terre tout ce qui était noir avec un certain dédain. Puis, elle reprit, une robe en main, dévisageant le tissus.

Suzanne... vous avez aussi très mauvais goût. Ma mère aussi a vraiment mauvais goût. Quelle horreur!

Doublement raté. Voilà que la baronne irait à la cérémonie vêtue d'une robe bleu ciel... et c'était le cas de le dire: Ciel! La servante cherchait désespérément un moyen d'empêcher la baronne de se présenter vêtue de la sorte, quand elle lu dans le regard de la rouquine de l'incertitude. Il y avait de l'espoir!

Je refuse de porter du bleu... et encore moins du noir! Vous savez quoi, Suzanne? Je n'irai pas!

La baronne quitta la pièce vêtue d'une robe de chambre rose et entra dans le bureau qui était jadis celui de son père. Depuis sa mort, elle y allait plus régulièrement, s'occupant de la business de production de cidre de sa baronnie. Là, elle prit plume et parchemin.

Citation:
Votre Grâce, notre ami, le Comte Michel de Villefort,

C'est avec chagrin que nous vous annonçons notre incapacité à nous déplacer pour cette importante cérémonie. Vous aurez compris qu'il s'agit d'un problème très grave, puisque je n'aurais raté cette cérémonie pour rien au monde: Nous n'avons pas de robe assortie pour l'occasion.

Nous vous transmettons donc nos hommages, nos plus grands respects, notre amitié et nos félicitations.

Nous, Marylune de la Mirandole, Baronne d'Entrammes, Officier de l'Ordre du Mérite Mainois, jurons obsequium, auxilium et consilium à votre personne, le Comte Michel de Villefort.

Nous aurions renouvelé par la même notre serment envers notre défunte Reyne, mais nous savons tous ce qu'il en est.
Nous aurions fait un nouveau serment pour le futur souverain, mais celui ou celle-ci nous est présentement inconnu.
Si l'absence de serment envers un souverain pose problème, prière de nous en faire part.

Mirandolement,

Baronne d'Entrammes
Ambassadrice du Maine et Ambassadrice Générale en Terres Anglaises
Officier de l'Ordre du Mérite Mainois


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Actarius
Il marchait l'esprit allégé, mais toujours torturé, et déjà tout entier tourné vers la guerre sans doute fut-ce pour cela qu'il n'aperçut pas la dame. C'était bien là tout ce qui lui restait. Il ne croyait plus guère en ce Royaume morcelé, divisé, ce Royaume faible. Sa foi en la Royauté, puis en la Régence s'était dissipée. Il demeurait un guerrier, accroché à des valeurs qui n'avaient plus cours, il demeurait un vestige d'un ancien temps oublié sous les assauts des plumes et des verbiages diplomates d'une ligne de conduite qui, en son esprit, revenait à prostituer la grandeur de la France au Ponant. La peur du conflit guidait la Régente, comme elle avait ouvert la voie aux décisions iniques et impuissantes d'une Reine aux épaules trop frêles pour supporter une pareille couronne. Ce monde n'avait plus rien de celui qui lui semblait le sien. Et désormais qu'il venait de faire ses adieux à son ultime lumière, il ne subsistait que la guerre pour avoir encore l'impression d'exister. Il marchait fièrement d'un pas régulier et décidé vers sa destinée, avec la seule envie de s'y abandonner, de ne plus lutter vainement à infléchir la rigueur de celle-ci, à transcender son humble statut d'homme. Malgré les apparences, malgré cette démarche d'un homme puissant, il n'aspirait plus qu'à se laisser porter jusqu'à la fin que le Très-Haut avait choisie pour lui.

Mais dans ce néant, dans cette atonie de la farouche volonté, une voix survint. Un filet cristallin, divin, libéré comme une ultime fronde à l'abandon du Phénix. Il se retourna, son oeil brillant d'espoir croisa le sien. Mais lorsqu'il aperçut cette bourse, la lueur disparut. Il revint sur ses pas machinalement offrant un visage fermé, résigné. Ce présent devait rester son dernier vol de feu, le dernier geste d'éclat d'un légendaire oiseau, son dernier lien avec ce qu'il avait été. Et bientôt, elle le lui rendrait, le privant de cette simple assurance de survivre un peu, près de son coeur, dans l'azur de ce saphir. L'azur comme le ciel où il s'était envolé dans son sillage. L'azur comme ses couleurs ou celles encore de la royauté. L'azur comme la vie, la renaissance qu'elle lui avait offertee. L'azur comme sa bague, celle devant laquelle il acceptait enfin de ployer. L'azur comme l'éternité, comme sa froide beauté, sa glaciale dignité. Cette offrande, c'était l'adieu du Magnifique à la lumière avant de plonger dans le bourbier écarlate de la guerre et d'ainsi retourner à sa simple condition d'homme, à son essence de guerrier.

Parvenu à sa hauteur, il baissa respectueusement la tête pour ne plus lui infliger de souffrance supplémentaire et tendit sa dextre, paume tournée vers le ciel. Prêt à ressentir le velours de la bourse sur sa main, il attendit qu'elle le privât de son ultime éclat.

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Ingeburge
L'avait-il seulement entendue? La question lui traversa l'esprit alors, que troublée, elle guettait un geste de sa part, un signe qui trahirait que c'était bien le cas, qu'il avait perçu son appel et que même, mieux, il consentait à y répondre. La crispation la gagnait tandis que son attention était entièrement tendue vers lui et son cœur aux battements habituellement imperceptibles et lents commençait de s'emporter, anxieux soudain. Et elle hésitait à le héler à nouveau, craignant qu'il l'eût bien entendue et qu'ainsi, il refusât d'y faire retour, en toute connaissance de cause. S'adresser à lui une fois de plus, c'était s'exposer à la déception mais ne tenter du tout, c'était ouvrir la vanne des regrets. Une autre apparition mit un terme à ses déroutants atermoiements quand elle reconnut, déconcentrée un instant de sa cuisante observation, la comtesse de la Ferté-Bernard, et cette arrivée, de fait, décida pour elle. Ses yeux quittèrent difficilement Actarius et s'appuyant contre le chambranle de la porte qu'elle n'avait osé franchir, elle s'effaça pour laisser passer Lys. Revenue à ses devoirs, elle prononça quelques mots, machinalement, tâchant de faire taire la curiosité qui la poussait à tourner la tête vers lui :
— Votre Grandeur, le bonjour.
Il était apaisant de voir Lys Monty, cette femme tant respectée par les Mainois, cette femme qu'elle avait connue par la généalogie, cette femme qui, sans le savoir, lui portait chance puisque c'était la famille de celle-ci que Phylogène avait enregistrée en premier, lançant ainsi sa carrière de héraut. Les émotions contradictoires d'Ingeburge s'apaisèrent pour un temps, sa voix s'affermit et elle repassa la défroque héraldique, ajoutant quelques mots :
— Le comte Michel n'est point encore arrivé mais je vous en prie, installez-vous Votre Grandeur, vous ne devriez guère attendre.

La raison lui commandait d'accompagner la comtesse à l'intérieur, ses obligations aussi mais elle ne pouvait quitter sa place sans pouvoir glisser quelques mots – et elle ne savait lesquels, elle l'avait suivi, spontanément, sans idée – au vicomte du Tournel et elle ne le pouvait d'autant moins qu'il accomplissait enfin, non sans l'avoir fixée, son retour vers elle. Son cœur eut un raté et déglutissant avec effort, se consacrant encore quelques secondes à Lys, elle articula à grand peine :
— Je vous rejoindrai sous peu, je dois m'entretenir un instant avec Sa Seigneurie.
Concluant ses explications d'un signe courtois du chef, elle délaissa finalement le seuil de la Salle du Trône pour accomplir les quelques pas qui la séparaient encore d'Actarius.

Celui-ci ne la regardait plus, adoptant la posture qu'elle-même lui avait opposée quelques minutes auparavant et faisait montre d'une distance qu'elle n'aurait pu soupçonner chez lui. Déstabilisée par cette indifférence, elle ne sut qu'énoncer, rendue muette par cette attitude qu'elle n'avait pas prévue. Il déjouait, une fois de plus, ses prévisions et elle ne savait comment se comporter, étrangère à ce jeu auquel elle n'avait jamais pris part. Plus rien n'avait de sens, la logique avait été irrémédiablement défiée depuis qu'il était sorti du cadre de leurs rapports habituels. La seule chose qui lui paraissait tangible, c'est qu'il acceptait enfin de répondre à ses requêtes, qu'il accédait à la pitié et à la compréhension et elle avait la douloureuse certitude, commençant à le connaître quelque peu, qu'il se tiendrait à son renoncement. Pourquoi, alors que c'était ce qu'elle avait appelé de ses vœux, se sentait-elle accablée à l'idée que ce serait la dernière fois qu'elle le voyait? C'était ce qu'elle avait désiré, c'était ce qu'elle lui avait ordonné, passant tour à tour de la colère à la supplication pour s'agacer à nouveau. Ne lui avait-elle pas écrit qu'elle ne voulait ni encore le voir ni jamais plus l'entendre? Pourquoi alors, maintenant qu'il l'ignorait et maintenant qu'il se taisait, se sentait-elle abandonnée? Elle tenta donc de dire quelque chose, d'évoquer ce bijou que sa main droite tenait contre sa poitrine, protégé par la bourse de velours, pour ne pas le remercier de ce cadeau inattendu qui avait su lui faire plaisir; de faire allusion à cette guerre à laquelle il comptait prendre part au lieu de lui faire savoir ses inquiétudes pour lui à l'idée de le savoir les armes à la main. Oui, elle voulait lui parler, mais sans rien lui dire, s'entêtant toujours à ne pas vouloir comprendre et s'escrimant à formuler des banalités dont tous deux n'avaient que faire. Mais ce ne serait pas suffisant, il était résolu et déterminé, gardant les lèvres closes et les yeux baissés et elle, elle avait froid soudain, privée de cette chaleur dont il l'avait constamment enveloppée et qu'elle avait vigoureusement repoussée, elle avait froid, dépouillée de ce rayonnement qu'il lui refusait désormais.

Que dire pour qu'il la remarquât à nouveau, pour qu'il continuât à l'abreuver et à la réconforter de son ardeur? C'est alors qu'elle vit cette main tendue vers elle, cette main offerte sans qu'elle sût pourquoi et elle vacilla quand elle établit le parallèle avec le rendez-vous durant lequel il ne lui avait plus rien dissimulé. Les mots prononcés lui revinrent, avec acuité, ils ne l'avaient jamais véritablement laissée en paix. « Cette main que je vous offre... Prenez cette main, laissez-la vous emporter vers moi... ». Cet appel silencieux et qui lui parut être sciemment réitéré, elle voulut y voir une autre demande, une autre chance. Chance? L'idée la fit tressaillir, elle se révoltait encore même si elle prenait déjà conscience qu'il n'y avait en fait rien à dire, il n'y avait qu'un geste à accomplir. Et, sans qu'elle eût besoin de le commander, sans qu'elle élaborât un ordre en ce sens, elle vit sa main gauche, dépouillée de toutes ses bagues car le Petit Deuil royal courait toujours, s'avancer vers celle du Phœnix pour s'y poser délicatement, tremblante. Son corps tout entier en fut choqué, la chaleur de ce refuge la fouailla et, vaincue pur un temps, elle l'implora à mi-voix :

— Ne me laissez pas.

Intimidée par son mouvement, déconcertée par sa prière, elle levait vers lui des prunelles tristes mais néanmoins sincères et, résolue à ce qu'il ne la quittât pas, elle recula, lentement, vers la Salle du Trône, sa main toujours placée dans la sienne.
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Actarius
Cette main fragile et précieuse qui se posa sur la sienne, il l'avait rêvée chaque nuit depuis... Mais là, dans ce palais manceau, elle le mit à la torture, il ne comprit plus et fut jeté dans un tel trouble qu'il n'osa la serrer. Il ne sentit pas même qu'il avait approché un peu plus de la salle, guidé par cette main. Non, le Vicomte avait perdu pied malgré la chaleur diffuse qui s'immisçait en lui. Son regard de Sienne glissa sur le bras, caressa la délicate épaule, effleura le cou, épousa l'incarnat des lèvres et alors qu'il se mêla aux opales de la Prinzessin, il vit. Il vit la femme inondée de sincérité, celle qu'il avait pressentie, il vit la femme triste consentant un nouveau et coûteux sacrifice. Face à cette céleste apparition, son âme éperdue lui interdit toute autre intention que celle d'offrir un peu de réconfort à cette icône abandonnée.

Ses yeux devinrent refuge et ses doigts se refermèrent sur cette main si pure. Il lui fut horriblement douloureux de ne pas l'étreindre, de ne pas la cueillir contre son torse, de ne pas lui murmurer toute cette passion, combattue avec ferveur pour elle, pour ne pas la plonger dans la souffrance et la haine, de ne pas lui prêter sa force, de ne pas la caresser tendrement. Le Phénix supporta cependant comme il aurait tout enduré en ce moment-là pour ne pas l'affliger un peu plus.

L'instant silencieux de communion s'éternisa. Il se tenait debout, la dominant de sa haute taille et pourtant dans ses perles d'ocre brûlé se dévoilait un coeur à genou devant tant de grâce, devant une si inattendue humanité.

En se posant délicatement, sa sénestre acheva cette chaste union des deux mains tant de fois étrangères. Et ce fut à cet instant qu'il retint sa ténébreuse aimée, qu'un murmure franchit enfin la barrière de ses lèvres, déversant une foi aussi inébranlable que chaleureuse et assurée fut la voix d'oc.
Votre Altesse, même la mort ne pourrait m'empêcher de demeurer avec vous. Il vous suffira d'entendre votre coeur... Tant que ma présence vous sera un réconfort, alors vous la ressentirez. Il lui rendit sa main avec une tendresse marquée et, après un ultime et indescriptible regard, tourna les talons. Nul besoin d'un "au revoir", il savait désormais qu'il ne la quitterait plus, tout comme elle ne l'avait plus abandonné depuis des mois.
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Lysesl


Elle ne put continuer son chemin, finalement, Phylogène s'écartant légèrement pour la laisser entrer dans la salle. Elle lui sourit.

Je vous remercie, Votre Grâce, je vais patienter. J'ai prévu quelques lectures pour l'attente.

Elle avait en effet apporté un dossier de la mairie, dossier qui ne nécessitait pas sa totale concentration donc elle pouvait le laisser à tout moment. Une fois le comte arrivé, il ne serait plus de mise de le consulter.

Souhaitant laisser un peu d'intimité à la duchesse et à l'étranger, elle prit un fauteuil dans le coin, situé à proximité d'une table et assez éloigné de la porte. Elle posa ses papiers sur la table, tournant le dos à la porte. Une certaine tension régnait autour des deux personnes, ils n'avaient pas besoin de curieux.

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Ingeburge
Durant quelques secondes, elle ne vécut plus.

Il ne la regardait toujours pas, ne la suivant que parce qu'elle le lui commandait, timidement mais fermement. Mais si son corps se mouvait, il n'était pas avec elle malgré leurs mains enfin rapprochées, leur progression accordée, il était ailleurs, lointain, et elle cessa de respirer, elle cessa d'exister car elle ne faisait plus partie de son monde. Comment vivre en dehors de sa considération? Comment être sans l'assurance de son attention? Les questions l'atteignaient de plein fouet, portant des coups de boutoir à ses certitudes réaffirmées et à ses refus inlassablement réitérés. Et pourquoi, maintenant qu'elle esquissait un geste en sa direction, semblait-il ne plus le désirer? Il était ahurissant de constater qu'ils ne s'accordaient toujours pas comme c'était le cas depuis des mois. Il l'avait invitée à venir à elle, elle l'avait repoussé; elle s'exécutait enfin, il semblait rejeter son approche. Etait-il donc possible qu'ils ne s'entendent jamais plus alors qu'elle s'ouvrait finalement à lui? Cette idée lui était inconcevable, insupportable, et elle sentait sourdre une protestation qui ne franchit jamais ses lèvres. Car, lentement, les yeux d'Actarius s'étaient relevés et avaient glissé sur elle, annihilant cette hérésie qu'elle avait osé formée et, au fur et à mesure qu'il la faisait entrer à nouveau dans son existence, dans sa réalité, la caresse de ses prunelles ambrées la réchauffait. Les interrogations tombèrent, balayées.

Alors, elle connut la paix, un apaisement qui lui était totalement inconnu et dont elle ne parvenait pas, bouleversée, à prendre la pleine mesure. Elle était encore engoncée dans ses croyances, elle était encore entravée par ses réticences et la révolte de son orgueil qu'elle sentait céder. Déjà, le pouvoir du Phœnix la prenait toute. Fascinée par son rougeoiement, elle se perdit dans ses yeux, lui abandonnant tout à fait cette main sur laquelle il refermait ses doigts et elle se laissa décoller, entraînée par l'envol de celui dont, refusant encore et toujours de se l'avouer, elle avait eu de plus en plus besoin. Et, elle avait soif de sa lumière, de sa chaleur, elle qui était glacée, elle qui passait pour aussi froide que son âme l'était effectivement. Pour autant, il semblait encore réticent dans son étincellement, la résignation ne semblant pas l'avoir quitté et elle se sentit coupable, s'en voulant de s'ouvrir à lui d'une si imparfaite façon. Mais elle ne le pouvait pas davantage, elle était triste, plus qu'elle n'aurait pu le reconnaître et à sa profonde affliction s'ajoutait le poids du harassement; oui, elle était triste et elle était incapable désormais de lui cacher quoi que ce soit. Plus tard, elle lui dirait pourquoi car elle aurait surmonté la douleur de sa perte, même si elle conserverait, fichée en son cœur, l'épine déchirante du souvenir de celui qui n'était plus, comme en étaient fichées d'autres. Oui, elle se confierait plus tard, car ce moment de révélation n'appartenait qu'à eux et elle lui dévoilerait tout, quand il se retrouveraient, seuls, rien que tous les deux, ailleurs qu'en cet endroit passant qu'étaient les abords de la Salle du Trône où elle n'aurait jamais imaginé le rencontrer. Elle l'inviterait à Auxerre, en son refuge inviolé et inviolable, dans ce château intramuros dominant la ville et surplombant l'Yonne, oui, à Auxerre où malgré toute cette ville, tout ce peuple, le castel était un havre, un îlot de tranquillité où personne ne viendrait les déranger. Ou alors, si c'était ce qu'il désirait, ce serait elle qui irait le rejoindre, là-bas, dans cette Occitanie qui lui faisait plisser les lèvres de dégoût, elle passerait outre ses rancunes et elle irait le rejoindre dans la lumière, dans cette région gévaudanaise qui allumait dans son regard une lueur de fierté. Et il comprendrait qu'elle ne se servait pas de lui pour oublier les tracas, qu'elle ne se servait pas de lui pour faire taire sa peine, qu'elle ne se servait pas de lui comme un remède à sa douleur. Il était bien plus qu'une solution et peut-être, alors qu'elle était pour l'heure incapable de le définir, parviendrait-elle à comprendre ce qu'il était pour elle.

Perçut-il son désarroi? Elle ne voulut pas le savoir, appréhendant, maintenant que le rayonnement de l'Euphor l'environnait, qu'il fût uniquement en train de répondre à son affliction. Elle décida donc de profiter de cette deuxième main qui venait l'étreindre, la conquérant davantage, de ne se préoccuper que de ces quelques secondes, de ces quelques minutes qu'il lui accordait et durant lesquelles, il la berçait de son ardeur. Et quand, doucement, il chuchota, elle frémit, emportée par ce murmure baigné de clarté, par cette voix qui faisait rebondir les mots dans une gerbe de soleil, galvanisée tant par ses propos que par leur sens. Elle eût voulu que cette entente inédite entre eux deux durât toujours mais elle comprit à ce regard incroyable qu'il lui adressa après avoir délaissé sa main qu'il était sur le point de s'en aller. Incapable de prononcer quoi que ce soit, elle ne le retint pas, ne lui communiquant pas ses infinies inquiétudes à le savoir partir combattre, lui ayant déjà, du reste, dans sa dernière lettre, fait connaître toute l'étendue de son anxiété après l'avoir assuré de sa haine. Sa main désormais orpheline alla rejoindre celle qui n'avait pas lâché cette bourse renfermant un bijou et dans laquelle elle glissa, diligemment, de peur de les voir s'échapper, la caresse de ses yeux, la douceur de sa main, la tendresse de son toucher, le trésor de ses mots.

Sans qu'elle sut bien comment, elle retourna à l'intérieur de la Salle du Trône, serrant précieusement contre son cœur cette bourse qui renfermait plus qu'un bijou, qui contenait en fait d'infinies promesses et elle avança, à pas lents, toujours portée par les ailes du Phœnix. Elle n'avait plus vraiment de but, ayant trouvé un point d'ancrage insoupçonné mais il lui fallait revenir au sol, quitter cet envol et quoi de mieux que d'aller voir quelqu'un d'autre et reprendre le cours normal des choses? Son errance la conduisit alors vers la comtesse de la Ferté-Bernard près de laquelle elle s'assit, doucement, et elle dit d'abord :

— J'espère, Votre Grandeur, que vous m'excuserez de vous avoir ainsi laissée mais en vérité, ma surprise a été fort grande. L'homme que vous avez croisé est Actarius d'Euphor, vicomte du Tournel et pair de France.
Manifestement, elle flottait toujours car c'est de lui qu'elle parlait là où elle aurait pu évoquer les premières banalités convenues. Secouant légèrement la tête, elle poursuivit, quelque peu incrédule :
— Il a été mon supérieur à la Maison Royale, quand il occupait la charge de Grand Chambellan de France et je ne m'attendais pas à le rencontrer ici; il y a des semaines que je ne l'ai vu.
Et elle n'avait aucune idée du jour où ils seraient à nouveau en présence. Elle en conçut une peine qui compromit sa quiétude et se refermant tout à fait, redevenant ainsi celle que l'on appelait la Froide, elle répéta :
— Recevez mes excuses, Votre Grandeur.
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Lysesl


Elle avait à peine commencé la lecture d'un courrier que la duchesse vint s'assoir près d'elle. Un regard discret à la porte lui confirma que l'homme était parti. Mais au lieu de la tension qu'elle avait ressentie à son arrivée, il y avait maintenant un air de sérénité.
Le moment fut de courte durée et rapidement Phylogène retrouva sa voix et son visage impassibles.
Elle sourit. Elle comprenait tellement ce mécanisme de défense... Dans certaines occasions, il vaut mieux se retrancher derrière un masque si on veut survire.


Vous n'avez pas à vous excuser. La vie nous réserve parfois des surprises et lorsqu'elles s'avèrent agréables, c'est encore mieux.
Elle marqua une pause, réfléchissant rapidement.

Même si le nom ne m'est pas totalement étranger, je ne crois pas avoir eu l'honneur de le rencontrer déjà. Je suis bien contente pour vous qu'il ait pu vous rendre visite. Et bien que suis toujours d'avis que vous n'avez pas à me présenter d'excuses, elles sont reçues.

Elle jeta un regard circulaire dans la salle.
Les nobles mainois ne sont pas très ponctuels, hélas. Ni très disciplinés d'ailleurs. Votre venue, ainsi que celle de Leha, ne nuira certes pas.

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