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[RP] Les lettres du chagrin

Artheos


Arthéos avait été complètement guéri par le médecin qui s'était occupé de lui durant toute sa convalescence. Aujourd'hui, il pouvait se lever, marcher, sortir, revoir les gens. Quelle chose simple mais revigorante pour le jeune homme ! Admirer les traits des autres. Lire la joie, la tristesse sur leurs visages plus ou moins vieux. Les enfants couraient auprès de lui, le bousculant parfois, mais Arthéos sourait simplement et les regardait filer au loin, courir après une pauvre poule. Les adultes, plus atteints par la misère, avaient des émotions plus creusées, plus chagrinées. La guerre, sans doute. Le valet en était resté loin, il n'avait pas voulu en entendre parler. Pourtant elle était là. Terrorisé, Arthéos avait décidé de ne plus voyager seul. Quand il voyait une patrouille, il se cachait ou à défaut il se plaquait contre un mur et les laissait passer. Son sourire s'effaça quand des soldats s'approchèrent de lui. Il blémit, pâlit et ne boufgea pas. Son regard se figea sur les lourdes épées pendues à leurs ceintures. Arthéos déglutit lentement, mais il fut tout à coup pris par le bras et entraîné en retrait. C'était son médecin.

"Arthéos, cherches-tu les ennuis ? Tu es toujours une personne non grata ici ! Il vaut mieux que tu évites les grand-rues et les patrouilles. Oh... j'ai reçu une lettre pour toi.
- Je suis désolé... revoir la vie m'a redonné une telle joie... Une lettre dites-vous ?


Arthéos sourit au médecin qui lui demanda de le suivre. Ils rentrèrent dans la maison du vieil homme. Dieu, qu'il était vieux. Ses pas étaient lents et instables. Il avait besoin d'un appui constant pour marcher, aussi s'accrocha-t-il au domestique. Ses mains avaient beaucoup soigné mais elles ne tremblaient pas ; signe du destin qui voulait qu'il pratique encore longtemps ses guérisons. Son visage, tracé de part et d'autre par des traits profondément creusés, marquait ses nombreux hivers passés sur terre. Ses cheveux, illuminés de blancheur, expliquaient une sagesse certaine. Il avait de puissants yeux bleus qui s'associaient parfaitement avec ceux d'Arthéos. Peut-être était-il son père ? Cette question lui effleura l'esprit, mais jamais il n'aurait pu tant changer. De plus, son père n'était pas médecin.

Arrivé à la maison du médecin, le vieil homme montra à Arthéos le parchemin plié sur la table. Le jeune homme s'installa et reconnut l'écriture de la duchesse Ana.Lise, qui écrivait son prénom en début de paragraphe. Alors qu'il commençait à lire, le médecin s'approcha et posa à côté de lui une plume, de l'encre et du parchemin vierge. Il sourit :

"Tu en auras besoin.

Arthéos sourit et le remercia. Il lut et pleura doucement. Enfin, il prit la plume :

Citation:

Ma dame,

Comme j'aime recevoir de vos nouvelles ! Quand sonne l'heure de vous lire, je me souviens, je repense et je pleure. Cette guerre ne m'aura pas tellement changé au fond.

Récemment, mon médecin m'a certifié que je pouvais reprendre la vie où je l'avais laissée ! J'avoue qu'une telle faveur du ciel est déconcertante. Aristote semble vouloir me voir vivre pour souffrir. Ou souffrir pour vivre ? Je ne sais pas comment interpréter ces épreuves. Vivement que j'aille demander assistance à ce vieux fou de Minidou. Vous en souvenez-vous ? Quel baptême ce fut... et quelle affreuse liqueur de châtaigne ! Ma langue en brûle encore. Moi qui n'ai jamais trop supporter le vin...

Comme vous êtes gentille. J'attendrai ce laissez-passer avec impatience mais la reprise de la route m'effraie. Dans mes cauchemars, je revois leurs épées et leurs visages cruels. Je ne puis plus les regarder, encore moins les affronter. Pourquoi avoir peur ? Parce que personne n'est là. Je suis seul, nu dans ces ténébères obscures. Bien sûr que je veux retravailler pour vous, jamais mon âme n'a ressenti pareille ardeur dans le travail.

Quant au duc, je ne sais pas si un jour je pourrais à nouveau lui parler. Il vous a trop fait souffert. Mais je ne suis qu'un domestique face à duc ! Autant comparer les rayons du soleil glorieux à ceux d'une bougie vacillante !

Ainsi va la vie, quelques joies qui sont aussitôt remplacées par d'immenses chagrins. Il n'était pas nécessaire de l'avouer aux enfants. Hélas, je l'ai bien trop vite appris, cette triste leçon de la survie. Errer seul est sans doute la pire des punitions. Je me revois bercer et murmurer à Sigebert ; je me revois danser la danse de la course-poursuite avec Bathilde ; je me revois dans nos gentils méfaits ; je revois notre joviale époque révolue : comment ne pas pleurer et souffrir face à tant de souvenirs qui ne réaliseront peut-être plus ?

Ma dame, j'ai hâte de vous revoir. Quand cette guerre finira-t-elle ? Mon dieu, que nous sommes petits ! Que pouvons-nous faire face à tant de haine ?

Faites attention à vous ;
Que Dieu vous garde à l'oeil ;

Votre très dévoué,

ARTHEOS

_________________
Ana.lise


Elle était repartie comme son mari le lui avait demandé. Rejoindre Dieppe et mourir ? Peut être, pourquoi pas ? La vie faisait ses choix, elle vous laisser vivre ou mourir, Ana l’avait appris depuis bien longtemps. Quand le destin frappait à votre porte, rien ne changerait la donne. Il fallait juste être prêt et ne rien regretter. Et la guerre vous apprenait à vous tenir prêt à chaque heure qui passait. Tournant la tête tandis qu’elle était à l’auberge du coin, en train de siroter un bon calva même si l’heure était bien matinale, la duchesse vit entrer un coursier avec un pli. Fronçant les sourcils, elle fut surprise qu’il le lui remit et attendit qu’il s’éloigne, non sans lui avoir offert un verre pour le réconforter d’avoir fait ce chemin jusqu’à elle, pour ouvrir son courrier.

Les mots dansèrent devant ses yeux lui tirant moult émotions à lui serrer le cœur. La dame de Dienville eut besoin de prendre l’air tant ce retour en arrière lui fit mal. Repenser à leur vie d’antan, aux rires et aux joies des enfants, à sa fille qui n'était plus de ce monde, aux bêtises d’Arthéos mais aussi à sa philosophie qu’il ne se permettait qu’avec elle, à leurs petits délires et méfaits qu’ils commettaient ensemble comme deux enfants trop longtemps retenus prisonniers et qui ne demandaient qu’à prendre leur envol… Rapidement la jeune femme sortit donc faire un tour dans les rues de Dieppe. Elle ne connaissait personne icelieu et savait juste que c’était la ville de son amie la baronne de Courcy qui lui avait tant apporté durant son séjour en Normandie. Ses pensées voguèrent vers Adeline, Leda, Alberic et Anya, sans oublier leur chef d’armée avec lequel elle s’était un peu prise de bec à plusieurs reprises et les autres normands au fort caractère et tous aussi volontaire les uns que les autres… les pas d’Ana la conduisirent jusqu’au port où elle laissa ses azurs se perdre sur l’horizon teinté de gris en cette nouvelle journée de novembre. Trouvant un petit coin à l’abri du vent, elle sortit plume et vélin qui ne quittait pas sa besace et se mit à écrire.


Citation:
Arthéos, mon ami,

Quel plaisir de te lire enfin, d’avoir de tes nouvelles, de savoir que le médecin a pris grand soin de toi. Si tu savais comme j’angoissais à savoir si tout allait bien pour toi. Petit homme au regard perçant, tu es une des personnes à laquelle je suis le plus attachée et je ne voudrais point que ta vie s’écourte soudainement.

Les quelques lignes que tu m’as offert m’ont rappelé combien le passé nous rend nostalgique. Il me manque cet autrefois qui faisait de nous des êtres insouciants et si réfractaire à ce qui n’était pas la liberté. Combien de fois ne t’ai-je pas entrainé dans mes besoins de liberté à comploter dans le fond d’une taverne quelques plans extravagants pour nous sortir de cette monotonie ambiante, combien de crises de rires n’avons-nous pas eu ensemble à Chaumont ou ailleurs ? ET combien de peur n’avons-nous pas conjugué ensemble mon ami ? Tu sais que j’ai, il y a peu, rencontré notre cher ami brigand qui m’a tailladé l’épaule et meurtri tes chevilles l’hiver dernier. Il est désormais au service de ma cousine et sait racheté une conduite mais il ne t’a point oublié. Tu as dû le marquer Arthéos… ou est-ce simplement notre naïveté ce jour-là qui l’a tant impressionné ? Peut être aurons-nous un jour la réponse si nous le recroisons….

Arthéos, j’espère que dame Jamie t’enverra rapidement ton fameux sésame pour te laisser circuler comme tu le conçois. Par contre, dans toute cette histoire de guerre, je me dois de te faire parvenir une mauvaise nouvelle. Depuis mon dernier courrier, j’ai du faire face à… comment appeler cela… une demande du duc de Sedan… il m’a enjoint de venir jusqu'à Dieppe où une armée champenoise attend… D’ailleurs c’est de là-bas que je t’écris mon ami et je dois avouer que je ne sais pas combien de temps je, nous, resterons ici. Cette guerre me lasse et me meurtri au point de me demander si je ne bascule pas dans la folie. J’ai tué bien plus d’innocents que d’hommes du camp adverse et on me répond à chaque fois que ce n’est pas bien grave, que c’est les aléas de la guerre. Je suis une mère, une femme, une épouse, et tuer ne fait pas partie de mes habitudes… je t’assure que j’ai du mal à me regarder dans un miroir tant la douleur de voir ce que je suis devenue n’est que meurtrissure… mais il ne s’agit point de moi mais de toi aujourd’hui… Ne sachant pas ce que sera demain pour moi, je te donne le nom d’une amie, une amie chère qui pourra toujours te prendre sous son aile le temps que le conflit cesse. Il s’agit de la baronne Adeline de Courcy que tous ici appelle Deedee. Tu verras c’est une gentille personne et qui restera en Normandie pour la défendre. Si je ne peux veiller sur toi Arthéos, Adeline le fera pour moi. Tu trouveras un foyer qui t’accueillera sans problème, d’ailleurs elle est prévenue de ta visite prochaine si tu peux bouger de Bayeux.

Ne prend aucun risque Arthéos, je t’en conjure. Je viendrais moi-même te chercher s’il le faut mais il est hors de question de perdre ta trace une seconde fois. Je veux encore t’entendre rire avec Bathilde, je veux encore te voir monter à cheval comme je te l’ai appris, je veux que Sigebert apprenne les étoiles avec toi mon ami…

Arthéos, je ne te demande aucune promesse sauf celle de prendre soin de toi en mon absence. Tu as encore beaucoup à accomplir et ta place n’attend que toi à mes côtés. Où que tu ailles, ne l’oublie jamais.

Avec toute mon amitié
Ana.lise.



La duchesse attendit que l’encre sèche puis enroula le vélin avant de le fermer de son scel privé. Il lui fut facile de trouver un messager pour faire porter ce pli chez le médecin de Bayeux. Les routes étaient plus paisibles que les semaines auparavant et il n’aurait aucun mal à distribuer ce courrier.

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Artheos



"Arthéos, debout ! Je me demande comment tu as pu servir des nobles en dormant autant. Allons lève-toi.

Le vieux médecin se tenait dans l'encadrement de la porte. Arthéos avait emménagé dans la chambre qu'il réservait à ses patients d'ordinaire. Engouffré dans ses couvertures, il tendit l'oreille et écouta le vieil homme. Il leva les yeux au ciel, soupira, et laissa retomber lourdement sa tête contre ses coussins. Voilà plusieurs jours qu'il était remis de ces blessures. Mais où aller ? Partout les soldats grouillaient, partout la guerre, partout la débauche ! Nulle part la certitude du pain le lendemain... Alors mieux valait rester chez un ami, ou du moins une connaissance, fusse-t-elle récente. Pour encourager Arthéos à se lever, le médecin ouvrit les volets de la chambre qui laissèrent entrer une multitude de rayons de soleil. Le beau temps appelait à être contempler. Frappé par la lumière, le domestique dut s'avouer vaincu. Il soupira à nouveau et s'assit sur son lit, les yeux dans le flou et fatigué. Il s'étira, bailla et regarda le médicastre.

"Cela pourra vous surprendre, mais ils m'aimaient beaucoup !

Il sourit. Amusé, le médecin émit quelques rires et se retira, non sans dire au valet que son petit-déjeuner était prêt et qu'une lettre était à nouveau arrivé pour lui. Ce fut l'élément déclencheur. Arthéos s'habilla rapidement, sauta dans ses chausses et atterrit dans la pièce principale de la masure où le vieil homme s'attelait déjà à couper quelques racines pour ses potions et autres décoctions de soins. Le jeune garçon s'avança et s'installa à l'unique table où un gros bol rempli de lait chaud l'attendait. Le médecin le puisait directement des vaches qu'il élevait pour combler ses petits revenus de soigneur de campagne. Arthéos s'aperçut que la lettre était là, devant le bol où son nom apparaissait en jolies lettres manuscrites. Quand il termina sa lecture, il fut content. Content de voir qu'elle était toujours en vie, content de voir qu'elle pensait à lui... mais malheureux qu'elle soit encore plus loin de lui... Le destin les séparait toujours un peu plus. Quelle tragédie ! Chagriné, il s'empara d'une plume, d'encre et d'un parchemin, avala une gorgée de lait et commença à rédiger, sous les yeux amusés du vieil homme.

"Rentre ta langue.
- Je ne l'ai pas sortie.
- Oh que si.

Arthéos hocha la tête et s'applica à nouveau, non sans regarder de temps à autre le vieil homme qui souriait devant la rédaction du domestique.

Citation:

Ma dame,

Jamais l'écriture n'aura autant affecté nos vies. Comme le dit mon médecin, en écrivant nous parlons sans être interrompus, n'est-ce point là l'essentiel ? Le temps passe, les journées défilent et se ressemblent. Hier semble aujourd'hui, comme ce jour ressemblera sans doute au suivant. Quelle est donc cette sensation d'épuisement, de fatigue et de découragement que j'éprouve ? Parfois j'en ai peur. Heureusement que le vieux soigneur m'écoute et me redonne la foi en Dieu et en moi chaque journée un peu plus.

Ainsi vous avez croisé à nouveau ce fieffé coquin de brigand ? J'espère que votre cousine sait ce qu'elle fait. Un jour ou l'autre, tout notre passé revient nous hanter et nous faire face. Je ne serai pas surpris que l'argenterie de Sa Grâce Maltea disparaisse brusquement et le voleur avec ! Et qui aura raison ? Le domestique qui devra faire silence mais qui n'en pensera pas moins !

Celui-ci m'aura au moins donné le sourire dans cette monotonie quotidienne. Quel renard ce fut quand je repense à lui... Mais mon sourire s'efface rapidement quand je relis vos lignes et que je constate votre éloignement de plus en plus conséquent. Dieppe, je ne sais même pas où cela se trouve. Je suis dans un labyrinthe où toutes les voies me sont obstruées. Alors je reste avec le médecin, espérant un jour vous voir franchir le pas de la porte, ou simplement le messager du prévôt... Mais rien, rien ne se passe. Les autorités sont lentes, la guerre dure, et ma tristesse perdure.

Si la baronne de Courcy m'accepte, je pourrais la servir le temps que tout s'estompe. Mais sera-t-elle jamais meilleure que vous ? J'en doute. Je donnerais tout pour être à la place de ce miroir qui vous fait tant vous haïr. Vous vous trouveriez ainsi face à moi seul, et vous pourrez lire dans mes yeux toute la bonté, la gentillesse, la sympathie et la douceur que vous possédez réellement et que je vois en vous.

Ma dame, soyez vigilante. Quant à moi, je chercherai la baronne, si le médecin me le permet car il s'avère très inquiet et très soucieux pour moi. Comme quoi, certaines personnes valent le détour et valent qu'on vive, qu'on parle et qu'on rie avec elles.

Qu'Aristote veille sur vous, [strike]le duc[/strike] et Sigebert.

Votre dévoué,
Arthéos.


Il hésita et raya finalement le duc de sorte qu'on ne puisse pas le lire. Il se mordit la lèvre et plia finalement le parchemin.

"Savez-vous où se trouve Dieppe ?
- A trois ou quatre jours d'ici, à la frontière entre Normandie et Artois. Pourquoi ?
- La duchesse est allée se battre là-bas. Trouverez-vous un messager ?
- Assurément.

Arthéos lui sourit.

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