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La malédiction des sept lames

Aniki
[Une cabane délabrée, en plein cœur du Dédale de Gifu.]


Il les avait extraites de leur cachette, sous le plancher, puis les avait minutieusement disposées devant lui, sur la large couverture qui jusque là les enveloppait. Il y avait là quatre katanas, trois plutôt ordinaires plus un autre qui, par sa beauté et la finesse du travail effectué, ressortait nettement du lot, deux petit wakizachis et un lourd dotanuki : Les sept lames dérobées sur le champ de bataille …

Assis en tailleur devant l’arsenal, Aniki les observait d’un air pensif.

La veille, il avait été trouver Shinken, le prêtre, pour lui demander son aide, mais ce dernier, visiblement plus intéressée par l’appât du gain que par sa sécurité, avait refusé, se contentant d’user son énergie à tenter de convaincre le jeune homme de lui céder la précieuse marchandise. Dommage, l’homme de foie semblait pourtant jouir ici d’une excellente réputation. C’était comme ça la ville, tout y était différent. Dans ces montagnes natales au moins, les moines faisaient vœux de pauvreté et n’importe lequel d’entre eux aurait donné suite à sa requête en échange d'une simple poignée de riz.

Bref, dans tout les cas, il n’était pas envisageable d’utiliser ces armes empruntées aux vaincus des deux camps, chacune d’entre elles étant marquées de l’ignoble trace de la mort et surtout, de la défaite, sans les avoir au préalable purifiées. Qu’à cela ne tienne, Aniki allait se débrouiller tout seul pour les délivrer de leur malédiction.

Empoignant sa fidèle machette dont la lame n’était plus qu’un vulgaire amas de rouille, il se lança dans le démontage intégral de chacune des armes damnées, chacune des pièces qu’il ôtait, poignées, tsubas, habakis, allant immédiatement rejoindre les braises du foyer qui crépitait derrière lui.

A la fin de la journée, il ne restait plus que sept lames complètement nues … mais toujours aussi maudites …
Aniki
La matinée du deuxième jour, Aniki l’avait consacrée à dépenser le peu de kobans en sa possession.

Dans le fourbi de l’échoppe de la vieille folle, sur l’artère principale du quartier, après avoir fouillé un bon moment, il avait fini par dénicher un bon assortiment de pièces détachées. Plus tard, au grand marché de Gifu, il avait acheté le bois de magnolia, de fines planches et d’autres morceaux plus épais, de la laque, du cuir de porc, du cuir de buffle, il avait même fait l’acquisition d’une grande peau de raie pastenague et d’une autre plus petite, de squale. Enfin, ne parvenant pas à trouver son bonheur ailleurs, il du se résoudre à se rendre chez le forgeron afin de passer commande d’une tsuba sur mesure pour le dotanuki. Il en avait profité pour aussi y prendre quelques gros clous et autre tiges de métal.

Une fois de retour, il extirpa l’arsenal de sa cachette et aligna à nouveau les lames sur la couverture, comme la veille.

Avant tout, un nettoyage minutieux s’imposait. Il s’acharna sur chacune d’elles jusqu’à ce que la moindre trace de sang, de sueur, le moindre fragment d’os, de muscle ou de cervelle soit complètement éliminé. Pour se faire, il utilisait de l’eau mélangée à du citron et au préalable longuement chauffée sur le feu, le tout étant systématiquement renouvelée avant d’entamer le travail sur l’arme suivante. Pour terminer, il exposa chacune d’elle à la chaleur des flammes, insistant patiemment sur toute la surface jusqu’à ce qu’elle commence à rougir.

Déjà l’intensité de la malédiction lui paraissait commencer à faiblir, certainement juste une illusion car chacun sait que le mauvais sort est bien plus tenace.

Les sept lames furent à nouveau alignées sur le sol. Aniki devait à présent les assembler, chacune dans son nouvel apparat.

Bien conscient de son manque d’expérience en la matière, il décida de débuter par la moins belle d’entre elles pour se faire la main. Il du œuvrer de longues heures afin d’y adapter une des nouvelles poignées mais, au coucher du soleil, le travail était terminé et le jeune homme plutôt satisfait.

Il disposait alors de six lames nues et, d’un tout nouveau katana … Le tout, malgré tout les efforts consentis, toujours sous l'emprise du spectre de la malediction ...
Aniki
Très tôt, le matin du troisième jour, le jeune homme s’était remis au travail, se concentrant cette fois sur les deux lames courtes des wakizachis qu’il voulait rendre parfaitement identiques afin de former une paire uniforme. Il commença par limer l’extrémité de l’une d’entre elle pour amener les deux exactement à la même taille. Ensuite il s’attela à la confection minutieuse des poignées. Bois de magnolia, tsuba, habaki, laque, un travail de longue haleine qui le propulsa sans qu’il ne s’en rende compte jusqu’au milieu de l’après midi.

Alors qu’il s’accordait une courte pause, juste le temps d’avaler un bol de riz avant d’entamer l’application délicate, sur la tsuka, d’un morceau de la peau granuleuse de la raie pastenague, il eut une pensée pour ces trois lézards rencontrés quelques jours plus tôt près du champ de bataille. Le gamin enragé et vulgaire, le chef reptile, sa jeune et charmante ex-maîtresse …
Qu’était-il advenu d’eux ? … Avaient-ils subi le même sort que les précédents propriétaires des sept lames ?

Un sourire à peine perceptible apparu sur son visage alors qu’il se remémorait de quelle manière il avait tenté d’amadouer la jolie Megu, à grands coups de « regards de chien battu » et d’insistants et sur-joués « Megusama ». Elle n’y avait d’ailleurs pas paru totalement insensible …


Somme toute, la finition des deux sabres courts lui pris bien moins de temps que prévu et une nouvelle fois, Aniki était satisfait. Il eut même le temps de se lancer dans une tentative de confection d’un fourreau, ou saya, pour le katana de la veille, cette fois, sans trop de réussite, le résultat n’étant même pas digne de recouvrir ce vieil amas de rouille qui lui servait de machette …

Au coucher du soleil, comme cela était devenu une habitude avant de remiser le précieux arsenal dans sa cachette, il aligna soigneusement les armes sur la couverture, s’accordant quelques minutes pour les admirer.

Il y avait là un katana, une paire de wakizachis et quatre lames nues … Aujourd’hui, l’esprit complètement absorbé par son travail, il n’avait que très peu pensé à la malédiction …
Aniki
Bien souvent, Durant son enfance et son adolescence, le jeune berger avait du survivre seul dans une nature hostile et, dans de tels conditions, il est primordial de savoir tirer leçon aussi bien de ses défaites que de ses succès. Dès les premiers rayons du soleil, il était à l’ouvrage, le cœur plein d’entrain, l’esprit neuf et, bien décidé à ne pas commettre les mêmes erreurs que la veille.

Démonter l’ignoble fourreau ne lui pris que peu de temps et, aussitôt fait, il se lança dans la fabrication d’un nouveau, reprenant tout le travail à zéro. Mouiller le bois, plier le bois, re-mouiller, re-plier, recommencer encore, fixer, clouer, appliquer la laque, sécher, appliquer le cuir, mouiller, sécher … Ce n’est qu’au terme d’une longue bataille et de maintes péripéties qu’il parvint enfin à achever le travail, le résultat se dévoilant, bien que nettement plus convaincant que celui du jour précédent, pas encore totalement satisfaisant. Cette fois, d’un geste rageur, Aniki balança immédiatement le fruit de son labeur au feu. Le lendemain, il n’aurait d’autres choix que de recommencer avec des matériaux différents.
En attendant, il venait de perdre en vain toute sa matinée ...

Heureusement, pour ce qui était des poignées, ou tsukas, et de leurs habillages, le jeune homme avait pris le coup et dans l’après midi il eut le temps terminer deux des katanas, l’un d’entre eux étant parfaitement assorti avec les deux wakikzachis.

Sur la couverture ce soir là, étaient alignés deux katanas, un ensemble katana avec deux wakizachis, et deux lames nues ... Pas une seule fois dans la journée, Aniki n’avait songé à la malédiction ...
Aniki
La journée du cinquième jour, Aniki la consacra entièrement au dotanuki, une arme puissante, sa préférée, environ un tiers plus longue et un tiers plus lourde qu’un katana classique. Bien qu’elle ne se manie habituellement qu’à une main, elle pouvait aisément, d’un seul coup trancher la tête de son adversaire.

Le jeune homme mit tout son cœur pour lui offrir une tsuka s’accordant avec celles des wakizachis et du katana terminé la veille, un ensemble remarquable. Il parvint même à le doter d’un saya cette fois, plus que présentable et dans sa lancée, en fabriqua deux autres pour les sabres courts.

Le soir, juste avant de camoufler son arsenal, c’est les yeux plein de fierté qu’il admira le fruit de son travail. Deux katanas, un ensemble assorti dotanuki, katana, plus deux wakizachis, trois d’entre eux déjà pourvus de sayas, et une dernière lame nue, sans aucun doute la plus belle d’entre elle et celle ayant la plus grande valeur. Déjà dans son esprit une idée avait commencé à germer à son sujet.

Durant la journée, il avait bien eu, une ou deux pensées concernant la malédiction, mais force était de constater que cette dernière, lui paraissait à présent bien moins terrible et bien moins terrifiante qu’auparavant …
Aniki
Le matin du sixième jour, c’est avec plus d’enthousiasme encore qu’il extirpa l’arsenal du plancher, pourtant, étrangement, il n’avait aucunement l’intention de se mettre aussi vite au travail aujourd’hui. Durant la nuit, son idée de la veille avait prit de l’ampleur jusqu’à devenir, d’abord une certitude, puis une irrévocable décision.
La dernière lame était de qualité supérieure et incontestablement, elle méritait mieux que le modeste savoir faire du berger. Aniki n’avait pas besoin d’autant d’armes alors … Pourquoi ne pas en céder une au forgeron en échange d’une finition à la hauteur pour le joyau de sa collection ?

Une poignée et un saya contre un katana, même modeste … l’armurier accepta sans aucune hésitation et c’est le regard emplit d’admiration que, quatre heures durant, Aniki le regarda œuvrer, le jeune berger s’appliquant à mémoriser chacune des techniques employées par son ainé.
D’ailleurs, dès l’après midi il tira bénéfice de toute cette expérience et de toutes ces observations car, en si peu temps, il parvint tout de même à achever la confection des trois derniers fourreaux.

Plus tard, dans sa vieille cabane délabrée, en plein cœur du Dédale, alors qu’une dernière fois avant de le camoufler, il admirait son trésor, il pensa au lendemain qui serait l’ultime étape vers la purification des lames, la fin de la malédiction … Pourtant sur la couverture ce soir là il n’y avait que six armes, un ensemble uniforme katana, dotanuki et deux wakizachis, un katana sans prétention, et un katana magnifique dont la tsuka et le saya était composé d’un rare et splendide mélange d’ivoire et de bois de magnolia …
Aniki
Le matin du septième jour, Aniki laissa l’arsenal bien à l’abri dans sa cachette. Il avala un morceau, se prépara une gourde d’eau fraiche, puis s’élança sans plus tarder sur le sentier nord, une grosse jarre de terre cuite astucieusement et solidement harnachée sur le dos.

Rapidement, le chemin en rejoignit un autre, il prit à gauche, du coté opposé à la ville.
Après quelques minutes, il parvint au premier hokora*, celui marquant le début de l’ascension. Il s’y prosterna un moment afin d’invoquer la protection d’Izanami, puis poursuivit sa route empruntant, tantôt de larges escaliers directement taillés dans la pierre, tantôt de simples chemins de terre parsemés de roches et lézardant le long de pentes plus ou moins escarpées.
Au bout d’environ une heure il atteignit enfin le torii, ce grand portail de bois rouge orangé marquant l’entrée du lieu sacré. Puis la suite ne fut qu’une simple ballade en forêt parfois interrompue par le franchissement d’un cours d’eau ou par l’apparition impromptue d’un nouvel hokora* et, par la même, d’un nouveau kami à prier, Aniki s’efforçant tout de même de maintenir un rythme soutenu car, si jusque là, la jarre sur son dos était vide, ce ne serait plus le cas au retour et il ne tenait pas à trainer.
Finalement, au terme de cette longue marche, comme émergeant de la brume, le temple apparu devant lui, dressé sur sa colline, exposant ses couleurs, toisant de son regard fier une Gifu ridiculement minuscule en bas dans la vallée. Le jeune homme venait d’atteindre sa destination, le sanctuaire de Saruta-hiko, sans aucun doute le plus haut lieu de recueillement de tout Oda.

Avant de disparaitre à l’intérieur, Aniki remplit sa jarre à ras bord, puisant l’eau du ruisseau qui coulait juste là. Quand, après plusieurs heures d’incantations, il fini par sortir de l’édifice sacré, il tenait dans ses bras, une bonne vingtaine de litres d’eau bénite et … purificatrice …

La descente fut pénible et difficile, mais pas assez pour décourager le jeune berger dont la détermination n’était plus à démontrer. D’ailleurs la jarre était encore presque pleine quand ses pieds refoulèrent enfin le sol crasseux et maudit du dédale.


Le jeune homme s’accorda alors une longue pause pour se restaurer avant d’entamer la cérémonie ...






Hokora : Sorte de petit autel dédié à un kami, érigé le long des chemins. Il parait, si l'on ne veut pas défier les divinités, qu’il est fortement conseillé de s’y arrêter pour prier ...
Aniki
Le ventre d’Aniki était rassasié. Machinalement son regard se porta vers le ciel, malgré la chaleur, il était gris et triste ...

Lentement, le jeune homme se leva, s’étirant, grimaçant, le corps fourbu par les efforts fournis dans la matinée. Il posa devant lui les fleurs de camélia cueillies plus tôt au cœur de la forêt sacrée, puis en arracha chacun des pétales qu’il déposa dans la jarre contenant l’eau de temple. Quant il eut terminé, il mélangea délicatement le tout puis alla chercher les armes.

Cette fois c’est dehors, sur l’herbe, sans la couverture, qu’il les aligna, chacune à coté son propre saya. Puis, leur faisant face, assis en tailleur, devant la grande jarre, les yeux clos, il entonna de longs et lents cantiques à l’intention d’Isanami. Par cette eau jouissant de la grâce de Saruta-Hiko, elle devait bénir ces armes, les laver de toutes ces ondes néfastes, de tout ces résidus maudits abandonnés par leurs précédents propriétaires tous aujourd’hui réunis dans la mort et, dans l’ignoble humiliation de la défaite.
Le rythme hypnotique de sa propre litanie, peu à peu entraina Aniki vers une légère transe. De ses doigts, il commença alors à puiser dans la jarre de petites pincées de pétales enrobés de fines gouttelettes d’eau que, d’un coup sec, à intervalles réguliers, il propulsait sur les sabres alignés. La purification dura ainsi un long moment, bercée par le chant du berger et par le claquement cathartique de ses phalanges. Quand, tout à coup, se produisit quelque chose d’étrange.

Au beau milieu de la grisaille, s’infiltrant par une infime brèche entre deux nuages, le soleil venait d'apparaitre. La brusque chaleur se propageant sur le visage d'Aniki le sortit immédiatement de sa torpeur et l’incita à ouvrir les yeux. Il en resta bouche bée.
Devant lui, les six lames humides et parsemées de pétales, scintillaient de mille feux, d’une lueur d’une étrange intensité composée de couleurs inconnues et d’un inexplicable éclat. Le phénomène dura ainsi quelques secondes puis, le nuage suivant vint s’interposer …


Un signe des kamis ! Le jeune berger était fou de joie. Non seulement il était parvenu tout seul, sans l’aide de Shinken ni d’aucun autre prêtre, à purifier les armes de leur mauvais sort, mais Izanami elle-même, était venue lui confirmer sa réussite …

Sa joie cependant, fut de courte durée. Le vent se leva, le ciel s’obscurcit, les nuages semblant se gonfler d’une dense et inquiétante fumée noire, puis, un éclair aveuglant, presque tout de suite suivit par le grondement sourd du tonnerre, des trombes d’eau s’abattirent sur Gifu.
Par pur reflexe, pour les mettre à l’abri, Aniki se précipita alors sur les armes et là, brusquement, il comprit …

6 Lames … Un katana plutôt ordinaire, un autre de toute beauté doté d’une tsuka et d’un saya ornés d’ivoire et de bois de magnolia, puis un dernier, parfaitement assorti à un lourd dotanuki et à deux courts wakizachis … 6 lames … La septième n’avait pas été purifiée …

A ce moment précis, le vent se mit à tourbillonner, faisant valser les feuilles autour de ses jambes et, tout lui paru limpide. Tout était de sa faute, l’orage, la colère des kamis … En vendant la septième lame il avait délivré la malédiction, l’offrant au monde, à la portée de tous car, infailliblement, cette arme guiderait son prochain acquéreur au devant de sa propre mort, il en était persuadé ...








Tôt le matin, le huitième jour, Aniki rendit visite au forgeron pour tenter de récupérer l’arme damnée. Ce dernier lui répondit qu’il l’avait vendue la veille, au milieu d’autres sabres faisant partie d’un lot. Une bonne affaire, il avait cédé le tout à un étrange vieux marchand ambulant qui, bien que presque aveugle, avait tenu à reprendre aussitôt la route et ce, malgré la violence de l’orage et les trombes d’eau ...


Ainsi était né l’histoire qui, des siècles plus tard, serait encore narrée pour tenter d’effrayer les enfants, et ainsi, les tenir éloigné des armes, la « Légende de la septième lame maudite du fossoyeur », une arme qui, systématiquement, cause la mort de celui qui s’en sert. D’ailleurs, ne dit-on pas encore aujourd’hui qu’une arme à feu sur sept, finit par se retourner contre son propriétaire ?

Alors, n’oubliez pas, quand, l’esprit enivré par le doux plaisir d’acquérir et de posséder, vous vous rendrez au marché pour choisir votre prochain katana … N’oubliez pas de vous renseigner, sur sa provenance, sur qui l’a fabriqué, car quelque part, sur un étal nippon, la septième lame maudite attend, patiemment, celui ou celle que sans nul doute elle guidera vers sa propre …



… fin …
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