Afficher le menu
Information and comments (0)

Info:
Unfortunately no additional information has been added for this RP.

[RP] Les chiens ne font pas des chats

Alienor_vastel
[Sainte-Ménéhould, soirée du 27 Août - Manoir de la duchesse de Brienne]

"Parce que le temps peut mettre en cage
Nos rêves et nos envies
Je fais mes choix et mes voyages
Parfois j'en paye le prix
La vie me sourit ou me blesse
Quelle que soit ma vie"


Une petite moue dépitée s'afficha sur le visage de la blondinette en regardant la malle qui trônait dans les appartements qui lui avaient été attribués par la duchesse de Brienne pour le temps que durerait son séjour à Sainte-Ménéhould. Bon sang, elle avait vraiment exagéré dans ses achats, quelques robes, colifichets et mules à faire entrer dans un coffre déjà bien plein à son arrivée, deux mois auparavant.

Deux mois déjà depuis qu'elle avait parcouru les rues du village pour la première fois, deux mois à l'issue desquels le jeune seigneur qu'elle accompagnait avait enfin pu faire face aux fantômes qui le hantaient. Demain, ils partiraient pour Compiègne, et ce serait alors à elle d'affronter ses souvenirs ; se rendre au cimetière, sur la tombe de ses parents et de ceux qu'elle y avait connu et qui n'étaient plus, ce qu'elle n'avait pas eu le courage de faire lors de son premier séjour dans la ville qui l'avait vu grandir. Et tenter, malgré la fermeture des frontières et la guerre qui grondait, de se rendre à la mine de Péronne, se recueillir sur les lieux de la bataille de laquelle sa mère n'était pas revenue vivante.

Mais avant cela, il fallait qu'elle boucle cette fichue malle. Aux grands maux les grands remèdes, elle s'assit sur le coffre, et réussit enfin à en fermer la serrure au prix de nombreuses contorsions. Un sourire satisfait avant de se relever, alors qu'on frappait à la porte.
Un regard vers l'huis en même temps qu'une invite
Entrez ! Pervenches intriguées en voyant un valet se présenter à elle.

Une missive pour vous, damoiselle

Froncement de sourcils étonné en reconnaissant le scel de la duchesse de Brienne avant de le briser d'un geste précis. La pâleur envahit son visage à mesure qu'elle prenait connaissance du contenu du pli, se laissant tomber sur la malle derrière elle. Lecture et relecture, la missive glissa doucement au sol, feuille légère dans l'air de cette fin de journée d'Août, lorsqu'elle se leva pour se diriger vers la croisée ouverte qui laissait entrer une douce chaleur.

Embrassant du regard le paysage qui s'offrait à elle, s'arrêtant pensivement sur le lac dont l'eau miroitait sous les lueurs du soleil couchant. Une demande, pas une obligation, elle avait le choix, accepter ou refuser. Et pourtant, même si cela lui remontait de douloureux souvenirs, de guerres, de batailles que ses proches avaient menées et qui les avaient changés dans le meilleur des cas, sa décision était prise, elle ne pouvait être autre.
Aliénor se retourna vers le valet qui attendait discrètement dans l'embrasure de la porte. Ses yeux se portèrent brièvement sur la malle avant de revenir vers le serviteur. Les effets qu'elle avait laissé au moulin suffiraient, ses fontes les contiendraient aisément et elle devrait songer à se procurer braies et chemises, les robes n'étant pas ce qu'il pouvait y avoir de plus adapté à la situation qu'elle n'allait pas tarder à connaître. Petite grimace, un désagrément de plus pour elle qui détestait porter une tenue masculine.


La malle restera ici finalement. Un léger contretemps..

Un léger contretemps... Doux euphémisme pour évacuer l'appréhension qu'elle éprouvait et qui venait remplacer celle qu'elle avait ressenti à l'idée de se trouver bientôt à Compiègne.
Le valet hocha la tête, indiquant qu'il en serait fait ainsi, puis se retira, laissant l'adolescente à ses pensées. Quelques pas pour ramasser la missive, la replier soigneusement et la ranger dans son aumônière, avant de quitter la pièce puis le manoir, en direction de la taverne où elle devait retrouver Aimelin avant qu'ils ne regagnent le moulin pour leur dernière nuit à Sainte-Ménéhould.

La taverne était vide lorsqu'elle y entra, elle prit place près de la fenêtre et ressortit le pli de son aumônière. Ses doigts pianotaient nerveusement sur la table en même temps que les pervenches parcouraient à nouveau les mots tracés sur le parchemin, s'attardant sur quelques uns. "votre présence" "armée" "Conflans"...
La porte s'ouvrit et la jeune fille tourna le visage, un léger sourire s'affichant sur ses lèvres en reconnaissant celui qui arrivait. Une réponse au baiser donné, mais la tête ailleurs, l'esprit préoccupé, ce qui ne l'empêcha de remarquer que lui aussi avait l'air soucieux, hésitant.
Elle fit glisser la missive sur la table, dans sa direction, alors qu'il s'asseyait à ses côtés.


Je suppose que tu es au courant ?

Un moment de silence, puis elle reprit. J'ai le choix de répondre positivement ou non. J'envisageais, une fois à Compiègne, de rejoindre les défenseurs en les murs, sur les courtines. Après tout, c'est aussi la seconde ligne qui permet à une ville de tenir, le siège de la ville contre les armées artésiennes en a été la preuve puisque l'armée de mon père avait été détruite et que Compiègne est restée champenoise jusqu'à l'arrivée des armées royales grâce aux maréchaux qui se mobilisaient quotidiennement.
Une pause avant de continuer Mais la duchesse est ma presque suzeraine, et ce n'est pas une cérémonie pas encore faite, un document pas encore signé, qui changera quoi que ce soit à ma loyauté envers elle. Elle me demande de venir rejoindre son armée à Conflans, j'irai donc.

Les pervenches plongèrent dans les mirettes grises, cherchant une approbation. Après tout, s'il y avait quelqu'un qui pouvait comprendre, c'était bien lui. Un murmure... Compiègne attendra... un pincement au coeur, mais après tout, c'était peut-être reculer pour mieux sauter, avant de reprendre sur un ton désabusé Une preuve supplémentaire s'il en était besoin, que la vie prend un malin plaisir à contrecarrer les projets que l'on peut faire.

Et un haussement d'épaules en même temps qu'un sourire ironique se dessinait sur ses lèvres, souvenirs éprouvants ravivés par la perspective de devoir peut-être se battre. Il faut croire que c'est une tradition familiale que d'aller mourir en combattant au service de son suzerain. Mon grand-père d'abord, puis ma mère... Sauf que là, ça s'arrêtera après moi...




[Conflans-lès-Sens, matinée du 30 Août]

"Je ne vous oublie pas, non, jamais
Vous êtes au creux de moi
Dans ma vie dans tout ce que je fais
Mes premiers amours
Mes premiers rêves sont venus avec vous
C'est notre histoire à nous
Je ne vous oublie pas"
Céline Dion - "Je ne vous oublie pas"



Ils avaient quitté Sainte-Ménéhould à l'aube du 28 Août, vers le sud, après qu'Aliénor ait écrit une brève missive à la duchesse de Brienne pour lui signifier leur venue. Missive confiée à un pigeon qui rejoindrait Conflans plus rapidement qu'eux. Deux journées de voyage les attendaient et les deux cavaliers alternaient galop et rythme plus lent pour ménager leurs montures.
A mesure que la campagne champenoise se faisait plus présente à leurs yeux, qu'ils s'éloignaient des lieux habités pour n'être plus environnés que de la nature calme et paisible, l'esprit d'Aliénor se faisait plus serein. Ne pas penser à ce qui les attendait là-bas, mais tirer parti de ces deux jours et ces deux nuits où ils se retrouvaient seuls pour profiter l'un de l'autre, savourer l'insouciance des moments passés ensemble et ne pas voir plus loin que ce qu'ils vivaient au moment présent.

Le soleil approchait de son zénith lorsque les murs de Conflans apparurent à leurs yeux. Campement de l'armée visible, oriflamme bleu qui flotte paresseusement dans l'air.
Aliénor laissa ses yeux s'y attarder, une légère anxiété venant serrer son coeur et son ventre. C'était une chose de savoir qu'elle allait rejoindre les rangs de cette armée, c'en était une autre de le voir, d'en prendre concrètement conscience. Un regard vers Aimelin, se demandant ce qu'il pouvait penser, lui qui avait connu pareille situation et n'en gardait pas forcément un bon souvenir. Mais au moins étaient-ils ensemble...
Retour des pervenches vers les tentes. Et de se demander subitement ce qu'elle va y faire, elle, si inexpérimentée.

Quoique... inexpérimentée, pas tant que ça au final. Sa mère lui avait appris les armes alors qu'elle n'était encore qu'une enfant, et même si elle n'avait pas pratiqué depuis quelques années, du moins l'adolescente se souvenait-elle de quel côté se tient une épée, ce qui finalement n'était déjà pas si mal. Pensées qui se tournent vers cette femme dont elle a hérité les traits, et qui malgré sa répugnance à toute violence, n'avait jamais hésité à mettre son épée au service des causes qu'elle jugeait justes.

Un geste de la main vers le médaillon qu'elle porte au creux de sa poitrine, doigts qui en suivent doucement la gravure, rose et chardon entrelacés. Une voix qui résonne dans sa tête, ces mots prononcés lorsque la chaîne en argent quitta le cou de Magdeleine d'Assas pour aller encercler celui de la fillette.
"N'oublie jamais qui tu es, petite princesse."

Alors la fille de la dame de Pomponne, Dame Blanche à l'Ecu Vert, et du seigneur de Bergnicourt, Connétable de France et Licorneux, Aliénor, 15 ans, à peine plus de 5 pieds et 100 livres de Paris toute mouillée, relève crânement la tête. Elle leur fera honneur, ils seront fiers d'elle.
Le fait qu'ils aient été blessés dans les combats qu'ils avaient mené, que sa mère ait été tuée dans sa dernière bataille, n'était plus qu'un détail à cet instant.




-------------------------------
5 pieds : un peu moins d'1m60
100 livres de Paris : environ 50 kg

_________________
Aimelin
[Sainte-Ménéhould, soirée du 27 Août - Taverne]

"... C'était des ailes et des rêves en partage
C'était des hivers et jamais le froid
C'était des grands ciels épuisés d'orages
C'était des paix que l'on ne signait pas
Des routes m'emmènent, je ne sais où
J'ai vu des oiseaux, des printemps, des cailloux
En passant ..."

(Goldman - en passant)



C'est d'un air soucieux, où du moins fort préoccupé que le jeune lieutenant avait poussé la porte de la taverne. Aliénor et lui avaient prévu de partir pour Compiègne le lendemain et ses affaires étaient prêtes,le moulin soigneusement rangé et fermé, et la fille de la Léonie avait promis de veiller, comme à son habitude avec son époux. Un sourire avant de prendre place aux côtés de la blondinette, un baiser avant de poser sa besace à côté de lui, et un regard interrogatif à son air soucieux.

Je suppose que tu es au courant ?

Pour avoir rencontré Malt et avoir discuté avec elle, il était au courant des dangers qui menaçaient et de la mobilisation, et puis elle lui avait fait part de son désir de les voir la rejoindre.
Il commanda deux chopes et plongea la main dans sa besace pour en sortir une missive reçue le matin même, où l'on pouvait apercevoir un sceau de la Comtesse d’Armentière, sa Suzeraine.

Petite grimace.


j’ai reçu missive de Dotch... elle est en route pour le Maine, province dont elle devient tutrice. Elle m’a demandé de répondre à la levée de ban pour elle. Ce que je vais faire bien entendu… et puis j'ai croisé Malt qui m’a parlé du danger sur Conflans.

Il savait que la blondinette avait pris décision et qu’elle n’attendait que lui pour prendre la route et il sourit à ses paroles, une certaine fierté dans le regard.. Mirettes grises qui répondirent aux questions sans paroles des pervenches. Ils n’avaient souvent pas besoin de mots pour se comprendre.

Une preuve supplémentaire s'il en était besoin, que la vie prend un malin plaisir à contrecarrer les projets que l'on peut faire.
Il n’y a pas de hasard Alie. Nous ferons notre devoir, défendre ce Duché et puis nous irons retrouver ton passé.
Et il n’est pas question de mourir tu m’entends ? je te l’interdis de toute façon.


Petit rire qui cachait son angoisse. Des personnes qu'il aimait il en avait assez perdues. Il n’allait plus sur les lieux de combats sans cette peur au ventre. Dix sept ans lorsqu’il avait combattu pour la première fois à Compiègne*, il en avait aujourd'hui vingt et un, et puis Vae** et puis ces levées de ban depuis qu'il était sur les chemins.

Les paroles de Melissande qui reviennent comme à chaque fois qu'un danger menace.
"mais un champ de bataille est si vaste... seul, on n'y est rien ! ... on n'est jamais assez prudent quand il s'agit de se défendre lors d'une guerre, souviens t'en toujours ... "

Conflans, le souvenir de quelques missives adressées à son amie médicastre, perdue de vue depuis. Le temps éloignait les personnes, les distances étaient longues, et la vie nous emportait dans son tourbillon



[Conflans, le matin du 30 Août]


Et c'est un autre tourbillon qui les avaient conduit jusqu'aux portes de la ville. Deux petites journées pour ralier Conflans, savourant les galops avec Altaïr ne sachant quand ils pourraient à nouveau se retrouver en totale liberté, savourant et profitant de ces moment avec la blondinette où ils pouvaient encore se retrouver seul sans penser à ce qui pourrait arriver.
L'été tirait à sa fin, la chaleur écrasante avait laissé place à une chaleur un petit peu moins cruelle pour les organismes, relayée par la fraîcheur des nuits et des matins, lorsque la rosée perlait encore sur la campagne et que l'air parfumé de toutes ses senteurs faisait légèrement frissonner. Un regard autour de lui, avant de laisser ses yeux se poser sur les remparts de la ville qui se dressaient au loin, avec à ses pieds le campement de l'armée des Bleus qu'ils devaient rejoindre.

Il tourna son visage vers sa compagne de voyage, rapprocha son étalon d'elle jusqu'à pouvoir poser sa main sur la sienne, regardant dans la même direction. Oriflammes qui voletaient doucement au vent, calme… en sera-t-il de même durant les jours prochains. Le tissus se transforma sous ses yeux, les couleurs de Vae apparurent, le silence, des yeux gris sur un visage orné de boucles blondes, et puis la poussière, les cris, le choc des armes.

Conflans, son dernier passage remontait à juin 56 lorsqu’il avait escorté Cannella depuis Sainte Ménéhould, alors Prévôt des Maréchaux si sa mémoire ne lui faisait pas défaut. Si cette escorte s'était déroulée sans aucun accrochage, il n'en avait pas été de même pour la fois d'avant, en janvier de la même année, lorsque sa présence dans cette même ville, était dûe à une intégration dans une armée.,, sous l'œil avisé et discret d'un lieutenant prévoté… Ô ironie du sort, époux de la jeune femme qu'il devait rencontrer quelques mois après… jamais eu de chance cet ébouriffé.

Ce dimanche matin lui avait donc valu un petit tour en justice, "l'armée des morts vivants" n'étant pas un endroit fréquentable, pour un jeune gars de même pas dix sept ans. Mais dans son malheur, le jeune champenois s'était dit que son départ pour Conflans cette fois là, lui avait valu un rapprochement délicieux avec une blonde maire, devenue depuis sa blonde chieuse préférée. Tout malheur comportait semble t il un petit morceau de bonheur, qu'il est vrai parfois il fallait chercher longtemps.
Mais il fallait toujours voir le bon côté des choses, et après un savon passé par Pisan, Vicomtesse de Chelles, il avait été blanchi… normal me direz vous après un savon.

Et pour prouver sa fidélité à la Champagne, il s'était engagé dans l'armée pour combattre les artésiens à Compiègne et avait fini fin mai, à sa démobilisation, en tant que Loup à la caserne d'Argonne. Une médaille d'argent du mérite, et il était parti pour le Béarn, en compagnie de son amie Shandra.

Et aujourd'hui, le jeune lieutenant prévoté revenait à Conflans pour intégrer l'armée dirigée par sa blonde amie. La boucle était bouclée. Quoique comme le lui disait sa grand-mère dans le sud : "Melin il ne faut jamais vendre la peau de l'ours tant que t'as pas vu le chapeau du chasseur."… Il n'avait jamais demandé à sa mamée ce qu'il devrait faire dans le cas où le chasseur n'ai pas de chapeau. Mais il savait que cette phrase voulait dire, que tout peut arriver.

Grimace du jeune ébouriffé en voyant les oriflammes de l'armée des bleus et mirettes grises qui se tournèrent vers la blonde Aliénor, au moment où elle portait sa main à son médaillon sur lequel son regard se posa quelques secondes, avant de remonter croiser les pervenches. Toujours aussi jolie, toujours ces pervenches accompagnées d'un sourire à croquer, ce qu'il ne se gênait pas de faire, et toujours même petit regard complice.

Un murmure
nous y sommes.

Et un sourire en lâchant sa main pour reprendre les rênesallons voir si notre blonde Duchesse a réussi à faire dresser sa tente.

Le temps pouvait bien être à la guerre et à la crainte, ils étaient ensemble et pour sa part, il avait déjà dû défendre sa vie chèrement, il comptait bien renouveller le fait.


* rp ici
** et là
_________________

Merci aux merveilleuses rpistes avec qui je joue
Alienor_vastel
[Conflans-lès-Sens, matinée du 30 Août]

"Crois-tu que tout se résume
Au sel d'entre nos doigts
Quand plus léger qu'une plume
Tu peux guider tes pas
Sans tristesse ni amertume
Avance et avance puisque tout s'en va
Tout s'en va"
Calogero - "Yalla"



"Nous irons retrouver ton passé" lui avait dit Aimelin lors de cette discussion en taverne à Sainte-Ménéhould, paroles qui reviennent à l'esprit de la blondinette alors que la main du jeune homme se posait sur la sienne. Un sourire à ce geste, comme s'il avait entendu tout ce que son silence exprimait. Mais leur relation était aussi faite de ça, de cette complicité, de ces non-dits, de ces regards que l'autre parvenait si bien à lire. Pervenches qui croisent les mirettes grises, avant de se tourner à nouveau vers les remparts du village.

Il ne se doutait pas, lorsqu'il avait dit cela, et elle non plus d'ailleurs, à quel point ce passé la rattraperait plus rapidement qu'elle ne l'avait imaginé.

Conflans... dernière étape champenoise avant l'Orléanais, ils y étaient passés, ses parents, Ysabault et elle, quelques années auparavant, en un début d'été ensoleillé. Son père venait d'être nommé Capitaine Royal de Champagne, et une loi voulait, à l'époque, que le titulaire de cette fonction dans le Domaine Royal ne réside pas dans la province dont il avait la charge. Décision avait alors été prise de déménager, de quitter le Duché. Le choix s'était porté sur l'Orléanais, de par sa proximité avec la Champagne, et plus précisément sur Gien. Sa mère avait laissé la présidence du Comité des Fêtes de Champagne, à contre-coeur, mais elle n'envisageait pas de ne pas suivre son époux. Même si cela signifiait s'éloigner de sa famille champenoise, de ses amis, de ce CDF dans lequel elle s'était investi corps et âme durant plus d'une année.
Même si dans ses yeux, brillait une petite lueur triste alors qu'ils s'éloignaient de ce qu'était leur vie jusqu'alors.

Un autre cortège avait fait le même chemin en sens inverse, trois mois plus tard, alors que les arbres commençaient à se parer de leurs couleurs automnales. Le séjour orléanais avait finalement tourné court, et le retour avait été organisé vers cette Champagne qui leur manquait si fort, cette terre qui avait adopté sa languedocienne de mère à tel point qu'elle la considérait comme sienne. Pisan et Tomsz, Aliénor, sa mère et Ysabault revenaient à Chelles.
Le voyage aurait dû les réjouir, et pourtant la petite lueur triste dans les yeux de celle qui allait devenir la dame de Pomponne quelques semaines plus tard était toujours présente. Et une autre y avait fait son apparition. La résignation.

Entre les deux... quelques jours d'insouciance, le calme avant la tempête qui allait balayer leur bonheur, l'illusion d'une vie heureuse et sans histoire.
Quelques jours seulement avant que la nouvelle n'arrive, Orléans était tombée aux mains d'armées bretonnes. Son père était reparti en Champagne monter une armée, renfort aux armées orléanaises, les Dames Blanches réclamaient vengeance pour leur Grande Amazone tombée au combat, les Ordres Royaux étaient mobilisés. Aliénor avait vu ses parents partir vers leur devoir, au service de leurs convictions. Quelques semaines seule avec Ysabault, à attendre leur retour, avant cette matinée où sa gouvernante était venue la réveiller pour rejoindre sa mère et Pisan en convalescence à Châteauneuf-sur-Loire. Et si la fillette y avait bien retrouvé les deux jeunes femmes ainsi que Tomsz, nulle trace de son père, et c'est sans lui qu'ils étaient rentrés à Chelles.

Cette terre orléanaise les avait marqués, changés, blessés, dans leurs corps mais surtout dans leurs âmes, de ces blessures qui s'atténuent avec le temps mais ne guérissent jamais vraiment. Ce qui s'y était passé, les évènements qui s'y étaient déroulés, le pourquoi de l'absence de son père, elle ne les avait appris que plus tard, bien après la mort de ses parents, en lisant le journal de sa mère. Et c'est en les croisant avec ses propres souvenirs qu'elle avait pu comprendre comment ces quelques mois avaient à tout jamais modifié le cours de leur vie.
Il y avait eu un avant Orléans, et un après...

Une large inspiration, les doigts qui se crispent un instant sur le médaillon avant de reprendre les rênes de la frisone. Depuis son retour en Champagne, il suffisait de si peu pour que la mémoire de ce qu'elle y avait vécu, connu, resurgisse, lui rappelant que le sablier du temps s'écoulait inéluctablement et combien il était important de profiter de chaque grain avant que celui-ci ne disparaisse au milieu des autres.

Un hochement de tête au murmure d'Aimelin en même temps qu'elle tournait à nouveau le visage vers lui ; oui ils y étaient.
Et un rire à son allusion à la tente de la duchesse, évocation de la mésaventure arrivée à cette dernière lorsque son armée stationnait à Sainte-Ménéhould. D'une simple phrase, il avait chassé ses pensées sombres, comme bien souvent lorsqu'il sentait qu'elle replongeait dans ses souvenirs, faisant revenir le sourire sur ses lèvres, la faisant revenir à ce présent qu'elle vivait pleinement.

D'un geste de la tête, elle renvoya dans son dos une mèche de cheveux venue voler autour de son visage en même temps qu'elle lui répondait.


J'espère pour elle qu'elle a trouvé recrues plus efficaces que celles de Sainte ! Et tant qu'à faire, si nos propres tentes pouvaient être montées... et pas trop loin d'une de l'autre, ça serait parfait. Même si j'ai déjà eu l'occasion de coucher sous une tente... une petite lueur espiègle vint faire briller son regard à se remémorer le campement des joutes de Chaumont, et les conversations qu'ils y avaient approfondies, presque trois mois auparavant ... j'ai bien peur de ne pas savoir m'en sortir avec les piquets.

L'adolescente raffermit sa prise sur ses rênes, un regard vers le village, lèvre mordillée et sourire amusé, puis qui revint se poser sur le jeune homme.

Allons-y, le dernier arrivé a un gage ! Et interdiction de tricher, ou sinon...

Phrase volontairement inachevée, pour le laisser imaginer ce qu'elle pourrait lui réserver s'il lui prenait l'envie de couper à travers champs comme il l'avait fait lors de leur course à Troyes. Un grand éclat de rire, et un coup de talons énergique dans les flancs d'Etoile pour l'élancer au galop vers le campement de l'armée.
_________________
Aimelin
[Conflans-lès-Sens, matinée du 30 Août] ]


La tente … un sourire en réponse sans lâcher du regard les oriflammes qui voletaient sous la légère brise. Visage qui se tourna vers la blondinette… tricher ? comment tric… rhaaa !! …. avant de la voir s'élancer au galop.

Encore une fois elle profitait de l'effet de surprise et il éclata de rire. Coup de talons énergique à Altaïr ça n'était pas le moment de se laisser distancer. Cailloux qui volèrent sous les sabots de l'étalon qui prit son envol, rapide et puissant comme pour les joutes lorsque son cavalier ne lui laissait pas le choix. Foulées qui s'allongeaient tandis que le jeune seigneur goûtait au plaisir de ce galop.

Ils y étaient et ils étaient même devant leurs tentes. Toutes les tentes avaient été montées, et deux avaient été mises à leur disposition, une pour la blondinette, une pour le brun. Aimelin pensait que l'armée aurait pu économiser une tente mais il se contenta de regarder Aliénor d'un air amusé.


on choisit laquelle pour cette nuit ?

Ils n'étaient pas partis pour Compiègne, ils étaient venu à Conflans dérendre la Champagne mais il ne fallait pas pousser… ils partageraient leur tente, quitte à passer de l'une à l'autre discrètement pour varier les plaisirs... si discrétion il pouvait y avoir dans un campement.


[Les jours passent… les souvenirs restent]

"Il y a des luttes dans mon royaume
Mais elles ne sont pas éternelles
Je ne veux plus être un fantôme
Un simple gamin sans rêves"

(Kirsie - A bout de force)


Depuis quand n'avaient ils passés une nuit tranquille, sans entendre au beau milieu de la nuit, le cri de ralliement : "Alerte !!!". Ah c'est qu'elles étaient animées les nuits à Conflans. Des voyageurs insousciants qui prenaient les chemins champenois pour des chemins de promenades tranquilles, il y en avait à la pelle. Et chaque nuit, le jeune ébouriffé testait la solidité de son bouclier et le tranchant de sa lame. Mais tout cela n'avait rien à voir avec Vae et cette attente insoutenable de ces attaques que l'on savait inévitables et inégales.

Pour l'heure, les soirées se déroulaient tranquillement en taverne lorsqu'il ne restait pas à lire quelques écrits dans sa tente, à discuter et rire, essayant d'oublier cette situation. Le jeune homme en profitait aussi pour écrire aux personnes chères à son cœurs, prenant des nouvelles de sa suzeraine et lui en donnant, se demandant ce que devenaient ces amies qu'il avait laissé à l'autre bout du royaume.

Le Béarn. Il savait maintenant qu'il ne reviendrait pas vivre en ce comté étrange où vivre en paix n'existait pas, où le respect n'avait pour visage qu'une fugace et flou apparence. Il savait juste que s'il y revenait ce serait pour aller sur une tombe à l'orée de ce bois, dans ce petit cimetière à la sortie de Pau.

Les hautes herbes bougeaient doucement sous la brise qui laissait passer un doux murmure, comme un appel. Assis sur un tronc d’arbre, à quelques pas de la tente, le jeune gars leva les yeux vers l'agitation fébrile qui commençait à réveiller le campement, laissant le vol de sa plume en suspent. Le peu de vent soulevait son parchemin sur lequel il s’appliquait à coucher quelques mots.

Il laissa son regard se porter vers les arbres où étaient délimité un espace pour les chevaux. Ses mirettes grises se posèrent sur Alaïr. Les chevaux étaient une tres bonne thérapie pour ceux qui ne voyaient plus le bout de leur chemin et ne marchaient qu’au milieu de brumes. Combien de fois l'avait il aidé à avancer.

Les yeux dans le vague, il repensait à son rêve de la nuit passée. Bien que les nuits soient courtes, entrecoupées de tour de garde, comme en ce moment, il arrivait à dormir… et il l’avait vu.
Elle était venue le voir.. son sourire, ses yeux gris .. la douceur de sa voix.. dieu que le réveil avait été difficile et triste en faisant effacer son visage. Tant de mois s’étaient écoulés depuis sa disparitions, mais il se souvenait du moindre de ses traits.
Etait elle venue pour lui dire qu’elle était toujours là et qu’elle veillait sur lui de la haut ? Tout se bousculait à nouveau dans sa tête. Il suffisait d'une armée, des affrontements, et il revivait ces terribles jours d'août 57.

Il jeta un œil vers la tente et pensa à Aliénor. Il savait ce qu’elle traversait, ses doutes, ses questions, comment ne pourrait il pas comprendre ce qu'elle vivait, alors qu'il vivait la même chose… affronter les fantômes du passé, dans chaque chose que l'on fesait, dans tout ce qui nous entourait et qui les réveillait parfois d'un sommeil que l'on croyait long et profond. Il savait qu'elle n’oublierait pas, qu'elle vivrait avec… on n'oublie jamais, on apprend juste à vivre avec l’absence. Il ferait de son mieux pour l'aider.

Des visages du passé lui revinrent. Conflans c'était aussi penser à Bel. Les moments partagés entre cette satanée journée à Sainte et puis la chasse à Torras. Et puis cette journée au refuge d'Argonne, cette nuit, ces moments où elle l'avait rassuré par sa soif de vivre et son humour, et cette tendresse qu'elle lui avait toujours porté. Elle lui avait appris tant de choses à l’hospice de Compiègne pendant la guerre contre l'Artois au printemps 56, avec Atirenna, l’autre médecin qui l’avait pris comme aide. Grâce aux deux jeunes femmes, il avait appris à nettoyer, cotériser et même refermer des plaies. Peut être la croiserait il, il ne l'avait plus vu depuis le mariage de Malt.

Il secoua la tête et se repencha sur sa missive qu’il signa. Apres l’avoir relue il l’attacha à la patte de son messager avant de le libérer et de le regarder s'envoler. Puis il se dirigea vers le feu et se saisit d'une timbale qu'il remplit de tisane chaude.

Les matins étaient frais, l'été trainait encore les pieds mais l'arrière saison allait bientôt prendre le dessus, et apporter sa fraicheur. Tout en buvant il laissa son regard parcourir le campement qui s'éveillait lentement.

_________________

Merci aux merveilleuses rpistes avec qui je joue
Alienor_vastel
[Conflans-lès-Sens, entre rêve et réalité]

"En mode veille, abandonnée, emmitoufflée
Sous des couches emplumées
Je vis des trucs insensés
Dans une bulle embuée"
Lussi In The Sky - "La paresseuse"



La brume s'estompe, déchirant lentement son voile blanc, révélant une forêt inondée d'un chaud soleil de mi-juin. L'air est calme, paisible, le silence juste troublé par le chant des oiseaux et une légère brise qui apporte un peu de fraîcheur et fait bruisser les feuilles.
Deux silhouettes émergent, une femme et un homme, ils avancent lentement. Pour un peu, on les prendrait pour un couple d'amoureux insouciants en promenade. S'ils en ont l'apparence, pourtant leurs regards le démentent. Soucieux et préoccupés. L'homme pose une question, la jeune femme hésite. Oui, elle a quelque chose à lui dire...

Elle s'écarte un peu du chemin et va s'asseoir contre un arbre, entraînant son compagnon. Nul mot prononcé mais un geste, un seul. De sa main, elle se saisit de celle de l'homme, et la pose doucement sur son ventre. Un long moment de silence ; inquiétude, appréhension, espoir dans les yeux mordorés plongés dans ceux, bleus, qui lui font face et dans lesquels elle peut lire l'incrédulité, la joie. Et la déception et la colère. L'homme se détourne, des reproches sortent de sa bouche. Depuis combien de temps le sait-elle, pourquoi ne lui dire que maintenant, alors qu'à quelques centaines de toises, l'armée les attend ?

La réponse ne tarde pas, incisive, ils sont si souvent séparés, l'occasion ne s'est jamais trouvée de lui en faire part, calmement, sereinement. Et elle ne veut pas prendre prétexte de son état pour fuir son devoir, Dame Blanche elle est, Dame Blanche elle ira au combat. Une promesse cependant, elle demandera rapidement à rester à l'arrière, après tout, en tant que médicastre, elle y sera aussi utile.

L'homme s'apaise, son regard revient croiser celui de son épouse. L'idée que leur fille ne sera bientôt plus enfant unique fait son chemin. Sourires échangés, oubliant un instant que le lendemain, la forêt de Montargis s'éloignera pour laisser apparaître les murailles d'Orléans, que le calme de la nature cédera la place aux affrontements sanglants.

Et la brume revient, nimbant le paysage de sa couleur diaphane et enveloppant les dernières images d'un couple, les dernières images du bonheur qu'ils s'imaginent alors.

Un autre voile blanc apparût aux pervenches que les paupières se soulevant dévoilaient lentement, celui de la toile de la tente sous laquelle Aliénor émergeait doucement du sommeil.
Rêve étrange, d'une scène à laquelle elle n'avait pourtant pas assisté, mais que sa mère avait consigné dans son journal et que la blondinette avait lue et relue à tel point qu'elle avait parfois l'impression d'en avoir été la spectatrice.

Visage se tournant sur la couche où elle reposait, et un froncement de sourcil en constatant qu'elle y était seule, avant de se souvenir qu'Aimelin était de garde et l'avait laissée dormir. Des nuits hachées depuis leur arrivée, entrecoupées d'alertes qui les faisaient au moins se réveiller quand ils n'allaient pas prêter main forte à leurs compagnons d'armes, mais aussi des moments où ils arrivaient à se retrouver, choisissant indifféremment la tente de l'un ou de l'autre, malgré l'inconfort et le peu d'intimité que l'on pouvait trouver dans un campement.

Un frisson, et l'adolescente se redressa sur son lit, assise jambes repliées, enveloppant son corps du drap. Si les beaux jours étaient encore là, la chaleur tardait de plus en plus à s'installer dans la journée, et les matinées étaient fraîches. Main qui passe sur son front, geste machinal pour repousser ses cheveux décoiffés durant la nuit.

Ce rêve, ce n'était pas la première fois qu'elle le faisait, depuis leur arrivée à Conflans, il était déjà revenu à plusieurs reprises. Pourquoi là, pourquoi maintenant ? Peut-être le fait qu'elle n'avait jamais été aussi près de l'Orléanais depuis son départ du Languedoc. Elle avait pensé que les souvenirs enfouis remonteraient quand ils seraient à Compiègne, ce village qui foisonnait de rappels de son enfance, mais c'était finalement ici que les faits qui s'étaient déroulés de l'autre côté de la frontière se faisaient presque réels. Pas un cauchemar, mais une impression de malaise quand même. Car son rêve prenait toujours fin au même moment, alors qu'elle connaissait la suite de l'histoire. Peur inconsciente de l'affronter, besoin de penser qu'elle aurait pu être différente ?

Les paupières vinrent masquer un instant les pervenches, tentative pour faire revenir l'image de ses parents si souriants, avant de se relever. La blondinette secoua la tête, à quoi bon revenir sur le passé puisque l'on ne pouvait le faire réapparaître. Et souvenir d'une discussion qu'ils avaient eue, Aimelin et elle, environ deux mois auparavant alors qu'ils séjournaient à Sainte-Ménéhould. Une discussion au sujet des cauchemars qui visitaient alors le jeune homme, tout comme ce rêve la poursuivait maintenant dans ses nuits, une discussion au cours de laquelle il lui avait dit que l'on ne pouvait pas remonter le temps, sauf dans les rêves.
Alors oui, peut-être voulait-elle ne garder que ce bonheur éphémère et fugace qui allait bientôt être emporté dans la tourmente d'une guerre âpre et violente, mais toutes les guerres ne le sont-elles pas, avec leur lot de blessures, de chagrins, d'afflictions dont ses parents avaient eu plus que leur part.

Un peu de chaleur traversa la toile de la tente, quelques bruits se faisaient entendre au dehors, et Aliénor décida de se lever. Laissant le drap sur le lit, elle se dirigea vers la table et fit couler de l'eau d'un broc dans la bassine. Un rire léger au contact de l'eau froide sur sa peau, qui acheva de la faire revenir tout à fait à la réalité, avant de se sécher et de passer une robe. Cheveux soigneusement brossés, il n'était pas question de ne pas soigner son apparence sous prétexte qu'elle était dans une armée, et elle poussa de la main le pan de toile qui fermait la tente.

L'air encore frais fleurait bon la rosée matinale et l'adolescente resserra son châle autour de ses épaules. Pervenches qui clignotèrent, le temps de s'habituer à la luminosité, puis qui balayèrent ensuite le campement qui s'animait doucement, s'attardèrent un instant sur le matériel d'écriture posé à côté d'un tronc d'arbre près de la tente, devinant à qui il appartenait, elle avait maintenant l'habitude de le voir écrire au calme. Et qui s'arrêtèrent enfin près du feu. Quelques pas vers le foyer jusqu'à se porter à hauteur d'Aimelin, un sourire s'affichant sur son visage.

Mains posées sur celles qui tenaient la timbale d'où une petite fumée s'élevait, légère et aérienne, en même temps que ses lèvres allaient goûter celles du jeune homme.


Hummm, que c'est bon... Je parle de la chaleur de la tasse, bien sûr.

Petite lueur mutine dans les yeux alors que la blondinette s'écartait le temps de se servir elle aussi de la tisane, avant de tourner son regard dans la direction du soleil puis de le diriger instinctivement de l'autre côté. Vers l'Ouest. Vers l'Orléanais. Un soupir agacé contre elle-même, c'était plus fort qu'elle, elle ne pouvait s'empêcher d'être attirée. Mais elle ne devait pas laisser son passé l'empêcher de vivre son présent.

Pervenches songeuses qui revinrent vers les mirettes grises. Elle comprenait maintenant encore mieux ce qu'Aimelin avait dû combattre à Sainte-Ménéhould, ces fantômes qui obsédaient et qu'il fallait accepter. Se dire que l'on ne peut rien changer à ce qui a été et qu'il faut apprendre à vivre avec. Elle le faisait, en règle générale, mais Orléans restait encore dans les non-dits, dans ce qu'elle n'arrivait toujours pas à extérioriser. Le jeune homme s'était ouvert à elle, lui avait parlé de ce qui l'avait hanté, réussirait-elle à en faire de même ?

Aliénor souffla légèrement sur la tisane et en but une gorgée, savourant la chaleur qu'elle diffusait à l'intérieur de son corps. Sourire qui revint sur son visage.


Sais-tu de quoi j'aurai envie, là de suite ? Un moment de silence espiègle qu'elle rompit pour préciser sa pensée Un bon bain chaud ! Ou à défaut, d'aller voir sous la tente d'intendance si l'on peut trouver quelque chose à se mettre sous la dent.

Il lui faudrait davantage que des rêves, des souvenirs, ou encore sa présence dans une armée avec tous les désagréments que cela implique pour lui couper l'appétit.
_________________
Aimelin
[Conflans… les pieds sur terre, la tête ailleurs]

"Vos luttes partent en fumée
Vos luttes font des nuées
Des nuées de scrupules.
Vos luttes partent en fumée
Vers des flûtes enchantées
Et de cruelles espérances
Me lancent
Des dagues et des lances
En toute innocence…"
(A. Bashung - Volutes)



Les mirettes grises suivaient les petites volutes de fumées qui s'échappaient de la tasse et dansaient à la surface du liquide chaud, dernière révérence avant de s'envoler pour se mélanger à la douce brise matinale.
Le jeune lieutenant leva les yeux et les arrêta sur l'astre solaire qui s'était enfin décidé à monter doucement vers les nues irisant l'horizon de ces couleurs, afin de réchauffer la campagne environnante, et l'éclairer de sa belle lumière de septembre.
Une main se porta à son médaillon gravé d'un soleil à côté duquel était aussi attaché à sa chaîne un anneau gravé de son prénom. Une voix … "ce rayon de soleil qui viendra te caresser ce sera moi"… avait elle raison en écrivant ces derniers mots pour lui alors que le soleil venait à peine de pointer son nez, ce matin de juillet 58. Il ferma les yeux l'espace d'une seconde, essayant de lutter contre ce sentiment de révolte qui lui prenait le ventre à chaque fois que le visage orné de boucles blondes venait devant ses yeux, avec ce sourire qu'illuminait ces yeux gris qui lui avaient fait oublier ses tourments passés. Ne pas se laisser aller au chagrin, ne penser qu'à elle en souriant, penser à leur bonheur à tout ce qu'ils avaient vécu et se dire que de la haut elle n'aimerait sûrement pas le voir pleurer comme un enfant. Un baiser sur le médaillon avant de reprendre la tasse à deux mains profitant de la douce chaleur qu'elle diffusait tandis qu'il en buvait quelques gorgées.

Une autre blondinette, mais aux yeux pervenches, le tira de ses pensées. Un sourire qui le fit de suite remettre pieds sur terre. Que deviendrait il sans elle et sans ce soutien qu'elle était pour lui depuis quelques mois maintenant, depuis fin mars où il avait remis les pieds en Champagne. Elle était devenue son habitude malgré leurs non promesses de toujours, présence qui au fil des mois devenait nécessaire comme pour mieux ironiser sur ce non engagement. La vie faisait toujours ce qu'elle voulait et dirigeait les êtres à sa manière. Pourquoi promettre demain alors qu'on ne savait jamais si l'on serait capable de tenir cette promesse sans blesser l'autre. Eux ne n'étaient rien promis, ils vivaient et mordaient la vie à pleine dents, respectant l'autre, faisant tout pour ne pas le blesser ou lui manquer de respect. Une non promesse qui dépassait de loin, des promesses que l'on ne tenait souvent pas.

Douceur de ses mains posées sur les siennes avant qu'il ne ressente la douceur de ses lèvres qui lui firent fermer les yeux une fraction de seconde afin d'en savourer la tiédeur et le goût, un fourmillement de papillons familier venant tourbillonner dans son ventre. Un murmure.


tu as raison c'est bien bonPourquoi dire ce qu'elle entendait sans qu'il ne prononce un seul mot.

Regard qui suivirent ses moindres gestes lorsqu'elle se servit une tisane pour ensuite revenir vers ce point qu'elle fixait elle aussi. Il savait ce qu'elle regardait au-delà des fin nuages du matin. L'Orléanais, qu'ils avaient traversé avec Kirika, avant de fouler le sol champenois, après quelques jours passés dans la lance de Diane de Cheroy Comtesse de Moissey, alors qu'ils étaient partis pour Mortagne en Alençon, afin de défendre le Domaine Royal fin février de cette année.
Il faudrait qu'il lui demande ce qui s'était passé en Orléans, mais il hésitait à chaque fois qu'il devait parler ou faire allusion à Magdeleine. Si elle était la mère de la blondinette, elle avait été aussi une amie pour le jeune ébouriffé qu'il était. Une amie qui lui avait souvent prodigué conseils lorsqu'il parlait avec elle. Et il avait gardé d'elle ces souvenirs de la Rosières de juin 56 lorsqu'elle lui avait demandé d'être président du jury de Sainte Ménéhould, et était venue le rejoindre, accompagnée de calva et de ses fidèles madeleines.

Un autre murmure tandis que les mirettes grises ne lâchaient pas l'horizon.


combien de drames se sont joués au loin, combien s'en joueront encoreavant de jeter un rapide coup d'œil vers elle et d'ajouter d'une voix douceest ce qu'un jour tu me raconteras ? .. et puis de reporter son regard vers l'astre, laissant sa lumière danser doucement dans ses prunelles.

Ne pas la forcer à parler, la laisser se livrer seule, comme il l'avait fait et le faisait quand il sentait que le poids de ses fantômes et de ses souvenirs étaient trop lourd à porter seul. Un léger froncement de sourcils en regardant le soleil monter et le forçant légèrement à fermer les yeux pour en suivre sa course lente.


crois tu que le soleil sorte de la terre, ou d'un quelconque autre côté, comme ces insectes qui tournent autour d'une chandelle ? Qu'y a-t-il tout au bout…
As-tu remarqué que lorsqu'un bateau arrive à l'horizon, on commence d'abord à voir le mât avant la proue et qu'inversement lorsqu'il s'éloigne, c'est ce mât qui disparaît en dernier ? je me suis toujours demandé si au bout le bateau descendait comme le soleil en fin de journée.*


Un sourire avant de lui faire face tout en l'observant perdue dans ses pensées et un baiser léger déposé sur sa joue en murmuranttu sais que je suis là. Je suis sûr que tout ira bien... et un sourire complice tandis qu'elle parlait de ses envies. Il avait bien quelques envies en tête le jeune seigneur mais il se contenta de laisser son regard pétillant croiser le sien.

un bain implique quelques sceauxpetit sourire taquin en pensant à leur pari de Chaumont... mmm quant à aller farfouiller vers la tente d'intendance je ne suis pas contre… le tout étant d'éviter les coups de louche.

Tasse qu'il pose auprès du feu avant de lui prendre la mainfaute d'explorer l'horizon, allons explorer l'intendance.
Regard vers son nécessaire d'écritureune fois que j'aurais rangé un peu mes affaires.

Il lui lâcha la main et se dirigea vers ses affaires qu'il regroupa et rangea dans sa besace en peau, avant d'aller les déposer dans la tente pour en ressortir quelques instants après et se diriger vers Aliénor.

Allons nous infiltrer prudemment pour chercher quelque nourriture.






* histoire d'une vérité
la suite de leurs aventures ici
_________________

Merci aux merveilleuses rpistes avec qui je joue
See the RP information
Copyright © JDWorks, Corbeaunoir & Elissa Ka | Update notes | Support us | 2008 - 2024
Special thanks to our amazing translators : Dunpeal (EN, PT), Eriti (IT), Azureus (FI)